Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Sans fardeau historique ou hégémonique, la Chine a de l’espace politique pour servir de médiateur au Moyen-Orient


Par Liu Zhongmin
Publié: Mai 27, 2021 05: 16 PM

Nous avons ici à travers cette proposition de la Chine d’intervenir comme médiateur dans la situation en Palestine et en Israël, une illustration de la position chinoise: à aucun prix la Chine ne veut remplacer les États-Unis dont l’hégémonie est un des facteurs essentiels du blocage, elle veut intervenir dans le cadre du multilatéralisme et en particulier de l’ONU en insistant sur les bonnes relations qu’elle a avec toutes les parties. Elle est très consciente du piège que serait de prétendre jouer la concurrence avec l’hégémonie occidentale. Mais nous reviendrons désormais souvent sur cette nouvelle donne à travers laquelle il faut également lire les relations entre la Russie et la Chine, comme d’autres situations de tension (en Amérique latine, en Afrique, dans lesquelles les USA tentent de maintenir un leadership mis à mal tout en se dégageant pour porter leurs forces sur la zone pacifique). La Chine tente d’éviter le piège de la concurrence dans lequel l’URSS a été prise tout en cherchant les bases d’un nouvel internationalisme. De fait, il ne s’agit pas seulement d’un projet mais bien du fruit d’une politique diplomatique qui a donné des résultats : ces dernières années, la République populaire de Chine a considérablement accru son engagement économique et diplomatique au Moyen-Orient. La plupart des investissements de Pékin dans la région se concentrent sur la construction d’infrastructures, l’énergie nucléaire, les nouvelles sources d’énergie, l’agriculture et les finances. Ces investissements servent non seulement les intérêts de la Chine mais aussi ceux des pays du Moyen-Orient dans l’espoir de stimuler leur économie comme moyen de renforcer la stabilité sociale. La politique de la Chine envers le Moyen-Orient est nécessairement définie dans un contexte régional complexe qui implique une multitude de rivalités locales mêlées à une sérieuse concurrence entre grandes puissances. La politique chinoise consiste à maintenir un équilibre entre plusieurs priorités qui sont parfois en conflit. Ces priorités sont les suivantes :

  • maintenir le respect mutuel entre la Chine et chaque État régional, ce qui signifie honorer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’autre et accepter de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’autre;
  • maintenir un environnement paisible et stable pour faire avancer la modernisation de la Chine, promouvoir le développement et améliorer les moyens de subsistance de son peuple;
  • maintenir un environnement pacifique au Moyen-Orient, conformément à ce qui précède, pour protéger les intérêts régionaux de Pékin
  • entretenir de bonnes relations avec tous les pays de la région;
  • et enfin, éviter une confrontation majeure avec les États-Unis tout en limitant son hégémonie régionale et en favorisant la multipolarité régionale et mondiale.

Ces politiques diplomatiques demeurent essentielles mais vu l’agressivité croissante des USA, les campagnes mensongères et la politique de sanction, la volonté d’encerclement, la Chine doit aller plus loin dans la définition de son rôle international, c’est ce qu’a exprimé Xi dans une intervention que nous publierons demain. Dans ce contexte, la Chine va à la fois conserver son rôle diplomatique tout en accentuant son rôle face aux pays en développement et en soutenant les causes justes, un internationalisme renouvelé.

(note et traduction de Danielle Bleitrach)

Sans fardeau historique ou hégémonique, la Chine a de la place pour servir de médiateur au Moyen-Orient – Global Times

Au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont été la puissance dominante au Moyen-Orient. Depuis le « printemps arabe » – une série de soulèvements dans toute la région, qui ont commencé en Tunisie, les États-Unis ont entrevu la possibilité que le déclin de leur pouvoir puisse avoir son origine dans la guerre en Irak. Alors que leur engagement dans le Moyen-Orient diminuait depuis lors, les défis à Washington se sont multipliés- alors que les États-Unis sont réticents à investir davantage dans le Moyen-Orient, ils veulent toujours maintenir leur leadership dans la région. De plus en plus, les États-Unis ont réalisé des bénéfices en vendant des armes au Moyen-Orient et leur rôle est devenu de plus en plus lié au profit.
Le Quartette, composé de l’UE, de la Russie, de l’ONU et des États-Unis en tant que principales parties destinées à faciliter les négociations sur le processus de paix au Moyen-Orient, est pratiquement paralysé parce que l’unilatéralisme américain a rendu difficile la résolution de la question israélo-palestinienne.

Le conflit israélo-palestinien est en partie le fruit du gâchis de l’ère Trump. La décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël a pratiquement mis en cause le consensus international de base sur la question.
Il convient de mentionner que la résolution 242 (1967) des Nations unies, qui reconnaît la revendication de souveraineté, d’intégrité territoriale et d’indépendance politique de chaque État de la région, est la base du règlement du conflit israélo-palestinien.
La Chine appuie également la création d’un État palestinien indépendant qui jouisse de la pleine souveraineté sur la base de cette résolution. La Chine n’a pas l’intention de concurrencer les États-Unis au Moyen-Orient.

Sur de nombreuses questions internationales, la Chine est de plus en plus engagée ou disposée à jouer un rôle constructif, mais pas à défier qui que ce soit. Les activités de la Chine au Moyen-Orient portent davantage sur le développement économique et commercial, comme l’approvisionnement énergétique, l’industrialisation et la promotion de l’initiative « La Ceinture et la Route ».

De fait, l’implication de la Chine dans la région ne doit pas combler les vides laissés par les États-Unis au Moyen-Orient.

Pékin est pleinement conscient que s’il participe aux affaires du Moyen-Orient à des fins concurrentielles ou géopolitiques, cela nuira à la stabilité de la région, ce qui nuira également aux intérêts de la Chine.

Washington a maintenant peu d’espace pour servir de médiateur dans une résolution pacifique des conflits au Moyen-Orient.

Et le président Joe Biden sait très bien que Washington fera face à la pression de toutes les parties tant que la question du Moyen-Orient sera incluse dans un mécanisme multilatéral comme l’ONU. Washington n’est plus capable d’imposer la solution au conflit israélo-palestinien, et il n’a pas non plus de plan solide en vue. Ainsi, la visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken dans la région, qui a débuté mardi, n’a que des effets limités.

La Chine joue principalement un rôle de persuasion et de rétablissement de la paix dans le règlement de la question entre la Palestine et Israël.
Elle a établi des relations amicales avec de nombreux pays arabes, y compris l’établissement d’un « partenariat novateur et global » avec Israël et une amitié de longue date avec la Palestine. De cette façon, elle est en mesure de parler à la fois à Israël et à la Palestine. Le 17 mai, le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi a présenté une proposition en quatre points pour la paix avec le conflit israélo-palestinien actuel.

Grâce à sa capacité de traiter avec toutes les parties, la Chine a clairement des atouts pour s’engager dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien.

Historiquement, elle n’a été impliquée dans aucun différend au Moyen-Orient. Elle ne favorise pas non plus Israël comme le font les États-Unis. Elle n’a pas la « responsabilité historique » du colonialisme et de l’hégémonie.

La Chine a une longue histoire d’amitié avec toutes les parties au Moyen-Orient, ce qui lui fournit une bonne base pour exercer son pouvoir en tant que membre de la communauté internationale. En mars, la Chine et l’Iran ont signé un accord de 25 ans visant à renforcer la coopération globale dans divers domaines, y compris le commerce. La Chine a également acquis une certaine expérience dans le traitement des questions internationales après son implication dans des questions sensibles, telles que le Soudan et l’Afghanistan.

Pékin a encore la possibilité de coopérer avec Washington sur la question du Moyen-Orient, et le point central pour mettre fin au conflit est le multilatéralisme dans le cadre de l’ONU.

Alors que Washington s’engage de moins en moins dans les affaires du Moyen-Orient, certains médias occidentaux tentent de créer une fiction : l’implication de la Chine dans la résolution de la question afghane et du conflit israélo-palestinien vise à concurrencer les États-Unis. C’est un piège dont il faut se méfier.

L’auteur est professeur à l’Institut d’études sur le Moyen-Orient de l’Université d’études internationales de Shanghai. opinion@globaltimes.com.cn

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