Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les Russes ne veulent pas la guerre

Pourquoi les drapeaux qui ressurgissent dans le Donbass sont-ils ceux de l’URSS, non seulement celui de la victoire sur le nazisme, cette victoire commune avec le peuple ukrainien, mais désormais comme en témoigne l’illustration il y a le drapeau de Lénine. Ces drapeaux disent comme dans la chanson “les Russes n’aiment pas la guerre, ils l’ont faite pour que non seulement eux mais le monde vive en paix, ils ont donné leur vie sans compter pour cette paix”. Ils proclament nous n’avons pas changé. Le régime politique qui coïncide le plus avec leur amour de la paix, c’est le socialisme, dirigé par un parti communiste.

Récemment SACHA BENGHEIM, cet israélien bundiste qui connait si bien la Russie expliquait ainsi l’identité russe :

“Il y a deux opéras de l’école russe dite “nationaliste” du 19e siècle qui sont particulièrement instructifs de la mentalité russe: “Une vie pour le Tsar” de Glinka et “La cité invisible de Kitej” de Rimski-Korsakov.
Le thème reflète une certaine continuité culturelle dans l’histoire où, à l’inverse de la pensée occidentale qui instaure la primauté du droit et de l’individu, du moins en théorie, à partir du 18ème siècle et le concrétise au 19e siècle notamment sous l’impulsion des printemps des peuples de 1848 dans toute l’Europe, la grammaire politique russe se forge au contraire sur trois données:

-l’étranger comme domination, brutalité et arbitraire (occupation polonaise ou mongole en arrière-plan),
-la verticalité du pouvoir avec l’autocratie comme garante de l’unité (et donc de la force collective) contre les intérêts claniques des boyards ou des capitalistes (en défaut de patriotisme),

et enfin, le sacrifice individuel pour la survie collective et l’accomplissement de la civilisation russe dan son ensemble.
Tout cela peut bien nous paraître contradictoire puisque l’autocratie réalise déjà une forme de brutalité et corruption qui asphyxie ce qui resterait de l’accomplissement civilisationnel. De la même façon, la période de Pierre le Grand et le mouvement qu’il initie par lequel de très nombreux artisans ou intellectuels européens vont porter les réalisations culturelles, technologiques ou militaires de l’Empire russe contredit l’idée de fracture civilisationnelle entre une Russie éternelle qui ne renie pas ses origines à une Europe occidentale qui serait vendue aux intérêts corporatistes et sectaires.
Cela ne veut certainement pas dire que les gens croient à cette mythologie: mais c’est un code culturel qui définit une part essentielle de ce qui réunit les gens par-delà ce qui les divise. Donc prétendre agir pour la défense des Russes/ Russophones ou défendre la Russie dans un combat quasi eschatologique pour la survie de sa mission, c’est finalement être pleinement russe, même si cela implique un certain sacrifice, il vaudra toujours mieux que la soumission à un ordre extérieur qui ne veut pas le bien ultime de la civilisation russe, mais son rabougrissement. Fierté nationale, instinct collectif, jeu de dupes politique, tout se mélange mais forme simplement une appréhension autre et différente de la conception du pouvoir, du rapport entre individus ou de la vision sacralisée de la culture dans les relations internationales.
On peut trouver cela archaïque, délirant, faux, que sais-je. Il n’en demeure pas moins que les discours de Poutine jouent sur cette conscience collective pour asseoir une légitimité. C’est une autre grammaire politique que la nôtre qui revendiquera l’exportation de valeurs ou la primauté du droit, tout en ayant nos propres contradictions en balayant d’un revers de bombes nos valeurs quand les intérêts corporatistes l’exigent.
Néanmoins, cela pose sous un autre angle et avec une autre acuité la question posée par l’idée d’un monde multipolaire, qui est une réalité avant d’être un slogan. Et une erreur fondamentale de l’occident est de persister à croire que son modèle qu’elle défend de manière militante comme un universalisme, ne serait qu’un particularisme érigé, par ses moyens technologiques ou militaires, en hégémonie, avec l’hubris ou la dénégation qui peuvent s’adjoindre.
Cette logique propre aux cultures diverses du monde est indirectement un instrument de pouvoir: il suffit de donner un gage suffisant de validation de ce fond culturel pour exercer un pouvoir à l’encontre de ce qui est revendiqué. Les intérêts puissants dans les guerres l’ont bien compris: laminer Mariupol assure la survie de la mission civilisationnelle russe, et assurer le carnet de commandes de Lockheed Martin ou Raytheon sauve une démocratie qui n’en a que le nom.

Je suis tout à fait d’accord avec cette vision qui pourrait également être celle de Poutine et d’un certain conservatisme russe autant que celle de Ziouganov, son opposant le dirigeant du parti communiste, comme je suis d’accord avec la nécessité d’un monde multipolaire où ce genre de construction de la personnalité de base, l’idiosyncrasie chère à l’Amérique latine, serait respecté : on chercherait ce qui est commun en respectant ce modèle comme le nôtre est républicain, jacobin et prétendant imposer aux autres notre conception de l’universel entre Robespierre, Napoléon, et tant d’autres. Mais je faisais remarquer que dans le conflit du Donbass il y avait ce drapeau rouge de la victoire, Sacha Bengheim m’a répondu que justement c’était ce grand moment d’unité sacrificiel.

Certes mais il y a plus encore il y a aujourd’hui ce qui a été recherché dans la lutte contre le nazisme, c’est-à-dire la paix… Là c’est avec l’égalité, la justice, ce que crée le communisme…

Cette haine de la guerre et de sa glorification de pacotille est même ce qui inspire aux communistes une aversion totale pour les fascistes. Quant à la lâcheté, si quelques fascistes ont des convictions et sont morts pour celles-ci la plupart sont des opportunistes admirablement décrits par SARTRE dans sa nouvelle L’Enfance d’un chef. Ils s’attaquent en bande à plus faible qu’eux alors qu’un communiste fait face à ceux qui prétendent être les maitres. Un communiste n’attend ni gloriole, ni récompense et c’est là que joue son origine de classe, celle de la vision du monde des exploités, de ceux qui font le monde dont profitent les autres. Qu’est ce que nous devons à Marx, qu’est ce que nous devons à la Révolution soviétique et à celles qui ont suivi dans la lignée dans cette vision communiste ? Mais l’aspiration à la paix a partout une dimension de classe, celle qui paye vos crimes, vos erreurs vous les maîtres, les exploiteurs.

Marioupol : un soldat russe brandit le drapeau de Lénine

Cette vision des communistes n’est pas celle illusoire et idéaliste que justement le nazi tente de créer de lui-même, le communiste est un homme concret, avec ses joies, ses peines, ses faiblesses et son ironie. Si je n’avais pas connu des hommes et des femmes de cette espèce, haïssant comme moi la guerre mais ne refusant pas le combat si celui s’avère nécessaire je croirais aujourd’hui être victime d’illusions. Des êtres humains comme cela semblent ne pas exister du moins en France, pourtant je suis sûre qu’ils n’ont pas disparu. Alors quand je vois à nouveau agité ce drapeau rouge je sais qu’il y a volonté de paix, d’humanisme autant que de refus de l’injustice et du fascisme. C’est parce qu’il représente cet élan vers la paix, vers l’émancipation, que ce “superbe drapeau rouge, rouge du sang de l’ouvrier” représente pour tant de gens dans le monde à la fois la patrie et son international de paix. La proposition des Chinois d’un monde multipolaire qui respecterait la diversité des grammaires nationales en cherchant les intérêts communs ne pouvait surgir qu’à l’ombre du drapeau rouge.

Aujourd’hui parce qu’il a été foulé au pied celui qui est devenu le “héros” avec ses corruptions de petit bourgeois pris de rage et son obscène avidité c’est le nazi, il est le pendant, faussement opposé, à l’égoïsme des bourgeois d’un capitalisme qui veut survivre.

Cette idée de la nécessité de la paix est présente dans le peuple russe à un point inimaginable. A l’inverse de ce qui se passe en occident : Ziouganov dit “le vaccin contre le nazisme n’a plus d’efficacité en Europe, il faut une piqure de rappel” Il faudrait un choc mais celui-ci ne doit pas être la guerre “. Comment leur faire comprendre ? ” Effectivement, l’élan moral a disparu dans l’occident ,non seulement nous ne nous posons plus comme nous le faisions dans ma génération ce que nous aurions fait face au nazisme, à la torture (cette question je me la pose encore) collaborer ou résister ? Quand nous découvrons que les héros sont tatoués de croix gammées après avoir nié leur existence, nos médiacrates tentent de dire “ce n’est pas si grave, ils sont intégrés à l’armée régulière!” Ils inventent d’imaginaires victoires, et trouvent toujours une nouvelle maladie à Poutine pour expliquer sa “folie”. Ils refusent de voir la réalité de ce qu’est le continent européen.

Certains Russes qui hésitent entre l’occident et l’enfermement, et même la Chine, peuvent avoir le refus de la guerre ancré en eux et ils hésitent devant cette “opération” , ce sont en général les intellectuels des milieux urbains mais la plupart d’entre eux ont la même répulsion devant le fascisme et la propagande de nos médias les plongent dans le désarroi.

“Gloire au héros, gloire au nazi” en a pris un coup à Marioupol parce qu’ils se sont rendus en pleine forme. Ce que ne comprend pas un communiste : quand le combat est commencé et que l’on est coupable de tant de meurtres, tant de malheur comment est-ce que l’on n’a pas l’ultime dignité de mourir au combat.

Regardez cette jeune recrue russe, jeté dans une affaire incompréhensible et qui tue un civil non armé, présenté par un tribunal ukrainien comme le symbole des horreurs que les Russes commettraient, se repentir de son geste. On sait qu’il est sincère, c’est un Russe, il plaide coupable. Mais la question que je pose à ceux qui accordent de la publicité à ce jugement est : d’où un tribunal du pouvoir ukrainien actuel ose-t-il juger ce soldat, n’ont-ils rien d’autre à se mettre sous la dent ? Ils sont gonflés, après ce qu’ils font dans le Donbass depuis 8 ans avec 15.000 MORTS dont beaucoup étaient des civils et les autres forcés de prendre les armes… Ça fait pas mal d’années de prison pour les dirigeants ukrainiens sans parler des charmants nazis du bataillon AZOV fer de lance du massacre…

mais quand je dis les russes ne veulent pas la guerre, il y a des Russes qui veulent la guerre et pas parce qu’ils ont choisi de répondre aux provocations de l’OTAN, au martyre du Donbass.

Ce qu’il adviendra de cette histoire est peut-être différent de ce qu’on en attend.

Ce qui risque de se passer avec cette “opération”, c’est que le peuple russe qui a toujours haï la guerre au point de chasser le tsar qui l’avait entrainé dans cette boucherie considère comme le disent les communistes que la paix passe par chasser les nazis d’AZOV mais aussi de chasser ceux qui chez lui en Russie conduisent vers la guerre, les oligarques responsables de la fin de l’URSS, des avancées de l’OTAN.

PARCE QUE LES RUSSES NE VEULENT PAS LA GUERRE, MAIS QUAND LE PEUPLE RUSSE Y EST CONTRAINT IL VA JUSQU’AU BOUT …

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2 Commentaires

  • gendre.dominique
    gendre.dominique

    je partage cet article et j’ajouterais que les “russes” ont un rapport avec leur armée que peu peuvent comprendre .Ce qui donne aussi à réflèchir sur la lutte qu’ils mènent pour la paix.

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Un autre drapeau sur un char Soviétique:
    https://youtube.com/shorts/wmkYGssyFSQ?feature=share

    Sur l’affaire du jugement du soldat Russe, le jugement a eut lieu en période de guerre et s’il a été témoin des tortures et exécutions de ses camarades il fera peut être le nécessaire pour survivre jusqu’à l’arrivée de ses libérateurs.

    Quand aux nazis bien gras je n’ai jamais vu un tel physique chez les amis soldats qui se sont engagés. Il ressemble à un soldat McDo yankee, comment peut-il se battre ? Il croit en ses tatouages magiques mais il se ment à lui même, un soldat pour survivre doit être en pleine forme.

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