Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les soutiens du nouveau monde : les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai

Un texte comme souvent ceux d’Alberto Cruz tout à fait passionnant parce que non seulement il nous présente ce qui va être le grand événement de l’été, à savoir le sommet des BRICS, mais il nous permet de voir ce que englués comme nous le sommes dans la guerre en Ukraine et au premier rang de la coalition des perdants du G7, nous avons du mal à percevoir et qui est un monde nouveau déjà là. Cela peut aider les communistes, les progressistes, ceux qui veulent la paix à voir que leurs combats peuvent être victorieux parce qu’ils bénéficient d’un contexte géopolitique qui est favorable et qui peut rendre plus efficaces, loin de la sinistrose de nos médias, notre revendication au bonheur comme aurait dit Sait Just ou les Jours heureux. Encore faut-il se donner les moyens de percevoir nos atouts réels y compris planétaires. Il faut bien mesurer c’est que là où la gauche, les solutions que nous avons crues démocratiques sont rejetées c’est parce qu’elles s’inscrivent a contrario de cette tendance forte du mouvement du monde. On ne peut pas ne pas voir qu’aucun parti communiste, de gauche ne peut avancer s’il ignore ce contexte et contribue donc à la fascisation de l’impérialisme.Le jour où les communistes mais pas que accepterons de dire “nous sommes les vrais soutiens de ce monde en train de naître, la chape de plomb, le plafond de verre, voleront en éclat. Parce qu’ils chercheront alors les moyens de leur intervention indispensable”. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

Mercredi 31 mai 2023 par CEPRID

Alberto Cruz

Le CEPRID

Cet été s’annonce plus chaud que la normale. En juillet et août, se tiendront deux sommets qui définiront définitivement le nouveau monde : l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS. Les prolégomènes de ces deux événements, les supports sur lesquels le nouveau monde est déjà soutenu, accélèrent les mouvements angoissés de l’Occident, dont le plus fameux est la rencontre du fantasmagorique G-7 au Japon. Fantasmagorique parce qu’il n’est pas vrai, comme ils prétendent eux-mêmes, que les pays qui composent ce groupe (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Canada et Italie) sont les plus riches ni les plus industrialisés. C’est de l’histoire ancienne depuis longtemps. Oui, de l’histoire ancienne, parce que si nous devons nous en tenir à la réalité macroéconomique, le véritable G-7 serait composé – si est utilisée l’échelle occidentale du produit intérieur brut sans plus – par les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne, l’Inde, la Grande-Bretagne et la France ; tandis que si l’on utilise l’échelle la plus réelle, celle du PIB en parité de pouvoir d’achat, ce serait la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon, l’Indonésie, la Russie et l’Allemagne (1).

Vous pouvez mentir une fois, mais vous ne pouvez pas toujours mentir. Le reste du monde le voit, tout comme il voit comment la guerre par procuration de l’Occident avec la Russie en Ukraine est la dernière tentative de rester au contrôle du monde.

Depuis que la Russie a lancé son « opération militaire spéciale » en février 2022, le monde s’est discrètement mais clairement déplacé. Une délocalisation dans laquelle l’Occident ne compte pas et dans laquelle il n’a pas été pris en compte. Une délocalisation dans laquelle l’Asie joue un rôle central, et donc les pays asiatiques ou proches de ce continent cherchent un rapprochement avec l’Organisation de coopération de Shanghai.

À l’heure actuelle, l’OCS comprend la Chine, l’Inde, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Trois pays ont le statut d’observateur (Afghanistan, Biélorussie et Mongolie) et, comme partenaires de dialogue, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Cambodge, le Népal, la Turquie et le Sri Lanka en 2021. Mais cette année, depuis la crise ukrainienne, de nouveaux partenaires ont été ajoutés à cette modalité de dialogue (ils participent à des événements spécialisés au sein de l’OCS sur invitation et suivent certaines de ses conclusions, sans être au sein de l’organisation): l’Égypte, le Koweït, les Maldives, le Myanmar, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont franchi cette étape cruciale.

L’intégration des États arabes du Golfe dans l’OCS s’inscrit dans un double contexte : le déclin de l’influence américaine dans la région et l’émergence de la Chine en tant que médiateur, avec comme exemple l’accord sur la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Ils voient dans l’OCS un habitat propice à la recherche d’un logement dans le nouveau monde qui se dessine, où les décisions sont prises par consensus et où l’accent est mis sur la souveraineté nationale et, surtout, sur la non-ingérence. Ils voient la sécurité dans leurs relations mutuelles et la stabilité dans toute la région, bien que l’adhésion ou le fait d’être un partenaire de dialogue ne garantisse pas qu’il n’y aura pas de conflits (comme entre la Chine et l’Inde, ou entre l’Inde et le Pakistan), mais fournit des moyens de les prévenir ou de les gérer, ainsi qu’une plate-forme unique pour des contacts réguliers de haut niveau.

Ces 19 pays représentent près de la moitié de la population mondiale et génèrent plus de 30% du PIB mondial. Mais lors du sommet de juillet, l’OCS franchira une étape décisive : une « feuille de route » sera élaborée pour la mise en œuvre de sa propre banque qui permettra l’utilisation des monnaies nationales dans les accords bilatéraux et/ou multilatéraux entre ses membres. Cette mesure n’aurait pas été prise si l’Occident n’avait pas transformé les sanctions économiques (illégales, selon le droit international) en une arme pour tenter de préserver son hégémonie mondiale et, surtout, s’il n’avait pas créé le précédent du vol des réserves d’un pays, comme cela s’est produit avec celles de la Russie.

C’est déjà devenu la question centrale dans le calcul stratégique de la plupart des pays du monde non occidental : la fiabilité des monnaies occidentales et, par conséquent, du système financier international basé sur le dollar. La manière effrontée dont l’Occident arme les sanctions et saisit les actifs de la Russie (et anciennement de l’Iran et du Venezuela) rappelle les pratiques et les normes de l’ère coloniale. C’est pourquoi l’OCS prend cette mesure, en donnant la priorité à la transition vers l’utilisation de ses monnaies dans le commerce et en connectant ses systèmes de paiement nationaux. En effet, un nouveau système financier international prend forme dans l’ordre mondial multipolaire et, dans le cas de l’OCS, en termes géopolitiques, évite le risque d’ingérence d’un Occident mortellement blessé. C’est quelque chose qui convient aussi aux BRICS.

L’expansion des BRICS

Si cela se produit avec l’OCS, il faut en dire autant des BRICS. La liste des pays qui veulent rejoindre cette structure s’allonge chaque jour et il y en a déjà 25 qui veulent le faire. Les BRICS sont le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. L’Algérie, l’Argentine et l’Iran ont officiellement demandé à devenir membres à part entière. Selon Anil Suklal, directeur général pour l’Asie et les BRICS du ministère des Affaires étrangères d’Afrique du Sud (pays qui préside les BRICS cette année), les autres candidats sont : Afghanistan, Arabie saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Égypte, Émirats arabes unis, Indonésie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, Sénégal, Syrie, Soudan, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela et Zimbabwe.

Les pays du monde entier, à l’exception de l’Occident, ont intérêt à rejoindre les BRICS, soit en tant que membres à part entière, soit en tant que membres d’un BRICS + élargi mais non formellement membre.

Cette structure, BRICS+, est une extension de la coopération économique et politique au-delà des frontières du cercle des BRICS. Quelque chose de similaire à l’OPEP +, dont la Russie fait partie, et qui est que la Russie accepte et partage les décisions de l’OPEP (même en discute avec eux) mais sans faire partie de l’organisation. Ici, c’est la même chose, mais à la différence qu’il s’agit de transformer les BRICS en une plate-forme ouverte et inclusive, ouverte à la coopération avec n’importe quel pays, bloc ou région de l’économie mondiale. C’est un concept qui a été abordé pour la première fois en 2017, mais maintenant, avec le nouveau monde en cours, il est mis en pratique. Ensuite, suivant le modèle de l’OCS avec les « partenaires de dialogue », il a été question d’un « cercle d’amis » comme moyen de faire des BRICS « la plate-forme la plus influente pour la coopération Sud-Sud dans le monde ».

Pendant le mandat de Bolsonaro au Brésil, ce concept de BRICS+ a décliné (surtout lorsque le Brésil a eu la présidence des BRICS), mais il a été repris l’année dernière sous la présidence de la Chine et maintenant, dirigée par l’Afrique du Sud, cette modalité va acquérir l’âge de la majorité car ce format est très attractif pour de nombreux pays.

Le sommet d’août (22-24) abordera non seulement ces ajouts, qui et sous quelle forme, mais aussi quelque chose de crucial: l’introduction d’une monnaie unique au sein de ses membres. Cela revient à la question des sanctions, à l’affaiblissement du commerce international qui a été bouleversé par l’Occident en introduisant des distorsions massives dans l’économie mondiale et à la perte de confiance dans les monnaies occidentales, en particulier le dollar. C’est pourquoi l’une des questions qui sera également abordée est la création d’une « monnaie unique au sein de l’association », dont on parle depuis un certain temps et où plusieurs tests ont déjà été effectués. Parallèlement à cela, il y a le fait que les pays BRICS commercent déjà beaucoup dans leurs propres monnaies, abandonnant les monnaies occidentales.

Le comportement clairement néocolonial de l’Occident a fait que les peuples non occidentaux de la planète ont décidé de faire un pas définitif, de quitter la tutelle occidentale, et ils viennent à être d’accord avec la Russie quand elle dit qu’un monde multipolaire est meilleur qu’un unipolaire où « l’Occident collectif, hégémonisé par les États-Unis », prend les décisions.

Et, parallèlement à cela, on vient d’apprendre que l’Arabie saoudite est en pourparlers avec les BRICS pour être acceptée comme membre de la Nouvelle Banque de développement. Si l’initiative porte ses fruits, ce serait le dixième pays qui en ferait partie puisqu’en 2022, le Bangladesh, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Uruguay ont été acceptés dans la structure de la NDB.

La NDB, créée en 2014, se concentre sur le soutien financier aux projets d’infrastructure et de développement durable dans les États membres et d’autres économies émergentes. Bien que les détails des discussions en cours n’aient pas encore été révélés, admettre l’Arabie saoudite en tant que membre renforcerait davantage les liens de la banque BRICS, et les BRICS eux-mêmes, avec un acteur clé du secteur mondial de l’énergie.

Sans prendre en compte les demandes d’adhésion, que ce soit en tant que membres ou au sein des BRICS +, les cinq pays actuels qui composent cette organisation ont déjà dépassé le G7 fantasmagorique en termes de PIB en termes de parité de pouvoir d’achat : 31,59% contre 30,39%.

Par ailleurs, il faut prendre en compte une autre question, que les BRICS abordent également : la critique de la sous-représentation des pays émergents dans les institutions internationales, à commencer par l’ONU. Et tout concrétiser au Conseil de sécurité de l’ONU, où il n’y a pas de représentants d’Afrique ou d’Amérique latine. Pas même l’Inde, un pays qui est non seulement déjà le plus peuplé de la planète, mais l’un des plus puissants économiquement comme le reconnaît le FMI lui-même qui, comme dit plus haut, l’inclut dans ce qui est le vrai G-7 et non l’Occident fantasmagorique.

Le catalyseur de la crise ukrainienne a stimulé la volonté politique de briser l’hégémonie américaine. Les pays émergents construisent maintenant activement des institutions multinationales qui ne dépendent pas de l’Occident et dé-dollarisent rapidement leur économie, entre autres choses.

Pétrole (il faut noter que six pays producteurs de pétrole veulent faire partie des BRICS, ce qui ferait sept avec la Russie), armes, énergie nucléaire, matières premières et commerce. C’est le ciment que l’OCS et les BRICS utilisent pour construire un nouveau monde loin de l’hégémonie et de l’arrogance occidentales. Pour cela, cet été sera crucial.

Note:

(1) L’estimation du FMI pour l’année 2024 dans sa prévision du 18 avril de cette année, quand il a cassé tous les plans occidentaux ont reconnu que non seulement l’économie russe n’est pas en récession, mais en croissance et à un rythme beaucoup plus rapide que celui de certains pays occidentaux, comme la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.

Alberto Cruz est journaliste, politologue et écrivain. Son nouveau livre s’intitule « Les sorcières de la nuit ». Le 46e régiment « Taman » des aviateurs soviétiques dans la Seconde Guerre mondiale », édité par La Caída avec la collaboration du CEPRID et qui en est à sa troisième édition. Les commandes peuvent être passées libros.lacaida@gmail.com ou ceprid@nodo50.org Il peut également être trouvé dans les librairies.

albercruz@eresmas.com

Le CEPRID

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4 Commentaires

  • Martine Garcin
    Martine Garcin

    Les soutiens du nouveau monde : les BRICS et l’OCS
    Il faudrait ajouter : et les peuples de tous les pays. Nous sommes le peuple, nous voulons participer à la construction de ce nouveau monde.

    Répondre
    • admin5319
      admin5319

      OUI TOUT A FAIT D’ACCORD, VOILA LE SLOGAN QUE JE VOUDRAIS VOIR LE PCF ADOPTER / NOUS SOMMES LE PEUPLE, NOUS VOULONS PARTICIPER A LA CONSTRUCTION DE CE MONDE NOUVEAU.
      C’est ça qui me met en colère contre ce congrès imbécile, la manière dont il a confirmé dans leur poste tous ceux qui depuis des années empêchent cette prise de conscience et qui visiblement vont continuer plus que jamais si l’on considère les récents articles de l’humanité.

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  • Les Eparges
    Les Eparges

    Quel malheur que l’UE (et notre pays) soient devenus une simple expansion des USA et de l’UK !
    Quel piège horrible !
    Je ne pense pas que ce soit réformable ….
    Avec l’effondrement de notre économie , avec la composante allemande russophobe , néolibérale
    Et que du coup , l’avenir soit la guerre .

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    • admin5319
      admin5319

      CE DONT NOUS AVONS TOUS BESOIN
      Je rêve d’une campagne des Européennes que le PCF mènerait sous le slogan: Paix en France, paix en Europe et paix dans le monde…
      mais je vois mal en l’état (celui de la sortie du congrès avec les responsables de la section internationale du PCF, ceux de la presse dite communiste et le manque de clarté dans la tête des communistes eux-mêmes de la base au sommet) comment une telle campagne serait possible.
      Elle serait la seule non seulement pour un parti politique mais une invite à l’intervention populaire avec l’idée : un monde nouveau est en train de naître il a besoin de nous tous.
      Pourtant ce serait la seule orientation qui unifierait toutes les prises de position prises par le PCF depuis le 38 e congrès et qui vont dans le bon sens et qui pourraient alimenter la campagne. C’est dommage.. d’accepter que toujours les mêmes nous freinent, nous entrainent vers la régression et que le 39 e congrès non seulement les ait maintenus mais renforcés.
      Remarquez la seule chose qui me fait m’obstiner est que non seulement les autres forces politiques sont pires et incapable d’un tel mouvement, mais les récentes prises de position à l’AN et de Fabien Roussel, les affiches, vont dans ce sens là.
      Et poursuivons le rêve : quand je dis les communistes, je parle bien sur du PCF mais aussi de tous les communistes qui s’y retrouveraient comme la grande masse du peuple français.
      danielle Bleitrach
      PS moi je ne retournerai jamais au PCF pour deux raisons, la première est qu’il faut ne pas avoir le ridicule de sortir et rentrer comme dans un moulin, la seconde est qu’il y a des gens en particulier dans ma fédé qui m’ont tellement rendu la vie impossible pas tant parce qu’ils m’ont fait que par ce qu’ils sont et qui ne changera jamais que l’idée de me retrouver devant eux et toujours à des postes de responsabilité (c’est leur seule capacité être sur la ligne d’arrivée pour y féliciter le vainqueur) où ils jouent les forces d’inertie par feingnantise atavique est au-dessus de mes forces. A 85 ans j’ai le droit à ne plus les subir. mais cela est mon problème pas le votre

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