Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Vu de Russie : en France se trame une révolte contre la domination américaine.

La Russie a toujours eu une passion française, ce que le cinéaste Sokourov décrivait en 2015 comme un marché de dupes (1) n’est pas une simple lubie sans cesse trahie… Nous en sommes convaincus, la France vaut mieux que ses “élites” actuelles et les balayera… Peut-être cet optimisme (2) est-il l’effet de ces journées de Vénissieux où nous nous sommes retrouvés en tant que communistes français, internationalistes mais par amour de notre pays(3). Notre volonté d’alerter d’abord nos concitoyens français sur ce qui les menaçait, notre bon sens et refus des entourloupes de ceux qui avec des belles phrases nous envoient à la boucherie, ce sentiment français d’être simplement “des honnêtes gens”, rien de plus mais pas moins. L’auteur de l’article donc ne se berce pas seulement d’illusion sur ce qu’est l’indépendance française, il fait bien référence à ce que nous sommes. Bien sûr quand l’on voit les contorsions de Macron, à Rome et aujourd’hui en Indonésie où il supplie Xi Jinping de faire entendre raison à Poutine, on se dit que tout cela n’est qu’enfumage et que la France de Napoléon et même celle de Charles De Gaulle n’est pas celle de ce président paltoquet… Mais Macron a aussi à gérer le peuple français qui ne s’en laisse qu’à demi compter en matière d’embrigadement… (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/world/2022/11/14/1186597.html

14 novembre 2022, 12 h 16
Photo : Peter Kneffel/DPA/TASS
Texte : Valeria Verbinina

L’un des principaux pays de l’UE, la France, a commencé à exprimer ouvertement son mécontentement à l’égard de son principal allié, les États-Unis. Paris fait valoir que l’Europe a besoin de “plus d’autonomie” par rapport à Washington. Qu’est-ce qui provoque ce sentiment et quel est le lien avec ce qui se passe en Ukraine?

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a donné une interview au Parisien. Elle y constate que les Républicains aux États-Unis n’ont pas réussi à remporter une victoire aussi convaincante que prévu et déclare que l’Europe a besoin d’une “plus grande autonomie” par rapport aux États-Unis, “si les Européens ne veulent pas vivre dans la tension avant chaque élection américaine”.

Il n’est pas certain que tous les Européens souhaitent résolument l’indépendance vis-à-vis des États-Unis, mais il est indéniable que le pays de Madame Colonna tient à être une grande puissance, forte et indépendante. Le fantôme de Bonaparte parcourt la France, et l’ombre du petit Corse est suivie par l’immense silhouette du général de Gaulle. Ce sont deux leaders français, que l’on peut sans exagération qualifier de leaders avec une majuscule, et deux reproches venant du passé, adressés à un présent inarticulé.

Or le présent occidental est dominé par les États-Unis. Et lorsqu’un chroniqueur de Bloomberg intitule calmement son article “Seuls les États-Unis peuvent mettre fin à la guerre en Ukraine et protéger l’Europe”, il ne fait pas qu’exprimer son point de vue personnel ou éditorial. Et lorsqu’il écrit “La sécurité de l’Occident dépend entièrement du leadership américain”, “Sans Washington, presque aucun objectif majeur ne peut être atteint”, il indique clairement que les États-Unis ne renonceront pas simplement à leur rôle d’hégémon.

“Les tentatives de la France et de l’Allemagne de se lier d’amitié avec la Chine, observe sèchement l’auteur, ne trouvent pas d’écho à Washington”. Ce n’est pas ainsi que l’on parle de partenaires égaux – c’est ainsi que l’on parle de vassaux qui non seulement tentent de se rebeller, mais montrent quelques signes d’insubordination, et à qui il faut adresser des reproches.

Cependant, ni l’Allemagne ni la France ne se considèrent comme des vassaux – du moins, elles font de plus en plus allusion à leur indépendance. Et le fait que, quelque part, leurs objectifs puissent coïncider pour un temps avec ceux de la Maison Blanche ne signifie pas qu’ils doivent vivre selon les instructions des USA.

” Je vais le dire en toute clarté… Les États-Unis produisent du gaz bon marché, qu’ils nous vendent très cher. De plus, ils ont adopté un vaste programme de soutien public à certains secteurs de leur économie, ce qui réduit à néant la compétitivité de nos produits… Je pense que cela viole les règles de l’OMC et que ce n’est pas amical”, a déclaré le président français lors de son récent discours à l’Élysée.

On parle peu d’amitié lorsque des milliards de dollars sont en jeu, mais considérons que Macron a simplement mal choisi ses mots. Néanmoins, il a promis qu’il protégerait les intérêts de l’industrie française et qu’il se rendrait à Washington dans quelques semaines pour persuader ses partenaires étrangers de faire des concessions.

Ce n’est pas la première fois que le sujet sensible du gaz américain trop cher, qui fait grimper l’inflation en France et ne contribue en rien à la prospérité de l’industrie locale, est soulevé. En octobre, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a appelé les États-Unis à réduire le prix du GNL, dont la part dans les importations européennes a bondi de 28% à 45% entre 2021 et 2022.

L’homologue allemand de M. Le Maire, Robert Habeck, a été encore plus direct, qualifiant les prix américains d'”astronomiques”. Mais les États-Unis, qui sont l’un des plus grands fournisseurs de gaz naturel liquéfié au monde, se trouvent dans une position extrêmement avantageuse depuis le début du conflit en Ukraine. Tout le monde veut acheter leurs produits, et cela n’a absolument aucun sens pour eux de réduire le prix d’un produit qui est déjà très demandé.

Il est intéressant de noter que, fidèle à sa tactique de médiation partout où il le peut, le président français a réussi à créer simultanément l’apparence d’une médiation entre le gouvernement de facto du Venezuela, qui fait l’objet de toutes les sanctions possibles et impossibles, et les partisans de Juan Guaido. Le Venezuela, avec ses réserves de pétrole et de gaz, est considéré comme le pays même qui pourrait se substituer à des approvisionnements russes similaires. Le seul problème est qu’après toutes les sanctions, le gouvernement vénézuélien ne montre aucune envie de se plier aux souhaits de l’Europe et encore moins des États-Unis.

Pourtant, en se posant comme médiateur, Macron provoque en quelque sorte les États-Unis en s’immisciant dans ce qu’ils considèrent comme leur domaine d’intérêt, il gonfle son prix en tant que négociateur et envoie un message important à la société française. Et si un accord pouvait être trouvé ? Et si ça marchait ? Et même si cela échouait, on pourra toujours dire que le président a fait de son mieux.

Il ne s’agit pas seulement du coût exagéré de l’essence américaine. En France, on dit déjà ouvertement que le conflit en Ukraine est avant tout au profit des États-Unis, et cela n’a pas été dit par n’importe qui, mais par un grand militaire, l’ancien chef d’état-major français, le général Pierre de Villiers.

“Bien sûr, ce qui se passe n’est pas dans l’intérêt des Européens, certainement pas dans l’intérêt de la France, mais cela semble être dans l’intérêt de l’Amérique” a fait remarquer le général. Selon lui, “depuis le 24 février, nous n’avons vu qu’une escalade constante”. Le général estime qu’une “intervention diplomatique au sommet” est nécessaire pour mettre fin au conflit.

En d’autres termes, de nombreux signes montrent que la France aspire à l’autonomie. Une autre question est de savoir si l’hégémon approuvera – et nous savons tous très bien que la réponse sera non.

Sur le plan économique, la France n’est pas assez forte pour se permettre l’autonomie, qui, dans le monde d’aujourd’hui, est quasiment la denrée la plus chère. Mais nous avons déjà assisté à tant de changements stupéfiants ces derniers mois que rien ne nous surprend. L’avenir montrera si la France réussira à jouer le rôle indépendant dont elle rêve ou si elle continuera à suivre docilement le chemin de traverse de la politique américaine, alimentant simultanément l’économie américaine et sapant la sienne.

(1) Francofonia est un film français réalisé par Alexandre Sokourov et sorti en 2015. À Paris en 1940, alors que la France est occupée par l’Allemagne nazie, Jacques Jaujard, directeur du musée du Louvre, et le comte Franz von Wolff-Metternich, à la tête de la Kunstschutz (commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France) unissent leurs forces afin de préserver les collections du plus grand musée français.Sokourov qui est un conservateur,génial, mais conservateur est partagé entre sa vénération de la France et sa colère contre les Français qui précipitent les Russes naifs dans des révolutions insensées… Les Français s’en sortent avec leurs cousins “germains” nazis, tandis que les Russes vivent le drame de la deuxième guerre mondiale… Aimer la France et son apport et payer le prix fort pour avoir cru à leurs promesses égalitaires, leur passion révolutionnaire est une duperie mais que faire d’autre?(note de danielle Bleitrach)

(2) Aragon se moquait de moi en me disant “être optimiste ce n’est pas un métier”… Mais j’ai toujours pensé que le pessimisme est un luxe que l’on ne peut pas se permettre et que l’on a plus de chance de réussir si on table (avec lucidité) sur le meilleur plutôt que sur le pire… et se vautrer dans les veuleries françaises de nos “élites” actuelles n’est pas la solution… (note de danielle Bleitrach)

(3) je suis sûre que nous avons tous éprouvé un frémissement de joie quand le samedi matin dans le débat consacré à l’Afrique, est intervenu ce militant communiste malien qui nous a dit avec un accent de sincérité qui ne trompe pas: “Ne vous laissez pas raconter des histoires, nous aimons la France et les Français, simplement nous ne voulons plus être colonisés… Vous valez mieux que ça, vous avez un fond solide, nous allons nous battre ensemble”. Ce fut tout au long des débats cette mise au point mais ce cri la résumait…

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 413

Suite de l'article

3 Commentaires

  • Bosteph
    Bosteph

    Pierre de VILLIERS, dans Le Parisien/Aujourd’ hui en France du 9/11 : “les armées Françaises ne sont pas prêtes pour une guerre de haute intensité” . On est prévenu !

    Répondre
    • Marc
      Marc

      Bonjour Bosteph

      Pierre de Villiers, c’est aussi celui qui, aussitôt après avoir démissionné de son poste de CEMA, a intégré le Boston Consulting Group, le cabinet-conseil américain qui, avec Mackinsey, a facilité l’achat d’Alstom Énergie par Général Electrics peu avant sa démission…

      Il ne faut jamais perdre de vue que la quasi-totalité du staff militaire français ne rêve que de finir sa carrière au sein de l’OTAN ou d’une quelconque organisation militaire internationale (comme l’armée européenne) pour un triplement de solde et de retraite nettes d’impôts…

      Effectivement, on est prévenu…

      Répondre
    • Alain Girard
      Alain Girard

      Pierre de Villiers : […] On reçoit 25 000 jeunes par an […] et on en fait une unité capable d’aller au combat et de mourir si nécessaire pour la France. C’est quand même magnifique, c’est un signe d’espérance. Ça prouve que c’est possible. Encore faut-il prendre de la hauteur, donner une âme, des valeurs, de la passion, du cœur, des tripes, ce qui manque. Il y a trop d’intelligence aujourd’hui, et il n’y a pas assez de passion.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.