Xuan nous propose deux articles très importants, qui font ressortir la lutte entre deux voies au sein du parti communiste, une lutte de classe qui existe aussi sous le socialisme. Mais ils permettent aussi de comprendre avec davantage de lucidité la division du mouvement communiste international. Cette division du mouvement international auquel Fidel Castro attribue la contre révolution qui a déferlé sur le monde d’une manière embryonnaire dès Khrouchtchev puis comme une vague à partir des années soixante et dix, ce qui correspond à la montée de l’euro communisme puis la déferlante de la chute de l’URSS. A propos de l’eurocommunisme, on ne peut qu’être frappé par la manière dont Lénine analyse dans Que faire? le rôle de la France, il note que l’économisme de Bernstein, qui ne cesse depuis des années d’expliquer qu’il n’y a plus besoin de révolution sociale puisque le capitalisme se transforme en socialisme voire directement en communisme, a créé les conditions de choix politiques de collaboration de classe. Et là il reprend l’idée de Marx, la France pays de la lutte des classes, à savoir la manière dont dans ce pays ce qui est théorisé ailleurs devient action. Il ne s’agit pas seulement de la capacité révolutionnaire, la France avec Millerand (et le syndicalisme révolutionnaire) est aussi le pays où les théories révisionnistes des “économistes” se réalisent avec la participation des communistes à un gouvernement bourgeois qui réprime les ouvriers et dont les “conquis” sont infimes, mineurs à ce que la lutte pourrait obtenir. Ce double éclairage sur la lutte des classes et notre pays restent à travailler en ce qui concerne le passé mais aussi le présent d’une participation gouvernementale. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Mao Zedong écrivait peu après la contre-révolution en Hongrie, qui avait trouve un écho jusqu’en Chine :
« Certaines personnes dans notre pays se sont réjouies des événements de Hongrie. Elles espéraient que des événements semblables se produiraient en Chine, que les gens descendraient par milliers dans la rue et se dresseraient contre le gouvernement populaire. De telles espérances sont contraires aux intérêts des masses populaires et ne sauraient trouver leur appui. En Hongrie, une partie des masses, trompée par les forces contre-révolutionnaires du dedans et du dehors, a eu le tort de recourir à la violence contre le gouvernement populaire, ce dont pâtirent l’Etat et le peuple. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les dommages causés à l’économie par quelques semaines d’émeutes. D’autres personnes dans notre pays ont pris une attitude hésitante à l’égard des événements de Hongrie, parce qu’elles ignorent l’état réel de la situation mondiale. Elles s’imaginent que sous notre régime de démocratie populaire, il y a trop peu de liberté, moins que dans le régime démocratique parlementaire d’Occident. Elles réclament le système des deux partis, tel qu’il existe en Occident, avec un parti au pouvoir et l’autre dans l’opposition. Mais ce système dit bipartite n’est qu’un moyen pour maintenir la dictature de la bourgeoisie, il ne peut en aucun cas garantir la liberté des travailleurs. En réalité, la liberté et la démocratie n’existent que dans le concret, et jamais dans l’abstrait. Dans une société où il y a lutte de classes, quand les classes exploiteuses ont la liberté d’exploiter les travailleurs, ceux-ci n’ont pas la liberté de se soustraire à l’exploitation ; quand la bourgeoisie jouit de la démocratie, il n’y a pas de démocratie pour le prolétariat et les autres travailleurs. Certains pays capitalistes admettent l’existence légale de partis communistes, mais seulement dans la mesure où elle ne lèse pas les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie ; au-delà de cette limite, ils ne la tolèrent plus. » [De la juste solution des contradictions au sein du peuple]
https://maozedong.fr/documents/juste.pdf
Staline exposait les caractéristiques de la transition du capitalisme au socialisme dans « Des principes du léninisme IV – la dictature du prolétariat» [Conférences faites à l’université Sverdlov au début d’avril 1924]. Il cite Lénine :
« La transition du capitalisme au communisme, dit Lénine, c’est toute une époque historique. Tant qu’elle n’est pas terminée, les exploiteurs gardent inéluctablement l’espoir d’une restauration, espoir qui se transforme en tentatives de restauration. A la suite d’une première défaite sérieuse, les exploiteurs qui ne s’attendaient point à être renversés, qui n’en croyaient rien et n’en admettaient pas l’idée, se lancent dans la bataille avec une énergie décuplée, avec une passion furieuse, avec une haine centuplée implacable à la bataille pour reconquérir le « paradis » perdu, pour leurs familles qui menaient une si douce existence et que, maintenant, la « vile populace » condamne maintenant à la ruine et à la misère (ou au « vil » labeur…). Et derrière les capitalistes exploiteurs se traîne la masse de la petite-bourgeoisie qui – des dizaines d’années d’expérience historique dans tous les pays en font foi – hésite et balance, qui aujourd’hui suit le prolétariat et demain, effrayée des difficultés de la révolution, est prise de panique à la première défaite ou demi-défaite des ouvriers, s’affole, s’agite, court d’un camp à l’autre [Lénine – La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky – t . XXIII, p335] ».
Et Staline poursuit :
La bourgeoisie a ses raisons de faire des tentatives de restauration, car après son renversement, elle reste longtemps encore plus forte que le prolétariat qui l’a renversée. Si les exploiteurs, dit Lénine, ne sont battus que dans un seul pays − et c’est là bien entendu le cas typique, la révolution simultanée dans plusieurs pays étant une rare exception − ils restent toutefois plus forts que les exploités [ibidem, p354] En quoi réside la force de la bourgeoisie renversée ?
Premièrement, « dans la force du capital international, dans les forces et la solidité des liaisons internationales de la bourgeoisie » [Lénine – La maladie infantile du communisme (« le gauchisme »), t. XXV, p.173].
Deuxièmement, dans le fait que « longtemps après la révolution, les exploiteurs conservent nécessairement une série de réels et notables avantages : il leur reste l’argent (impossible de le supprimer d’un coup), quelques biens mobiliers, souvent considérables ; il leur reste des relations, des habitudes d’organisation et de gestion, la connaissance de tous les « secrets » de l’administration (coutumes, procédés, moyens, possibilités) ; il leur reste une instruction plus poussée, des affinités avec le haut personnel technique (bourgeois par sa vie et son idéologie) ; il leur reste une expérience infiniment supérieure de l’art militaire (ce qui est très important), etc., etc. [Lénine – La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky – t . XXIII, p354].
Troisièmement, « dans la force de l’habitude, dans la force de la petite production, car, malheureusement, il reste encore au monde une très, très grande quantité de petite production ; or, la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions »… car « supprimer les classes, ce n’est pas seulement chasser les grands propriétaires fonciers et les capitalistes − ce qui nous a été relativement facile − c’est aussi supprimer les petits producteurs de marchandises ; or, ceux-ci on ne peut pas les chasser, on ne peut pas les écraser, il faut faire bon ménage avec eux. On peut (et on doit) les transformer, les rééduquer – mais seulement par un très long travail d’organisation, très lent et très prudent [Lénine – La maladie infantile du communisme (« le gauchisme »), t. XXV, p.173 et 189]. »
Khrouchtchev nia la nécessité de la dictature du prolétariat en URSS, où l’Etat serait devenu un ‘”Etat du peuple tout entier” et le parti communiste un “parti du peuple tout entier”. Il proclamait alors l’entrée de l’Union soviétique dans la phase de l’édification en grand de la société communiste. “…nous construirons la société communiste pour l’essentiel en 20 ans”.
[Rapport sur le programme présenté par Khrouchtchev au XXIIe Congrès du PCUS]
L’abandon de la dictature du prolétariat, la théorie de la coexistence pacifique de Khrouchtchev, et la position de « parti père » du parti soviétique dans le mouvement communiste international initièrent la scission du mouvement communiste international, qui culmina lors déploiement de troupes soviétiques sur l’Oussouri en 1969.
Les graves excès de la révolution culturelle avaient aussi poussé cette division à un point de non retour en considérant que la restauration du capitalisme était achevée en URSS depuis Khrouchtchev et qu’elle s’était muée en « social-impérialisme » et « social-fascisme », ce qui ne correspondait pas aux faits.
Simultanément en Chine même, la révolution culturelle confondait les contradictions au sein du peuple et celle avec l’ennemi, prenait pour cible le parti communiste et créait un double pouvoir, en contradiction avec la pensée maozedong elle-même y compris dans les citations du petit livre rouge qu’avaient brandi les gardes rouges.
L’étude des successeurs de Khrouchtchev montre que la restauration du capitalisme n’était pas acquise et que le parti soviétique possédait encore des ressources pour rectifier les erreurs.
On remarque que la restauration de l’ordre ancien lorsqu’il se produit est un processus temporaire et parfois chaotique. L’histoire de notre pays l’a montré à plusieurs reprises lors de la révolution bourgeoise.
On ne peut pas anticiper sa durée lorsqu’elle survient, mais cet épisode doit nécessairement s’effacer devant le cours de l’histoire, et c’est l’aspect principal de cette lutte.
PS . je rappelle un des nombreux articles que nous avons écrit sur le sujet :
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