Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

CHINE : la renaissance du capital et le virage à gauche du travailleur intellectuel

Retour en force du marxisme après des années de montée en force de la classe capitaliste, le mécontentement grandit et les petits bourgeois intellectuels s’emparent des analyses marxistes. Un intéressant panorama. (traduction de DB pour histoire et société)

23 JANV. ÉCRIT PAR ZUOYI23

TRANSLATED BY KEVIN LI du chinois àl'anglais

Publié à l’origine anonymement sur les pages WeChat et Zhihu de Zuoyi23, l’article suivant explore la montée et la chute de la classe capitaliste en Chine. Utilisant un net prisme dialectique l’auteur jette un regard critique sur la façon dont la relation entre l’État et le capital continue de façonner la relation entre les classes capitalistes et ouvrières en Chine – et comment les jeunes travailleurs reviennent à la critique marxiste pour façonner l’avenir.


Le texte original sur Zhihu peut être trouvé ici: 资本的复兴和脑力无产者的左转 (zhihu.com)

Note de l’éditeur: L’article suivant a été initialement publié le 18 décembre 2020, peu de temps après l’arrêt de l’introduction en bourse d’Alibaba et des mois avant que le gouvernement chinois n’institue une série de nouvelles réglementations dans le secteur privé. Il a ensuite été réédité sur des sites de gauche tels que Utopia (乌有之乡).

L’auteur ne détaille qu’une petite fraction des contradictions inédites dans la société chinoise résultant de la période de réforme et d’ouverture. Au cours des années 1990 et 2000, les changements dans les relations de travail, l’économie politique et le flux de capitaux ont semblé signifier la fin de la construction socialiste en Chine – ce qui a convaincu de nombreux érudits et gens de gauche occidentaux que la Chine s’était vendue à la classe capitaliste.

Cependant, le récent virage brutal de la Chine dans la réglementation étatique des industries clés telles que l’éducation, la technologie et le logement – ce qui a été stigmatisé comme une « répression » du capitalisme dans les médias occidentaux – reflète la stratégie à long terme de l’accumulation du capital. Au cours des derniers mois, le gouvernement chinois a mis à genoux plusieurs industries de plusieurs milliards de dollars, dévalué massivement les actifs des milliardaires et entamé l’un des plus grands transferts de richesse du capital monopolistique au public, tout en éliminant l’extrême pauvreté dans le pays.

À la lumière de la description concise de l’auteur de l’ascension et de la chute du capitaliste chinois, nous devons nous souvenir que Marx et Engels avaient théorisé que le socialisme, et par la suite le communisme, ne pouvait être réalisé qu’en cas d’abondance de capital. En utilisant le marché comme un moyen d’accumulation du capital plutôt que comme une fin en soi, le projet en cours de construction socialiste du Parti communiste chinois a élevé le niveau de vie de plus de 1 milliard de personnes. Malgré les difficultés rencontrées par le peuple chinois, nous partageons l’appel de l’auteur à regarder avec passion ce que l’avenir nous réserve.


2020 a été une année spéciale. Ce fut une année où les travailleurs intellectuels (脑力无产者) en porte à faux ont pris un virage à gauche (vers un point de vue critique du capitalisme). C’était aussi la première année où des travailleurs manuels ont ressenti l’impact de la crise.

Depuis 1978, le développement du capital chinois est passé par trois étapes importantes. Liés à ces trois étapes de développement, le statut social des capitalistes et la conscience des travailleurs sont également passés par trois étapes différentes.

1978 – 1992

Cette période est la première étape du développement du capital chinois. À ce stade, le capital est littéralement né de rien et a créé un marché des marchandises, un marché du travail et un système financier unifiés à l’échelle nationale.

Avant 1978, être un capitaliste exploiteur n’était pas seulement honteux, c’était illégal. Après la réforme et l’ouverture, c’est dans ces nouvelles conditions que la première cohorte de capitalistes (initialement des individus de la ville et la campagne) est arrivée à maturité.

En 1981, les discussions au sein du Parti tournaient autour d’une question particulière : la privatisation du travail constituait-il de l’exploitation dans un système socialiste ? Le débat a traîné en longueur et il a été finalement conclu que moins de 8 employés ne pouvaient pas être considérés comme de l’exploitation, alors que plus de 8 employés l’étaient. Cependant, l’évolution s’est poursuivie à un rythme effréné, et cette restriction de 8 personnes a été brisée en un rien de temps.

En janvier 1983, le gouvernement central a publié les « Trois non » concernant l’emploi de plus de 8 personnes: ne pas promouvoir, ne pas faire de publicité et ne pas être trop rapide à interdire. Dans un environnement aussi ambigu et favorable, le capital s’est développé rapidement et, en tant que classe, les capitalistes en Chine sont réapparus sur une terre d’ouvriers-paysans.

Alors que les capitalistes étaient occupés à enrichir leurs familles, ils étaient privés de toute sorte de prestige social associé. Ils ne pouvaient pas entrer à l’Assemblée populaire nationale, rejoindre la Conférence consultative politique du peuple chinois ou rejoindre le Parti. Ils n’étaient même pas sûrs de pouvoir garder leurs fortunes construites sur du travail exploité, puisque 10 ans auparavant, notre Parti avait confisqué tous les biens capitalistes.

Dans les villes, la classe ouvrière avait ses bols de riz en fer. Mais les capitalistes, avant ces réformes n’étaient que des jeunes chômeurs instruits, des bons à rien et toutes sortes de vagabonds divers méprisés par le prolétariat. Pour ces capitalistes nouveaux-riches, le prolétariat a été chiche de ses approbations : « Vous avez donc de l’argent puant maintenant – dans deux jours, le pays l’enlèvera de toute façon. »

Dans les campagnes, des travailleurs migrants ont commencé à apparaître. Les entreprises coopératives formées à l’époque socialiste se sont dissoutes pour devenir des « entreprises de canton » et ont été données à toutes sortes de « personnes qualifiées », inaugurant le début du développement capitaliste. Les agriculteurs locaux sont devenus la force de réserve de la main-d’œuvre employée dans ces entreprises du canton. Outre la production agricole, ils travaillaient à temps partiel dans les entreprises du canton. Travaillant les deux secteurs simultanément, ce phénomène remarquable était connu sous le nom de « quitter la terre mais pas la ville natale ».

Le pays confisquerait-il même ces avoirs ? Préparaient-ils les capitalistes pour l’abattoir ? Même les capitalistes eux-mêmes ne le savaient pas. En 1987, pour réconforter la classe capitaliste, le Grand Architecte [Deng Xiaoping] a prononcé un discours important et significatif où il a dit : « Maintenant, nous, en Chine, discutons de la question de l’emploi. J’ai parlé avec de nombreux camarades, et il n’est pas nécessaire de montrer que nous « avançons » sur cette question, et nous pouvons attendre et voir encore quelques années. » Bien sûr, afin de réduire la résistance, l’architecte a également réconforté le cadre traditionnel de la vieille garde en disant: « Actuellement, la plupart des employeurs sont de petites entreprises et se composent de villageois embauchés par leurs propres entreprises villageoises. Comparé aux plus de 100 millions d’autres travailleurs, cela représente un nombre infime. Regarder la situation dans son ensemble nous montre à quel point il s’agit vraiment d’un nombre réduit. Il est facile d’avancer sur cette question, mais si nous avançons, il semblera que toute notre politique change. Oui, nous devrons agir, car nous ne visons pas à polariser. Cependant, nous devons surveiller nos évolutions, en faire l’objet de nos recherches. » Cependant, cette recherche a fini par prendre des dizaines d’années.

1988. Près de 10 ans après le début du développement du capital ; après que les capitalistes soient devenus une classe montante ; après la réémergence des travailleurs migrants. Une année où les travailleurs ne pouvaient que rêver d’un appartement gratuit ; lorsque la plus haute distinction d’un étudiant universitaire était de gagner une place en tant que cadre. En 1988, la constitution a été révisée et l’économie privée a finalement obtenu une reconnaissance juridique.

La jonction de deux époques : d’une économie planifiée à une économie de marché, d’un système socialiste à un système capitaliste ; d’une maison commandée par des ouvriers mais qui devenait un sanctuaire du capitalisme.

À ce stade, les capitalistes n’avaient pas le prestige qui correspondrait normalement à tout l’argent qu’ils contrôlaient. Non seulement ils étaient bannis de la Conférence consultative politique du peuple chinois, mais leurs enfants avaient moins de chances d’entrer dans les universités que ceux des ouvriers-paysans, une disparité bien sûr minime par rapport à l’admission dans la fonction publique. Le tableau ci-dessous décrit le taux d’admission à l’université des enfants des personnes de classes sociales comparées à la classe capitaliste. En 1982, le taux d’admission à l’université d’un enfant d’ouvrier était 3,23 fois supérieur à celui d’un enfant de capitaliste, tandis que le taux d’admission d’un enfant d’agriculteur était 2,13 fois supérieur à celui d’un enfant de capitaliste. En 1990, les enfants d’ouvriers urbains avaient un taux d’admission 10,78 fois supérieur à celui d’un enfant de capitaliste et les enfants d’agriculteurs avaient un taux d’admission 6,22 fois supérieur.

Mais après 1992, de nombreuses choses ont changé.

1992 – 2008

Cette période marque la deuxième étape du développement du capital. La tournée méridionale de Deng Xiaoping a levé le rideau de cette étape, a clarifié la direction du développement capitaliste, a mis un point final à la discussion sur le caractère socialiste ou capitaliste de la Chine et a levé tous les obstacles permettant au capital de circuler dans toute la Chine. Cette étape a été marquée par plusieurs incidents marquants, notamment l’incendie de Zhili à la fin de 1993, qui a coûté tragiquement la vie à 87 ouvrières. Cet incident a annoncé la réapparition de la gouvernance sur le travailleur. Pendant les dizaines d’années qui ont suivi, le travailleur a été de nouveau foulé au pied par le capital, il devait vivre ou mourir en silence.

Des coûts de main-d’œuvre bon marché, un secteur marchand détendu, une population instruite importante, des infrastructures complètes et la chaîne d’approvisionnement du monde. Ces facteurs ont permis le développement rapide du capital en Chine et la transformation du pays en un paradis de l’accumulation du capital.

Avant 1992, à l’exception d’un petit sous-ensemble de marchands, la plupart des capitaux se trouvaient chez les “personnes compétentes” – des entités individuelles au sein des villages. Après 1992, de nombreux membres du système ont encaissé, jetant leurs bols de riz en fer et se tournant vers l’entreprise privée. Un grand nombre d’entreprises d’État ont été rachetées par les cadres dirigeants, qui en sont ainsi devenus les propriétaires. Un recensement des entreprises effectué entre 1997 et 1998 a révélé que la plus grande abondance de ressources sociales a permis aux cadres qui ont quitté le système de réaliser des bénéfices nets 1,9 fois supérieurs à la moyenne.

À ce stade, les activités illégales du marché gris ont fait surface. Selon les estimations de Dai Jianzhong [professeur à l’Académie des sciences sociales de Pékin], entre 1992 et 1997, 270 milliards de RMB ont été perdus en raison de l’évasion fiscale des entreprises privées, soit environ 5 % de l’ensemble des revenus de cette période.

Les patrons gagnaient de plus en plus et bénéficiaient d’une stabilité de leur statut social. Le discours du 1er juillet 2001 a souligné que les chefs d’entreprise “par leur activité et leur travail honnêtes, par des opérations légales, ont contribué au développement des forces productives de notre société socialiste. Unis aux côtés des ouvriers, des agriculteurs, des intellectuels, des cadres et de l’Armée populaire de libération, ils sont les bâtisseurs du socialisme aux caractéristiques chinoises”. Si ces personnes “reconnaissent les principes directeurs du Parti, luttent pour la ligne du Parti et la suivent, ont fait l’objet d’un examen approfondi et remplissent les conditions requises”, elles doivent être “absorbées par le Parti”. À partir de cette année-là, les capitalistes ont été admis dans le Parti et l’organisation des exploiteurs a été légalisée. Non seulement les patrons pouvaient entrer dans le parti, mais ils pouvaient aussi accéder à tous les niveaux de l’Assemblée nationale populaire et participer à la gouvernance.

Plus les capitalistes sont nombreux, plus ils ont soif de statut politique, et plus ils sont désireux d’entrer dans le parti – en tant qu’hommes d’affaires dans l’âme. Le “Rapport sur l’analyse d’enquête des grandes entreprises privées de la Fédération de l’industrie et du commerce de Chine” (2000-2014) a fait état des résultats suivants :

Dans les villes, le logement gratuit et les soins de santé ont disparu, et les changements apportés aux entreprises d’État ont mis fin au rêve du bol de riz en fer. Au milieu de l’effondrement des travailleurs des sociétés d’État, une nouvelle génération de travailleurs migrants est apparue comme la principale composante de la classe ouvrière. Après l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le nombre de travailleurs migrants est monté en flèche. Entre 2003 et 2008, l’augmentation annuelle des travailleurs migrants a été de 6 à 8 millions. Ces personnes n’avaient aucun espoir en matière des allocations de logement ou des soins de santé gratuits. Ayant grandi à l’époque de la réforme et de l’ouverture et travaillé dans les usines des capitalistes, ils pensaient que l’exploitation de leur travail était une vérité divine, la loi du pays. Au milieu d’un bouleversement significatif des corps ouvriers, les souvenirs du passé ont été effacés au profit d’un changement idéologique qui a renforcé la légitimité fondamentale et le prestige du capital.

Dans les campagnes, après une petite renaissance économique, des problèmes sont apparus. L’inquiétude suscitée par les « Trois questions rurales » [l’agriculture, les zones rurales et les agriculteurs] s’est gravée dans la mémoire collective de la fin du siècle. Cependant, après l’entrée de la Chine à l’OMC, les problèmes en suspens se sont amplifiés en intensité. Les agriculteurs les plus jeunes et les plus forts ont afflué dans les villes, laissant la campagne dépérir. Lentement mais sûrement, la question rurale a été mise sous le feu des projecteurs.

À cette époque, que ce soit en termes de richesse, de statut ou de prestige, le gouffre entre capitalistes et travailleurs migrants s’est élargi. Le capital avait été complètement légitimé ; personne ne parlait plus du nombre d’employés qui constituaient de l’exploitation. Exploiter? Si vous ne le faites pas, quelqu’un d’autre le fera. Être exploité signifie obtenir une opportunité d’emploi, et vous feriez mieux d’être reconnaissant. Après 2005, il y a eu des incidents où les gens ont tenté d’attaquer les capitalistes en exposant leur sombre et inhumain rachat d’entreprises d’État sous leur direction – pour révéler leur péché originel. Cependant, l’opinion publique a à peine sourcillé, certains suggérant même de pardonner aux capitalistes, car si nous enquêtions davantage, nous constaterions que la plupart des capitalistes avaient péché.

Les capitalistes progressaient, tandis que les travailleurs migrants connaissaient l’exode. Parmi eux, un nouveau groupe a émergé. Ce groupe a émergé et prospéré à la suite de l’urbanisation de la Chine, du capitalisme mondial et de la naissance de l’industrie des technologies de l’information. En tant qu’avocats, comptables, professionnels de la finance, gestionnaires, chercheurs scientifiques, ce groupe se définissait par leurs compétences techniques et managériales. Peut-être en raison de leur position sur le lieu de travail en tant que gestionnaires – des compétences spécifiques qui les rendent irremplaçables ou une position dans les industries monopolistiques – certains d’entre eux avaient de meilleurs environnements de travail, une plus grande capacité d’organisation et donc des salaires plus élevés. Ces gens étaient les petits-bourgeois émergents : professeurs, enseignants de haut niveau, chefs de département, certains travailleurs du secteur financier, ingénieurs de grandes entreprises, travailleurs de l’industrie informatique, etc. D’autres membres de ce groupe qui travaillaient dans des postes de travailleurs qualifiés ou de cadres de niveau inférieur gagnaient un salaire légèrement plus élevé que leurs homologues travaillant physiquement. Ce groupe formait la classe de travailleurs intellectuels non propriétaire, comprenant des programmeurs, des employés des finances de bas niveau, des commis de département, des enseignants des écoles primaires et intermédiaires, des techniciens d’entreprise, etc.

À l’ère du développement rapide du capital, les voix émergentes des petits bourgeois rugissaient haut et fort. Ils ont maudit la période de l’économie planifiée, se rangeant du côté du courant dominant, chantant l’éloge d’une émergence progressive. Chaque avancée du capital les remplissaient d’une excitation croissante, avec leurs patrons du capital dodus dégoulinant d’huile qui nourrissaient leurs maigres ambitions.

Les travailleurs intellectuels se sont accrochés à leurs rêves petits-bourgeois. Ils partageaient des espaces de bureau, mangeaient à la même table, avaient des antécédents similaires et parlaient la même langue. Par conséquent, ils avaient des idéologies similaires à celles des petits-bourgeois. Les travailleurs intellectuels ont prôné la concurrence et ils croyaient qu’eux aussi pouvaient changer leur destin par leur propre sang, leur sueur et leurs larmes. Ils ont bu le kool-aid de leur patron tout en regardant des vidéos des « successeurs méritants », en écoutant les conférences de Jack Ma et en rêvant d’un avenir meilleur.

Alignés dans leurs intérêts et leurs esprits sur les capitalistes, les petits bourgeois émergents et les travailleurs intellectuels séduits par la vie de la classe moyenne constituaient les premiers utilisateurs de Zhihu et d’autres nouveaux médias. Bien sûr, sur ces plateformes, ce groupe de personnes exprimaient les intérêts du capital tout en diffusant et en discutant de toutes sortes de questions.

2008 – Aujourd’hui

C’est la troisième étape du développement du capital, l’étape où le capital chute du haut de son propre succès.

Au cours de la première période de cette étape, le capital s’est renforcé. Le capital chinois s’est appuyé sur le maintien du système national et du keynésianisme pour dépasser le reste du monde et devenir la deuxième plus grande économie du monde. En maintenant ce système, le capital monopolistique chinois a dépassé l’Angleterre, l’Allemagne, le Japon et la France pour devenir numéro deux. En 2007, 30 des 500 entreprises du Global 500 étaient chinoises, un chiffre qui est passé à 106 en 2015.

À ce stade, en tant que classe, les agriculteurs ont décliné rapidement. Le mouvement des jeunes travailleurs valides dans les villes a laissé derrière eux ce qui est devenu connu sous le nom de « 993861 » – 99 se référant aux personnes âgées (Fête du Double Neuf), 38 se référant aux femmes (Journée internationale de la femme) et 61 se référant aux enfants (Journée des enfants). Actuellement, à la campagne, pour une pléthore de raisons, beaucoup sont retournés à l’agriculture à temps partiel ou à temps plein après des années d’absence, incapables de continuer à travailler dans les villes. Selon une série de rapports dans Changes in Social Stratification and Class Division in Contemporary China, 67,91% des agriculteurs à temps plein « étaient autrefois des employés ou des salariés, en d’autres termes, ils étaient autrefois des ouvriers qui sont ensuite retournés à la ferme à la campagne. La plupart sont revenus après avoir atteint un certain âge. Le petit agriculteur, en tant que groupe, disparaîtra inévitablement dans l’économie de marché.

À ce stade, il y a deux contradictions importantes qui se développent rapidement et qui laissent une marque profonde sur la Chine.

Premièrement, le développement rapide des capitaux chinois a laissé le marché intérieur de plus en plus étroit à mesure que les capitaux excédentaires affluaient vers l’extérieur. Après 2012, il y a eu un cas où ces sorties ont augmenté, où à partir de 2014, la Chine est devenue un exportateur net de capitaux. Il y a des limites au marché mondial, et les exportations chinoises entrent en concurrence avec leurs homologues du Royaume-Uni, de la France, des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon et d’autres anciens pays impérialistes. Cela a conduit une partie du capital monopolistique de certains de ces pays à perdre des profits, ce que la classe du capital monopoliste américain a perçu et met en avant. En réalité, depuis le pivot d’Obama vers l’Asie en 2012, les États-Unis ont solidifié leur stratégie d’endiguement de la Chine, rendue plus publique sous Trump.

Deuxièmement, les rébellions de la classe ouvrière sont de plus en plus courantes. Grâce à leur résistance continue, leurs salaires réels ont connu une phase de croissance rapide entre 2003 et 2015. La croissance des salaires a atteint un sommet en 2010; les capitalistes appelleraient cela « l’augmentation des coûts de main-d’œuvre » et la diminution subséquente des profits dans le secteur manufacturier bas de gamme.

Les contradictions fondamentales du capitalisme se sont accélérées encore plus rapidement sous les deux contradictions ci-dessus. La capacité de fabrication excédentaire à grande échelle a entraîné une baisse du taux de croissance du PIB de la Chine à partir de 2013, et l’économie est entrée dans une nouvelle période, la « nouvelle normalité ». Pour protéger l’économie, la Chine a lancé deux politiques de relance à grande échelle en 2009 et 2014. Après la poursuite des mesures de relance économique, les prix des logements ont grimpé en flèche.

Les petits bourgeois propriétaires vivent encore dans leur âge d’or, tandis que les petits bourgeois qui ne sont pas propriétaires, aux côtés de la grande classe ouvrière intellectuelle soupirent alors qu’ils envisagent même la perspective. Suite à une baisse des bénéfices, la pression exercée par le capital sur les non-propriétaires s’est accrue. À la suite d’une augmentation des coûts du logement, l’espoir qu’ils ont placé sur le capital est devenu incertain.

Depuis 2018, la contradiction entre les intérêts étrangers et nationaux s’est accrue. Les gens qui ne prêtent habituellement aucune attention aux questions politiques ont commencé à discuter des questions sociales. Que ce soit en raison des « prix de la mariée », des salaires, des prix des logements ou du fait d’avoir été licenciés, les gens ont ressenti la pression de vivre dans une société accablée par le capital.

Ces personnes continuent de parcourir Zhihu et d’autres nouvelles plateformes médiatiques. Avant, ils servaient de porte-parole du capital. Maintenant, ils le maudissent spontanément.

Ce groupe de personnes, contrairement à tout autre groupe dans le monde, possède un trait unique: ils ont grandi en apprenant le matérialisme historique. Peu importe s’ils rejettent ou non des concepts comme « classe », « exploitation » ou « plus-value » dans leur parcours d’étude, une telle conscience a été largement inculquée à ces personnes. Lorsque le capital croît, ces gens ne s’intéressaient pas à ces concepts. Mais quand le capital les déçoit et les traite sans ménagement, les concepts marxistes reviennent à l’esprit. Ils commencent à appeler les entrepreneurs des « capitalistes », décrivent leurs actions comme de l’« exploitation » et utilisent le terme de « classe » pour les mépriser.

Certains d’entre eux ont pris un virage à gauche et affichent en ligne les connaissances qu’ils ont apprises dans leurs manuels scolaires : exploitation, classe, capitaliste, plus-value. Certains d’entre eux vont au-delà, étudiant des livres au-delà de ce qui était autrefois nécessaire: des œuvres sélectionnées de Mao Zedong, des œuvres rassemblées de Marx et Engels, des livres de Lénine et des histoires jusque là ignorées ou dissimulées.

Ils s’engagent dans des débats en ligne houleux, luttant contre les xiaofenhong de divers degrés de pureté, les capitalistes et une grande partie du lumpenprolétariat. Bien sûr, certains déguiseront leur chauvinisme en langage marxiste.

Le début soudain de la pandémie en 2020 a tout amplifié. L’oppression se sentait plus lourde, les prix des logements restaient élevés et le travail semblait moins stable. Une belle vie semblait de moins en moins certaine.

L’arrogance et la cruauté des capitalistes, accumulées au cours de décennies de développement rapide, sont allées trop loin en matière d’arrogance. « 996 » est une bénédiction, les entreprises sont pro bono et les entrepreneurs se sont même donné des vacances. Ils ont même proposé que les entreprises n’aient pas à respecter le droit du travail pendant deux ans après leur fondation.

Tout cela a conduit à un changement radical dans la façon dont les utilisateurs de Zhihu percevaient les capitalistes en 2020.

Cependant, ce groupe représente une proportion assez faible de travailleurs, un groupe dominant celui des travailleurs physiques qui n’ont pas encore connu un réveil aussi fort. Leurs salaires étaient déjà bas et ils ne travaillaient pas pour acheter des maisons dans les grandes villes. Ils vivaient aux échelons inférieurs de la société, avaient un accès encore plus limité à l’information et étaient un peu moins doués pour la pensée abstraite. En tant que groupe, ils sont restés inchangés.

Cela ne veut pas dire que le prolétariat qui travaille physiquement ne change pas. Les salaires n’ont pas rattrapé le coût de la vie. « En 2017, une chambre coûtait 300 yuans, maintenant c’est 550 », « Je vais à mon deuxième emploi après avoir quitté le travail, où ai-je le temps de me reposer? » Leur nombre de plaintes a augmenté. Non seulement cela, mais avec le ralentissement économique, de nombreux travailleurs sont retournés dans leurs maisons ancestrales, perdant leurs revenus – une crise économique qui n’attend que de se produire.

2020 a été une année spéciale. Une année où le travailleur intellectuel a pris un virage à gauche – pour critiquer le capitalisme – et où le travailleur manuel a ressenti une crise claire.

La tempête est loin, mais le virage à gauche des travailleurs mentaux a envoyé un signal clair. Les nuages se rassemblent et le bruit du tonnerre s’enfle. Ces éclairs assez aigus dans la nuit noire, signes de dialectique historique approchant. Et la minorité des jeunes ont déjà ouvert les bras en signe d’étreinte.


[1] Selon les normes connexes du Bureau national des statistiques, les capitaux de petite taille ont été définis comme des entreprises dont le chiffre d’affaires était inférieur à 30 millions de RMB dans les secteurs industriels et inférieur à 10 millions de RMB dans d’autres secteurs.

[2] Définis comme ceux qui sortent des limites du petit ou du grand capitaliste.

[3] Désignés comme propriétaires d’entreprises privées de taille supérieure à une taille désignée.Zuoyi23

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 372

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.