Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Si le PCF a perdu la mémoire, les anticommunistes eux n’oublient rien à propos de l’entrée de Manouchian au Panthéon

L’entrée de Manouchian au Panthéon est un non-sens historique, dit l’auteur qui a le mérite de rétablir certains faits volontairement occultés aujourd’hui par le PCF mais pour premièrement continuer à mépriser et réprimer l’immigration, ensuite bien établir que “communiste pas français”. Le mythe de l’engagement après l’invasion de la Russie et donc la rupture du pacte germano-soviétique (sans bien sûr jamais parler de la trahison de Munich et du combat des communistes contre celle-ci, comme ils s’étaient engagés aux côtés des républicains espagnols, de leur interdiction par le gouvernement socialiste issu du Front populaire) prouve à quel point le PCF aujourd’hui a besoin d’un travail non censuré sur son histoire et pas d’en récupérer quelques fragments qui conviennent à ses actuels oublis. Si je n’avais pas jusqu’ici parler de Manouchian et Mélinée au Panthéon c’est parce que je trouvais écœurant que le pouvoir puisse faire une de ses opérations contradictoires dont il a le secret et que le PCF puisse à son tour feindre d’ignorer qui étaient non seulement ces résistants, mais également Ambroise Croizat, le député du chemin de l’honneur qui a préféré partir au bagne plutôt que de désavouer l’URSS. Peut-être est-ce parce que je suis profondément convaincue que l’histoire du PCF est glorieuse, qu’elle a fait la France et la classe ouvrière qui n’a jamais trahi, que je ne supporte plus le discours actuel du PCF bigot et trahissant sa propre histoire, au profit des anticommunistes de toujours et de la classe capitaliste qui elle ne cesse de trahir, quitte du Guy Mocquet de Sarkozy au Manouchian de Macron à leur enlever ce à quoi ils tenaient par dessus tout être communistes pour se les approprier. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Article de Sylvain Boulouque • 

Portrait de Missak Manouchian (1906-1944), poète, journaliste, syndicaliste, résistant arménien, en tenue de soldat, en permission. notez l’absence du mot communiste transformé en “syndicaliste”

L’annonce de l’entrée de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée au Panthéon, dimanche 18 juin dans un communiqué de l’Élysée, témoigne de la difficulté de faire cohabiter histoire, mémoire et glorification, qui semblent parfois être en contradiction avec les orientations politiques gouvernementales en matière d’immigration, par exemple, illustrant les choix paradoxaux de la politique présidentielle.

Le Panthéon est un mythe, construisant des légendes et un récit national, variables en fonction des périodes. Les premiers panthéonisés à la fin du XVIIIe siècle, dont Mirabeau ou Marat, ont ensuite été exclus quelques années plus tard de l’ancienne église devenue un lieu de propagande républicaine.

Ce choix traduit les évolutions politiques et une construction mémorielle qui détonnent avec les engagements réels des panthéonisables, questionnant la notion de grand homme et incarnant une analyse erronée de la réalité historique.Un des non-sens de cette annonce est d’héroïser un seul des combattants visés par l’Affiche rouge.

Le premier non-sens repose sur la contradiction entre l’intention du militant Missak Manouchian et de ses camarades, militants communistes et internationalistes, refusant les frontières et l’idée même de patrie. Leur parti affichait une solidarité sans faille avec l’URSS, la «seule patrie des travailleurs». L’ambiguïté fondamentale vient des transformations de la ligne du Parti communiste français (PCF).

En 1935, le PCF décide de réconcilier le drapeau rouge et le bleu, blanc, rouge sans pour autant abandonner son soutien inconditionnel à l’URSS. Si bien qu’il a changé de stratégie, dénonçant la guerre impérialiste en 1939, pour devenir –après l’entrée en guerre de l’URSS en 1941– de nouveau le chantre du patriotisme, posture dont il ne se départira plus, à la condition que les intérêts de l’Union soviétique ne soient pas menacés.

Les militants communistes se sont engagés dans le combat contre le nazisme uniquement après la rupture du pacte germano-soviétique de 1939 et l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, reprenant à leur compte le discours du Parti. Contrairement à ce qu’écrit Louis Aragon, devenu le chantre d’un PCF cocardier, dans son poème Strophes pour se souvenir de 1955 (chanté ensuite par Léo Ferré), ils ne «criaient» donc pas tous forcément et uniquement «la France en s’abattant».

L’entrée de Manouchian au Panthéon est un non-sens historique© Fournis par Slate FRÀ LIRE AUSSI

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Le deuxième non-sens est d’héroïser un seul des combattants du groupe visé par l’Affiche rouge, alors que les vingt-trois ont été des combattants anonymes qui ne réclamaient «ni la gloire ni les larmes», au même titre que tous les autres combattants des Francs-tireurs et partisans (FTP) et les autres militants de la Main-d’œuvre immigré (MOI), arrêtés, fusillés ou déportés.L’entrée de Manouchian au Panthéon est un non-sens historique© Fournis par Slate FR

L’Affiche rouge, affiche de propagande allemande stigmatisant le groupe de vingt-trois résistants, membres des Francs-tireurs et partisans (FTP) – Main-d’œuvre immigré (FTP-MOI) et placardée en France pendant l’Occupation au début de l’année 1944. | via Wikimedia Commons

La troisième raison de ce choix est historiquement contestable. Missak Manouchian est certes un martyr de la Résistance, il ne s’agit pas de le contester. Il a été assassiné, comme ses camarades, en tant que résistant communiste, le 21 février 1944. En revanche, son action a été des plus hasardeuses au regard des règles de la clandestinité et de son rôle réel dans les FTP-MOI.

Pour mémoire, la MOI a été créée en 1924 comme un appendice de propagande de la Confédération générale du travail unitaire, la centrale syndicale sous le contrôle du PCF, pour organiser les travailleurs étrangers sous le nom de Main-d’œuvre étrangère. Elle est transformée en MOI en 1932. Elle cherche à organiser les travailleurs de langue étrangère sous la bannière du Parti communiste français.

En 1940, un certain nombre d’entre eux participent, sous l’égide de Maurice Tréand et de Jacques Duclos –qui ont tenté de faire reparaître L’Humanité en juin 1940– à la remise sur pied du PCF, comme l’avait rappelé son principal artisan Louis Gronowski, dans Le Dernier Grand Soir: Un juif de Pologne, paru en 1980.C’est parce que Missak Manouchian est un parfait stalinien […] qu’il accepte de prendre la direction des FTP-MOI, début août 1943, en remplacement de l’ancien chef militaire Boris Holban.

Missak Manouchian est né en 1906 en Arménie. Rescapé du génocide arménien (1915-1923), il arrive en France en 1925. Il adhère officiellement au PCF en 1934, participe aux associations arméniennes proches du Parti et à la section de la Main-d’œuvre immigrée du PCF, mais il baignait dans la culture des organisations de masse du PCF auparavant. En 1940, il contribue à la reconstruction de l’appareil du Parti, dissous par le gouvernement d’Édouard Daladier en raison de son soutien au pacte Hitler-Staline. Arrêté en 1941, il est libéré quelque temps après.

En 1941, le PCF crée l’Organisation spéciale, ancêtre des FTP, qui se lance dans les premiers attentats contre l’occupant. Deux branches existent: une politique et une armée. La première devant verser 10% de ses effectifs à la seconde. La MOI adopte la même structure. Les FTP-MOI deviennent un des bataillons de ces groupes de combat.

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Dans les FTP-MOI, le rôle militaire de Missak Manouchian est relativement tardif. Après avoir été dans la structure politique, il est intégré à leur appareil militaire en février 1943. Sa première action date de mars 1943. Missak Manouchian progresse dans la hiérarchie, au gré des chutes, devenant commissaire technique en juillet 1943, puis commandant des FTP-MOI en remplacement de l’ancien chef militaire Boris Holban, relevé de ses fonctions et déplacé dans l’est de la France.

En effet, en raison des chutes et de la faiblesse des effectifs, pour protéger ses camarades, Boris Holban contestait les ordres de la direction du PCF de maintenir des commandos FTP-MOI en région parisienne et de multiplier les actions armées. C’est parce que Missak Manouchian est un parfait stalinien –terme qui faisait à cette date la fierté des militants– qu’il applique parfaitement la ligne du Parti et de Staline et qu’il accepte de prendre la direction du groupe de combattants, début août 1943.

Il poursuit ainsi aveuglément la politique de l’action à tout prix, dirigée par son chef Joseph Epstein et pilotée par la direction du PCF, Jacques Duclos en tête. Sous sa direction, la MOI réalise une trentaine d’actions. C’est à ce titre qu’il supervise l’action la plus spectaculaire du groupe: l’assassinat du colonel SS Julius Ritter, responsable du Service du travail obligatoire (STO) en France, perpétré le 28 septembre 1943 par Celestino Alfonso et Marcel Rajman, mais préparé sous la direction de Boris Holban.Les combattants de la MOI ont difficilement respecté les règles de clandestinité et de prudence, illustrant l’insouciance tragique de ces militants.

En mars et en juillet 1943, les brigades spéciales de la préfecture de police de Paris ont déjà procédé à plusieurs vagues d’arrestations dans les milieux de la MOI. La majeure partie des membres encore en liberté est surveillée. La tâche des policiers est rendue d’autant plus facile que les combattants respectent difficilement les règles de clandestinité et de prudence, illustrant l’insouciance tragique de ces militants.

Par exemple, Missak Manouchian contrevient aux règles en retournant sur les lieux de son attentat en mars 1943 pour en mesurer les conséquences, au grand dam de Boris Holban. Sa fréquentation des restaurants et ses rencontres dans des lieux publics sans la moindre discrétion mettent en danger plusieurs de ses contacts. Alors qu’il savait également que plusieurs chutes avaient eu lieu, il a continué à vivre dans son appartement parisien du XIVe arrondissement.

Enfin, alors qu’il pouvait se sentir surveillé par les inspecteurs de la brigade spéciale, Missak Manouchian les a indirectement conduits vers le chef militaire des FTP-MOI, avec qui il avait un rendez-vous clandestin, Joseph Epstein. Missak Manouchian, pourtant armé, ne s’est pas servi de son arme pour tenter d’éviter son arrestation et celle de Joseph Epstein, à la gare d’Évry-Petit Bourg (Essonne), le 16 novembre 1943.

Torturé, Missak Manouchian est fusillé le 21 février 1944 à la forteresse du Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine). Les autorités nazies demandent que soit placardée la fameuse Affiche rouge, propagande retournée et devenue, par les mots du poète Aragon, le symbole de la tragédie. Quelques heures avant son exécution, Missak Manouchian écrit deux lettres à sa compagne Mélinée dans lesquelles il affirme, sans donner de nom, avoir été trahi.

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Mélinée Manouchian, jeune communiste, née en 1913, elle aussi rescapée du génocide arménien, rejoint les organisations proches du PCF puis le Parti. Elle suit un itinéraire similaire pour reconstruire le Parti clandestin. Elle devient agent de liaison des FTP-MOI durant l’année 1943. Elle continue de participer à l’action clandestine après la mort de son mari.

C’est elle qui, en juin 1985, a accusé Boris Holban d’être responsable du sacrifice du groupe Manouchian, alors qu’il avait au contraire refusé cette lutte à outrance. Cette accusation diffamatoire a provoqué une polémique lors de la sortie du documentaire de Mosco Boucault, Des terroristes à la retraite, diffusé à la télévision en juillet 1985.

Par conséquent, Missak Manouchian, symbole du «grand homme», incarne, au contraire, la tragédie ordinaire des résistants communistes. Sa légende a été construite a posteriori par son parti, sa veuve et des groupes d’intérêts cherchant à privilégier une figure de cette Résistance plutôt qu’une autre.

Cette commémoration incite à méditer cette phrase du philosophe Paul Ricoeur qui écrivait dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, paru en 2003: « Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire –et d’oubli. »

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2 Commentaires

  • Berthe Poggiale Avidor
    Berthe Poggiale Avidor

    Bonjour Madame,

    Je découvre l’article de Mr Sylvain Boulouque qui suit le vôtre dont le titre est « Si le PCF a perdu la mémoire, les anticommunistes eux n’oublient rien à propos de l’entrée de Manouchian au Panthéon »

    Sans équivoque les communistes sont entrés en résistance à l’occupant hitlérien et au pouvoir pétainiste DES 1940 quoi que prétendent les copains et coquins de Mr Boulouque dont les arguments avancés dégoulinent de la haine viscérale des Stéphane Courtois and co.

    Les arguments de votre article suffisent. ( Incontestablement la macronie instrumentalise toute la Résistance communiste à l’occupant hitlérien fasciste )

    Inutile de citer ce Mr Boulouque, anti communiste, anti soviétique et, bien sur, anti stalinien à mort.

    Oui nos camarades communistes, internationalistes, entrés en résistance à l’occupant hitlérien nazi ainsi qu’au pouvoir kolabo pétainistes ont commis des erreurs. Et alors !! Faudrait-il clouer au pilori dressé par ce Mr Boulouque nos camarades résistantes Danielle Casanova, Charlotte Delbo- Dudach, Marie Claude Vaillant Couturier et tant d’autres camarades qui se sont dressés contre la barbarie extrême ??ET QUI ONT RESISTE COMME ELLES PENSAIENT DEVOIR LE FAIRE.

    J’imagine que ce Monsieur Sylvain Boulouque, lui, vu l’ignominie de ses arguments, dans les conditions de cette époque terrible, aurait courbé l’échine comme, à ce jour, il courbe l’échine et relaie la propagande anti communiste, anti soviétique et anti stalinienne.

    Je suis sure et certaine que les historiens honnêtes balaieront inévitablement les tombereaux de calomnies déversés sur l’action de Joseph Staline et des résistants communistes français lors de l’occupation de notre pays par les hordes fascistes et le pouvoir pétainiste.

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  • etoilerouge
    etoilerouge

    Et une nouvelle fois l’expression mensongère pacte Hitler Staline. Il s’agit du pacte de non agression germano soviétique. Les armées soviétiques n’ont jamais combattu avec l’armée nazi ce qui n’a pas été le cas de 15 armées nationales de pays européens soutiens du nazisme et actuellement membres de l’UE. Par ailleurs jamais le chef d’état qu’était Staline n’a rencontré Hitler alors que les chefs d’état français et anglais ont serré réellement la main d’Hitler en 1938 pour le pacte de Munich vendant la Tchécoslovaquie et son peuple au nazis lesquels en remirent un morceau aux hyènes fascistes polonaises et hongroises. Ajoutons que jamais l’humanité n’est reparu légalement pendant l’occupation ce qui n’a pas été le cas de la presse de droite ou SFIO qui elles parurent. Quant aux communistes la guerre devenant mondiale partout où des troupes allemandes ancaient ils combattaient d’abord en Espagne,puis le Japon allié d’Hitler écrasé par l’URSS en 1939, puis la Finlande fasciste alliée d’Hitler aujourd’hui membre de l’OTAN, écrasée par l’URSS en 39 40,puis les communistes grecs yougoslaves belgesalors que l’URSS n’est pas en guerre,puis les grèves du charbon de avril mai 1941 en France et nombre d’actes de résistances tt ceci avt l’entrée en guerre de l’URSS. Et ce silence persistant en France sur la collaboration des élites et des classes capitalistes des 1933.

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