Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

CADEAU: NICOLAS GUILLEN traduit par ARAGON…

Si j’avais un souhait pour ce nouvel an c’est que l’on prenne conscience de ce dans quoi le monde est en train de basculer et qui a débuté au siècle dernier comme une réponse à l’invasion de l’Europe, ses idées toutes faites, sa volonté si mal faite d’écraser et d’exploiter avec son rejeton sanglant les USA… Une nouvelle chance est peut-être donnée à l’humanité, est-ce qu’elle saura la saisir?… C’est un temps passionnant, comme celui de navigateurs en train d’affronter un détroit périlleux et dans lequel il faut prévoir, anticiper et ternir fermement le gouvernail… Irons-nous plus loin que le seuil de la nuit? Il n’y a que ça, seul ce voyage, ce chant fut jusqu’à ma mort mon orgueil et mon bien… Comme lui, comme eux tous… mais il faut que je vous dise à quel point parfois le cœur noir me serre et combien me manquent les compagnons disparus, les seuls qui ont partagé ma quête… Avec mon compagnon corse, le jour de l’an nous allions dans la campagne brûler le mauvais sort de l’année pour les êtres que nous aimions et nous jetions des branches dans le feu en criant des noms pour les débarrasser des miasmes et il m’est arrivé de refuser de jeter dans le feu purificateur certains qui ne le méritaient pas… Toutes les nuits du jour de l’an depuis je reproduis cet embrasement, mais il y a des gens dont je ne veux pas qu’ils renaissent, ils ne le méritent pas… Mais rassurez-vous, ils sont peu nombreux, la majorité ne vaut qu’ignorance et il y a des êtres qui valent la peine qu’on les aime… je pense à eux très fort… A celui qui m’offrit ce livre de Nicolas Guillen, le poète cubain, le métisse, avec cette Afrique crépue qui remonte en nous, ce livre, signé de celui qui fut son ami et dont il me parlait avec tendresse et humour, il m’en a dit : “je te le donne parce que j’y tiens beaucoup…” Aragon, lui-même, tous ces êtres princiers qui m’offrirent du communisme une image de la fidélité (1) un souvenir qui m’a aidé à supporter le temps de la trahison et de ceux qui détractèrent jusqu’à l’écho de tout ce en quoi je croyais … Ah! mes amis, mes amours, “la vie est faite à la façon des hommes, elle a comme eux son rêve pour prison” … (Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

UN SONNET DE NICOLAS GUILLEN

L’AÏEUL

Cette femme angélique à l’oeil septentrionnal
qui vit selon le rythme de son sang européen,
ignore que dans le fond de ce rythme bat
un noir l’emplâtre dur de ces rauques timbales

Sous la ligne droite de son nez aigu
la bouche d’un trait fin, trace une raie brève;
et il n’est de corbeau qui souille la géographie de neige
de sa chair qui luit tremblante et dévêtue.

Ah, ma dame! regarde tes veines mystérieuses
rame en l’eau vive qui là-bas en toi flue
et vois passer lys, nelumbos, lotus roses:

et bien verras, inquiète, près de la fraîche orée,
la douce ombre obscure de l’aïeul qui fuit,
Lui qui boucla pour toujours ta tête jaune.

EL ABUELO

Esta mujer angelica de ojos septentrionales,
que viva atenta al ritmo de su sangre europea,
ignora que en el fondo de ese ritmo golpea
un negro el parche duro de roncos atabales.

Bajo la linea escuera de su nariz aguda
La boca, en fino trazo, traza una raya breve;
y no hay cuervo que mancha la geografia de nieves
de su carne que fulgo temblorosa y desnuda.

Ah, mi senora ! Mirate las mas misteriosas
boga en el agua viva que alla dentro te fuye
y ve pasando litios, nelumbios, lotos, ross:

que ya verras, inquieta, junto a la fresca orilla
la dulce sombra oscura del abuelo que huye,
el que rizo por siepre tu cabeza amarilla.

(1) dans cette même édition, de la poésie d’Aragon dans la pléiade, il y a un texte de 1964 (la pléiade a fait une erreur en le datant de 1954) qui s’intitule SONNET DE LA FIDÉLITÉ et par lequel Aragon pleure la mort de Léon MOUSSINAC. Cet immense critique de cinéma qui adhéra au PCF en 1924 (à peine aux lendemains de la mort de Lénine), cet engagement dans la Résistance et cette fidélité, la même qu’Aragon (trente ans de fenaison) et effectivement c’est grâce à lui que la France découvrit Potemkine.

Ainsi voilà trente ans que tu fais le voyage
Sans oublier jamais les droits de l’horizon
Malgré les faux-semblants les guerres les prisons
Portant ton jeune amour tout au long de ton âge

La France et le Parti sont un seul paysage
La France et le Parti sont la même raison
Et tu fis trente fois pour eux la fenaison
Sans marchander ton mal ta force et ton ouvrage

Cette fidélité du coeur et des idées
ouvre exemplairement le chemin décidé
A peine aux lendemains de la mort de Lénine

Pareille à ton matin comme au soir d’aujourd’hui
Ton étoile est la même et c’est toi qui conduis
Comme autrefois Paris admirer Potemkine

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1 Commentaire

  • Renaud Bernard
    Renaud Bernard

    Bonne année à tous, bonnes luttes, réussite, etc. au plan collectif, c’est-à-dire politique, comme au plan individuel, c’est-à-dire trouver en soi-même les ressources qui permettent d’affronter le collectif.

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