Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Retour de Chine, par Bruno Drweski (1/3)

Ce récit d’un voyage en Chine nous permet aussi d’insister sur un aspect important de la manière dont la Chine multiplie ses interlocuteurs en fonction de sa vision d’un autre monde à construire : “La délégation peut paraître très hétéroclite dans sa composition mais il faut savoir que le PCC considère qu’il lui faut développer des relations avec tous les partis, groupes ou individus pouvant être classés dans la catégorie des « amis du peuple chinois » ou prêts à s’engager dans l’objectif mondial prôné par le PCC à l’heure actuelle, à savoir la création d’une « civilisation d’avenir partagée pour l’humanité dans le respect de la souveraineté des peuples et des Etats ». La question du socialisme et du communisme étant considérée par le PCC comme l’avenir ultime de l’humanité mais selon un rythme qui doit être adapté aux conditions des différents peuples et en fonction de leur propre niveau de développement. A cet effet, le PCC cherche à entretenir des liens particuliers avec les organisations marxistes-léninistes du monde entier au niveau des échanges politiques et idéologiques mais sans exclusive à l’égard des autres courants politiques représentatifs des différents peuples”.

14 Octobre 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Chine#Positions#Economie#lutte contre l’impérialisme#Théorie immédiate

Retour de Chine, par Bruno Drweski (1/3)

Envoyé par l’auteur

Retour de Chine

Compte rendu d’un périple en Chine à l’invitation du département international du Comité central du Parti communiste chinois (ID CPC)

(05/9/2023 – 17/9/2023)

Bruno Drweski (texte relu et complété par les apports des autres membres de la délégation française à partir de leurs propres notes)

J’ai été invité dans le cadre d’une délégation d’Europe occidentale reçue par le département international du Comité central du Parti communiste chinois (ID CPC) et organisée par la section « Europe occidentale » de ce département. Cette délégation était intégrée dans le cadre d’un programme plus vaste de délégations venues d’autres parties du monde et devant toutes participer à la rencontre « Réalisations du Qinghai dans la pratique de la pensée du Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour l’ère nouvelle ». Nous avons donc été reçus par le département international du PCC à Beijing qui a organisé pour nous des rencontres et discussions puis nous avons été reçus à Xining, capitale de la province du Qinghai, et dans sa région pour participer à cette rencontre internationale, effectuer plusieurs visites et participer à plusieurs rencontres, et enfin nous sommes partis pour Chengdu, la capitale de la province du Sichuan, où nous avons aussi effectué plusieurs visites et participé à plusieurs rencontres.

Notre délégation européenne était présidée par un membre du Bureau politique du Parti progressiste des travailleurs de Chypre (AKEL, communiste) et la délégation française était dirigée par Carole Bureau-Bonnard, au titre de son rôle « d’amie du peuple chinois » comme ancienne député de LREM, qui fut Présidente de la délégation chargée des activités internationales et membre du groupe d’amitié France-Chine. Participaient à cette délégation donc des communistes chypriotes, des membres de la Fondation Rosa Luxemburg d’Allemagne, deux chercheurs italiens se réclamant du communisme mais représentant la fondation italianieuropei de tendance social-démocrate. Parmi les Français, il y avait, outre moi et la personne déjà citée, le représentant de l’association Solidarité et Progrès qui a été une organisation prônant la coopération eurasiatique dès la fin des années 1980, ce qui en a fait « des vieux amis du peuple chinois », et un représentant d’un fond d’investissement français. Cette délégation peut paraître très hétéroclite dans sa composition mais il faut savoir que le PCC considère qu’il lui faut développer des relations avec tous les partis, groupes ou individus pouvant être classés dans la catégorie des « amis du peuple chinois » ou prêts à s’engager dans l’objectif mondial prôné par le PCC à l’heure actuelle, à savoir la création d’une « civilisation d’avenir partagée pour l’humanité dans le respect de la souveraineté des peuples et des Etats ». La question du socialisme et du communisme étant considérée par le PCC comme l’avenir ultime de l’humanité mais selon un rythme qui doit être adapté aux conditions des différents peuples et en fonction de leur propre niveau de développement. A cet effet, le PCC cherche à entretenir des liens particuliers avec les organisations marxistes-léninistes du monde entier au niveau des échanges politiques et idéologiques mais sans exclusive à l’égard des autres courants politiques représentatifs des différents peuples.

Du coup, notre délégation française était présidée par une ancienne députée aujourd’hui membre du groupe politique Horizons et qui a été jugée par les Chinois comme une personne acquise à l’idée d’un rapprochement entre la France et la Chine malgré les vicissitudes des rapports entre les deux pays et les hésitations manifestées sur le sujet par Macron.

Musée de la science médicale chinoise :

Le musée fait partie de l’Académie chinoise des Sciences médicales. Cette visite a permis de découvrir l’ancienneté et le souci des autorités chinoises pour le développement de la médecine traditionnelle chinoise (acupuncture, moxibustion et massages) non seulement en Chine mais partout dans le monde. La médecine chinoise traditionnelle s’attache depuis des millénaires à connaître la nature, le processus vivant, à prévenir et traiter les maladies afin de rester en forme et prolonger l’existence.

L’accent est mis sur la personne, chacun ayant sa propre façon de s’adapter à un environnement donné. Dans la médecine occidentale on s’intéresse souvent uniquement à la bactérie ou au virus. Ces organismes invisibles à l’oeil nu sont là quoi qu’il arrive. Comment se fait-il qu’à un certain moment ils deviennent nocifs, quel déséquilibre s’est installé dans le corps (notion taoïste du Yin et du Yang) ? Il faut traiter la vraie cause qui n’est pas le virus, mais le déséquilibre. C’est comme l’entente entre mari et femme nous précise-t-on: avant tout rétablir l’harmonie, faute de quoi l’un ou l’autre décroche. La médecine traditionnelle s’intéresse pareillement à chaque personne, sans distinction, traiter chacun « avec un cœur bon ». 

Nos interlocuteurs font preuve sur ce sujet d’un véritable esprit missionnaire. Nous avons nous mêmes tous subi un examen médical et chacun des membres de la délégation a ensuite été soumis à un traitement après une analyse de son pouls et des éventuels soucis de santé qu’il signale.

Séminaire avec la cheffe du Bureau des affaires ouest-européennes de l’ID CPC :

Rappel des objectifs des communistes chinois depuis leur prise du pouvoir en 1949 :

1 – Réaliser la libération nationale par la coalition des quatre classes progressistes et anti-impérialistes chinoises, la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie nationale (opposée à la bourgeoisie compradore au service de l’impérialisme).

2 – Convaincre la nation chinoise de la justesse de poursuivre la lutte dans l’objectif de passer à une société socialiste puis communiste.

3 – Développer les forces productives pour atteindre et dépasser les grandes puissances capitalistes.

Le premier objectif a été atteint et le PCC veille en principe à ce qu’il ne puisse y avoir de renaissance d’une bourgeoisie compradore au service de l’impérialisme des puissances occidentales ni non plus la naissance d’une bourgeoisie impérialiste chinoise. D’où la nécessité de maintenir le rôle dirigeant du Parti communiste et la dictature démocratique populaire inscrite dans la constitution.

Le second objectif reste à atteindre car la Chine n’a fait que bâtir les bases pour un futur système socialiste développé qui devrait être atteint vers 2049. Pour le moment, le caractère socialiste de la Chine est dû selon ses dirigeants au fait que le Parti communiste chinois mène une politique de lutte contre la pauvreté. Cette politique a abouti à l’élimination de la grande pauvreté en 2021, au résultat que plus de 800 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté (200 millions ont rejoint les « classes moyennes » ou supérieures) et que les 400 millions de pauvres restant sont désormais en voie de sortir de la pauvreté au cours des vingt prochaines années. Le fonctionnement du socialisme aux caractéristiques chinoises a permis disent les dirigeants d’éliminer en grande partie les contradictions de classe antagoniques et à régler pacifiquement les contradictions non antagoniques.

Le troisième objectif est de développer les forces productives, ce qui nécessite de permettre aux capitalistes de jouer un rôle pionnier dans certains domaines délimités, tant que ce système gardera ses caractéristiques dynamiques, efficaces pour le progrès économique, tout en veillant à ce que le Parti et le gouvernement gardent le contrôle des secteurs stratégiques de l’économie et insèrent le capitalisme en Chine dans un système de planification à visée socialiste. La période 1949-1978 a permis de créer les bases de l’industrialisation de la Chine en utilisant les méthodes de planification et la structure de propriété empruntée à l’Union soviétique puis, en 1978, sur la base de ces acquis, a été lancée une politique d’ouverture et de réformes, au moment du retour au pouvoir de Deng Xiaoping, dans l’objectif de créer un secteur capitaliste utilisable dans l’intérêt du peuple pour accélérer le développement qualitatif de l’économie chinoise encore sous-développée.

Après ces discussions et ma visite en Chine, je pense pouvoir personnellement définir le système chinois ainsi : « un système de démocratie consultative et de planification étatique d’économie mixte, développementaliste, redistributif, à visée communiste ». C’est-à-dire en fait, un système qui n’est pas caractérisé par ce que les marxistes appellent la « démocratie formelle », soit un système d’élections périodiques donnant la totalité du pouvoir à ceux qui ont réussi à obtenir la majorité absolue au parlement ou à la tête de l’État. Les Chinois préfèrent une démocratie consultative, c’est à dire un système où les élections directes n’ont lieu qu’au niveau du village ou du quartier, à partir de quoi chaque échelon supérieur est élu par les élus de l’échelon inférieur. Simultanément le Parti communiste, les partis associés et les organisations de masse (syndicats, organisations de jeunes et de femmes, personnalités reconnues) au sein de la Conférence consultative du Peuple chinois sont systématiquement consultées à tous les échelons avant de prendre les décisions. Les projets sont aussi mis en consultation publique par le Parti communiste, et les organisations de base du Parti font parvenir au sommet par un canal parallèle au canal administratif (gouvernemental) les opinions recueillies auprès de la population. Ce système est censé permettre une circulation des informations et de larges débats plus démocratiques que le vote strictement formel tous les cinq ans de nos démocraties. J’ai vu l’interview de l’ancien dirigeant d’un parti taïwanais qui avait obtenu 14 % des voix aux élections et qui déclarait qu’il y avait plus de démocratie sur le continent chinois qu’à Taïwan car il disait que le système appliqué sur le continent aurait donné à son parti la possibilité d’être systématiquement consulté sur les décisions politiques tandis que dans le système taïwanais (et occidental) celui qui a pendant cinq minutes tous les cinq ans 50 % plus une voix a un pouvoir absolu pendant cette période alors que lui, à Taïwan, aurait dû au moins avoir 14 % du pouvoir. Au lieu de quoi il a eu 0 % d’influence sur les décisions. Reste à savoir si ces principes du système chinois fonctionnent exactement comme prévu dans la réalité.

Sur le plan économique, le système chinois est un système d’entreprises publiques, mixtes et privées orientées par le plan central étatique, menant dans le cadre d’une économie « développementaliste » (pour un pays du tiers-monde), une politique redistributive que l’on peut considérer comme étant de type social-démocrate en faveur des classes populaires et des régions arriérées. Ceci, en gardant le contrôle de la superstructure et donc d’une éducation prônant la supériorité des comportements collectivistes sur les comportements individualistes avec visée ultime d’arriver à la société communiste. Voilà pour les principes tels qu’on pourrait les formuler dans un langage occidental et qui guident le fonctionnement du système chinois à l’heure actuelle. Ce qui ne veut pas dire que ces principes ne donnent pas lieu à des contradictions entre logique capitaliste et logique socialiste, aussi bien dans le domaine de l’économie, des rapports sociaux que de l’idéologie et des comportements quotidiens. En particulier, les capitalistes et les jeunes subissent l’attrait des clinquants consumérismes et individualismes de type occidental, capitaliste et bourgeois. Et dans les discussions que j’ai eue, j’ai bien senti que ces débats agitent la société chinoise et les membres du PCC.

Ce qui est censé garantir le caractère socialiste de la Chine, selon ses dirigeants et ses cadres, c’est le fait que le Parti communiste reste omniprésent par le biais de ses cellules de base, et qu’il est censé surveiller et contrôler le développement de tendances néfastes en son sein et dans la société envers l’objectif socialiste, qu’il mène avant la prise de chaque décision politique ou la nomination de cadres une politique de consultations systématiques des masses, des organisations de masse et des partis politiques qui lui sont associés, qu’il possède des commissions de contrôle aux pouvoirs étendus pour surveiller l’honnêteté de ses membres et qu’il pratique systématiquement des séances de critique et d’autocritique qui sont censées permettre de déceler les comportements asociaux qui pourraient se développer en son sein et empêcher son « auto-révolution » permanente, terme très répandu récemment par la propagande du Parti. On dit aussi que le système du « crédit social » si critiqué en Chine vise avant tout à la dénonciation de cadres corrompus ou au comportement peu social plutôt qu’à contrôler la masse de la population. J’ai pu mesurer qu’il existe un consensus assez large en Chine sur la justesse du fonctionnement du régime politique actuel et de la capacité de son noyau dirigeant à impulser des débats, des changements et des consultations prenant réellement en compte les opinions du peuple selon le slogan de Xi Jinping « en toute chose, mettre le peuple en premier ! »

Par exemple, le premier jour de mon arrivée, j’ai dîné avec des amis chinois hors du cadre de ma visite. J’ai pu entendre de leur part que la suppression des médecins aux pieds nus dans les campagnes pendant la révolution culturelle a été une erreur qui pousse les ruraux chinois à venir se soigner en ville à l’invitation de leurs enfants qui y ont migré. Et qu’à ce sujet, il y a un débat dans les médias chinois aujourd’hui sur le fait que la médecine chinoise coûte trop cher à la collectivité et qu’on pourrait la rendre tout aussi efficace en diminuant les dépenses de santé de moitié si l’on acceptait de se heurter frontalement aux lobbies de l’industrie privée pharmaceutique. Aujourd’hui, la quasi totalité des Chinois a accès à la sécurité sociale alors que jusqu’à récemment cela ne concernait que les employés des entreprises publiques. La Chine est donc le pays au monde qui compte le plus grand nombre d’assurés sociaux, ce qui mérite d’être souligné vu que ce pays reste encore un pays en développement et, malgré les critiques de ce système mentionnées plus haut, cela reste évidemment une grande réalisation.

Un autre débat médiatique en Chine porte sur les comportements individualistes et égocentriques répandus chez les jeunes Chinois qui sont accrocs aux modes, styles et musiques venues d’Occident et qui participent de la « pollution spirituelle » de la société chinoise. Ces réalités expliquent le développement de tendances conservatrices en réaction à ces phénomènes dans la société chinoise. Au lieu de poursuivre dans la voie du développement d’une morale socialiste, on voit donc se développer en Chine, m’a dit mon interlocuteur, des courants prônant le retour aux valeurs morales, sociales et familiales traditionnelles d’avant la révolution, ce qui peut parfois être positif, parfois moins car la morale traditionnelle avait beaucoup d’aspects contraignants dont les Chinois s’étaient libérés.

Il devient à la mode de prôner chez certains « quatre générations sous un même toit » pour remplacer la tendance des jeunes à chercher un logement séparé de leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents. …il faut dire que le prix de l’immobilier à Beijing est quasiment le même qu’à Paris, pour des salaires inférieurs. En fait, l’idéal pour un Chinois reste de travailler pour une entreprise publique ou tout au moins pour une entreprise privée ayant les moyens d’assurer un logement à ses employés. J’ai pu visiter des quartiers ou des entreprises modèles qui réalisent ce type de politique et on peut espérer que cela s’étendra à l’avenir à l’ensemble du pays. Nos accompagnateurs ne cachaient pas le fait que ces entreprises ou quartiers modèles n’étaient pas généralisées et que les problèmes d’inégalités sociales, régionales, villes/campagnes persistaient. Mais le Parti cherche à montrer le chemin grâce à ces exemples modèles, à généraliser ensuite à tout le pays. Plus bas je décrirai ces visites.

Au cours de son intervention, la directrice de la section Europe occidentale de l’ID CPC a d’abord tenu à nous remercier pour notre courage d’avoir accepté d’être reçu par le PCC alors qu’elle est consciente du fait que nous subissons dans nos pays des pressions pour éviter tout contact avec la Chine et que, malgré cela, nous sommes venus pour écouter le point de vue chinois sur les questions intérieures et internationales. Le département international du PCC entretient à l’heure actuelle des contacts avec plus de 600 partis politiques dans 160 pays du monde. Ce parti considère que nous venons d’entrer dans « une nouvelle ère » de l’histoire de l’humanité qui nécessite une compréhension mutuelle entre des sociétés ayant des expériences différentes et des niveaux de développement différents. Si le gouvernement chinois mène des relations d’État à État, le Parti communiste chinois mène des relations de peuple à peuple, ce qui explique son souci de développer désormais des relations avec tous les partis politiques représentatifs de chaque pays et de ne plus se limiter aux seuls partis marxiste-léninistes. L’objectif du PCC est ainsi de prôner la compréhension mutuelle entre les peuples tels qu’ils sont, à développer des réseaux d’amitié entre les peuples et d’aider à promouvoir partout la promotion de la partie de chaque société tournée vers le progrès social et scientifique.

La ligne directrice du PCC dans les relations internationales a trois objectifs : faciliter le développement global de l’humanité, créer les bases d’une nouvelle civilisation humaine et assurer la sécurité pour tous les peuples. Le PCC considère que tout recul d’un pays est néfaste pour l’humanité entière et pour le peuple chinois en particulier. Donc, malgré le caractère impérialiste des politiques européennes, l’objectif du PCC est de favoriser non pas l’affaiblissement de l’Europe mais sa stabilité et sa prospérité avec l’idée d’en faire à terme un partenaire stratégique. En particulier, la Chine souhaite faire le maximum d’efforts pour arriver à la paix en Ukraine. Le manque de compréhension entre la Chine et les pays européens qui règne aujourd’hui est jugé néfaste pour les deux parties. L’actuelle stratégie mise de l’avant par les dirigeants de l’UE sous la formule « derisking strategy » à l’égard de la Chine et de ce qu’on appelle en Europe le « risque chinois » ressemble trop aux yeux des Chinois à la stratégie des USA de « découplage d’avec la Chine ». « Nous devons chacun de notre côté évaluer correctement les risques en se basant sur les faits et pas sur les suppositions » ont ils martelé. La surpolitisation de toutes les questions a abouti à ce que le thème sécuritaire pollue toutes les autre considérations. Les autorités chinoises ne comprennent pas les accusations d’espionnage régulièrement portées contre la Chine (espionnage allégué des étudiants chinois par exemple, ou de responsables d’entreprise comme Huawei). On ne peut souhaiter en effet que l’Europe soit stratégiquement plus autonome d’un côté, et l’espionner de l’autre, cela n’a pas de sens.

Le PCC considère avec étonnement la perte des repères au sein des partis politiques européens, le cas le plus marquant étant celui des partis au départ antimilitaristes comme les Verts qui sont devenus, en particulier avec la guerre en Ukraine, les avant-gardes du militarisme. Nous nous trouvons a dit le directeur adjoint de l’ID CPC dans une situation où il arrive que des partis d’extrême droite disent des choses sensées alors que des partis plus progressistes tombent dans l’irrationalisme. Cela étant, jamais le PCC ne souhaitera que ce soient les partis les plus rétrogrades qui prennent le dessus sous prétexte qu’ils peuvent dire ici ou là des choses justes. Mais on doit regretter que des partis progressistes disent des choses clairement fausses.

Après ces déclarations, les membres de la délégation ont pu intervenir. Michael Brie de la fondation Rosa Luxemburg a parlé du déclin des USA, de la montée de la Chine, de l’importance montante des BRICS et du fait que les USA ayant des ressources limitées avaient besoin de l’Europe pour garder leur statut de puissance dans l’objectif de rester compétitifs vis à vis de la Chine. La guerre en Ukraine est donc pour eux un catalyseur qui freine l’intégration eurasiatique et rend les pays de l’UE dépendant de Washington sur le plan énergétique, géopolitique et des intérêts des complexes militaro-industriels. Dans ce contexte, il faut chercher des alternatives alors qu’on constate qu’il existe objectivement un conflit d’intérêt entre les USA et les pays de l’UE sur l’Ukraine. La politique des USA contribue à déstabiliser l’Europe et l’Afrique dans une situation de découplage grandissant entre les élites européennes et les masses. Cela porte sur l’Ukraine mais aussi par exemple sur la perception de ce qu’est réellement la Chine.

Réponse ID CPC : Il existe un consensus entre les dirigeants chinois et européens visant à terminer la guerre en Ukraine le plus rapidement possible, la question portant désormais sur les méthodes pour y arriver. Cette guerre a été autant un choc pour les Chinois que pour les Européens. Personne ne souhaite une guerre prolongée en Ukraine, hormis le secteur des industries d’armement des USA. La Chine considère que la vieille architecture de sécurité a été un échec pour l’Europe et qu’il faut donc bâtir une nouvelle architecture de paix durable. Le projet de la nouvelle route de la soie, « une ceinture, une route » (BRI), participe pleinement de cette construction d’une nouvelle architecture de paix, de coopération et de sécurité mutuelle.

Le Président de la délégation (du parti AKEL de Chypre) a proposé de constituer des groupes de travail Chine/Europe sur des points précis : éducation, défense, lutte contre la drogue, nouvelles routes de la soie, etc.

Le représentant de Solidarité et progrès a souligné que le défi pour les Européens est de savoir comment réagir aux objectifs poursuivis par les Etats-Unis pour ce qui concerne l’Europe. Le problème en effet n’est pas tant la politique américaine – certes problématique – que celle de l’Europe qui se soumet. En l’occurrence, il nous faut commencer par quitter l’OTAN affirme-t-il au nom de Solidarité et Progrès. C’est à dire rééditer le choix fait par de Gaulle en 1966, après qu’il ait été l’un des premiers chefs d’Etats occidentaux à reconnaître la République populaire de Chine, en 1964. Dans l’esprit du Traité de Westphalie qui prend en compte « l’avantage de l’autre », il faut remettre en avant la politique « d’entente, détente, coopération », leitmotiv du Général. Une des grandes difficulté en Europe est la montée de l’individualisme, en particulier chez les jeunes. L’idée qu’il existe un bien commun tend à disparaître, tant est favorisée par les gouvernements eux-mêmes la poursuite avant tout de leur intérêt personnel. L’idée même de nation est vidée de sa substance. La population française par exemple se dissout en une myriade d’identités réductrices selon l’ethnie, le genre, les croyances ou les groupes d’intérêt particuliers, dans une quête d’épanouissement individuel. Comme si l’on pouvait être « heureux » chacun dans son coin, indépendamment de ce qui se passe au-delà de notre quartier ou de notre pays. Le point de vue néolibéral pénètre ainsi tous les aspects de la vie, bien au-delà des échanges économiques. Les liens entre les gens, qu’ils soient sociaux ou citoyens, se désagrègent peu à peu. Fragmentée, la nation s’affaiblit. Le représentant de SetP a finalement évoqué la possibilité d’échanges entre jeunes Chinois et jeunes Européens sur le modèle de l’Office franco-allemand pour la jeunesse créé en 1963 sous l’impulsion de de Gaulle et du Chancelier Adenauer, contribuant à l’émergence, des deux côtés du Rhin, d’une génération de jeunes bien disposés les uns envers les autres et prêts à œuvrer pour le bien commun.

La représentante d’Horizons, ex-députée et membre du Groupe d’amitié France-Chine, a appuyé cette idée d’échanges de jeunes et souligné de son côté la continuité de la politique française vis-à-vis de la Chine. Dans le sillage de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui est depuis 2018 le représentant spécial du ministère des Affaires étrangères pour la Chine, elle en a rappelé les grandes lignes, avec la métaphore du feu tricolore pour réguler la circulation :

– Feu rouge : points de blocage, notamment liés au respect des droits de l’homme

– Orange : points de coopération économique possible, à étudier au cas par cas

– Vert : Points d’entente et de rapprochement, avec la coopération culturelle et les sujets internationaux d’intérêt commun (environnement, patrimoine..)

Pour ma part, j’ai concentré mon intervention sur le fait que la droite en Europe présentait la Chine comme un pays communiste et agressif alors que la plupart des grands partis de gauche la présentait comme un pays trop capitaliste, voire impérialiste, ce à quoi la directrice a répondu que ces jugements étaient effectivement erronés car la Chine est bien un État socialiste, car aucun État capitaliste sous-développé et soumis à l’impérialisme n’avait réussi à réduire la pauvreté, ce qu’a fait la Chine. Le socialisme se mesure d’abord à ses résultats, et si le résultat est l’élimination de la grande pauvreté et la diminution de la pauvreté, comment peut-on considérer un tel État comme capitaliste ? Il ne faut pas confondre capitalisme et économie de marché. L’économie de marché peut fonctionner en faveur du socialisme.

Il est clair qu’il faut toujours commencer à poser la question de savoir pour qui sont élaborés les objectifs politiques ? En Chine, ils sont élaborés à partir des intérêts du peuple, pour servir le peuple. Le PCC ne travaille pas en faveur du capital comme cela se passe au niveau des gouvernements dans l’UE. La politique du PCC est orientée vers la paix et l’élaboration de solutions pacifiques ce qui est une autre caractéristique du socialisme. Nous savons que notre propre développement ne pourra vraiment aboutir sans le développement commun du monde entier, ce qui est un autre critère de socialisme. La tradition chinoise est collectiviste et non individualiste. Cela commence avec nos rapports avec nos voisins puis cela s’élargit au pays et enfin au monde. Les Chinois sont depuis toujours conscients par leur philosophie traditionnelle que toute l’humanité vit « sous le même toit » et partage donc un destin commun.

Rencontre et dîner avec le vice-directeur de l’ID CPC

Le vice-directeur nous a reçu en s’excusant de l’absence du directeur qui était en délégation auprès du Parti communiste du Vietnam et du Parti populaire révolutionnaire du Laos. Il a commencé son intervention en soulignant que le PCC voulait être humble et que chacun doit pouvoir apprendre de l’autre. Le but de notre visite et les régions que nous allions visiter ont été décidés après une longue réflexion. Notre délégation est la première délégation étrangère reçue par le PCC après la réouverture du pays suite à la crise du covid ce qui témoigne de l’intérêt de la Chine pour les pays et les partis d’Europe et d’Asie qui sont accueillis à cette occasion. Après notre visite et nos rencontres dans la capitale, il a été décidé de nous envoyer au Qinghai, région montagneuse du plateau Tibet-Qinghai car c’est la province la plus pauvre de Chine, donc celle où la lutte contre la pauvreté est la plus acharnée, celle qui est la plus pionnière en terme de construction d’une civilisation écologique, celle où cohabitent plusieurs ethnies et qui doit donc être pionnière en terme de cohabitation inter-ethnique. Par ailleurs, Xining, la capitale du Qinghai, et Chengdu, la capitale du Sichuan que nous allions aussi visiter, sont les deux têtes de ligne de chemin de fer du projet « une ceinture, une route » (Belt and Road Initiative) en direction de l’Europe à travers le Xinjiang, le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie pour atteindre la Pologne, à partir de quoi partent les trains vers toute l’Europe occidentale.

Le XXe congrès du PCC a lancé un plan de développement devant faire d’ici 2050 de la Chine un pays de civilisation socialiste moyennement développée, ce qui permet aux partenaires de la Chine de voir en elle un pays prévisible dans ses principes et ses réalisations. La Chine peut être comparée à un train, c’est un attelage qui a des objectifs clairs, il peut rouler plus vite ou plus lentement mais sa direction est connue. La Chine est un État stable affichant clairement ses objectifs. Au cours du premier semestre 2023, le PIB de la Chine a progressé de 5,5 %, ce qui en fait l’économie ayant la croissance la plus rapide au monde. La Chine se heurte néanmoins à plusieurs problèmes, le plus grave étant que l’environnement économique du pays est en mauvais état, ce qui provoque des problèmes opérationnels et aussi que le développement de la consommation est du coup trop faible. Les médias occidentaux sont néanmoins selon lui trop pessimistes dans leurs analyses de l’économie chinoise et nous ne sommes pas inquiets pour notre avenir. Les médias occidentaux parlent du ralentissement de l’économie chinoise à cause des pressions extérieures que le pays subit mais la Chine reste un des plus grand partenaire économique mondial avec 140 pays qui commercent avec elle et il est clair pour les dirigeants chinois que les pays occidentaux ne sont pas en état de se « découpler » de l’économie chinoise comme le soutiennent les dirigeants des USA. La Chine possède le système industriel le plus complet au monde et son marché intérieur est en augmentation constante par rapport à ses marchés extérieurs.

Dans les dix prochaines années 10 millions de Chinois devraient se déplacer vers les villes, ce qui devrait permettre le développement de la consommation et doper la croissance du pays. Le taux d’urbanisation est déjà de 75 % dans l’ouest du pays, en particulier dans les régions côtières, et de 65 % à l’échelle de tout le pays. Donc les dirigeants chinois estiment pouvoir faire preuve « d’optimisme raisonnable ». Le peuple chinois sait bien que le progrès du pays est dû à la direction du pays par le PCC et que le Parti doit maintenir son cap d’un parti mettant la compétence de ses cadres de l’avant. Après 100 ans d’existence et 70 ans au pouvoir, le PCC constitue un exemple étudié dans le monde, en même temps qu’au PCC on étudie l’histoire des partis politiques dans le monde. Chaque parti rencontre des problèmes, en particulier un parti comme le PCC qui approche les 100 millions de membres. Le PCC a sélectionné six grands problèmes auxquels le Parti est confronté :

1/ Ne jamais oublier ses fondements et des objectifs fondateurs. Si l’on analyse l’histoire des religions, on se rend compte que ce qui les rend attrayantes, c’est le fait que leurs règles fondamentales ne changent pas, aussi le PCC doit faire de même en n’oubliant jamais les buts à atteindre qui ont été formulés lors de sa fondation. Le PCC ne renoncera donc pas au marxisme-léninisme et à la pensée Mao Zedong comme fondement idéologique.

2/ Maintenir à tout prix l’unité du Parti, dans sa pensée, dans son action et dans sa volonté. L’idée qu’il puisse y avoir des factions constituées à l’intérieur du Parti est exclue. Le Parti encourage les discussions et les différences d’approche mais une fois que la décision est prise après larges débats, tous les membres du Parti doivent l’appliquer.

3/ Le PCC doit faire preuve d’une capacité à gouverner et à se développer tout le temps. Il doit savoir ce qui change dans un pays aussi grand que la Chine. Il doit être un parti compétent, où l’on connaît les langues étrangères, l’économie, la science et l’art militaire.

4/ Le PCC doit faire en sorte que ses membres soient des citoyens et des travailleurs politiquement et socialement actifs. Il ne peut accepter d’avoir des membres passifs et donc inutiles.

5/ Faire en sorte que le Parti trouve toujours des solutions aux problèmes.

6/ Mener en permanence une lutte contre la corruption par la méthode de l’auto-révolution. C’est ainsi que le PCC restera un parti populaire et efficace.

Tout le PCC et toute la Chine sont engagés dans un combat pour la paix et pour le progrès de l’humanité. Bon but, bonne compétence, bonne vision du monde à venir !

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4 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Passionnant….vivement le 2 et le 3
    En 1949, le PCC avait comme objectif de vaincre la pauvreté, mais aussi son corollaire, l’analphabétisme. C’est pratiquement atteint. Alors qu’en France, l’analphabétisme augmente, en Chine, il tend vers le 0%.
    Imagine-t-on comment un grand pays comme la Chine, avec combien de langues ou dialectes pouvaient-être un obstacle à l’unification du pays? Il a fallu organiser tout cela, tout en gardant les particularités de chaque région, de chaque langage, de chaque coutume.
    Ceux qui crient au génocide des Ouighours, peuvent-ils s’imaginer les efforts gigantesques qu’il a fallu déployer

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    • Philippe, le belge
      Philippe, le belge

      Si vous voulez d’ores et déjà lire les parties 2 et 3 du compte rendu, les liens en fin de partie 1 sont biens actifs! Mais si voulez exclusivement fidèle à Danielle, on ne vous retiendra pas ;o)

      Répondre
      • Michel BEYER
        Michel BEYER

        Je vous remercie. Vous avez un peu raison pour la fidélité. En plus s’ajoute une mauvaise vue. La lecture est plus facile sur “Histoire et Société”

        Répondre
  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Merci pour ce compte rendu qui nous informe sur la Chine et le PCC mais aussi indirectement sur les forces politiques qui comptent en France pour la Chine.

    Il est regrettable que le PCF ne soit pas représenté, PCF qui a accueilli Zhou Enlaï et Den Xiaoping. Ce qui traduit aussi la faiblesse et les ambiguïtés du PCF à l’international en dehors du PGE.

    La vision stratégique du PCC est et reste claire quand les moyens d’atteindre les buts sont adaptés aux réalités.

    C’est cette vision stratégique qui fait défaut au PCF actuel et qui contrairement au PCC ne voit des alliances qu’à gauche sans évaluer et prioriser les problèmes à traiter.

    Si comme dans les révélations, ou plutôt les redécouvertes, sur le plan Marshall nous arrivons à la conclusion que nous sommes un pays colonisateur, de moins en moins, et à la fois colonisé, de plus en plus, la lutte de libération prend une importance majeure et de là les alliances avec une gauche atlantiste deviennent problématiques.

    La Chine n’a pas de problèmes à discuter avec des personnalités de la droite française comme Rafarin ou même Macron quand celui-ci signe de nombreux accords y compris militaires même s’il est incapable d’en défendre la cohérence et le bilan en France.

    Un point particulier de pollution culturelle en France est concentré dans les média qui presque sans exception travaillent contre toute défense des intérêts de la France dans le recentrage vers l’Est. Ceci appuyé par une quantité d’ONG qui n’ont rien à faire en France et qui sont de fait des agents de l’influence étrangers isolant la France du monde et encourageant sa désindustrialisation. Il est vrai que notre Presse a déjà une bonne expérience de la collaboration avec l’ennemi ou plutôt ses alliés de classe.

    À droite nous entendons encore peu de voix réclamant une réelle souveraineté française à part peut être Villepin et quelques autres qui ont disparu des média.
    Reste-t-il des Gaullistes ?

    En écoutant Régis de Castelnau sur l’affaire Fillon il semblerait que celui-ci avait quelques volontés d’indépendance relatives de la France et que c’est une des raisons de son procès.

    Je ne sais pas si Régis de Castelnau nous lit mais il serait peut être intéressant qu’il nous renseigne sur certaines pratiques peu démocratiques chez nous et leurs liens avec les intérêts français et étrangers.

    En France quelle stratégie économique pouvons-nous développer ?

    L’expérience du commissariat au plan doit être évaluée elle présente de fortes similitudes avec la planification chinoise et les résultats sur la production étaient au rendez-vous. Il ne s’agissait pas de pôles publics au milieu d’un marché mais d’une économie mixte avec des secteurs totalement sous contrôle de l’État comme la banque assurance ou l’énergie.

    Sans souveraineté nous ne pourrons orienter notre économie, notre développement et notre intégration dans le monde multipolaire. Il est dommage que le PCF continue a faire vivre certaines illusions sur l’UE et que sur le plan international il colporte sans vérification la propagande de la CIA.

    L’attitude du KPRF lui aussi dans l’opposition en Russie est aussi instructive en apportant un appuis critique à Poutine il révèle les contradictions internes de la Russie et fait des propositions à partir de l’état réel de la Russie.

    Depuis la chute de l’URSS tous les pays sous direction communiste ont ou tentent de laisser une part de marché au Capitalisme, y compris la RPDC qui négociait sous Sarkozy une ouverture dans le tourisme avec le groupe Accor.

    Il doit bien y avoir y compris chez nous une partie de la bourgeoisie qui comprenne les avantages qu’elle peut tirer du socialisme en construction ? Qui les représente ?

    Deng Xiaoping en France:

    http://www.chinatoday.com.cn/french/zhuanti/2013-12/31/content_598045.htm

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