Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Jour de la Victoire dans les pays baltes : arrestations, perquisitions, héroïsme, par Giedrius Grabauskas

Aujourd’hui nous avons pensé utile de vous dévoiler la face à peine cachée de nos alliés, ceux pour qui nous acceptons le doublement d’un budget militaire de plus en plus consacré aux expéditions néo-coloniales, ceux pour qui les médias français unanimes acceptent de déshonorer l’information et devenir de plus en plus une presse à la Goebbels sans le moindre contradicteur. Ce qui se passe en France, sous prétexte d’une guerre dont nous sommes depuis 2014 au moins les belligérants officieux et désormais les belligérants officiels est très grave, plus grave encore est le bourrage de crâne qui nous conduit vers une telle conception de nos droits et libertés. Une conception déjà à l’œuvre chez nous où tout ce qui touche à la collaboration, au fascisme est plus ou moins blanchi, minimisé, a droit de cité, alors que le communisme d’hier et d’aujourd’hui doit être présenté comme criminel et que les pires mensonges doivent être avalisés y compris par le congrès du PCF, un comble rarement atteint et dont personne ne parait mesurer la gravité. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/society/article/373732/

En Estonie, en Lettonie et en Lituanie, déposer des fleurs sur des monuments est déjà considéré comme un délit

Tout récemment, du 9 au 13 mai, le Jour de la Victoire a été célébré dans les pays baltes dans des conditions particulières. Il a été célébré dans des conditions particulières, car les régimes pro-fascistes au pouvoir ont entamé une campagne de calomnies et de menaces deux mois avant cette date, qualifiant le jour de la Victoire de “triste date” et exhortant les gens à ne pas visiter les cimetières des soldats soviétiques et les monuments aux partisans soviétiques qui n’ont pas encore été démolis.

Résultats : en Lettonie, 31 antifascistes ont été arrêtés les 9 et 10 mai, en Lituanie, 5 antifascistes les 9 et 11 mai et en Estonie, 3 antifascistes les 9 et 10 mai. Ces jours-là également, les voitures ont souvent été fouillées minutieusement près des cimetières des soldats soviétiques et des vérifications d’identité opérées pour ceux qui étaient à pied. Malgré cela, un certain nombre de personnes, des fleurs à la main, ont honoré la mémoire sacrée des combattants contre le fascisme. Un acte d’héroïsme de la part de ces personnes qui, malgré les pressions et les menaces, n’ont pas changé de position.

Si nous analysons l’histoire de la Lituanie, il est important de noter que pendant la Grande Guerre patriotique, 600 000 personnes sont mortes sur le territoire lituanien : des civils, des prisonniers de guerre soviétiques, des soldats de l’armée soviétique et des partisans soviétiques. L’Holocauste est un sujet dont le régime lituanien n’aime pas beaucoup parler. Les victimes de l’Holocauste en Lituanie étaient 220 000 Juifs (environ 95 % des Juifs de Lituanie).

Telle est la vérité historique et il est dommage que le ministre de la défense Arvydas Anušauskas ait récemment déclaré que ceux qui, en Lituanie, célèbrent le Jour de la Victoire “sont des partisans de l’agression russe en Ukraine”. Bien qu’un grand nombre de ces personnes n’aient rien à voir avec la Russie et l’Ukraine, elles ne font qu’honorer la mémoire des soldats libérateurs.

Cette année, le Jour de la Victoire a été célébré dans plusieurs endroits de Lituanie. Le 9 mai, le célèbre antifasciste Henrikas Jodiška et ses compagnons d’armes ont organisé un rassemblement à Kaunas. Le 11 mai, une action a eu lieu à Kurklija, où le leader antifasciste local Algirdas Janišius est venu avec ses partisans et des personnes de Kaunas et de Kėdainiai sont également venues. Le 12 mai, une célébration a également eu lieu dans la ville de Pakruojis.

Monument aux victimes du fascisme au Fort IX. Kaunas, Lituanie (Photo de l’auteur)

Il convient également de rappeler un sujet sur lequel on dispose de peu d’informations aujourd’hui. Lorsque la Lituanie a été occupée, la mise en place du mouvement des partisans soviétiques a commencé. Hélas, entre août 1941 et juin 1942, un grand nombre de partisans sont morts. Ce n’est que lorsque les tactiques des partisans ont changé que le mouvement des partisans soviétiques s’est nettement intensifié.

Une anecdote frappante qui montre clairement l’héroïsme des combattants contre le fascisme : à la fin du mois de juillet, un groupe de six partisans a commencé à se diriger vers la Lituanie depuis la Russie, sous la direction du communiste Vincas Šupinis. Ils atteignent la Lituanie à la mi-août.

Vincas Šiupinis est membre du Komsomol depuis 1931. De 1932 à 1934, son appartement a été perquisitionné à plusieurs reprises ; une fois, il a été arrêté et enfermé pendant deux mois. Tout cela n’a pas découragé le jeune marxiste et, en octobre 1934, il a rejoint le parti communiste clandestin. En 1935, Siupinis est exilé pendant un an à Skaudvilė, une ville située de l’autre côté de la Lituanie par rapport à sa ville natale, Rokiškis.

En 1937, il est arrêté et détenu pendant un an dans le 9e fort, en sous-sol. À partir d’avril 1939, Vincas, déjà expérimenté, est responsable de l’imprimerie clandestine Juozas Greifenbergis.

Le groupe se déplaçait très prudemment sur le territoire lituanien, mais la Gestapo et les nazis locaux étaient toujours sur leurs traces. Le 29 août 1941, non loin du village d’Aukštakalnis (près d’Ignalina), plusieurs membres du détachement nazi local – A. Karla, B. Laboutskas et A. Černiauskas – remarquent le partisan J. Gvildis, qui part à la découverte, et un échange de coups de feu s’engage.

Le partisan a riposté, blessant un nazi, mais il a tout de même été abattu par l’ennemi. Juozas Gvildis – sacristain dans sa jeunesse, puis socialiste clandestin, avait passé quatre ans en prison en tant que prisonnier politique.

Le lendemain, des coups de feu sont à nouveau entendus près du lac Luodas. Le 30 août, les fascistes locaux repèrent les partisans alors qu’ils traversent la voie ferrée et se lancent à leur poursuite. Les partisans se replient vers le lac, car il n’y a pas d’autre issue.

Albertas Slapšys, un antifasciste expérimenté qui avait été incarcéré dans plusieurs prisons et dans le camp de concentration de Dimitravas, a été blessé. Slapsys, gravement blessé, est emmené à Kaunas par les nazis. On lui propose de se rendre, de signaler ses relations et ses planques, mais l’antifasciste n’accepte pas. Le 13 décembre 1941, A. Slapsys est pendu, ainsi que deux autres partisans, Alfonsas Vilimas et Vladas Baronas, exécutés publiquement par les fascistes dans le centre de Kaunas, devant une foule de citoyens.

Les quatre autres partisans sont encerclés. Ils se sont retranchés dans une hutte au bord du lac et ont riposté. La cabane a ensuite été incendiée et les antifascistes ont péri dans les flammes. C’est ainsi que quatre partisans – le chef de groupe Vincas Šupinis et ses amis Povilas Žilinskas, Josif Semenovs et Vincas Mikulėnas – ont péri héroïquement. Ces braves combattants ne se sont pas rendus à l’ennemi et ont perdu la vie dans la lutte contre le fascisme.

Pour en revenir à aujourd’hui, les antifascistes ont organisé une action le 9 mai à Kaunas au cimetière de guerre soviétique de Šanchej, puis au 9e fort (où les fascistes ont tué plus de 50 000 personnes, dont 36 000 Juifs, en 1941-1944). Ils sont venus avec des fleurs, des bougies et des pancartes montrant les photos de ceux qui ont combattu le fascisme – Juozas Vitas, Vytautas Montvila, Alex Feitelson et Sarah Ginaite.

Photo transmise par l’auteur

Au total, 10 personnes ont participé à la célébration. Tout le monde n’a pas pu y participer : par exemple, deux enseignantes, mais aussi d’autres personnes qui travaillent dans des endroits où de telles actions peuvent facilement les faire renvoyer. Il est compréhensible que les gens aient décidé de ne pas prendre le risque. Une semaine avant le 9 mai, des réunions ont été organisées dans les écoles et les directeurs d’école ont été informés que les participants à des célébrations le jour de la Victoire seraient licenciés, ces instructions émanant du ministère de l’éducation.

L’un des dirigeants du Front populaire lituanien, Henrikas Jodiška, a déclaré : “Souvenir éternel de ceux qui sont morts dans la lutte contre le fascisme, qui ont combattu pour la patrie et nous ont sauvés de la peste brune. Les antifascistes de Kaunas sont reconnaissants aux guerriers soviétiques qui ont libéré leur pays de l’occupation hitlérienne et aux partisans soviétiques qui ont contribué à la victoire. Nous sommes en faveur de la paix et d’une Lituanie pacifique et amicale, sans destruction ni chaos, sans occupants allemands”.

De son côté, le chef du ministère lituanien des affaires étrangères, Gabrelius Landsbergis, a déclaré ces jours-ci : “Le soi-disant Jour de la Victoire est une fête stalinienne qui ne devrait pas être célébrée dans notre pays”.

Les représentants de la communauté juive ont une opinion totalement différente. Viktor Katz, militant de la communauté juive lituanienne, a déclaré : “De nombreuses années se sont écoulées depuis le jour où le fascisme a été vaincu. Les gens se sont réjouis de cette victoire. Oui, il y a eu un terrible Holocauste en Lituanie. Je vais vous donner un exemple de la barbarie des fascistes : au début de 1942, à Kaunas, Tadas Lomsargis a été arrêté, un assez jeune artiste qui, soit dit en passant, n’était ni communiste, ni membre du Komsomol, ni partisan, ni juif et, d’une manière générale, n’était pas actif sur le plan politique. Il a suffit qu’entre 1935 et 1940, il ait assisté à quelques réunions d’activistes de gauche.

En septembre 1942, Lomsargis a été abattu à Fort 9. Je pose une question ouverte : comment ne pas se réjouir du jour de la Victoire ?”


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