Histoire et société

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Y a-t-il une internationale brune ? Une raison essentielle de soutenir la stratégie de Fabien Roussel, par Danielle Bleitrach

Dans la politique du PCF telle que l’exprime en particulier Fabien Roussel, il y a une constante à laquelle il faut prêter attention : le refus des communistes de voir l’extrême droite devenir l’arbitre de la vie politique française comme elle tend à le devenir en Europe et dans bien d’autres lieux de la planète en particulier au Moyen Orient. C’est même là le point qui les sépare le plus des insoumis et de Mélenchon, qui en ce moment semblent tout faire pour qu’interviennent des présidentielles qui donneront vraisemblablement le pouvoir à Marine Le Pen. Ce qui se passe au Moyen Orient et que nous analysons par ailleurs, comme en Ukraine est caractéristique de l’avancée de forces sectaires et violentes, pillardes et s’entendant sur le “libéralisme” même si tout cela parait être le produit de luttes religieuses. Y a-t-il une internationale brune ? Est-ce que ce chaos est en train de s’organiser, sur une forme mercenaire c’est indéniable mais la proposition de l’Argentin, l’accueil favorable que reçoit sa politique laissent percevoir une nouvelle phase encore marquée par des distinctions idéologiques et politiques par exemple entre protectionnisme et mondialisation, ce que représente déjà le couple Trump et Musk, mais aussi les atermoiements face aux BRICS. Voici le tableau et pourquoi il nous parait que le souci essentiel de ne pas laisser l’extrême droite arbitre de la vie politique française implique nécessairement la politique de classe et de souveraineté du PCF mais aussi une attention aux enjeux géopolitiques qui permettent de dépasser les obstacles liés à la domination d’un capital en crise profonde. (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete)

Quand Javer Milei a concouru avec sa tronçonneuse pour la présidences argentine, il a été accueilli par nos élites politico-médiatique comme son ami Bolsonaro, comme Trump lui-même et tant d’autres, avec un mélange d’ironie hautaine et d’opportunisme électoraliste : le fascisme grotesque, irrationnel était à nos portes, porté par une vile populace stupide et haineuse. Leur diabolisation qui allait de pair avec celle des dirigeants de l’alternative multipolaire permettait de rassembler autour d’une démocratie bon chic, bon genre se situant dans un “centre” improbable ceux qu’effrayaient ces “débraillés”. Déjà au niveau électoral on subodorait quelques couples organisant le show mais la suite confirme.

Partout ces personnages surfant sur le discrédit dans lequel était tombée l’alternative gauche et droite, l’affaiblissement voire la disparition des communistes avec l’apparition de mouvements dits radicaux mais sans base réelle autre qu’une petite bourgeoisie coupée du prolétariat, lui-même privé de ses organisations, et massivement jeté à la marge, ont suscité le mépris mais fait avancer les choix du capital financier et des marchands d’armes, l’imposition sans complexe de l’autoritarisme, de la guerre et de l’austérité jusqu’à l’invivable. La destruction des institutions étant autant utilisée que la manière de se mettre en embuscade derrière elles. Le recours à la loi martiale en Corée du sud a été un grand moment mais cela s’est accéléré avec l’élection triomphale de Trump avec la chute devant lui de tous les contrepouvoirs de la Constitution. Ne pas voir à quel point l”épisode français post-destitution fait partie d’un ensemble est un handicap. Les faits sont là, l’élection de Trump et son invraisemblable adoubement dans la grande messe de Notre Dame a témoigné d’un inquiétant ralliement non seulement de la France mais des élites occidentales “libérales”. Au même moment le FMI, les publications comme The Economist découvraient les vertus supposées de la politique de Javei Milei. Le deal qui était proposé à Trump et à ses disciples était : renoncez à votre protectionnisme, à votre défense absurde de la Russie et nous pourrons faire affaire, tous ensemble contre la Chine et les BRICS.

Zelenski et Macron sont venus pour passer le deal et offrir le désordre arbitré par l’extrême droite qu’ils avaient fait de leur propre pays au nom de la démocratie. Et le feu d’artifice, le bouquet est offert par Erdogan et le maître du genre : Netanyahou…

Au même moment, en effet, il se passait les événements de Syrie, dans lesquel Erdogan faisait jonction avec Israël et les Etats-Unis.

Alors doit-on considérer comme une cerise sur le gâteau la récente réunion à Buenos Aires de la Conservative Political Action Conference (CPAC), la très puissante et incontournable organisation des réactionnaires américains, qui devient de plus en plus internationale et radicale d’extrême droite, le trublion argentin a lancé un appel à la création officielle d’une internationale brune :

« Il est de notre devoir moral de défendre l’héritage de notre civilisation occidentale. L’Occident est en danger… Nous devons être unis, en établissant des canaux de coopération dans le monde entier. Nous pourrions nous appeler une internationale de droite, un réseau d’entraide composé de tous ceux qui s’intéressent à la diffusion des idées de liberté dans le monde ».

Cet appel à la fondation d’une Internationale d’extrême droite parait un peu celui des perdants, Marion Maréchal, les idéologues à la Steve Bannon, les Zemmour… pourtant il ne doit pas être négligé, non seulement parce qu’il a déjà des réalisations ne serait-ce que dans le mercenariat qui œuvre en Ukraine (la nation la plus représentée est la Colombie, pays de la drogue mais aussi celui des bases US et de tous les terroristes d’extrême-droite), mais parce que parmi ceux qui les ont applaudis, il y avait l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, le leader de Vox et des francistes espagnols Santiago Abascal, le stratège du néofascisme international Steve Bannon, et surtout la coprésidente du Comité national républicain et belle-fille de Donald Trump, Lara Trump. Il y avait également la Première ministre métafasciste italienne Giorgia Meloni et le Premier ministre hongrois Victor Orban, qui se sont déjà prononcées en faveur de la création d’une telle Internationale. Bon cela reste peut-être du folklore…

Mais comme l’ont noté les commentateurs, “Les grandes entreprises internationales montrent aujourd’hui un intérêt croissant, voire un soutien, pour Milei et ses idées, qui étaient jusqu’à récemment considérées comme farfelues et extrémistes. Prenons, par exemple, le journal britannique The Economist, fleuron de la presse financière internationale, qui n’a pas hésité, il y a quelques jours, à faire l’éloge de Milei et de ses « exploits » économiques. À tel point, en fait, que le même économiste est allé jusqu’à conseiller à Trump d’oublier son protectionnisme, de suivre l’exemple de Milei et d’appliquer au cours de sa nouvelle présidence la… thérapies de choc du président argentin très libertarien. Et pour être honnête, les éloges de The Economist semblent trouver un public, car la victoire de Trump signifie que Milei, jusqu’à récemment un fléau, gagne maintenant la faveur de la presse de droite des pays européens…” On voit que l’adoubement de Trump par Macron et Zelenski n’a rien d’un hasard, pas plus que le désordre que Macron est en train d’organiser en France et qui laisse en fait les pleins pouvoirs à lui ou à son successeur si le deal passé avec les marchés financiers leur convient.

Deux choses empêchent la jonction de toutes les forces de l’extrême droite : les politiques protectionnistes de Trump risquent de diviser l’extrême droite internationale, la rendant incapable d’unir toutes ses forces dans une seule Internationale. Par exemple, on voit mal comment l’union de l’Amérique de Trump et la Russie de Poutine qu’une partie des fascistes appelle de ses vœux au nom d’une Eurasie occidentale contre la partie asiatique et le reste du monde pourraient coexister longtemps dans la même Internationale, si Trump menace d’imposer des droits de douane de 100 % sur les produits des pays membres des BRICS, alors que ces mêmes pays sont tentés comme la Turquie d’Erdogan et d’autres par des politiques qui derrière la Russie sapent la suprématie du dollar, tandis qu’en suivant le nouveau maître à penser qu’est Milei qui s’oppose à tout protectionnisme, lui a refusé farouchement d’adhérer au BRICS parce que ce sont des “communistes”.

Il n’empêcher, la vague d’enthousiasme qui semble s’être emparée tout à coup des grands médias à l’égard de Milei et de sa politique économique alors que le peuple argentin vit une misère effroyable interroge. Mais comme elle est parallèle à l’acceptation de Trump avec l’idée qu’il va revenir à la raison libérale économique, l’Europe en particulier est en phase de conversion et le choix du Mercosur est logique.

L’unité idéologique n’est pas encore totalement réalisée mais celle des intérêts pousse dans le sens de l’autoritarisme parce que la véritable question est celle du mécontentement populaire, de ses forces organisées et ce qui s’est passé en Corée du sud est bien inquiétant pour le capital. Comme l’est le succès de la politique chinoise et des BRICS face à laquelle il ne reste plus qu’à organiser désordre et guerres.

Sans exclure l’importance des querelles religieuses, identitaires, quand celles-ci deviennent aussi confuses et inextricables qu’un affrontement au Moyen Orient ou dans les élections des “démocraties”, il faut avoir la rusticité de retourner aux intérêts et bien comprendre qui choisit de s’ouvrir au pillage qui s’y refuse, quel politique libérale les fous de dieu appliquent, et comment Assad a perdu son assise sur pareils critères. Ce que défend réellement Netanyahou et qui il favorise comme adversaire…

Le rêve d’installer un pouvoir en Russie qui serait totalement acquis au rêve ancien et complètement dépassé d’un néofascisme digne de Le Pen père a repris quelque espérance avec l’accession d’un Trump au pouvoir, avec Steve Bannon comme idéologue s’est effondré devant le partenariat stratégique avec la Chine et maintenant la Corée du nord. La jonction qui se prépare et à laquelle la réunion de Buenos Ayres prétendait donner aliment est juste bonne pour le recrutement des troupes mercenaires que l’on envoie créer l’horreur pour empêcher toute négociation, toute construction d’une alternative.

Il n’empêche que l’Europe, la France sont désormais aussi terre de chaos et plus la politique qui leur est imposée par leur vassalisation conduira vers le sous développement, plus les aspects idéologiques démagogiques de l’internationale noire couvriront les véritables processus à l’œuvre qui eux impliquent la guerre de tous contre tous.

C’est pour cela que nous répétons que ce qui nait dans le PCF, la volonté d’arracher la classe ouvrière et les couches populaires à l’abstentionnisme ou à la tentation de l’extrême droite non pas simplement dans des mises en garde qui ne représentent plus rien, mais en luttant contre la désindustrialisation, la politique réelle de ce qui nourrit l’extrême droite a besoin d’aller plus loin.

Un pas essentiel a été encore accompli dans le discours de Roussel quand il donne comme perspective le socialisme à la française. Maintenant il faut mesurer à quel point ce chemin qui est le seul à tenter d’arracher la France, et les Français, oui n’en déplaise à certaine “marxistes” dogmatiques et hors sol, la question de la souveraineté de la nation est la base de l’internationalisme comme elle l’est dans l’ordre multipolaire qui avec les BRICS mais pas seulement constitue la seule alternative crédible.

Danielle Bleitrach

PS : les événements autour du nouveau gouvernement, mais aussi le fait que le RN ait vu son candidat battu dans les Ardennes, dans une circonscription de droite n’est pas encore le signe d’un retournement de tendance, mais ces faits mériteraient d’être analysés comme les difficultés de l’extrême-droite à conserver son élan dans un contexte où sa complicité avec Macron devient chaque jour plus évidente. En ce sens encore la stratégie de Roussel est beaucoup plus démystifiante que celle de Mélenchon qui alimente l’extrême droite et divise tout rassemblement potentiel.

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4 Commentaires

  • Xuan

    Il y a une contradiction matérielle entre l’hégémonisme et le protectionnisme.
    Également entre le découplage et le développement des forces productives mondiales.
    Évidemment nous parlons de courants réactionnaires, sur le plan idéologique ils s’unissent fondamentalement contre le socialisme et un monde multipolaire et certains dénoncent avec incohérence
    le “mondialisme” et la gauche libérale, mais cette confusion provient de la contradiction fondamentale entre l’hégémonie US et le reste du monde.
    L’unité de l’hégémonie repose sur l’oppression, sur cette contradiction, et provoque inévitablement la division de son propre camp et l’accentuation des contradictions de classe.

    C’est cette raison aussi qui implique sa défaite finale et nous avons tout intérêt à la mettre en relief.
    L’avenir est un monde multipolaire et la fin de l’hégémonisme.

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  • Xuan

    Une illustration sur svpressa aujourd’hui :
    11 décembre 12:45
    Les autorités canadiennes réagissent aux « menaces » de Trump

    https://svpressa.ru/politic/news/441667/

    Les autorités canadiennes défendront vigoureusement les intérêts du pays à la lumière des commentaires du Président élu des États-Unis Donald Trump. C’est ce qu’a déclaré la ministre des Finances Christia Freeland, qui cite la chaîne de télévision CBC.

    Trump, sur fond de désaccords sur l’imposition éventuelle de droits de douane américains sur les produits canadiens, a maintes fois qualifié le Canada d’« État américain ». Cela semblait être une plaisanterie, mais Ottawa et les médias occidentaux ont pris ces mots au sérieux.

    La présidente du Conseil du Trésor et ancienne ministre de la Défense du Canada, Anita Anand, a déclaré que son pays était souverain. À la lumière des « menaces » de Trump, le gouvernement fera de son mieux.

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    • admin5319
      admin5319

      il ne faut pas non plus ignorer ce que ces oppositions sous la pression des véritables maitres du jeu sont en train d’évoluer…

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  • Xuan

    En effet, on n’oublie pas comment de nombreux souverainistes ont soudain pris partie pour “l’Empire” dès que Trump est arrivé au pouvoir. En 2020 ils ont soutenu sa guerre idéologique contre la Chine et ils recommenceront.
    Par contre s’agissant des intérêts matériels, l’hégémonisme crée parmi ses alliés quels qu’ils soient ses propres adversaires. L’Ukraine l’a payé du sang de son peuple. Milei en paiera le prix lui aussi, et c’est le fil sur lequel l’internationale brune fait le funambule.

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