Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Niger : la France se refuse à tout “paternalisme”, mais aussi à toute “faiblesse” en Afrique, déclare Emmanuel Macron

C’est quand j’entends ce genre de déclaration (comme celle d’ailleurs de certains crétins à gauche qui tout en parlant de paix et en proclamant ne pas vouloir renouveler les “erreurs “du colonialisme ne sont pas loin de ce débile arrogant qui nous tient lieu de président). C’est totalement viscéralement insupportable, pour un communiste, cela devrait l’être à crier comme Jean Senac le fit pour l’Algérie (1). Quand les mots vous manquent, il y a le silence… Et pourtant, Il faut alors que je tente de vous dire ce qui se révulse ou devrait se révulser dans l’engagement communiste : Il y a ce que nous appelons le r2flexe de classe, celui de s’opposer en combattant à ce que la France encouragée par l’unanimité européenne (2) et ses maitres des Etats-Unis ose faire subir à ces pauvres gens qui ont si peu.. Rien que ces photos, ces femmes, ces jeunes hommes rassemblés à Niamey devant l’ambassade de France dans laquelle d’une manière incongrue un individu refuse de partir, un locataire indélicat qui assis sur son butin refuse de quitter les lieux et à la tête de ses gangsters sort les armes… face à ces pauvres gens si respectueux, à qui au nom de la France, un grotesque impose le pillage du peu qu’ils ont de leur uranium, leur pétrole… C’est aussi intolérable que d’aller voler dans la sébile d’un mendiant la petite somme qui lui assure un morceau de pain. C’est que je ressens devant ce qui a déjà commencé au Niger, l’asphyxie économique, la privation de nourriture de femmes, d’enfants qui se rassemblent avec des morceaux de carton sur lesquels est demandé notre départ. Et cet invraisemblable ambassadeur qui revendique la légitimité de la France à poursuivre… le doute ne les effleure même pas…

Mais il y a autre chose, il y a une conception de la civilisation humaine, et de la place de la France, la manière dont Aragon face à la guerre d’Algérie s’attelle à une œuvre immense, le fou d’Elsa qui raconte les ultimes heures du royaume de Grenade à la fin du XVe siècle. Aragon, comme nous tous alors bouleversé devant la grandeur de la Résistance s’est interrogé sur les racines de l’algérienne et il les a mêlées à la poésie courtoise française et l’influence de la poésie arabo-musulmane. Il a voulu tout savoir d’eux, de ce pays, de ses mœurs, de leur philosophie, de leur religion et pour cela, pour comprendre, pour aimer (parce qu’il s’agit d’amour devant la beauté de tant de dignité humaine) pour ne pas se contenter de ces quelques années de colonisation, de viol. Alors quand vous êtes pris dans cette nécessité d’aller au-delà de l’abrutissement qu’on impose à votre pays, ce manque de connaissance, votre propre inculture vous devient intolérable.

Lui, Aragon, a appris de l’Algérie, des Arabes pour offrir à la France salie, en train déjà de se “macroniser’ avec cette culture mal assimilée, superficielle comme celle d’un technocrate, en rédemption, en dignité la grandeur d’un poème. Il a lu plus d’une centaine d’ouvrages. Jacques Bercque en témoignera : “c’était un artiste extrêmement consciencieux et érudit , qui a dépouillé pour écrire la valeur d’une bibliothèque, incluant dans son livre d’incroyables détails que seuls peuvent connaître les spécialistes. Il en a résulté un très grand livre , un des chefs d’oeuvre de la poésie du XXe siècle nourri d’une érudition récente mais étincelante”.

Nous ne sommes pas tous des Aragon ou des Jean Senac, des Kateb Yacine, mais nous communistes des temps jadis nous partagions ce désir de connaitre. Chaque fois que je suis tombée amoureuse d’un peuple, de son refus de plier, j’ai voulu tout connaitre de lui, de son histoire, de ses oeuvres et des travaux quotidiens auxquels il se livrait pour vivre, je suis partie en voyage, un petit budget, pour partager un morceau de pain, sa misère, sa “période spéciale”, sa faim, pour survivre. Cuba, la Russie, la Chine, le Vietnam, l’Algérie, la Grèce, l’Espagne, l’Afrique j’ai erré à vos côtés rit de vos plaisanteries et pleuré ceux qui tombaient, et y compris dans cette zone du Sahel dont la beauté vous étreint, j’ai découvert de surcroit les chefs d’oeuvre du Bénin, les manuscrits de Tombouctou…

J’ai envie de me jeter à partir de ce que je sais déjà sur des livres décrivant ces civilisations, ces royaumes, ces mythes, retrouver cette Afrique tellurique avec sa créativité d’aujourd’hui : je revois ces pauvres gens en guenilles, ignorant les frontières tracées pour eux et allant avec des dames-jeannes de verre, piper de l’essence sur les oléoducs, je revois ces camions croulant sous le poids de leurs marchandises, entre le Niger et le Nigeria, que font-ils en ce moment ? je sais que leur débouché naturel, le port de Cotonou est à l’arrêt et ses ouvriers privés de ressources… Il faut être humaniste et fraternel mais aussi savoir que la misère n’engendre pas la sainteté et ne pas se prendre pour mère Theresa, il faut rire et partager une tonne de sel pour avoir confiance, être communiste économisait beaucoup de temps jadis, on pouvait plus directement passer à l’essentiel… alors je me dis qu’il y a un savoir à transmettre, ce que je sais d’eux et de nous, trivialement, en même temps l’expérience esthétique qu’a été la découverte de l’Afrique. Connaissez-vous les vêtements qui protègent le mieux de la chaleur et dont vous allez peut-être apprendre à vous vêtir ? Savez-vous l’avantage qu’il y a à être la vieille femme que je suis devenue? Que chacun entende à quel point il est déjà imbibé de ce savoir, de ces arts, grâce à ses propres peintres, poètes, cinéastes, chercheurs, révolutionnaires tout ceux qui continuent à construire un espace de l’utopie et aussi de la fraternité communiste.

Et cet imbécile de Macron qui ne sait qu’agiter le nerf de boeuf des photos immondes de la colonisation. Un parti communiste, une jeunesse communiste qui certes réclame la paix mais avec la condescendance imbécile de ce terrible président, de cette UE vide de tout ce que l’Europe a produit d’autre que cette ignominie du “droit d’ingérence”.

Voilà ce que pour moi être communiste apportait à la France, être celui qui refuse l’injustice de son armée, de ses puissants, des oppresseurs, sentir que le combat sur la terre de France et là où ce peuple aimé, découvert, frère de combat et d’idéal a les mêmes ennemis, venir à ses côtés pour empêcher que l’on touche à ses enfants, à ses vieillards, à ceux qui n’ont pas les mêmes armes, les prolétaires comme lui. Mais c’est aussi découvrir à quel point il lui est intolérable d’ignorer toute la culture, le savoir de ce peuple, et tenter de vaincre cette barbarie pour enrichir la France de cette part de sa propre humanité.

Quand j’entends le discours indigne de Macron, je suis blessée à la fois par l’injustice et par la bêtise incroyable de celui qui ose parler en mon nom. Au nom de quoi cet individu adopte-t-il ce discours du maître qui s’apprête à frapper l’esclave révolté en se reprochant sa trop grande mansuétude.

Voilà ce qui me bouleverse hier comme aujourd’hui et face à quoi j’ai simplement besoin de retrouver mes esprits : mais au nom de quoi est-ce que vous osez ?

Vous l’ignorez mais la France est placée dans l’orbite du fascisme d’abord parce que le capital occidental l’a toujours utilisé comme son arme ultime d’exploitation de son propre peuple mais sa méthode réside dans le consensus organisé autour de l’inhumanité, l’insensibilité à l’injustice qui dévore vos propres capacités au collectif… A travers ce consensus immonde autour d’institutions, d’idéologies, il est accepté de servir de marche-pied aux tortionnaires du capital, et de se complaire dans la vulgarité de l’ignorance, le mépris entretenu de vous-mêmes.

Dites-vous bien qu’il n’y a plus de communistes quand a disparu à la fois l’instinct de classe et le sentiment de sa propre inculture et que l’on accepte de ressembler si peu que ce soit à Macron… Le communisme en France a des racines aussi profondes que la nation, alors avec lui vous perdez la patrie… Est-ce que l’on s’est assez moqué d’Aragon quand il a dit que son parti lui avait rendu sa patrie… pourtant ce fut jadis de l’ordre de l’évidence même si cela parait risible aujourd’hui… simplement parfois notre vieux pays en entendant quelques propos de Roussel croit reconnaitre des échos et tend l’oreille … est-ce une illusion de plus ? Il veut la paix, c’est bien mais celle-ci n’est pas donnée simplement parce qu’on la souhaite… il faut l’arracher à ceux qui créent la guerre, à ses propres limites… travailler, travailler, encore travailler…

Aujourd’hui relisez d’anciens textes, ce blog n’en manque pas …

Danielle Bleitrach


Article de Franceinfo •
1h

“La faiblesse que d’aucuns ont montré à l’égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales. Il y a une épidémie de putschs dans tout le Sahel”, a lancé le président de la République.

N
La France se refuse à tout “paternalisme” mais aussi à toute “faiblesse” en Afrique, a prévenu lundi 28 août Emmanuel Macron. Le Sahel fait face ces derniers mois à une “épidémie de putschs”, avec le dernier en date au Niger, où l’ambassadeur français est toujours en poste malgré un ultimatum des militaires au pouvoir. “Ni paternalisme, ni faiblesse, parce que sinon on n’est plus nulle part”, a dit le président français devant les ambassadeurs de France réunis à l’Elysée.

Le chef de l’Etat a aussi appelé les pays du Sahel à avoir une “politique responsable” en la matière. “La faiblesse que d’aucuns ont montré à l’égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales. Il y a une épidémie de putschs dans tout le Sahel”, a-t-il déploré, en référence aux coups d’Etat militaires qui sont successivement intervenus au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, et plus récemment au Niger.

(1) « Et je suis ici, immobile, complice et lâche. J’ai honte, honte… Partir pour l’Aurès ! Écrire ? Mourir ? Tuer ? Aller au Caire ? Témoigner à Alger ? Agir à Paris ? Que l’Homme en moi se fasse pour ma Patrie algérienne ! […] Que faire ? Et comment donner aux Algériens arabes qui nous rejettent en bloc (dans 99 % des cas) la preuve que nous nous sentons Algériens, leurs égaux ? Seule la mort… – des sacrifices vrais peut-être… Écrire, mais quoi ? Je suis entre deux feux, deux vérités, l’une à dire, l’autre à taire. Et c’est bien la seule vérité qu’il faut. »Depuis son assassinat le 30 août 1973, Jean Sénac n’a cessé d’imposer sa voix de poète visionnaire, qui a payé de sa vie le courage de ses positions et sa volonté de vérité. Il avait choisi le parti des indépendantistes, dans une Algérie où, tel Camus qui était son ami, il était né. Après la publication de ses œuvres poétiques complètes et de sa biographie par Bernard Mazo, la découverte de ses carnets secrets, qui fourmillent de notations intimes et d’interrogations politiques, de poèmes et de réflexions sur la création artistique et sur la société, sur l’amour, l’homosexualité et l’amitié, donne de cette personnalité hors du commun une image bouleversante qui le rapproche de ses frères en poésie Constantin Cavafis, Pier Paolo Pasolini, Federico García Lorca, René Char.

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8 Commentaires

  • Chabian
    Chabian

    Je me permets de questionner le vocable “La France”. D’abord dans la bouche des présidents. La France est blessée, la France est attaquée, la France se refuse à toute faiblesse en Afrique ! C’est une formule qui englobe les humains résidents du territoire dans un fantasme de nation unie et sans conflit. Et à ce vocable, des tas de choses sont attachées par cliché, par sacralisation, par fétichisme : la république, la grandeur, la révolution, la Royauté, l’Empire, le sacré, etc. Et cela marche !
    Or ce vocable est repris par des gens de gauche, des communistes, dont vous aussi (la place de la France, la France salie, etc.). Parler plutôt des français au pluriel, avec leurs divisions, leurs luttes…
    Bien sûr dans un petit pays comme le nôtre (Belgique), c’est plus facile de se penser comme des “petites gens”, modestes, pleins d’humour, mais en secret aussi fiers de certaines prouesses de la nation, mais de manière plus collective sans doute.
    De même, entre “Yes we can” et “Make America great again”, il y a une différence, ténue mais réelle, du collectif contre le national.

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    • Xuan

      Le combat national est un combat de classe.

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      • Chabian
        Chabian

        Oui, mais de la classe au pouvoir ! Dès ses débuts au XIXe, le mouvement ouvrier est internationaliste…

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        • Franck Marsal
          Franck Marsal

          L’internationalisme n’est pas la disparition de la nation, mais son dépassement. Il vise à une communauté de nations égales, en relations fraternelles, pour l’intérêt commun de l’humanité. C’est la communauté de destin du président Xi Jinping.

          L’ensemble du processus d’émancipation , tel qu’il s’est déroulé depuis les débuts du 19ème siècle s’est effectué dans des cadres nationaux. De l’unité de la classe ouvrière à l’unité du peuple, de l’unité du peuple à l’unité de la nation, ce processus initié et dirigée par la classe ouvrière, c’est la voie de l’émancipation.

          D’ailleurs, les cubains, internationalistes s’il en est, et Che Guevara en tête, qui était argentin de naissance, ont toujours eu comme slogan, la patrie ou la mort.

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  • Philippe
    Philippe

    C’est en gros ce que reprend in extenso l’Humanité qui soutient le point de vue colonialiste de Macron….

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  • Xuan

    Lorsque des discordances sont apparues au sein de la bourgeoisie avec la publication du dernier livre de Sarkozy, plusieurs camarades ont opportunément rappelé que cette crapule avait rattaché notre pays à l’OTAN et n’avait eu aucun scrupule à massacrer la population de la Libye, assassiner Kadhafi, ruiner, détruire ce pays et le livrer au terrorisme.
    Il avait dit dans son interview au Figaro que “sur la question ukrainienne, les intérêts américains et les intérêts des Européens ne sont pas les mêmes”.
    Effectivement la hausse vertigineuse des prix est directement liée aux sanctions sur l’énergie de l’intelligent Le Maire. Mais Sarkozy parlait exclusivement des intérêts du CAC 40, et sa démarche opportuniste s’adaptait à la situation militaire : l’échec de la contre-offensive de Kiev et l’impossibilité de « revenir en arrière » dans le Donbass et en Crimée.

    Ce couac nous dit aussi au passage à quel point la fraction la plus aveuglément atlantiste de la bourgeoisie, et en particulier la social-démocratie, se trouve isolée dans la population et bien engagée dans le couloir de la mort et du néant. Cela n’échappe à personne, excepté quelques socialophiles indécrottables à la rédaction de l’Humanité.

    Mais l’effet dominos dans la Françafrique, dont le coup d’état au Gabon dernier en date,  nous montre également à travers les slogans de la jeunesse africaine, que si les intérêts de l’impérialisme français et de l’hégémonie US « ne sont pas les mêmes », ils ne font qu’un face aux pays émergents.

    Cela signifie pour les communistes, (mais pas uniquement), que la lutte nationale contre l’hégémonisme US n’a de sens que si elle s’oppose également à l’impérialisme de nos monopoles.
    Que le chauvinisme bourgeois ne peut absolument pas s’opposer à l’hégémonisme et que l’Europe entière est le maillon faible de l’impérialisme.
    Que ceux qui aspirent à l’indépendance de notre pays face aux USA n’ont pas d’autre choix que de s’opposer aussi à l’impérialisme français, et aux monopoles français, c’est-à-dire au capitalisme.
    Que la seule voie nationale pour notre pays, finalement, c’est le socialisme.
    C’est un combat de classe.

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    • etoilerouge.
      etoilerouge.

      Bien d’accord.

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      • Gérard Barembaum
        Gérard Barembaum

        Xuan remet très clairement les pendules à l’heure : aujourd’hui dans les conditions d’un Etat impérialiste comme l’Etat français, la lutte pour l’indépendance nationale et le socialisme se confondent. Ce qui n’exclut pas la possibilité d’exploiter les contradictions inter bourgeoises et inter impérialistes.
        Fraternellement.

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