Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les gouvernements européens exigent un développement massif de leur armement suite aux menaces de Trump de priver de soutien des membres de l’OTAN

Si nous ne sommes pas convaincus que l’issue nécessaire soit la quatrième internationale, nous sommes en revanche tout à fait convaincus de la pertinence de cette analyse concernant le petit jeu auquel se livrent les gouvernement européens et Macron en tête. Pourquoi d’ailleurs ce dernier ce gênerait-il quand la servilité de la gauche et de la presse jadis communiste en est aujourd’hui à lui offrir une tribune dans l’Humanité alors que l’on ne verra pas dans ce journal, ni malheureusement chez les dirigeants communistes une analyse de classe comparable à celle-ci. Que l’on se rassure les trotskystes ne se sont pas emparés du PCF et de l’Humanité, c’est directement la maison mère, l’OTAN, l’UE des marchés financiers et des marchands d’armes qui gèrent la boutique, pas le moindre espace pour une politique de gauche. (note et traduction de Danielle Bleitrach)

Peter Schwarz 17 février 2024
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, à droite, s’entretient avec des soldats lors d’une visite au bataillon de chars 203 de la Bundeswehr à la caserne du maréchal Rommel à Augustdorf, en Allemagne, le mercredi 1er février 2023. [AP Photo/Martin Meissner]

Les pouvoirs européens ont répondu aux menaces de Donald Trump de retirer la protection militaire américaine aux pays de l’OTAN qui ne dépensent pas assez pour leur réarmement par un véritable déchaînement d’hystérie guerrière. Les exigences vont de l’autonomie militaire au développement d’un système d’armement nucléaire européen indépendant.

Lors d’un meeting de campagne électorale, Trump a déclaré qu’en tant que président, il n’aiderait pas les membres de l’OTAN qui n’investissaient pas au moins 2% de leur produit intérieur brut dans l’armée en cas d’attaque russe. Il a ajouté: « Je vais même encourager la Russie à faire ce que bon lui semblera ».

Les gouvernements européens ont réagi à ces commentaires en accélérant encore leur réarmement et en préparant une guerre nucléaire contre la Russie, contre laquelle ils mènent déjà une guerre par procuration en Ukraine.

Depuis plus d’une décennie, les principales puissances européennes, l’Allemagne en tête, ont mis en œuvre un programme de réarmement militaire en vue de mener une guerre contre de « grandes puissances ».

Mais en réponse aux commentaires de Trump, les politiciens européens ont exigé que cela aille encore plus loin. Ils parlent ouvertement de la militarisation de l’ensemble de l’économie, de l’instauration de la conscription et maintenant aussi de la possibilité d’une arme nucléaire européenne.

Cela mène tout droit à la guerre contre la classe ouvrière, à la répression étatique et à la réaction d’extrême droite. Cela ne peut être mis en œuvre démocratiquement. Cette politique provoquera une intensification de la lutte des classes, associée à la résistance de masse à l’impérialisme comme on l’a déjà vu dans les manifestations contre le génocide à Gaza.

Dans un article publié dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le ministre allemand des Finances et dirigeant du parti libéral (FDP) Christian Lindner, a appelé au développement d’armes nucléaires européennes communes, ce qui ferait de l’Allemagne une puissance nucléaire pour la première fois de son histoire. À ce jour, il n’y a sur le sol allemand que des armes nucléaires entreposées par les États-Unis et c’est le gouvernement américain qui décide de leur utilisation.

Lindner a proposé de répondre aux offres de coopération du président français Emmanuel Macron et de faire des forces nucléaires stratégiques de la France et de la Grande-Bretagne la base d’un arsenal nucléaire européen.

Dans le même temps, Lindner a clairement indiqué que cela était lié à une déclaration de guerre à la classe ouvrière, qui devait supporter le coût du militarisme. « Les “dividendes de la paix” du passé ont été utilisés, en particulier, pour développer l’État social », écrit-il. « Aujourd’hui, nous sommes au début de l’ère de l’“investissement pour la liberté”, c’est pourquoi un changement de direction est nécessaire ».

Katarina Barley, vice-présidente du Parlement européen et candidate principale des sociaux-démocrates allemands aux élections européennes, de même que Manfred Weber, chef de file allemand du groupe conservateur au Parlement européen, ont eux aussi évoqué le développement d’armes nucléaires européennes indépendantes. « Sur la voie d’une armée européenne, cela aussi peut être discuté », a déclaré Barley au Tagesspiegel.

Lors de sa visite inaugurale à Paris, le Premier ministre polonais Donald Tusk a appelé les hommes politiques et les sociétés européennes à se réveiller. L’Europe avait besoin d’une politique de défense commune et devait devenir un continent fort, a-t-il affirmé. Lors de sa visite ultérieure à Berlin, Tusk a déclaré que l’offre de Macron d’européaniser les armes nucléaires françaises devait être prise « très au sérieux ». Il n’y a « aucune raison pour que l’Union européenne soit militairement plus faible que la Russie ».

D’autres considèrent qu’il n’est pas tactiquement judicieux de soulever aussi ouvertement la question d’un arsenal nucléaire européen indépendant à ce stade, compte tenu de la supériorité de la Russie dans le domaine des armes nucléaires – elle possède près de 6.000 ogives nucléaires, tandis que la Grande-Bretagne et la France en ont environ 500 à elles deux – et préconisent plutôt un réarmement conventionnel accéléré dans un premier temps.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a mis en garde contre toute atteinte à la crédibilité de la dissuasion nucléaire de l’OTAN, d’autant plus que le parapluie nucléaire américain pour l’Europe était à peu près la seule chose qui n’ait pas encore été remise en question dans les documents stratégiques du camp Trump. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a également qualifié le débat nucléaire de « dernière chose dont nous ayons besoin aujourd’hui ». Il s’agissait d’une « discussion complexe qui ne devrait pas même être commencée ».

Mais il s’agit là de différences tactiques. Sur les questions du réarmement, de la guerre et de la lutte des classes, l’ensemble de la classe dirigeante européenne est d’accord. En marge d’une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN tenue jeudi à Bruxelles, Pistorius a affirmé que l’Allemagne jouait un rôle de premier plan dans l’OTAN et devenait la « colonne vertébrale » et la « plaque tournante logistique » de la défense de l’Europe. Pour la première fois, son pays avait dépassé l’objectif des 2% de dépenses militaires, s’est-il vanté. À partir de l’année prochaine, il fournirait à l’alliance 35.000 soldats déployables ainsi que 200 avions et navires de guerre.

D’autres membres européens de l’OTAN augmentent également leurs dépenses militaires. Dix-huit des 31 membres ont atteint l’objectif de 2%. Il y a dix ans, seuls trois d’entre eux l’avaient fait. Et ce n’est là qu’un début. L’industrie européenne de l’armement est elle aussi massivement agrandie pour qu’elle puisse à nouveau produire des munitions et des armes à grande échelle.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a l’intention de présenter dans le courant du mois un plan visant à soutenir l’industrie européenne de la défense à l’aide de milliards d’euros d’argent du contribuable et à la regrouper par-delà les frontières.

Les menaces de Trump ne font que fournir l’opportunité pour déclencher une nouvelle escalade dans la spirale du réarmement. Certains commentaires ont donc salué les déclarations de Trump comme un « appel au réveil ». Politico, qui appartient désormais à la maison d’édition allemande Springer, a par exemple publié un article cynique ayant pour titre « Donald Trump vient de faire une faveur à l’Europe », où l’on peut lire: « Le coup de tonnerre de Trump devrait aider à recentrer la boussole stratégique de l’Europe ».

La revue britannique International Affairs a qualifié les commentaires de Trump d’« appel au réveil pour les dirigeants européens et en particulier ceux de Berlin, Londres et Paris… Si Donald Trump ne peut pas unir les dirigeants européens dans la défense de l’Europe, il n’y a vraiment que peu d’espoir ».

Le réarmement européen n’est pas seulement dirigé contre la Russie. Même si les pouvoirs européens de l’OTAN collaborent encore étroitement avec les États-Unis, ce sont des rivaux économiques et géopolitiques. Les deux parties ont imposé pendant la présidence de Trump des mesures de guerre commerciale l’une contre l’autre, qui n’ont jamais été complètement levées avec Biden. Et de vives tensions couvent également entre les pouvoirs européens eux-mêmes.

Des politiciens allemands de premier plan – l’ex-ministre des Affaires étrangères et actuel président allemand Frank-Walter Steinmeyer et l’ex-ministre de la Défense Ursula von der Leyen en tête – ont déjà exigé il y a dix ans que l’Allemagne abandonne sa « retenue militaire », devienne la première puissance d’Europe et joue à nouveau dans le monde entier un rôle politique et militaire correspondant à son poids économique. La même année, ils ont soutenu le coup d’État droitier de Kiev, qui a ouvert la voie à la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Les États-Unis, l’UE et ses États membres ont financé et contrôlé militairement la guerre avec des centaines de milliards de dollars.

L’appel à l’autonomie militaire et nucléaire montre que les pouvoirs européens, tout comme les États-Unis, ne reculeront devant rien pour atteindre leurs objectifs impérialistes, pas même devant une guerre nucléaire qui dévasterait l’Europe et menacerait la survie de l’humanité. Ce qui les pousse – comme dans la Première et la Seconde Guerre mondiale – c’est la crise insoluble du système capitaliste, qu’ils tentent de résoudre en redivisant le monde par la force et en déclarant la guerre à leur propre classe ouvrière.

Il n’y a qu’un seul moyen d’arrêter la guerre, qui est soutenue par tous les partis bourgeois y compris la « gauche » de nom et les syndicats : la mobilisation indépendante et l’unification de la classe ouvrière européenne, américaine et internationale dans la lutte contre les coupes sociales, la dictature et la guerre. Cette lutte doit être basée sur un programme socialiste visant à renverser le capitalisme. C’est le programme défendu par le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections.

(Article paru en anglais le 16 février 2024)

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