Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Guennadi Ziouganov : la “contre-offensive” annoncée par l’AFU a échoué

Interview réalisée par Andrei Polounine. Incontestablement le président du KPRF a une vision historique qui lui a permis d’ailleurs de faire du parti communiste de Russie pourtant interdit au départ et subissant quotidiennement la pression des forces oligarchiques et conservatrices au pouvoir, le deuxième parti de la fédération de Russie et actuellement un des grands facteurs d’unité du pays. Tout à fait d’accord avec son analyse du rôle actuel de la Chine. Il est parfois obligé de l’imposer à des membres de son parti qui ne supportent pas d’être “supplantés” mais surtout qui n’ont toujours pas digéré la querelle sino-soviétique et ce qu’ils considèrent comme la trahison chinoise. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/politic/article/380939/

Illustration : le président du comité central du KPRF, Guennadi Ziouganov. (Photo : Vyacheslav Prokofiev/TASS)

Les enjeux du conflit en Ukraine ne cessent de croître. Les frappes répétées de l’AFU sur le pont de Crimée ont entraîné de facto le retrait de la Russie de l’accord sur les céréales et des tirs de missiles sur les infrastructures portuaires d’Odessa. L’échec de la “contre-offensive” très médiatisée de Kiev a coïncidé avec les déclarations de John Kirby, coordinateur des communications stratégiques au Conseil national de sécurité des États-Unis, selon lesquelles des armes à sous-munitions américaines avaient été livrées à l’Ukraine et que Washington était prêt à lui remettre des avions de chasse F-16 d’ici la fin de l’année.

Guennadi Ziouganov, président du comité central du KPRF, examine les principaux points qui déterminent aujourd’hui la situation autour de la SVO et les conclusions que le Kremlin doit tirer pour gagner.

– La guerre contre le monde russe déclarée par les Anglo-Saxons a aggravé toutes les contradictions et les menaces, tant externes qu’internes”, déclare Guennadi Ziouganov. – Tout d’abord, la confrontation globale entre l’Ouest et l’Est s’est intensifiée, ce qui s’accompagne de l’effondrement du projet de mondialisation à l’américaine.

La formation d’un nouvel ordre mondial implique, bien entendu, l’émergence de pôles d’attraction. Auparavant, c’était le pays soviétique, aujourd’hui c’est la Chine. Ce processus s’accompagnera de la création de nouveaux blocs et structures qui deviendront une alternative au néocolonialisme anglo-saxon

Je voudrais noter qu’à cet égard, nous avons passé cette année sous le signe du 100e anniversaire de la formation de l’URSS, du 30e anniversaire de la renaissance de notre parti et de la coopération étroite entre le KPRF et le parti communiste chinois.

L’expérience unique de la Chine s’est reflétée dans les travaux du récent Forum économique et financier international d’Orel, où nous avons proposé un programme de sortie de crise pour la Russie. Ce forum a réuni des scientifiques de renom, des industriels, des entrepreneurs, l’ensemble des forces de gauche et des invités étrangers.

Un autre facteur externe important est le rôle croissant des BRICS sur la scène internationale. Aujourd’hui déjà, les pays qui composent cette organisation représentent un quart de la masse continentale mondiale et plus de 42 % de la population mondiale, et 25 % du PIB mondial. La Chine est également le chef de file dans ce domaine.

Il est très révélateur que le sommet des BRICS, qui se tiendra en août de cette année, envisage l’adhésion de l’Iran, de l’Argentine, de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, de l’Algérie et de l’Indonésie à l’Union. Même la Turquie est considérée comme un candidat. Le sommet attirera donc certainement l’attention de la planète entière.

Ce n’est pas une coïncidence si les dirigeants américains et européens ont parcouru le monde pour tenter de ralentir l’intégration des États qui cherchent à opposer leur propre modèle de développement à la mondialisation américaine.

Ainsi, l’ancien secrétaire d’État américain Kissinger, considéré comme l’auteur de la politique de rapprochement entre Washington et Pékin, s’est récemment rendu en Chine. Et Bruxelles a présenté un projet de nouveau concept des relations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Mais je suis sûr que la mémoire historique des peuples sur les guerres déclenchées par le capital les amènera à réfléchir sérieusement à la question de savoir avec qui ils doivent être dans la situation actuelle.

L’Occident continue par ailleurs à faire claquer ses armes de plus en plus fort et à gonfler le bloc de l’OTAN. L’alliance compte déjà 31 pays membres. Le 4 avril, le neuvième élargissement du bloc a eu lieu. La Finlande a rejoint l’OTAN, oubliant son histoire et la voie unique suivie par Paasikivi et Kekkonen après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, c’est au tour de la Suède d’y adhérer. Apparemment, la leçon donnée par Pierre le Grand à Poltava a été oubliée.

La Bosnie-Herzégovine et, bien sûr, l’Ukraine font des pieds et des mains pour adhérer à l’OTAN. Cependant, même les pays membres du bloc n’ont pas une vision commune de leur développement futur. C’est ce que montrent les résultats décevants du sommet de Vilnius. L’unité ne s’est manifestée que sur un point : l’adhésion de l’Ukraine au bloc est prématurée. Cela a rendu Zelensky et sa clique furieux. Ils se sont comportés au sommet d’une manière extrêmement grossière.

Néanmoins, tout ce qui précède pousse le monde vers une nouvelle course aux armements. Comme toujours, les États-Unis sont en tête. Leur budget militaire de 870 milliards de dollars continue de croître et dépasse déjà 3,5 % du PIB américain. Je tiens à souligner que cela représente 39 % des dépenses militaires mondiales.

À titre de comparaison, la Russie a un budget dix fois moindre. Par conséquent, pour gagner, nous avons besoin de volonté politique, de la mobilisation de toutes les ressources et capacités intellectuelles, et de l’unité de toutes les forces politiques. Ce dernier point est une tâche d’une importance exceptionnelle, que Russie Unie, à mon avis, ne remplit pas de manière satisfaisante.

“SP : – Que voit-on aujourd’hui en Ukraine ?

– La “contre-offensive” de l’AFU, largement médiatisée dans le monde entier, a échoué, c’est évident. Notre armée a encore réduit en miettes 30% des véhicules blindés occidentaux livrés depuis le début de l’année et éliminé un tiers des brigades ukrainiennes formées à l’Ouest.

En outre, le Kremlin a pris la décision audacieuse de mettre fin à l’accord sur les céréales. Cette décision était réclamée depuis longtemps par les forces patriotiques de gauche. La raison de cette décision était, bien sûr, la nouvelle frappe sur le pont de Crimée.

Je m’attendais depuis longtemps à une déclaration du ministère de la défense selon laquelle tous les navires naviguant dans les eaux de la mer Noire à destination des ports ukrainiens seraient considérés comme des transporteurs potentiels de cargaisons militaires. Je pense qu’une telle déclaration aurait pu être faite plus tôt. Elle aurait peut-être permis d’éviter une deuxième attaque sur le pont de Crimée.

Et surtout, aujourd’hui, nous ne parlons pas seulement de la destruction de l’infrastructure portuaire ukrainienne par les forces armées russes. Nous, les vrais patriotes, ne nous satisferons que d’une victoire inconditionnelle sur la horde nazi-banderiste.

Aujourd’hui, la horde libérale s’est à nouveau réveillée – elle est sortie de toutes les fissures et roucoule à propos de la conclusion d’accords sur l’Ukraine.

Des accords avec qui ? À quelles conditions ? Quelles garanties pouvez-vous avoir que demain les Anglo-Saxons n’achèteront pas un port à Nikolaev ou n’organiseront pas une nouvelle base militaire à Odessa ?

Depuis 500 ans, nous nous battons pour avoir des mers chaudes ! Il nous reste deux ouvertures sur la Baltique – Kronstadt et Kaliningrad. Et sur la mer Noire, si nous ne remportons pas la victoire, il nous restera deux ouvertures : Sébastopol et Novorossiysk. Le reste de la côte sera couvert par les États membres de l’OTAN.

C’est inacceptable ! Nous perdrons tout simplement notre sécurité et notre indépendance pour de nombreuses années à venir ! C’est pourquoi la tâche fixée par le président – la dénazification et la démilitarisation de l’Ukraine – doit être pleinement mise en œuvre. C’est une condition nécessaire à la survie historique de notre pays !

“SP” : – Dans ce contexte, la question de la trajectoire financière et économique se pose avec acuité. Qu’en pensez-vous ?

– Toute guerre exige la résolution de trois problèmes. Il s’agit de la mobilisation maximale des ressources, du ralliement de la société et de la maîtrise des technologies les plus récentes pour créer les armes de la victoire.

Or, le cap financier et économique que nous suivons depuis l’époque d’Eltsine et de Gaidar n’a pas vraiment changé depuis un an. Les autorités ont fait exploser le taux de refinancement, ce qui a eu pour conséquence de priver d’argent la quasi-totalité des secteurs de production. Le budget a encore une fois réduit l’éducation et les soins de santé.

Certes, à partir du 1er janvier 2024, le salaire minimum sera augmenté de 18,5 % pour atteindre 19 242 roubles par mois. Mais ce n’est pas suffisant. Au moins pour la survie de base, le revenu devrait être aujourd’hui de 32 000 roubles par mois et par personne. Et pour vivre au moins convenablement, il devrait atteindre au moins 50 000.

Nous avons besoin d’un nouveau cap, fondamentalement différent. Oui, la Douma d’État a examiné près de 200 projets de loi visant à lutter contre les sanctions et la crise. Oui, le Premier ministre Mishustin et le gouvernement ont fait ce qu’ils ont pu. Mais nous parlons d’un nouveau cap qualitatif, d’une nouvelle politique, y compris dans la vie publique.

Nous insistons pour que la bannière rouge de la victoire soit hissée haut. Cette année, nous célébrons le 80e anniversaire de plusieurs batailles légendaires de la Grande Guerre patriotique, en premier lieu la bataille d’Orel-Koursk. Au cours de l’été 1943, l’Armée rouge a libéré la ville de Bolkhov, où mon père et ma mère avaient fait leurs études, et ma petite patrie, le village de Mymrino. À cette époque, jusqu’à 11 000 de nos soldats et commandants mouraient chaque jour sur les champs de bataille. Ils ont donné leur vie pour libérer le monde de la racaille nazie.

Aujourd’hui, il est nécessaire de se rappeler que nous, en Ukraine, accomplissons la même tâche. Nos grands-pères l’ont accomplie honorablement. Nous avons le devoir de suivre leur exemple.

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1 Commentaire

  • Xuan

    On lisait hier cet article sur topwar :

    “Ne plus “venir aux frontières de 1991”, mais “l’épuisement de l’armée russe” – Zelensky a effectivement changé les objectifs de la contre-offensive

    Dans son discours du soir, le chef du régime de Kiev a annoncé la prochaine réunion (ou extraordinaire) des enjeux du commandement suprême. Et il y a plusieurs points à la fois qui ont attiré une attention particulière à cet égard. Un de ces points est le changement réel des objectifs de la soi-disant contre-offensive ukrainienne. Et ce, malgré le fait que le mot “contre-offensif” Zelensky est maintenant de moins en moins utilisé.

    Au lieu d’un tel objectif de “contre-attaque” comme “la sortie aux frontières de 1991”, Zelensky a soudainement annoncé que le but des forces armées de l’Ukraine est “l’épuisement et la destruction maximale de l’armée russe”. pas de mots sur la sortie à la mer d’Azov, sur l’occupation de la Crimée, etc. La parole du président de l’Ukraine ne sonne plus. Maintenant, il utilise une formulation beaucoup plus épurée, parce que “l’épuisement de l’armée russe” peut être compris comme n’importe quoi.

    Les revendications de Zelensky sur les pays d’Europe de l’Est, qu’il a exprimées dans le discours du soir, attirent également l’attention sur lui-même. Selon Zelenskyy, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et d’autres voisins de l’Ukraine parmi les pays de l’UE “comportent d’une manière non européenne”, refusant de lever l’interdiction sur l’importation de produits agricoles ukrainiens par voie terrestre. Les gouvernements de ces “alliés” de l’Ukraine motivent leurs décisions par le fait que les produits agricoles ukrainiens placent les agriculteurs locaux dans des conditions non compétitives.

    Il convient de noter que cela se produit dans le contexte des mêmes revendications de l’UE à la Russie concernant le refus de prolonger la durée de l’accord sur les céréales. Logique étonnante dans l’UE: nous-mêmes nous sommes interdits d’importer des produits ukrainiens (par voie terrestre), et la Russie ne devrait pas empêcher l’exportation de céréales ukrainiennes…
    Zelensky voulait clairement dire que cette approche de Varsovie, Bucarest, Sofia et d’autres capitales de l’Europe de l’Est est un acte inamical et même hostile, mais on ne peut pas se permettre de critiquer sévèrement. J’ai donc décidé d’utiliser le terme “non européen”.
    C’est la même manière européenne: faire tout ce qui est profitable pour soi-même, et jeter des “partenaires” quand ils cessent d’apporter ce bénéfice. Ils ont appris des Américains.

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