Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Trump a trahi Israël — l’Iran a acquis un avantage secret, par Irina Alksnis

Un article excellent qui pose bien ce que nous tentons de faire comprendre à ceux qui selon des modalités diverses sont en retard d’une époque : à savoir quel ordre international le monde multipolaire cherche-t-il à imposer? Et qui s’installera de fait entre les tentatives au cœur de l’hégémon de constituer des espaces tendant vers la neutralité sans mécontenter le suzerain atrabilaire et ses guerriers par procuration, la pression des peuples contre la guerre et l’asphyxie du surarmement et la volonté stratégique de ceux qui de fait ont pris le leadership de cet ordre et donc de l’endiguement de l’hégémon ivre de puissance et folie paranoïaque. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop, pour histoire et societe)

https://ria.ru/20250624/preimuschestvo-2024978962.html

Le marché boursier a été le premier à « poser le diagnostic » de la réponse de Téhéran à la frappe américaine contre des sites nucléaires : alors que les missiles iraniens volaient encore en direction de la base militaire d’Al-Udeid au Qatar, les prix du pétrole avaient déjà commencé à chuter brutalement. Le marché a clairement interprété cet événement comme un acte symbolique (l’Iran ne pouvait pas ne pas répondre) avant une désescalade, et les événements qui ont suivi ont confirmé cette prévision.

Le monde a poussé un soupir de soulagement : il semble qu’une grande guerre au Moyen-Orient ne se produira pas cette fois-ci. Cependant, nombreux sont ceux qui sont mécontents, estimant que l’Iran a pris peur et fait preuve de faiblesse en ne répondant pas avec toute sa force aux actions vraiment révoltantes des États-Unis.

Pour comprendre les motivations de Téhéran, il faut répondre à la question principale : quel est l’objectif stratégique de l’Iran ? Et non, il ne s’agit pas du tout d’un désir de rabaisser les États-Unis ou de détruire Israël.

L’objectif stratégique de l’Iran est exactement le même que celui de la Russie, de la Chine, de la Turquie, de l’Inde et de dizaines d’autres pays : occuper une place digne dans le nouvel ordre mondial qui se forme actuellement, en remplacement du système unipolaire moribond. Mais pour y parvenir, le pays doit être puissant, développé et prospère.

La crise de l’hégémonie occidentale est allée si loin que ce processus est désormais manifestement irréversible. En conséquence, des conditions favorables se sont créées pour la majorité mondiale : en principe, elle n’a rien à faire pour détruire le monde unipolaire, le processus suit son cours naturel, et elle peut se consacrer à son propre développement, à la mise en place de nouveaux systèmes et structures, à investir dans sa croissance (plutôt que dans la destruction de ses concurrents géopolitiques).

Mais tout cela n’est bien sûr que théorie, car la réalité est bien moins rose.

Si les pays non occidentaux n’ont aucun intérêt à entrer en confrontation avec l’Occident, il en va tout autrement pour ce dernier. Ni les États-Unis ni leurs satellites ne parviennent à sortir de cette spirale infernale avec un programme positif. Ils voient donc leur chance de salut dans la confrontation négative : s’ils ne peuvent pas gagner la concurrence économique de manière honnête, ils vont exercer des pressions sur leurs adversaires à coups de sanctions et de droits de douane ; puisque nous perdons notre influence géopolitique, utilisons contre nos rivaux la tactique des mille coups pour les affaiblir et, avec un peu de chance, les détruire.

C’est précisément pour cette raison que tous les pays de la majorité mondiale évitent soigneusement tout affrontement direct avec l’Occident, résistant jusqu’au bout aux provocations. Seul notre pays fait exception, qui, après avoir adopté pendant de nombreuses années exactement le même comportement, a finalement lancé son opération militaire spéciale, mais cela s’est produit précisément parce que le processus autour de l’Ukraine avait été poussé à l’extrême par l’Occident et qu’il n’était plus possible de ne pas réagir. En conséquence, la Russie a réussi à renverser radicalement la situation et à l’utiliser pour faire un bond en avant, mais malheureusement, personne ne peut s’inspirer de l’exemple russe, car notre pays est unique par ses capacités d’autonomie et d’autosuffisance. Pour tous les autres pays (y compris la Chine), un conflit direct avec un Occident toujours puissant et influent signifierait un coup dur pour leur propre développement, l’épuisement de leurs ressources et, par conséquent, un affaiblissement de leur position sur la scène internationale à l’avenir.

Ce sont précisément ces considérations qui sous-tendent les actions de l’Iran : il est possible de reconstruire les centres scientifiques détruits, de remettre sur pied les usines, de former de nouvelles générations de scientifiques. Cela demandera du temps et des ressources, mais rien de critique, alors qu’une guerre totale ferait reculer le pays de plusieurs décennies et détériorerait radicalement ses perspectives d’avenir.

De leur coté, les actions des États-Unis montrent que la couronne impériale est devenu trop lourde pour eux : ils ont encore la force de frapper ici et là, mais ils n’ont plus vraiment envie ni la capacité de se battre pour de vrai.

Une dernière question reste en suspens : est-ce la fin ? La crise au Proche-Orient est-elle surmontée ?

La réponse est probablement non. Car le grand perdant dans toute cette affaire, c’est celui qui a organisé l’escalade actuelle et pour qui la guerre est devenue un moyen de survie politique. Il s’agit des dirigeants israéliens.

Au final, Tel-Aviv se retrouve avec un bilan très décevant : les frappes contre l’Iran ne surprennent plus personne depuis longtemps (même si les dernières ont été les plus puissantes), mais les tirs de missiles iraniens sur des villes israéliennes constituent une nouveauté fondamentale. Le « dôme de fer » est de moins en moins efficace, et le suzerain protecteur d’outre-mer préfère se contenter d’actions isolées, même si elles sont spectaculaires.

C’est dans cette nouvelle réalité qu’Israël doit désormais vivre.

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