Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Taïwan ne vaut pas une messe, par Pietro Fiocchi

L’AntiDiplomatico, voici un article qui nous a été transmis par notre correspondant en Italie et qui a le mérite d’insister sur les subtilités de la diplomatie vaticane. S’il est clair comme nous l’expliquons par ailleurs que les Etats-Unis et une partie vassale de l’UE cherche à n’importe quel prix la guerre non seulement avec la Russie mais avec la Chine qui est la cible de ce monde multipolaire dont l’Occident hégémonique ne veut à aucun prix, il y a non seulement un refus profond mais désorganisé des peuples et un certain nombre de dirigeants qui avancent à reculons. Le Vatican avec le pape François selon le directeur de l’Observatoire Marx 21 fait partie de ces dirigeants qui ne veulent pas se laisser enfermer dans la stratégie de l’occident. Une visite récente d’un officiel de Taiwan l’invitant à marquer son soutien à l’indépendance de l’île participe de la pression que les USA exercent partout dans le monde et avec laquelle chacun louvoie, ils sont nombreux dans le même cas et parmi eux il y a le chancelier allemand, Macron lui n’a même pas le courage de suivre son penchant, son peuple et une partie de ses capitalistes. Le Pape a de plus en plus de fidèles réels hors occident. Une idée réconfortante et tout à fait pertinente est celle énoncée par l’interviewé face au déferlement des grands médias en Italie comme en France: “Malheureusement pour eux, les grands médias ne comprennent pas que ce type de propagande est contre-productif. Des heures et des heures de cris et de hurlements à la télévision et des articles exsudant la haine et le mépris de la Russie et de son peuple n’ont pas convaincu les Italiens qui continuent de s’opposer à l’envoi d’armes et aux sanctions contre Moscou.” (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

www.lantidiplomatico.it

https://www.lantidiplomatico.it/dettnews-taiwan_non_val_bene_una_messa_intervista_a_marco_pondrelli_marx21/5496_47281/

“…le Vatican est peu enclin à prendre parti pour Taïwan, privilégiant les appels au dialogue et à la concertation”

La visite au Vatican de l’ancien vice-président de Taïwan, Chen Chien-jen, épidémiologiste, que le pape François a nommé membre ordinaire de l’Académie pontificale des sciences l’année dernière, est récente.

De cette visite de Chen Chien-jen, qui a été de 2016 à 2020 l’adjoint de l’actuelle présidente Tsai Ing-wen et qui est maintenant son envoyé spécial pour la cérémonie de béatification de Jean-Paul Ier, nous apprenons par l’agence de presse de l’Institut pontifical pour les missions étrangères AsiaNews, que Chen Chien-jen, citant ses propres mots, est au Vatican pour une initiative diplomatique visant à montrer au monde les valeurs démocratiques de son pays.

La même “initiative diplomatique” nous est également rapportée par les médias taïwanais, notamment ici https://udn.com/news/story/6656/6584672 où l’on parle du voyage et de la visite au pape François, ce pontife que tout le monde invoque, sauf qu’on lui fait ensuite des reproches lorsqu’il se prononce en faveur du dialogue à tout prix.

A la fin du texte, nous trouvons également, comme souvent, quelques commentaires, qui ne sont certainement pas à prendre comme de l’or en barre, mais qui peuvent servir de support à ceux qui souhaitent, s’ils en ont envie, exercer leur esprit critique.

En parlant de l’ancien vice-président, il est fait référence à un groupe d’intérêt dont, selon l’auteur du commentaire, il est membre (les intérêts en jeu sont nombreux, il suffit de penser aux visées géopolitiques des USA et du Japon, qui dans la région Asie-Pacifique ont un long et pas toujours noble passé, et qui continuent à se démener).

Des avis tout sauf positifs sont également exprimés sur son action en tant que vice-président, faisant référence à son manque d’intérêt pour les conditions de vie de la population, avec une pique très lourde sur l’utilisation des finances publiques et la gestion “ratée” de la crise de la pandémie.

Pour commencer à clarifier nos idées, nous avons posé quelques questions à Marco Pondrelli, directeur de l’excellent observatoire politique Marx21 :

Monsieur le Directeur, comment pouvons-nous évaluer la visite de l’ancien vice-président de Taiwan au Vatican ces jours-ci, à un moment aussi critique ? Et dans tous les cas, est-il légitime de penser que quelque chose se prépare en coulisse ?

Tenter d’analyser ce qui se passe dans les coulisses est toujours un exercice très dangereux, avec le risque d’être contredit par la réalité. Aujourd’hui, l’Église catholique est profondément divisée. Au début de son pontificat, le pape a donné un signal clair en nommant l’archevêque Pietro Parolin au poste de secrétaire d’État du Saint-Siège (un véritable ministre des affaires étrangères), qui avait déjà tenté de consolider les relations diplomatiques avec Pékin pendant le pontificat de Benoît XVI, mais s’était heurté à la résistance de Ratzinger. La division au sein du Vatican ne concerne pas seulement la Chine mais l’idée plus large d’un monde multipolaire, Bergoglio pense que l’Eglise ne peut pas vivre ancrée à son eurocentrisme, et bien que le Vatican soit l’un des 14 Etats au monde à reconnaître Taipei les signes de dialogue vers Pékin continuent de s’intensifier.

La visite de l’ancien vice-président taïwanais Chen Chien-jen doit être lue, à mon avis, dans le cadre de ce contraste. En cas d’aggravation de la situation dans le détroit, il est peu probable que le Vatican se range du côté de Taïwan, privilégiant les appels au dialogue et à la concertation.

En ce qui concerne la question du statut de Taïwan, pensez-vous que les hommes politiques italiens soient réellement prêts sur cette question à prendre éventuellement une position indépendante de toute interférence extérieure ?

En paraphrasant Georges Clemenceau, on pourrait dire que la politique en Italie est une affaire trop sérieuse pour la laisser à nos politiciens. La Première République, tant décriée, parvient à accorder à l’Italie une autonomie relative. Cependant, nous vivions dans une situation internationale différente et avions une classe politique différente forgée par la Résistance. Aujourd’hui, nous avons une classe politique qui, pour la plupart, est totalement soumise aux souhaits des États-Unis, incapable de reconnaître et de défendre les intérêts nationaux. Il est probable que nombre de ces hommes politiques ne connaissent pas l’histoire et sont convaincus que le principe d’une seule Chine est une invention de Pékin.

La République populaire de Chine peut être un partenaire important, y compris sur le plan économique, pour l’Italie, continuer à la désigner comme un ennemi est une grave erreur que, comme les sanctions contre la Russie, le peuple italien paiera.

Il doit être clair que la Chine considère le retour de Taïwan comme un processus à réaliser avec le consensus de tous les acteurs impliqués et qu’elle ne veut pas poursuivre ce résultat par un acte de force, mais les provocations américaines risquent de surchauffer le climat. Ce que les États-Unis ont accepté en 1979, c’est qu’il n’y a qu’une seule Chine représentée par la République populaire, souffler sur le feu de l’indépendance de Taïwan est contre-productif pour tout le monde.

De votre point de vue, les médias italiens interprètent-ils et rapportent-ils de manière objective et complète cette dernière série de délégations officielles sur l’île chinoise, les réactions de Pékin, etc.

Évidemment non ! Il ne faut pas s’étonner que dans le pays où le principal journal italien publie des listes noires, il y ait un manque d’informations objectives sur ce qui se passe dans le détroit. Je reste convaincu que lorsqu’il s’agit de sujets inconnus du plus grand nombre, comme les relations entre la Chine et Taïwan, l’ignorance s’ajoute à la mauvaise foi des médias. Cependant, nous parlons des médias dits grand public parce que des voix importantes, comme la vôtre, nous donnent une vision plus correcte de la politique internationale.

Malheureusement pour eux, les grands médias ne comprennent pas que ce type de propagande est contre-productif. Des heures et des heures de cris et de hurlements à la télévision et des articles exsudant la haine et le mépris de la Russie et de son peuple n’ont pas convaincu les Italiens qui continuent de s’opposer à l’envoi d’armes et aux sanctions contre Moscou.

Comment se fait-il que les États-Unis soient prêts à faire presque n’importe quoi pour l’indépendance de l’île chinoise de Taïwan, mais qu’en même temps ils fassent tout pour refuser cette même indépendance à Hawaï ?

Parce que le principe d’autodétermination est utilisé politiquement. C’est ce que même une certaine partie de la gauche ne comprend pas, finissant par devenir objectivement un allié de l’impérialisme américain. Tout comme il y a une contradiction entre refuser l’indépendance à Hawaï et la souhaiter pour Taïwan, il y a également une contradiction entre bombarder un pays pour donner l’indépendance au Kosovo et ne pas reconnaître le même droit aux républiques populaires de Donetsk et de Lougansk.

Cette contradiction peut s’expliquer par le déclin américain, plus les Etats-Unis perdent leur capacité hégémonique plus ils déplacent leur action vers le niveau militaire, mais ce que Washington devra comprendre c’est que la croissance de la Chine n’est pas seulement économique mais aussi militaire et qu’une guerre n’est dans l’intérêt de personne.

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