Cette analyse montre à quel point la Russie a choisi la retenue par rapport à ce qui serait la stratégie des USA et de l’occident, d’Hiroshima à Dresde et aujourd’hui à Gaza… Nul ne se fait plus d’illusion sur la nature du pari perdu en Ukraine comme dans bien d’autres lieux de la planète, cependant faire durer l’épuisement et l’autodestruction est une stratégie de l’hégémonie US qui n’a pas la capacité de vaincre mais peut partout occasionner des dégâts parfois irréversibles ou du moins dans les décennies à venir. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Même si le système HAWK est remis à neuf, ce n’est pas suffisant pour sécuriser les installations vitales, les fortifications du champ de bataille Par STEPHEN BRYEN 11 AVRIL 2024
De leur propre aveu, les Ukrainiens ont désespérément besoin de défenses aériennes. La plupart des systèmes haut de gamme précédemment livrés par les États-Unis et l’Europe ont été détruits ou sont à court de missiles intercepteurs.
L’OTAN est à la recherche de missiles de remplacement et de pièces détachées pour le système de défense aérienne Patriot. L’Allemagne, ainsi que d’autres pays européens, affirme qu’il n’y a pas de missiles intercepteurs disponibles pour les systèmes Patriot en Ukraine. Pendant ce temps, la Norvège a promis plus de NASAMS, mais ils doivent être construits. L’Europe a remis son stock de missiles IRIS-T et les nouveaux ne seront pas disponibles avant 2025 au moins.
Aujourd’hui, les États-Unis ont annoncé qu’ils fourniraient 138 millions de dollars dans le cadre d’une vente d’urgence pour entretenir et réparer les systèmes de défense aérienne HAWK précédemment livrés à l’Ukraine.
Une vente d’urgence se fera probablement sous forme de prêt à crédit, avec peu de chances que l’Ukraine paie un jour pour la transaction. Finalement, il est probable qu’il soit financé par le programme gargantuesque d’aide à l’Ukraine de 60 milliards de dollars qui attend l’approbation de la Chambre des représentants.
L’Ukraine dispose de la phase III améliorée de HAWK. Les États-Unis ont approché Taïwan et Israël pour I-HAWK (signifie amélioré HAWK). Taïwan a décidé d’abandonner ses HAWKS. Israël a déclaré que ses HAWKS étaient en très mauvais état et qu’ils n’étaient pas opérationnels. L’Espagne a d’abord fourni son système HAWK Phase III à l’Ukraine, puis a accepté de fournir six autres systèmes.
En lisant entre les lignes, soit les HAWKS d’origine espagnole envoyés en Ukraine ont été endommagés ou détruits, soit la plupart d’entre eux ne sont plus opérationnels. Dans le cas contraire, le département d’État n’insisterait pas sur une vente « d’urgence » de réparations, de composants et de missiles à l’Ukraine. (Gardez à l’esprit que les pièces « usagées » seront facturées à des prix avantageux pour le sous-sol.)
Le HAWK est un système de défense aérienne semi-mobile qui date des années 1950. Le HAWK original utilisait des tubes à vide et des ordinateurs analogiques. Les HAWKS modernisés sont équipés d’ordinateurs numériques et de radars partiellement numérisés.
HAWK nécessite trois radars : un radar de surveillance pour localiser les menaces entrantes, un radar d’éclairage pour verrouiller une menace spécifique et un radar semi-actif embarqué dans chaque missile pour le guider vers sa cible. Chaque intercepteur est doté d’une grande ogive à fragmentation.
Les États-Unis ont retiré leur dernier I-HAWK, utilisé par les Marines, en 2003. Taïwan a mis hors service son système HAWK Phase III il y a quelques années, remplaçant le HAWK par un système de défense aérienne indigène appelé Sky Bow III (Tien Kung). Israël remplace HAWK par la Fronde de David.
Le département d’État affirme que les systèmes HAWK en Ukraine ont besoin de réparations et de remise à neuf. Le ministère indique également que les pièces et les missiles de remplacement proviendront d’anciens stocks aux États-Unis et à l’étranger ou que de nouvelles pièces devront être fabriquées.
De nombreux composants semi-conducteurs de HAWK datent des années 1980, ce qui signifie que la plupart des composants sont des circuits intégrés à moyenne échelle qui sont pour la plupart hors production. Il y a peu de chances qu’une fonderie soit disposée à fabriquer des poignées de ces pièces, de sorte que les ordinateurs, les composants de guidage, le système de contrôle de tir, les radars et l’électronique embarquée pourraient être problématiques pour le processus de remise en service de ces anciens systèmes. Il se peut que certaines pièces puissent être récupérées dans des systèmes qui ne fonctionnent pas.
Les États-Unis n’ont jamais tiré avec un système HAWK ou I-HAWK au combat. Cependant, des alliés et des amis clés les ont utilisés. Même l’Iran, qui a HAWK (envoyé là-bas à l’époque du Shah) et a construit sa propre version, les a utilisés. Le Koweït les a également utilisés contre l’Irak, mais les systèmes koweïtiens ont été détruits ou capturés par l’Irak. Israël a également utilisé le HAWK au combat.
On ne sait pas exactement à quel point HAWK est efficace contre les menaces modernes. Le Pentagone affirme que le HAWK est nécessaire contre les menaces volant à basse altitude telles que les drones. Bien que les radars de HAWK aient été améliorés pour les rendre moins sensibles à l’encombrement du sol qui peut obscurcir la signature radar d’un drone volant à basse altitude, personne ne peut dire si le système peut détecter et suivre avec précision les drones « en plastique ».
Au-delà du problème de la gestion des menaces singulières, la capacité de HAWK contre des essaims de drones, ou des menaces mixtes qui incluent des drones, des missiles de croisière, des bombes planantes et des menaces de missiles ultra-rapides n’est pas claire.
On pense généralement que la capacité de destruction du HAWK contre les avions est supérieure à 85 % s’il est tiré en tandem (deux missiles par cible). Cependant, la façon dont HAWK se comporterait contre les missiles balistiques tactiques ou les drones n’est pas claire.
Les missiles HAWK modernisés ont une portée comprise entre 28 et 31 miles, ce qui en fait un système de « moyenne portée ». Les bombes planantes guidées russes (UMPK) ont une portée d’environ 40 km, de sorte que les Russes peuvent lancer ces bombes en multiples contre les batteries HAWK avec un certain espoir de succès. Si la Russie utilise un missile hypersonique, il est peu probable que le HAWK survive.
Les Ukrainiens sont surtout préoccupés par la protection des villes clés, en particulier Kiev. Si l’on se fie aux attaques aériennes russes sur d’autres villes (Odessa, Kharkiv), il n’y a pas de défenses aériennes efficaces à ces endroits. Les Ukrainiens ont utilisé des Patriots dans leur contre-offensive l’été dernier, mais selon les rapports, au moins un des Patriots a été détruit – si ce n’est deux. Plus récemment, au moins un système Patriot a été détruit autour de Kiev.
Les défenses aériennes sont nécessaires pour protéger les infrastructures critiques et sur le champ de bataille pour arrêter les attaques aériennes. Même si le système HAWK en Ukraine est remis à neuf dans les mois à venir, ce n’est pas suffisant pour sécuriser les installations vitales et les fortifications du champ de bataille.
En fin de compte, l’Ukraine ne dispose plus de défenses aériennes efficaces capables de protéger les infrastructures critiques ou d’arrêter les avions russes sur le champ de bataille ou à proximité. L’Ukraine se débarrassera de F-16 vieux et usagés d’ici juillet, mais on peut douter qu’ils puissent vraiment faire la différence ou échapper aux systèmes de défense aérienne russes. En l’absence de défenses aériennes efficaces, la Russie domine l’espace aérien de l’Ukraine.
Stephen Bryen a été directeur du personnel du sous-comité du Proche-Orient de la commission des relations étrangères du Sénat américain et sous-secrétaire adjoint à la Défense pour la politique.
Cet article a été publié pour la première fois sur son sous-stack Weapons and Strategy et est republié avec autorisation.
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