Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les mésaventures d’une passionnée de cinéma “innocente et sans protection” …

Depuis plusieurs jours, ayant décidé d’aller voir le film de DESPLECHIN sur scénario de Philippe ROTH, “Tromperie“, pour des raisons diverses, je me suis retrouvée devant le caissier en train de faire un autre choix. j’ai dit l’erreur que fut “En attendant Bojangles “, je n’y reviendrai pas. Mais aujourd’hui je voudrais vous parler de l’aspect positif de mon changement de dernière minute, ce lundi 10 janvier 2022. Grâce à la découverte que vous Marseillais au moins vous ne pouvez pas rater, celle avec le cinéma yougoslave de Dušan Makavejev au cinéma le César. Parce que la rétrospective se poursuit malgré l’absence de spectateurs (nous étions trois pour Innocence sans protection dont un cacochyme qui n’a vu qu’une partie puisqu’il est sorti trois fois pour aller pisser) et la prochaine “projection” de cet auteur a lieu le 13 janvier 2022 à 16h 20 toujours au César. J’y serai quoi qu’il arrive, comment pourrait-on rater un film dont le titre est :“Une affaire de cœur, la tragédie d’une employée des PTT

Le cinéma ce n’est pas seulement un film pour des gens de ma génération et d’autres j’espère, ce fut et cela reste une expérience existentielle. Cela date de l’enfance et Dušan Makavejev en 1938 année de ma naissance, il a alors 6 ans, noue un pacte éternel en se faisant pipi sous lui à force de rire devant FELIX LE CHAT. Le même FELIX LE CHAT que je découvrais plus tard dans ROUGE MIDI que lisait ma grand-mère prolétaire communiste. Nous sommes devenus lui et moi communistes en nous gondolant devant des héros de dessins animés, et nous avons toute notre vie opposé art officiel et art populaire, en étant convaincus que l’art nait dans la rue et que l’artiste est celui qui sait traduire les authentiques passions de la classe ouvrière face non seulement aux discours officiels mais face aux afféteries des petits bourgeois qui se la pètent comme dans “En attendant Bojangles”…

Le cinéma c’est la rue, avec ses motifs, ce que l’on imagine ne pas voir et qui en fait s’imprime en vous comme les images d’un kaléidoscope. C’est apparemment la rencontre entre deux libertés souveraines, celle du metteur en scène et celle du spectateur, dans la nuit et le grand écran avec lequel on se confond. Mais c’est fort heureusement une illusion de souveraineté entre celui qui a fait pipi de joie devant FELIX LE CHAT et la petite fille qui assise par terre dans la salle à manger regardait FELIX LE CHAT et était restée stupéfaite devant les sanglots de sa tante, un être dur gorgé de mauvaise littérature capable de pleurer à flot devant HANTISE et les malheurs d’une héritière séduite par un escroc. En fait, dans les deux cas, la souveraineté relève d’un collectif. Nous nous rencontrons d’une manière très politique, c’est comme ça.

Un abruti, comme il y en a tant, dernièrement faute de mieux pour m’intenter un minable procès, m’a reproché de me mettre en scène dans mes mémoires. Venimeux mais cinéphile, il devrait pousser la réflexion et se rendre compte que c’est peut-être ça qui fait que je me retrouve toujours au cœur de l’événement. A Malte au sommet BUSH-GORBATCHEV, en HONGRIE quand le rideau de fer est coupé, à Alger, quand NASSER arrive, plus récemment en POLOGNE au siège des manœuvres de l’OTAN, à Bydgoszcz, là où se trament les révolutions de couleur en Biélorussie comme au KHAZAKHTSAN, et toujours avec Marianne en Crimée lors de la séparation avec l’UKRAINE… En passant par Cuba et l’Amérique latine, je suis toujours comme le héros de STENDHAL qui n’a rien vu à WATERLOO, dans une superproduction montée par Hollywood et faite justement pour qu’on y comprenne rien. La chronologie est affaire de montage et le sens s’éclaire… Toute ma vie, à commencer par le fait d’avoir été un enfant gibier pour les nazis a consisté à figurer dans une épopée qui m’a été imposée et dont j’ai tenté de maitriser code, cadrage avec la passion de ce voyage sur un écran. Communisme et cinéma ont noué des liens importants… Et rien sauf le prix du ticket de cinéma ne peut m’acheter parce que je vais faire la Révolution entre FELIX LE CHAT, le populo et son inventivité, son art de la survie, son refus du toc et la lucidité, enfin je l’espère de l’intellectuel qui veut savoir, comprendre, bref comme dit le titre du film je suis l’innocence sans protection mais qui toujours comme Pearl White est sauvée à la dernière minute… et le secret de ma complicité avec MARIANNE qui elle n’a pas la moindre appétence pour le cinéma est que je n’ai jamais trouvé en elle ce qui peut l’acheter…

Donc pour mesurer en quoi il est important que vous alliez voir la rétrospective Makavejev, il faut que vous compreniez le contexte. Marseille est frappée par l’épidémie, les transports en commun sont la proie d’une bande de négationnistes qui ne veulent pas porter le masque et respecter les gestes barrières. Donc je fais des kilomètres à pied pour aller au cinéma ce qui me fait le plus grand bien, mais comme je suis d’une humeur massacrante et je ne cesse de vitupérer l’époque, cela me rend disponible pour toutes les errances. Dans une France dont le président dit un “un gros mot” pour faire le terrain glissant mais favorable et où les affrontements politiques ont lieu sur les préférence entre le couscous et la blanquette de veau, alors que nous sommes en pleine pandémie, doublée d’une inflation galopante et d’une crise climatique et énergétique, le tout avec menace de guerre et réarmement à un coût prohibitif, je marche en me demandant qui est le plus exécrable de ces gens-là et pourquoi je suis égarée dans ce mauvais scénario…

Donc ce lundi, j’ai marché, marché pendant quelques kilomètres de chez moi jusqu’au cinéma et j’ai médité sur l’époque sur un thème bizarre: “qui est plus haïssable de l’Australie ou du tennisman serbe Djokovic ?”

Derrière le cas de Djokovic, on découvre les lois de l’immigration australiennes, leur arbitraire, la manière dont des gens qui ne bénéficient pas de la même publicité sont parfois enfermés à vie sans recours possible. ce qui ne fait que confirmer mes apriori sur ce pays, sur le racisme pratiqué contre les autochtones, sur les exactions, crimes, viols et tortures pratiqués par l’armée australienne en Afghanistan et enfin la servilité dont sont capables les dirigeants australiens y compris sociaux démocrates face à la Grande-Bretagne et les USA. leur incroyable attitude face à la Chine, ce qui relève du suicide vu les liens économiques noués entre eux, Bref quelque chose entre la Pologne et l’Ukraine en plus riche. Bref qui a envie de défendre des gens pareils, est-ce une raison pour se sentir les moindres atomes crochus avec Djokovic ?

La malheureuse SERBIE a inauguré l’ère post-sovietique et la balkanisation de ceux qui résistent, il y a même eu en matière d’inauguration un bombardement de l’ambassade de Chine… Au cœur de l’EUROPE, la troisième guerre mondiale débutait à SARAJEVO comme je l’avais écrit dans un article de la revue la Pensée qui provoqua mon interdiction dans cette revue et la colère de Jacques FATH, un de ces étonnants dirigeants communistes du PCF qui devinrent pendant trente ans favorables là et ailleurs à l’intervention otanesque (1). Oui les malheureux serbes ont manifesté un esprit de résistance face au démantèlements de la Yougoslavie, mais déjà s’y mêlait le pire et le meilleur. Djokovic, comme Kusturica en est l’illustration. Réfugié dans l’idéologie grand serbe matinée de mysticisme orthodoxe il a des sympathies pour la France mais c’est sans doute avec Philipot qu’il se retrouve le plus à l’aise…

Bref entre l’ignoble Australie et le résistant dévoyé anti-OTAN, anti-vaccin, anti-tout, je me suis demandée comment nous étions tombés si bas… Et cette interrogation m’incitait à continuer à rejeter le crime infligé à la seule expérience d’entente dans les Balkans qui ait jamais existé, à savoir la Yougoslavie, m’a conduite devant la caisse du cinéma à prendre un billet non pour “tromperie” mais pour le premier film parlant yougoslave. Il y avait là un besoin d’explication existentiel sur mes contemporains ; “comment peut-on passer de FELIX LE CHAT à pareille folie débile ? l’affiche a attiré le regard et j’ai choisi d’aller voir ce film yougoslave en sachant bien sûr tout sur la passion de TITO pour le cinéma, les studios yougoslaves accueillant les séries b, etc… ET comme depuis quelques temps les séries b paraissent les seules visibles, j’ai fait mon choix, tout plutôt que l’adultère comme ultime refuge de l’ennui (2)… et je ne l’ai pas regretté, je vais tenter de vous expliquer pourquoi j’ai eu bien raison et ce que représente encore et toujours le cinéma dans cette époque de confusion et de victoire apparente de la stupidité, de l’égoïsme et des platitudes du conformisme bourgeois qui nous étouffe. Retenez bien cette idée l’art de la rue qui est un art collectif, à travers la rencontre, les affinités électives entre deux subjectivités à fleur de peau… et que le résumé ci-dessous ne peut en rien se substituer à l’image défilant sur l’écran.

Innocence sans protection a été tourné et diffusé sous l’occupation de BELGRADE par les troupes nazies, tandis que des collabos essayaient d’expliquer au petit peuple qui manquait de tout et se fabriquait des chaussures en tissant du chanvre ou avec des semelles en contreplaqué, que les nazis étaient leurs défenseurs contre le capitalisme occidental et le bolchevisme criminel. Ce mélodrame de l’orpheline vendue par une méchante belle-mère et sauvée par un acrobate de cirque, un trompe la mort défenseur du bien, allié avec un domestique contre les riches suborneurs, a été repris par l’auteur en 1968. Dušan Makavejev, un communiste engagé revient sur le tournage, éclaire la fiction pour devenir un véritable pamphlet sur la force de la résistance populaire. Les exploits de l’acrobate sont assortis de ceux de la résistance soviétique face à l’assaut des troupes nazies ce qui dans la Yougoslavie de TITO résonne bizarrement. Une écriture irrésistible, ainsi quand la jeune orpheline désespérée sous les assauts de son brutal et riche soupirant, interrogée parlui excédé et qui lui demande pourquoi cette tristesse et ce refus, la jeune fille éprise de l’acrobate regarde par la fenêtre espérant du secours, elle voit la rue incendiée, plus loin des images de guerre et sur puis sur une carte de propagande allemande qui décrit avec des flèches l’avancée des armées nazies sur le front soviétique. Les exploits de l’acrobate sont eux mêmes mis en relation avec des faits historiques,les funérailles d’un haut dignitaire collaborateur des nazis qui paraissent le résultat de son défi surhumain. Ce travail qui mêle des documents d’archives et des témoignages drolatique des protagonistes de l’aventure, au film initial déjà savoureux en devient un documentaire sur l’inconscient collectif d’une nation qui a des armes si fines, si légères, une prouesse aérienne sous laquelle tourne comme sous le vent une foule tout à tour subjuguée et craintive. Ce dialogue entre la fiction et le documentaire a théoriquement un héros l’acrobate, Dragoljub Alesik le héros national, un métallo culturiste qui a tout subi et repart chaque fois pour un nouvel exploit… C’est l’histoire mais aussi cette pulsion qui est proche de celle qui amène JACK LONDON vers le socialisme, vers la révolution, une espèce de soif de puissance populaire dont le caractère sexuel et la revendication à la jouissance sans entrave mènera l’auteur vers William REICH et l’exil… Au Canada… je le vois assez bien en train de guetter la chute de l’empire américain et ses puritanismes… On lui pardonnera d’avoir fini en 2019 dans la nomenklatura des jurys débiles de festival, il faut bien gagner sa vie…

DANIELLE BLEITRACH

(1) https://histoireetsociete.com/2020/04/15/la-troisieme-guerre-mondiale-a-t-elle-commence-au-kosovo-par-danielle-bleitrach-et-jacques-jedwab/

(2) mais je pense faire une autre tentative dimanche…

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