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Les États-Unis sont désemparés face au ballon chinois, par Andrei Rezchikov

Nous nous sommes amusés pour ce dimanche, au titre du délassement du weekend à vous présenter l’affaire du ballon espion qui flotte lentement mais qui a la taille de trois autobus, vu par les vaches et les cowboys du Montana, vu par les Chinois et voici la réaction des Russes. Ce que tout le monde constate c’est que les Etats-Unis espionnent sans vergogne le monde entier et leurs protestations indignées ne trompent personne, nombreux de par le monde qui victime des grandes oreilles, du “droit d’ingérence sans limite” se réjouissent que leur soit rendu la pareille. Les Russes se félicitent que les Chinois soient décomplexés, et ce qui unit tous les commentaires qu’il s’agisse du chasseur du Montana ou du Russe c’est que l’objet en question dont le coût est moindre présente les plus grandes difficultés à être abattu, l’article détaille les problèmes techniques et il semble que l’engin a effectivement continué sa course tout au long du territoire des Etats-Unis et n’a été descendu que dans l’Atlantique cette nuit. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/world/2023/2/3/1197814.html

3 février 2023, 22h00
Photo : EYEPRESS/Reuters
Texte : Rafael Fakhrutdinov, Andrei Rezchikov

Un ballon géant survole les États-Unis depuis plusieurs jours. L’armée dit que c’est un ballon espion chinois. Mais il n’y a pas eu d’ordre de le détruire, prétendument “en raison du risque pour la sécurité des personnes sur le terrain”. Pourquoi les Américains ne peuvent-ils pas vraiment abattre le ballon, pourquoi a-t-il été lancé par la Chine et quelles conclusions la Russie doit-elle tirer ?

Depuis fin janvier, les États-Unis suivent dans le ciel un ballon de reconnaissance chinois de la taille de “trois autobus”. Il a été repéré au-dessus de la ville de Billings, dans le Montana, où se trouvent des ICBM américains. Il a également survolé les îles Aléoutiennes et le Canada. Le général Patrick Ryder, de l’armée de l’air américaine, a déclaré que le ballon se déplaçait désormais au-dessus du continent et que les autorités avaient déjà “pris des mesures pour éviter que soient recueillies des informations importantes”.

Il a déclaré que les États-Unis avaient contacté la Chine à ce sujet et lui avaient “clairement fait comprendre” qu’ils feraient tout ce qui est nécessaire pour protéger leurs citoyens et leur territoire. Dans ce contexte, le chef du Pentagone, Lloyd Austin, a convoqué une réunion avec les responsables militaires mercredi pour discuter des options de réponse.

Finalement, le ballon n’a pas été abattu, prétendument “en raison du risque pour la sécurité des personnes au sol”. Le Pentagone a présenté toutes les options possibles au président Joe Biden, qui a approuvé l’idée des militaires de ne pas toucher au ballon. Dans le cas où le chef de l’État ordonnerait la destruction du ballon, les militaires feraient voler des chasseurs F-22 qui peuvent atteindre des hauteurs allant jusqu’à 20 kilomètres dans le ciel.

L’un des adversaires politiques de Biden, l’ancien président américain Donald Trump, a profité de l’occasion pour attaquer le maître de la Maison Blanche et a ironisé sur les médias sociaux en écrivant : “Abattez le ballon !” L’armée a déjà repéré des objets similaires au-dessus des États-Unis à de nombreuses reprises, mais ce ballon s’est “attardé” au-dessus des États-Unis pendant plus longtemps que les fois précédentes.

La Chine ne s’est pas empressée d’admettre sa responsabilité dans cette affaire, mais le ministère chinois des affaires étrangères a par la suite exprimé des regrets concernant l’incident, qui s’est produit parce que “le ballon s’est égaré à cause du vent”. Le ministère des Affaires étrangères a également ajouté qu’il s’agissait d’un dirigeable civil destiné à la recherche météorologique.

L’incident s’est produit quelques jours avant des entretiens cruciaux (pour les États-Unis) du secrétaire d’État Anthony Blinken à Pékin. Cette visite avait été convenue par les deux chefs d’État lors du sommet du G20 en Indonésie en novembre dernier. M. Blinken devrait être le premier secrétaire d’État américain en cinq ans à rencontrer le dirigeant chinois Xi Jinping. Le Wall Street Journal n’a toutefois pas exclu que la visite puisse maintenant être annulée.

Il est intéressant de noter que l’annonce du “ballon espion” est intervenue au moment où le directeur de la CIA, William Burns, s’exprimait lors d’un événement à l’université de Washington, où il a qualifié la Chine de “plus grand problème géopolitique” auquel les États-Unis sont confrontés. Comme l’a suggéré le sénateur Alexei Pouchkov, les Chinois devaient compter sur le fait que leur dirigeable serait repéré et miser sur “l’effet de sidération”. “Hé, regardez, les gars ! Les Chinois sont juste au-dessus de nous !” Brillant message. C’est là toute la question”, a écrit l’homme politique sur sa chaîne Telegram.

En outre, selon les experts, les Américains ont déjà violé à plusieurs reprises l’espace aérien de la RPC, mais Pékin ne s’était jamais rien rien autorisé de tel, malgré tous les “récents avertissements chinois.” Néanmoins aujourd’hui, par une coïncidence et un effet d’aubaine, les Chinois ont réussi à riposter aux Américains sans encourir de réponse militaire de leur part. Cette expérience pourrait être utilisée par la Russie à l’avenir.

“Ils le voient, mais ils ne peuvent pas l’abattre.”

“Si les Américains voulaient abattre le ballon chinois, ils seraient confrontés à un certain nombre de difficultés. Même pendant la guerre froide, lorsque les États-Unis lançaient des ballons au-dessus de l’URSS, c’était un problème pour nous. Moscou a commencé à mettre au point un jet subsonique spécial de haute altitude M-17 Stratosphère pour intercepter les ballons à la dérive”, se souvient Vasily Kashin, directeur du Centre d’études européennes et internationales intégrées (CEIS) de l’Ecole supérieure d’Economie.

L’expert a expliqué que l’intercepteur d’aérostats devait voler à basse vitesse à une altitude gigantesque, s’approcher des aérostats et les abattre avec un canon spécial. “L’URSS développait des missiles anti-ballons avec une fusée particulièrement sensible pour combattre les ballons. Mais après la fin de la guerre froide, tous ces développements ont été freinés”, a noté l’analyste.

De plus, l’altitude de vol des chasseurs est inférieure à celle des ballons de reconnaissance modernes, il n’est donc théoriquement possible de les abattre qu’avec un missile, “mais le problème est que la coque du ballon reflète mal le signal radio, il est donc difficile de le “traiter” avec des missiles guidés par radar.

“Si vous perforez simplement le ballon, il volera dans une direction imprévisible, y compris en s’écrasant sur une zone résidentielle”, explique notre interlocuteur. Selon lui, il existe des dirigeables qu’il est presque impossible d’abattre : il ne s’agit pas d’un gros ballon gonflable, mais d’une structure cellulaire multivolume – une coquille, dont l’intérieur est rempli de petites balles remplies de gaz. “S’il est endommagé, il perdra simplement un peu de sa hauteur, mais il ne tombera pas au sol. Il est très difficile de garantir qu’un tel ballon descendra au sol”, explique M. Kashin.

Il est également peu probable que l’on puisse frapper le ballon avec un projectile incendiaire, car il est alimenté par un gaz inerte, très probablement de l’hélium. “Et en général, les États-Unis n’ont jamais sérieusement développé quelque chose de ce genre, car l’URSS ne lançait pas de ballons au-dessus du territoire américain”, a détaillé l’expert.

“En ce qui concerne la reconnaissance à partir d’un dirigeable, il peut faire des choses uniques que les satellites ne sont pas toujours capables de faire. Par exemple – prélever des échantillons d’air et analyser l’atmosphère. Ceci est important pour la reconnaissance des installations nucléaires car les matériaux radioactifs émettent des microparticules qui peuvent être utilisées pour déterminer sans équivoque l’emplacement, par exemple, des missiles ou des installations nucléaires concernés. C’est ce que la Chine semble faire maintenant”, a souligné l’interlocuteur.

“Oui, un ballon est un outil de reconnaissance efficace, doté d’une large gamme d’équipements radio, goniométriques et optiques. Il y a donc soit une sous-estimation par les États-Unis des capacités de reconnaissance du ballon chinois, soit une analyse du Pentagone affirmant que le vol ne constitue pas une menace pour la sécurité du pays”, déclare Vladimir Popov, éminent pilote militaire russe et candidat aux sciences techniques.

“Les aérostats sont généralement lancés à des altitudes de plusieurs dizaines de kilomètres, où se trouvent des courants d’air constants dont la vitesse atteint parfois plusieurs centaines de kilomètres par heure. La rose des vents joue en leur faveur. Ainsi, la route du ballon peut être bien calculée. Mais les ballons peuvent aussi être contrôlés à distance. Par exemple, pour modifier à distance leur altitude de vol en relâchant ou en renforçant la pression”, a déclaré notre interlocuteur.

“Il est difficile de dire si les Américains peuvent ‘l’éliminer’. La coque du dirigeable est faite de polymères radio-transparents, l’équipement à bord est également fait de plastique de carbone et d’autres matériaux que les équipements de détection de la défense aérienne ne peuvent pas voir. Il est possible de détecter les dirigeables par détection indirecte, en utilisant l’effet Doppler. Mais ce n’est pas facile. En outre, les missiles capables d’abattre des objets dans l’espace lointain sont très coûteux. Par conséquent, il peut y avoir un calcul commercial de la part du ministère de la Défense des États-Unis. Bien qu’on ne puisse pas les qualifier de pauvres”, a conclu l’expert.

“Les États-Unis ont aussi besoin de ballons.”

Malgré la tentative du ministère américain de la défense d’étouffer le scandale, le Pentagone lui-même effectue depuis longtemps des essais similaires de ballons pour la reconnaissance et aussi pour les communications des troupes au sol. Par ailleurs, les États-Unis envisagent d’utiliser des ballons pour suivre les lancements de missiles hypersoniques de la Russie et de la Chine. En même temps, la production de ballons est plusieurs fois moins chère que la production de satellites.

Selon Politico, le Pentagone a dépensé environ 3,8 millions de dollars pour des projets d’aérostats au cours des deux dernières années. En 2019, l’armée américaine a lancé 25 ballons pour traquer le trafic de drogue. Le Pentagone prévoit de dépenser plus de 27,1 millions de dollars pour poursuivre les travaux sur plusieurs projets en 2023.

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