Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Pas un “complot” mais un choix de caste : 2024 ou la chute de la “démocratie” oligarchique

“Les éléments que j’ai c’est qu’il y a une chute démographique, il va y avoir 300 – 400 000 élèves en moins dans nos écoles dans les années qui viennent. […] Moi président de la République je dirai ‘profitons-en pour maintenir les effectifs, diviser le nombre d’élèves par classe’. (…) Il y a un problème dans l’école privée : ils ont peur que leurs entreprises – les écoles privées c’est un modèle économique – ils ont peur que les écoles privées se retrouvent demain avec moins d’élèves et qu’elles ne tournent plus, a expliqué Fabien Roussel. Selon la patron du parti communiste français, le gouvernement chercherait à rendre l’école publique “moins attractive” et l’école privée “très attractive”. Une remarque qui a interpellé Anne-Elisabeth Lemoine. “Vous avez le sentiment que c’est ce qu’a fait Gabriel Attal depuis qu’il est au ministère de l’Éducation nationale ?”, a-t-elle demandé. “Oui et je vais vous dire pourquoi”, a continué Fabien Roussel. “Il sabote l’école publique sciemment ?”, a demandé la présentatrice, dubitative. 

Cet échange sur un plateau de télévision français témoigne de la manière dont grâce à des spécialistes du “complotisme” érigés en “penseurs politiques” (type Asselineau) à la fois “faciles” et utilisant à plein le décérébrage dont a été victime le peuple français, la caste oligarchique au pouvoir a réussi à justifier l’idée que tout positionnement de classe et de masse relevait d’un complotisme grotesque illustré par toutes les tares réactionnaires depuis l’antivaccin et la potion magique du sieur raoult, jusqu’à l’antisémitisme le plus forcené (antimpérialisme des imbéciles devenu le meilleur soutien à la politique d’extrême-droite de Netanyahou), le poujadisme et l’étroitesse se substituant au communisme autour d’un leader plus ou moins suspect de carriérisme.

Résultat, quand Fabien Roussel apporte des faits concernant la manière dont l’éducation nationale a été systématiquement sacrifiée et propose d’utiliser une moindre pression démographique pour recréer ce service public la présentatrice met en cause dans sa démonstration l’idée d’une volonté maligne de ceux qui sont au pouvoir avec Macron.

Cela va plus loin que ce bref échange, dans l’état d’incurie liée à trente ans de liquidation du marxisme, au profit de pensées simplificatrices marquées par la régression rationnelle nous allons assister à un phénomène qu’il va falloir comprendre celui de la chute d’une conception de la démocratie telle qu’elle s’est imposée depuis quelques siècles en s’aggravant à la chute de l’URSS où elle s’est confondue avec l’application d’un projet néo-libéral qui n’a été que l’application d’un projet néo-colonial. C’est-à-dire une année électorale comme on le voit déjà à propos de Taiwan et comme cela s’annonce pour les élections européennes, loin de déboucher sur des solutions, les campagnes électorales et leurs résultats ne font qu’aggraver les impasses du système à l’agonie.

2024 s’annonce de ce point de vue comme année géopolitique majeure, celui où à travers une série d’élections se confirmera l’impossibilité pour cette “démocratie” d’apporter la moindre solution au système hégémonique occidental.

C’est ce que reflète ce bref échange entre Roussel et la présentatrice, il lui décrit un positionnement de classe, elle lui répond “comment pouvez-vous penser que ces braves gens de notre gouvernement y compris cette sympathique madame Oudéa-Castera puisse vouloir le “mal” exprès” ?


L’année qui s’ouvre verra se prolonger deux conflits, à Gaza et en Ukraine, de nature à déterminer quelle sera la face du monde pour des décennies, alors que la moitié de l’humanité, proportion sans précédent, sera invitée aux urnes dans près de soixante-dix pays. Scrutin vital aux Etats-Unis, mais aussi en Inde et à Taïwan.

Un philosophe a analysé le type d’aliénation “démocratique” qui conduirait nos élites médiatiques et une grande partie de la jeunesse travaillée en ce sens à accepter l’étouffement en eux de toute révolte, le conformisme absolu, faire de l’URSS, du communisme le mal absolu.

Extrait, Günther Anders, “L’Obsolescence de l’homme”


« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.


En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »
Günther Anders, “L’Obsolescence de l’homme” (Editions Ivréa), 1956

Rien de ce qui est sérieux n’aura droit de cité et quand Fabien Roussel se moque de Macron prenant les patins de Depardieu et s’interroge s’il va cette fois parler d’Alain Delon, cela renvoie à ce qui reste de bon sens français face à ces dévoiements permanents du débat public…

Honnêtement le mal est si profond qu’il faut partir non de l’idéologie comme le suggère Günther Anders, mais de ce qui reste encore ancré dans l’esprit des êtres humains, à savoir ce qui est incontournable, les difficultés de la vie quotidienne, l’impossibilité de payer la facture d’électricité, l’inflation, la vie chère et à partir de là remonter jusqu’à l’exigence de paix, le refus de la guerre.

C’est la pédagogie qu’a choisi un Roussel pour passer du “complot” à la lutte des classes, nous sommes encore loin de la nécessaire formation au marxisme, la reconquête d’une compréhension du monde sans laquelle il n’y a pas d’intervention populaire décisive. A la limite c’est le mode par lequel il se convainc lui-même et c’est la seule perspective qui reste dans cette année de rendez-vous électoraux pour construire une issue qui ne soit pas le fascisme et son éternel slogan “plutôt Hitler que le Front populaire”.

Danielle Bleitrach

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