Histoire et société

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Grande-Bretagne : la vague de grèves s’intensifie alors que des millions de travailleurs poussent à l’action

C’est peu de dire que le gouvernement conservateur et complètement déconsidéré est parmi les plus bellicistes, ce faisant il tente aussi de poursuivre et amplifier l’offensive contre le monde du travail. Le site trotskiste WSWS a le mérite non seulement d’avoir une position anti-impérialiste claire mais de toujours souligner le lien entre cet aanti-impérialisme, la volonté de paix et les luttes sociales dans le pays. C’est d’ailleurs sur ce point que l’on peut conserver quelques espoirs dans le PCF, dans la CGT, dans la combativité ouvrière française, elle est le chemin réel de la prise de conscience. Ce qui est en train de basculer historiquement ce n’est pas seulement l’hégémonie occidentale mais c’est une nouvelle domination de classe vers le socialisme (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Thomas Scripps18 août 2022

La Grande-Bretagne connaît une vague de grèves comme elle n’en a pas vu depuis des décennies.

Plus de 40.000  travailleurs du rail représentés par le syndicat RMT (Rail, Mer,Transport) et la TSSA (Association des personnels salariés des transports) continueront la série des grèves nationales du rail jeudi et samedi. Environ 10.000  membres du RMT du métro et des transports en surface de Londres feront grève vendredi. 1.600  travailleurs des bus de London United commenceront deux jours d’action.

Dans une action qui aura un impact massif sur l’économie britannique, 1.900  travailleurs du port de Felixstowe, responsable de la moitié du fret par conteneurs, entameront huit jours de grève dimanche. Plus de 500  travailleurs ont également voté pour la grève au port de Liverpool, le quatrième plus grand du Royaume-Uni.

Près de 115.000  travailleurs de Royal Mail membres du CMU (Syndicat des travailleurs de la communication) feront grève les 26 et 31  août et les 8 et 9  septembre. 50.000 autres travailleurs des télécommunications à British Telecom, du même syndicat, feront grève les 30 et 31  août. Les travailleurs des Postes se joindront à eux les 26, 27 et 30  août.

Confirmant avec force la colère et la détermination qui animent les travailleurs, des grèves sauvages auxquels participaient des milliers de personnes ont eu lieu chez Amazon et se poursuivent tous les quinze jours chez les sous-traitants de l’infrastructure énergétique vitale du Royaume-Uni.

Ces grèves ont lieu alors que les travailleurs européens et internationaux mènent eux aussi des grèves importantes. Des grèves générales d’un jour ont eu lieu en Italie, en Grèce et en Belgique. Une vague de grèves a déferlé sur la Turquie et il y a des actions majeures menées contre des compagnies aériennes européennes majeures, notamment une grève de cinq mois prévue chez Ryanair en Espagne.

Les travailleurs sont poussés à la lutte par l’effondrement catastrophique du niveau de vie, comparable seulement à la Grande Dépression des années  1930. Au Royaume-Uni, les salaires, qui stagnaient depuis plus de dix ans, ont chuté massivement, de 7  pour cent face à la hausse des prix de détail sur l’année, entre avril et juin, la baisse la plus rapide jamais observée. Deux tiers des ménages sont confrontés à un hiver de précarité énergétique, la facture moyenne devant atteindre 4,426  livres [5240 euros] par an d’ici avril prochain. Des millions de familles ne sont même pas en mesure de se nourrir correctement.

Le mouvement de masse croissant entraîne la classe ouvrière dans une confrontation directe avec des syndicats qui essaient désespérément de contenir et de saboter leur lutte et un gouvernement conservateur qui cherche à imposer tout le poids de la crise aux travailleurs et à leurs familles, par tous les moyens nécessaires, et qui jouit de la collaboration active du Parti travailliste, l’ opposition officielle.

Plus de 200.000  travailleurs sont en grève ce mois-ci, mais ce chiffre serait plus proche de 3  millions si les plus gros bataillons de la classe ouvrière n’étaient pas délibérément démobilisés par la bureaucratie syndicale.

On empêche de faire grève plus d’un million de travailleurs du NHS (Service national de santé) et un million du secteur de l’éducation et des collectivités locales à travers un processus prolongé de scrutins consultatifs et par le report de scrutins réels à l’automne ou plus tard encore.

Cela est fait délibérément, pour éviter une mobilisation qui pourrait renverser le gouvernement. Les syndicats connaissent et craignent cette possibilité, comme le révèle les commentaires du secrétaire général du RMT, Mick Lynch, et du secrétaire général du syndicat Aslef, Mick Whelan.

Tous deux ont évoqué la question d’une grève générale, mais ont insisté pour dire qu’il n’était pas en leur pouvoir d’en organiser une. Lynch a déclaré à BBC Newsnight que seule «[la confédération syndicale] Trades Union Congress pouvait appeler à une grève générale, pas moi. Si elle y appelle, nous la soutiendrons, absolument». Il parlait en sachant que le TUC ne lancerait jamais un tel appel. De même, Whelan a déclaré à Sky News: «Je ne pense pas probable qu’il va y avoir une grève générale…».

Si deux dirigeants syndicaux estiment néanmoins nécessaire de parler de grève générale, c’est parce que cette question est déjà débattue sur les piquets de grève et les lieux de travail de tout le pays. Ils tentent d’apaiser la colère populaire face à la baisse des salaire, aux milliers de suppressions d’emploi et aux accélérations de cadences.

Le fait que Lynch soit à la tête de la nouvelle campagne « Trop c’est Trop», lancée par la gauche corbyniste au Parti travailliste et le magazine Tribune(propriété de Jacobin), avec le RMT et le CWU comme seuls affiliés syndicaux, relève des mêmes préoccupations politiques. Ses revendications sont: «Une véritable augmentation de salaire», «Réduire les factures d’énergie», «Mettre fin à la pauvreté alimentaire», «Des logements décents pour tous» et «Taxez les riches».

Ce sont là des mesures populaires et nécessaires, mais elles nécessitent une attaque frontale du capitalisme et surtout une lutte politique contre le Parti travailliste, ce que les syndicats veulent absolument empêcher.

Alors même que le leader travailliste Sir Keir Starmer dénonce les grèves, menace d’expulser ses propres députés s’ils vont sur les piquets de grève et reprend l’attaque des Conservateur de réformes par «l’arbre magique de l’argent», Lynch et Whelan insistent pour dire qu’il faut le soutenir comme la seule alternative au Parti conservateur et l’encourager à «cesser d’être assis entre deux chaises».

Pour que la classe ouvrière puisse mener une véritable lutte en défense de ses intérêts, il faut former de nouvelles organisations de lutte indépendantes des syndicats. Il faut former des comités de la base sur chaque lieu de travail et dans chaque communauté, dirigés démocratiquement par les travailleurs les plus fiables, pour unifier les luttes qui éclatent actuellement et préparer les conditions d’une grève générale.

Dans cette lutte, les alliés les plus importants des travailleurs en Grande-Bretagne sont leurs frères et sœurs d’Europe et du monde. Ils pourront faire appel à leur soutien par le biais de l’Alliance internationale des travailleurs des comités de base.

Une telle lutte ne peut se limiter à la sphère économique. De nombreux travailleurs comprennent qu’ils ne se battent pas seulement contre tel ou tel employeur, mais contre un gouvernement conservateur et un Parti travailliste qui agissent ensemble pour imposer les diktats des grandes entreprises, des banques et de l’oligarchie financière.

Durant la course à la direction du Parti conservateur, Liz Truss et Rishi Sunak se sont affrontés pour savoir qui pouvait présenter les plans les plus draconiens pour briser les grèves de masse et interdire carrément grèves et manifestations.

Les mesures à mettre en œuvre en septembre comprennent l’imposition de taux de service minimum dans toutes les «industries et services cruciaux», l’interdiction des grèves par différents syndicats sur le même lieu de travail, le report des grèves avec une période de «droit de réponse» pour l’employeur, l’abrogation de la loi permettant aux syndicats d’utiliser un mandat de grève à tout moment au cours des six prochains mois, et des délais de réflexion obligatoires après chaque grève, d’une durée maximale de 60  jours.

Moyennant quelques critiques symboliques, les travaillistes permettront la mise en œuvre de toutes ces mesures et attaqueront tous les travailleurs qui s’y opposent.

Grâce à ces mesures implacables, on est en train de faire payer à la classe ouvrière les renflouements massifs des grandes entreprises durant la pandémie, de même que le coût faramineux de la guerre impérialiste par procuration menée en Ukraine par les puissances de l’OTAN. Les entreprises elles, continuant à engranger des bénéfices records.

Seule une offensive économique et politique combinée de la classe ouvrière peut vaincre les efforts des syndicats pour supprimer le mouvement de grève croissant et pour empêcher tout défi politique au gouvernement conservateur et à la politique de droite du Parti travailliste.

Pour démasquer et vaincre les conspirateurs politiques de Westminster, le Parti de l’égalité socialiste a appelé les travailleurs à exiger des élections générales immédiates.

Notre objectif est de mobiliser la classe ouvrière contre l’assaut impitoyable lancé contre le niveau de vie et les droits démocratiques, contre l’escalade implacable de la guerre contre la Russie jusqu’à risquer une guerre nucléaire, contre le refus criminel de mettre fin à la pandémie, et l’infection et la mort en masse, et pour développer le soutien pour une alternative socialiste au capitalisme. Nous sommes convaincus qu’une telle lutte de la classe ouvrière britannique, contestant le droit des partis du grand capital à gouverner, sera une inspiration pour les luttes des travailleurs dans le monde entier.

(Article paru d’abord en anglais le 17 août 2022)

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