Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La “saucisse de foie” de Scholz n’a pas été du goût de Pékin, par Dmitri Rodionov

Olaf Scholz qui avait annoncé sa volonté de peser sur la relation Chine -Russie a reçu un accueil pour le moment tiède avec protocole réduit, mais si durant la visite l’insolent sait rester à sa place il sera toujours possible qu’il bénéficie d’une rencontre de plus haut niveau. Il y a un côté dérisoire et outrancier dans la prétention des européens à vouloir influer sur la politique de la Chine. Cet interview à bien des égards remarquables dit que si la Chine ne se laisse pas influencer sur ses relations avec la Russie, c’est que comme nous ne cessons de l’analyser dans ce blog elle a tout intérêt à avoir la Russie à ses côtés en Asie centrale, en Afrique et dans le monde. Il s’agit d’une relation équilibrée au niveau des avantages mutuels. (note de danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/politic/article/411948/

Le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré que lors de sa prochaine rencontre avec le président chinois Xi Jinping, il demandera qu’aucune aide militaire ne soit apportée à la Russie dans le cadre du conflit en Ukraine.

“J’insisterai sur le fait que personne ne doit contribuer au succès de cet événement. C’est pourquoi nous demandons à tout le monde de ne pas contourner les sanctions et de ne pas fournir d’armes”, a-t-il déclaré.

Selon Bloomberg, M. Scholz souhaite évaluer la volonté de Pékin d’user de son influence auprès de la Russie et de se joindre aux efforts internationaux visant à organiser un sommet de paix sur l’Ukraine en Suisse.

M. Scholz est arrivé en visite officielle en Chine le 14 avril. Il s’agissait de sa deuxième visite en tant que chef du gouvernement allemand et de la première visite d’un dirigeant occidental en Chine en 2024. Le 16 avril, le chancelier s’entretiendra à Pékin avec le président chinois Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang du Conseil d’État.

Il est intéressant de noter que le plus haut fonctionnaire qui l’a accueilli à son arrivée était le maire adjoint de Chongqing. S’agit-il d’une violation délibérée du protocole diplomatique ou simplement d’un signal indiquant que Pékin n’est pas intéressé par tout ce que M. Scholz est venu chercher ?

Est-il venu de sa propre initiative ? Et sur quoi compte-t-il ?

Vsevolod Shimov, conseiller du président de l’Association russe d’études baltes, estime que les paroles de Scholz sont une incantation rituelle traditionnelle, sans laquelle aucune visite à l’étranger de dirigeants européens n’est complète.

– Scholz n’est pas une personnalité capable d’influencer la politique étrangère de la Chine. La Chine et l’Allemagne se situent dans des territoires de poids différents sur la scène mondiale, de sorte que Berlin peut dicter et imposer quelque chose à Pékin.

“SP : Quel type d’assistance militaire ou à double usage la Chine fournit-elle à la Russie ?

– La Chine ne fournit pas d’assistance militaire directe à la Russie – en tout cas, ce n’est pas rendu public. Mais le soutien de la Chine est très important, tout d’abord du point de vue du remplacement des liens économiques et technologiques perdus avec l’Occident.

La présence de la Chine en tant que centre économique alternatif a fait échouer les tentatives d’étranglement de la Russie à l’aide de sanctions. C’est ce qui provoque le mécontentement de Scholz, l’un des dirigeants occidentaux.

SP : Scholz ne peut faire que demander ? Quelle influence a-t-il sur la Chine ?

– Scholz ne peut même pas demander, mais seulement exprimer son opinion, dont Pékin “prendra note”.

Même les États-Unis craignent d’entrer en guerre avec la Chine, sans parler de l’Allemagne. La dépendance de l’économie mondiale à l’égard de la Chine est telle que toute tentative de sanction ou autre forme de pression reviendra en boomerang à ses auteurs.

SP : Scholz, qui s’est envolé pour la Chine, n’a été reçu que par le vice-maire de Chongqing. Alors que Poutine est toujours reçu par Xi. S’agit-il d’une allusion subtile de Pékin : vous n’êtes rien du tout ici et vous ne nous intéressez pas ?

– C’est exactement ce qu’il en est. La Chine a démontré qu’elle considère M. Scholz comme un personnage mineur avec lequel personne ne discutera des questions de politique mondiale, et encore moins ne coordonnera ses actions.

SP : Pourquoi la Chine soutient-elle la Russie ? Jusqu’où est-elle prête à aller dans ce soutien ? Quelle est l’importance de ses relations avec l’UE (et plus particulièrement avec l’Allemagne) à cet égard ?

– L’intérêt de la Chine est d’avoir une grande puissance amie à ses côtés et de ne pas laisser l’Occident l’étrangler en créant une chaîne de régimes hostiles le long de ses frontières. La Chine entretient déjà des relations tendues avec le Japon, la Corée du Sud et l’Inde, dont les États-Unis profitent activement. Une Russie amicale est un véritable cadeau pour la Chine.

En outre, l’alliance entre la Chine et la Russie empêche l’Occident de s’immiscer trop profondément en Asie centrale. Cela profite à la fois à Moscou et à Pékin. L’UE est un partenaire économique important pour la Chine, mais pas plus. La Chine n’a pratiquement pas de zones de chevauchement d’intérêts géopolitiques avec l’Europe, ce qui constitue une différence fondamentale par rapport aux relations entre les États-Unis et la Chine.

Cela signifie que les relations avec l’Europe peuvent être très pragmatiques si l’UE n’interfère pas dans les affaires internationales de la Chine. L’humiliation délibérée de M. Scholz est précisément une manifestation d’irritation à l’égard du ton moralisateur que les dirigeants européens affectionnent tant.

– L’aide de la Chine à la Russie comprend des produits microélectroniques (principalement des micropuces), des équipements de télécommunication et de navigation, des dispositifs de suppression des signaux radio et des pièces d’avion”, explique l’expert militaire et politique Vladimir Sapounov.

– La Chine ne fournit pas d’assistance militaire directe à la Russie, mais n’oublions pas qu’au début de l’Opération spéciale, il n’y avait pratiquement que des drones chinois dans la zone de combat. À bien des égards, ils nous ont aidés à établir notre propre production. L’ennemi dispose également de drones chinois, mais ils n’ont pas joué un tel rôle pour lui, car l’Occident, la Turquie et Israël l’ont aidé à se doter de drones. Et pour nous, c’était très important. Comme les gilets pare-balles chinois au début de l’opération militaire spéciale.

La Chine importe également des machines-outils qui contribuent à la production de missiles balistiques. En 2023, les livraisons de machines-outils s’élèvèrent à environ 900 millions de dollars. Des travaux conjoints sont également menés dans le domaine de la reconnaissance par satellite et d’autres moyens de guerre spatiale. Sans oublier les excavateurs, les camions, etc.

SP : Dans quelle mesure cette aide est-elle liée aux sanctions ? Comment sont-elles contournées ?

– La Chine n’a pas imposé de sanctions à la Russie et ne les soutient pas. Mais elle essaie de traiter cette question avec prudence, car les relations commerciales avec l’UE sont également importantes pour Pékin. Dans le même temps, la Chine n’a pris aucun engagement à l’égard de la Russie et n’a donc rien à démontrer.

Il ne lui reste plus [à Scholz, NdT] qu’à exprimer son inquiétude, comme cela a été fait en décembre dernier lors du sommet UE-Russie. Ainsi, des entreprises privées chinoises nous vendent tranquillement les produits technologiques nécessaires, et l’Occident ne peut qu’exprimer son irritation.

SP : Quelle est l’importance de cette aide pour nous ? Y a-t-il quelque chose pour la remplacer ?

– L’assistance est très importante, mais les fournitures vont progressivement diminuer, comme cela s’est produit avec les drones. Nous avons la technologie, nous avons appris à le faire nous-mêmes, nous n’avons plus besoin d’aide.

SP : M. Scholz peut-il faire pression sur la Chine ?

– L’Union européenne est le deuxième partenaire commercial de la Chine après les Etats-Unis. En 2023, le chiffre d’affaires s’élevait à 782,9 milliards de dollars, contre 240,11 milliards de dollars pour la Russie, mais avec cette dernière, il a augmenté de 26 % en un an, alors qu’avec l’UE, il a diminué de près de 10 %.

Bien entendu, la Chine a beaucoup à perdre avec l’UE. En outre, les exportations de la Chine vers l’UE dépassent le flux inverse de 200 milliards de dollars par an. C’est pourquoi la fourniture de produits à double usage se poursuit tranquillement.

D’autre part, l’UE accuse constamment Pékin d’empêcher artificiellement les produits européens d’entrer sur les marchés chinois. Des guerres commerciales ont régulièrement lieu entre l’UE et la RPC. En janvier dernier, Ursula von der Leyen a menacé de fermer l’accès des médicaments chinois au marché de l’Union européenne. Depuis, le marché chinois est fermé aux produits médicaux de l’Union européenne.

Mais l’UE ne peut pas se passer des produits chinois, car cela réduirait fortement l’offre et augmenterait les prix au sein de l’UE. Parallèlement, la Chine a fortement augmenté ses importations de biens de consommation en Russie, profitant du retrait des entreprises occidentales de nos marchés. Il s’agit notamment de voitures, d’appareils électriques, de smartphones, de produits alimentaires, de tabac et d’autres biens de consommation.

SP : Quel est l’intérêt de la Chine à soutenir la Russie ? Combien de temps est-elle prête à le faire et est-elle prête à sacrifier quelque chose pour cela ?

– La position de la Chine à l’égard de la Russie est très réfléchie et calibrée. La Chine considère certainement les États-Unis comme son principal ennemi et voit la Russie comme son allié. C’est pourquoi la Chine considère les liens politiques et militaires avec Moscou comme une priorité. En outre, l’amitié avec la Russie ne pose pas de problème particulier à Pékin, compte tenu de la puissance de l’économie chinoise et de sa capacité à parler à l’Occident en position de force et de confiance.

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