Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La photographie, l’école et les jours heureux…

Ce “travail” de Françoise Larouge est politique même si elle prétend le contraire. Si vous pouvez participez donc à ce sauvetage d’une école qu’elle craint en voie de disparition faites-le. Investissez-vous comme elle l’a fait dans les parents d’élèves, en partageant le gâteau fait maison, les actions… Et à partir de là, ne partez pas de ses mots, mais de ses images, le dialogue sur des images, des détails, croyez-moi ce n’est pas du temps perdu… Il y a dans cette errance, celle du photographe, à l’affut, malgré lui parfois, l’art de traquer ce qui en nous résiste au lieu commun destructeur. Ce qui nous imbibe, nous drogue, nous persuade jour après jour, est inconscient et relève parfois de la coexistence d’objets dans un cadre prédéterminé, un montage, qu’il est urgent de déconstruire. Un autre monde est là, il vient du passé, même pas le nôtre, celui que nous avons assimilé, et à ce prix, l’appel à une reconstruction mémorielle peut nous parler d’avenir, un autre… celui dont nous sommes “cousus”, de ce qui nous retient et tient debout en franchissant tant de générations, est-il de lieu meilleur que l’école pour nous aider à voir ce chemin-là. (note de Danielle Bleitrach dans histoire et société)
©FrançoiseLarouge

Françoise Larouge prépare un second livre de photographies et elle m’explique en me l’annonçant que “C’est un projet que j’ai porté depuis longtemps avec l’ancien directeur de cette école. Je voulais montrer une école heureuse qui fonctionne bien très loin des clichés. J’ai aussi voulu montrer que l’école ce sont des connexions entre êtres humains.” Dans son interview, elle récuse le fait que sa démarche soit politique, et elle ajoute “même quand je filme des manifs, je suis accrochée par des détails”… Qu’il me soit permis ma camarade de nous entendre sur la relation entre photographie, représentation en général et politique… puisque cela fait pas mal de temps que je m’intéresse à ton “travail”. Parce qu’il s’agit d’abord d’un “travail” et qui dit “travail” dit politique… mais voyons plutôt…

https://youtu.be/jbbRZXrGHbo

Effectivement, pour ce que je regarde de ce nouveau livre, ce que recherche Françoise est dans le prolongement de son œuvre antérieure, qu’il s’agisse des ballades dans les rues de Paris, de la fête de l’Humanité ou des travailleurs des parcs à coquillages, et cette approche la rattache à la photographie humaniste française. Une école dont les grands noms sont Édouard Boubat, Jean-Philippe Charbonnier, Robert Doisneau, Izis, Willy Ronis et Sabine Weiss.

Willy Ronis pour lequel j’ai une particulière tendresse a défini l’école humaniste comme « le regard du photographe qui aime l’être humain ». Qu’est-ce que ça veut dire “aimer”, dans ce cas c’est accepter de s’identifier aux mille et une vies que l’on pourrait avoir, être à l’écoute de ce qui est vous dans l’autre, vous accomplit. Et visiblement pour Françoise cela passe par le travail, celui de l’enfant en apprentissage, celui d’une profession qu’elle estime injustement traitée, l’instituteur mais aussi l’infirmière, le détail n’en est pas un, il est justement ce par quoi intervient l’identification. Un humanisme donc qui reste très matérialiste parce que la matière contient à la fois la réalité de l’être humain et sa poésie, son identification à son paysage, à ses décors. Il est surpris et se surprend lui-même parfois dans les gestes de la vie, ceux du labeur quotidien et des joies modestes. La plupart des photographes à commencer par Willy Ronis, étaient comme Françoise proches ou membres du PCF. Oserais-je dire que comme des cinéastes tels Daquin, Grémillon, ils ont été inspirés par le réalisme socialiste dans ce qu’il avait de meilleur : le réalisme socialiste qui n’est pas un naturalisme mais le réalisme avec quelque chose de plus en étant “socialiste”, le droit au bonheur. Cette caractérisation à ce qui rend la vie heureuse malgré tout, cette politesse discrète des petites gens à faire bien ce qu’ils font et l’art de les prendre en plein quotidien pour suggérer la poésie des doux moments que l’habitude engendre, l’enfance en particulier dont nous demeurons cousus, mais il y a dans la rencontre des ratés, la photographe et son sujet ne s’abordent pas facilement.

A tel point qu’il faut des médiations, notre enfance n’est pas seulement la nôtre y compris pour moi, celle décrite par Diane Kurys dans Diabolo menthe, mais celle de la génération précédente, voire encore plus avant celle des Gavroche mais qui chez Doisneau vont acheter chez le bougnat l’Humanité quotidienne. Notre avenir, c’est ce qui intéresse Françoise, celle de la génération qu’elle aime filmer défendant le service public, c’est le collectif de travail tel que les luttes et l’exigence de la dignité lui ont donné ce visage un tantinet rebelle et à qui on ne la fait pas, mais aussi le respect du savoir, le béret soulevé devant l’instituteur… Comment se fait-il que l’on puisse dire que tout ça n’est pas “politique”, faut-il que ce terme soit décrié…

  https://www.youtube.com/watch?v=jbbRZXrGHbo

Alors voilà, j’ai encore autre chose à vous dire, depuis quelques temps ici dans ce blog nous parlons beaucoup de la relation entre classe ouvrière et intellectuels, le rôle du PCF eh bien il me semble qu’une des défaites des communistes français a été de renoncer à promouvoir leur conception du politique “celui d’aimer (au sens où je l’ai défini) l’être humain” en matière d’art, ce que le PCF, sa presse savait faire… Et pourtant ceux qui sont prêts à s’investir dans ce domaine sont nombreux et les artistes qui attendent un dialogue tout autant… Donc ouvrez le dialogue autour de l’école. Dites-vous bien que si Françoise photographie c’est parce qu’elle n’a peut-être pas les mots et que c’est dans son travail de photographie, à partir de leur lecture que l’échange sur l’école des jours heureux sera le plus fructueux. C’est ce qu’elle la militante veut dire quand elle nous propose son regard sur l’école Pyrénées, “On parle souvent des espèces animales en voie de disparition, j’espère ne pas être le témoin d’une école en voie de disparition.” quoi de plus politique que d’affirmer par l’image, par l’enfance, une telle revendication simplement en la définissant comme laïque, transcendant tous les clivages.

« L’ÉCOLE PYRÉNÉES » fait l’objet d’un livre qui sera publié par les éditions Corridor Éléphant.
Le livre sera imprimé sur un papier couché semi-mat 170 g, ce livre sera publié en édition limitée, numérotée, signée et certifiée par un cachet à froid.  Format 21×15 cm (format cahier), 86 pages. 57 photographies.

CORRIDOR ÉLÉPHANT publie des livres en édition participative, c’est le montant total récolté lors de la campagne d’édition qui rend possible l’impression et en définit le nombre d’exemplaires. Plus nous serons nombreux à soutenir l’édition et à la relayer sur les réseaux sociaux, plus le livre grandira. 

Si tu souhaites découvrir le livre, soutenir la campagne, Clique sur le lien ci-dessous.

https://www.corridorelephant.com/francoise-larouge

Soutenir le projet, acquérir le livre, permet à l’édition de grandir et contribue au succès du projet. Partager le lien ci-dessus sur tes réseaux sociaux permet au livre d’être vu au-delà de mes cercles actuels.

Par avance merci pour le soutien et les relais que tu pourras accorder au projet, il se construira avec toi.

L’INTERVIEW DE FRANÇOISE LAROUGE

Pourquoi photographier ?

J’ai dès l’enfance été irrésistiblement attirée par l’art en général. Les héros de ma jeunesse étaient tous et toutes des artistes. J’ai tenté de nombreuses expériences. Finalement, c’est la photographie qui s’est imposée à moi. Je ne sors jamais sans un appareil photo et si jamais je l’ai oublié, je vois, c’est certain, une photo qui va m’échapper faute de pouvoir la fixer. Je peux grâce à la photographie à la fois tenter de capter l’instant et travailler la forme. J’ai suivi des études d’histoire de l’art qui constituent une base très utile. La photographie me permet aussi de mélanger les arts que j’aime. Je n’ai pas pu être danseuse professionnelle, tant pis, je photographie la danse ; je n’aurais jamais osé être actrice, je suis le Petit Colossal Théâtre ; je ne sais pas écrire, je réalise des diaporamas qui tentent de raconter des histoires…

Pourquoi avoir choisi de faire un travail sur l’école publique ?

C’est l’aboutissement d’un long cheminement. J’ai commencé à photographier l’école publique de mon quartier dès que mes enfants y sont entrés. En maternelle, grâce à Messieurs Bartoli et Perrin, j’ai pu réaliser un court-métrage ayant pour objet de présenter la ludothèque à la hiérarchie scolaire. J’ai été élue au conseil d’école avec des parents qui partageaient le même attachement pour l’école Pyrénées en maternelle et en primaire. Nous pouvions aussi bien vendre des gâteaux que nous mobiliser pour aider des familles en difficulté. L’école publique, c’est le lieu où tout le monde se mélange, la culture commune étant l’École. J’aime les mélanges.

Je voulais aussi redonner ses lettres de noblesse au métier de professeur des écoles. Étrangement, c’est un des métiers les plus discrédités. Il me semble qu’on ne se rend pas compte de l’investissement personnel que ce métier demande.

Quels sont les principaux écueils auxquels vous vous êtes confrontée en photographiant des enfants ?

L’épineuse question du droit à l’image m’a imposé de ne pas photographier certains enfants. Par exemple, deux élèves de CM2 sont venus me le demander dès le premier jour, de manière impérieuse, ce qui m’a au départ quelque peu refroidie, car je ne voulais surtout pas m’imposer.

Quand l’information venait des parents par l’intermédiaire des enseignants et des cahiers de textes, parfois l’enfant ne semblait pas savoir qu’il ne devait pas être photographié. Cela me mettait dans des situations encore plus délicates. J’ai tenté de mémoriser les visages des enfants en question et leur position en classe. Mais ce ne fut pas toujours évident, car dans une classe en 2022, les élèves bougent. Il y a de nombreuses activités transversales. Et surtout, j’avais l’impression d’exclure ces enfants.

Heureusement, la grande majorité des parents ont accepté le projet et leurs enfants aussi.

Le second écueil a été de savoir dire non aux enfants qui se plantaient devant moi pour être photographiés pendant les récréations.

Mais en général la consigne a été bien comprise. Du CP aux CM2, tout le monde savait que je ne voulais pas de pose. Le seul portrait d’enfant qui est dans le livre a été proposé par la professeure d’arts plastiques. Il a été pris en une seconde. L’enfant n’a pas eu le temps de poser.

Vous travaillez toujours par thème, comment les définissez-vous ?

Je suis très rarement satisfaite a posteriori de mes photographies alors je recommence. Ainsi apparaissent des thèmes récurrents qui révèlent mes obsessions comme la danse, les statues, la vie urbaine, les manifestations, mon chat.

Votre photographie est humaniste, diriez-vous qu’elle est politique ? Pourquoi ?

Mes photographies sont rarement politiques. Même en manifestation, je suis parfois plus focalisée sur des détails que sur le sens politique qui pourrait apparaître.

Les photographies que j’ai prises à l’école ne sont pas politiques non plus. Car elles n’ont rien de démonstratif. J’ai remarqué que les enseignants sont en interaction permanente avec les élèves. Ce sont ces interactions que j’ai tenté de saisir. J’ai aussi été très impressionnée par la capacité des enfants à vivre ensemble dans un cadre comportant de nombreuses règles.

Mes photographies ne sont pas politiques, mais il est vrai que l’école est un sujet qui fait souvent partie de l’actualité politique.

On parle souvent des espèces animales en voie de disparition, j’espère ne pas être le témoin d’une école en voie de disparition.

https://www.instagram.com/francoiselarouge/

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