Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Raoul a accompli sa tâche, mais nous avons la nôtre…

Voilà bien longtemps que je ne suis plus allée à Cuba, mais il y a une expérience de cette île que je voudrais partager avec vous, non seulement pour vous dire mon opinion sur la passation de pouvoir de Raoul, sur la force d’un engagement qui n’a jamais rien cherché pour lui, sur la transmission entre générations, toutes ces leçons, mais sur la manière dont nous pouvons agir, nous solidarité française dans le même esprit de complémentarité. Voici par exemple ce que nous préparons à Marseille pour le 25 avril, la coordination que nous avons mise en place. Il s’agit de relayer dans cette ville les activités qui se développent dans le monde à partir de cette initiative née sur le sol US. Cette initiative est née chez les Cubains installés aux USA, son but est que Biden remette en cause les mesures de Trump et pour cela il ont inventé “une caravane de l’amitié” qui défile le même jour à Cuba et à Miami et d’autres lieux des USA. Face à cette caravane de l’amitié entre le peuple US et le peuple cubain, nous Français, comme d’autres peuples nous devons en être l’écho et par nos efforts dans le monde entier aider à ce que Cubains et Etatsuniens obtiennent la fin de cet abominable blocus.

Raoul : la tâche accomplie

Raúl Castro, qui prend sa retraite de dirigeant, a travaillé pendant la majeure partie de sa vie comme le compagnon de son frère aîné, Fidel. Il est celui qui rendait concret, incarnait dans les faits le génie politique de son frère mais il était plus qu’un exécutant. Il a joué un rôle essentiel à chaque moment de la révolution cubaine pour le socialisme cubain. C’est un communiste de toujours qui a été membre de l’ancien parti communiste tandis que Fidel lui fondait son propre mouvement puis le nouveau parti communiste cubain. Il est tout aussi passionné par la théorie que son frère mais il est plus un organisateur qu’un tribun.

Ce qui frappe chacun c’est le compagnonnage exemplaire de deux frères. Il y a peu d’exemples de deux frères se partageant lepouvoir dans une telle harmonie, la raison me semble avoir été q’à chaque moment de leur vie ils n’ont pas penséà eux mais à Cuba, à leur peuple. Ils ont été des frères mais des camarades chacun apportant àtous le meilleur de lui-même. Et même en se retirant Raoul prouve qu’ils ont été ainsi.

Alors que Fidel était un leader charismatique qui a réuni les Cubains pour défendre la révolution et défier les États-Unis, Raul Castro, 89 ans, a fait de l’armée une force de combat exemplaire qui a éliminé les ennemis du pays, y compris une invasion armée soutenue par les États-Unis de la baie des Cochons en 1961. L’armée cubaine est la seule à s’autofinancer en très tôt dirigeant des entreprises y compris dans le secteur hôtelier. L’armée cubaine est aussi une école de cadres, une espèce de grande école qui a fourni à la Révolution des dirigeants compétents, disciplinés et incorruptibles au socialisme cubain. Nul doute que les douze années que Raoul a passées à la tête du pays à la mort de son ainé de l’Etat, puis du parti aient été employés à œuvrer dans le même sens.

Après la chute de l’Union soviétique, dans ce qu’on a appelé la période spéciale et où j’étais fréquemment à Cuba et en situation d’observer la manière dont l’île a résisté, j’avais été frappée par le rôle joué par l’armée pour faire face à une situation dramatique, comment celle-ci s’était mise à produire de la nourriture et comment dans le même temps Raoul défendait l’ouverture de marchés paysans non étatiques mais empêchait aussi que les prix s’envolent en assurant avec l’armée cette production agricole et de poisson. Il y avait dans cette conduite à la fois la reconnaissance de la nécessité du marché et de l’initiative mais le souci aussi de ne jamais laisser celui-ci s’exercer de telle sorte que les plus pauvres en fassent les frais. Pour organiser cela il fallait non seulement une politique de cadres dans l’armée mais que celle-ci soit articulée sur d’autres cadres de terrain, en particulier les syndicats, les CDR. Fidel qui partageait ce souci de savoir ce que pensait et vivait chaque Cubain approuvait l’action de Raoul, sa capacité à tisser des réseaux d’action et de solidarité efficace.

Je me souviens encore de la consultation à laquelle ont été conviés tous les Cubains dans les entreprises, dans les quartiers, dans les établissement scolaires face à l’effondrement du bloc soviétique et à cette période terrible où chacun avait faim et faisait le ventre vide des kilomètres à pied, où il n’y avait plus aucun médicament, plus de savon et pourtant grâce en particulier aux femmes cubaines, un grand facteur de résistance, tout le monde était propre, soigné. Les Cubains donnèrent leur avis sur ce que l’on pouvait sacrifier et ils privilégièrent un système de santé et d’éducation gratuits qui encore aujourd’hui est une des fiertés de l’île. Fidel en préserva non seulement le service à la population mais la recherche. Et la plus grande réussite est sans doute ce corps de gens hautement qualifiés qui restent dans l’île alors que partout ailleurs on leur ferait un pont d’or.

On retrouve le même pragmatisme qui jamais ne sacrifie les principes dans la manière de mener les relations internationales. Ne jamais baisser la garde tout en normalisant les relations internationales y compris avec son terrible voisin.

Une nouvelle génération mais aussi un nouveau contexte

Nul doute que Raoul en quittant ses fonctions dans une période qui par bien des traits rappelle la période spéciale, puisque il y a à la fois les effets de la politique de Trump, le resserrement du blocus pour Cuba et le Venezuela et dans le même temps la pandémie et ses effets sur le tourisme, une des principales ressources de l’île, sait néanmoins qu’il peut laisser la place, qu’il y a des gens prêts à conduire le pays et même à en renouveler la direction dans la ligne du socialisme et de la souveraineté. Ils ont fait leurs armes face à ce resserrement du blocus suivi de la pandémie et chacun sait à quel point Cuba présente une situation originale tant dans les soins que dans la création d’un vaccin dans un continent qui du nord au sud est dévasté.

Il a dit que son devoirétait accompli et il a manifesté sa confiance en l’avenir de la Patrie, a refusé de ne d’accepter toute proposition pour rester dans les organes supérieurs du parti et a ajouté “dans les rangs duquel je continuerai à militer en tant que combattant révolutionnaire de plus, prêt à apporter ma modeste contribution jusqu’à la fin de la vie “. Il se retire donc en accordant totalement sa confiance”

Le Parti communiste cubain est désormais sous la direction de celui qui a déjà fait ses preuves en tant que président Miguel Díaz-Canel. Non seulement à ce titre il a assumé le choc terrible de la politique de trump et de l’épidémie, mais il l’a fait déjà à sa manière, en apportant plus d’explications que Raoul, et sur le fond en insistant sur les liens entre la recherche, le fort potentiel intellectuel et artistique cubain et les réponses aux nécessités de la vie quotidienne. C’est à la fois la poursuite de tout ce que la génération de Fidel et Raoul a su grâce au peuple cubain créer mais c’est aussi quelque chose de nouveau qui insiste sur le formidable potentiel scientifique, créatif d’une nouvelle génération qui ne prendra plus le maquis mais va partout innover, respecter la nature et à sa manière inventer un nouveau mode de développement, la tâche de cette génération-là… Celle qui a fait que face à cette épidémie un vaccin a pu naître en un an, le numérique, l’écologie, tout ce qui est en train de surgir et qui ne veut pas être entravé.

Comme a aussi évolué le contexte international qui n’est plus celui de la solitude absolue de l’île dans l’effondrement du socialisme européen. Si la contre-offensive contre les gouvernements progressistes a été menée partout du Brésil à la Colombie en passant pas le Chili, la Bolivie, l’Équateur l’Uruguay. Celle-ci se heurte à la résistance des peuples, la domination des USA, sa volonté d’étrangler les peuples qui résistent, d’appliquer partout sanctions, blocus, révolutions de couleurs et coups d’Etat intervient dans un autre monde, celui où la principale puissance économique est dirigée par un parti communiste, celui du multilatéralisme et des nouveaux rapports sud-sud que Fidel annonçait dès 1983.

Par rapport à tout cela Cuba grâce à son socialisme jouit d’atouts formidables, mais il faut bien mesurer la tâche immense à laquelle Cuba est confrontée, celle de ce terrible moment de tension où l’impérialisme US accroit sa nocivité et prétend exiger de ses alliés et vassaux une adhésion totale à sa politique de survie, l’art de porter la guerre et la misère partout où il invente des boucs émissaires à sa propre crise.

Cuba invente des vaccins, soigne sa population mais manque de seringues, de compresses, comme d’ailleurs de nourriture.

Voilà il me semble que je comprends bien pourquoi Raoul sait qu’il peut passer la main, parce que ceux qui vont résoudre ce problème sont ceux qui sont nés dans ces temps nouveaux mais nous pouvons encore les aider en luttant contre ce qui appartient à notre temps à nous, celui des blocus, du néocolonialisme, de la Révolution aussi, de l’émancipation… Nous avons confiance dans Cuba et le fait que Raoul estime qu’il y a une équipe de révolutionnaires capables de faire face me parait de bonne augure pour ce que j’en connais. Mais nous devons également aider les Cubains. Je m’adresse en particulier aux communistes encartés ou non : il faut que notre solidarité soit concrète, active, coordonnée.

Notre tâche à nous : stop au blocus !

Donc il en est de Cuba comme de nous communistes français et forces progressistes dans le monde. Par certains traits la situation parait aussi dramatique que celle de l’effondrement de 1991, le champ de ruines, la dévastation du capitalisme en crise plus l’épidémie donne le sentiment d’avoir les cavaliers de l’apocalypse et pourtant la situation n’est pas la même. Les révoltes des peuples, les résistances, la revendication des souverainetés se font plus nombreuses.

Ce qui manque le plus c’est ce qui existe à Cuba, une force organisée, un parti communiste capable d’unifier et de renforcer les résistances, d’empêcher les divisions, de conserver le but du socialisme. C’est pourquoi se battre avec Cuba ce n’est pas ajouter une tâche de plus c’est ce recentrer sur la nôtre en France et dans le monde.

Alors voilà à Marseille avec les représentants il faudrait dire représentantes d’organisation de solidarité, vu la quasi totalité des femmes qui ont lancé l’initiative nous avons décidé de refaire pour le 25 avril, dimanche prochain la même présence à 14 heures au bas de la Canebière devant le palais de la bourse puisque le même jour il y aura l’initiative à partir de Miami de la caravane contre le blocus. Mais nous avons aussi décidé que chaque initiative devra nous permettre d’apprendre à être plus efficaces.

Voilà Habitants des Bouches du Rhône et de la région PACA, Marseillais d’abord, tous les lundis nous nous réunissons désormais pour coordonner notre action contre le blocus, pour préparer une présence dans les médias, pour nous adresser à des associations, des syndicats. Bref pour démultiplier la résistance au blocus en espérant pour ma part que très bientôt, comme Raoul, je pourrai ne plus rien organiser mais rester comme lui une militante révolutionnaire, ça urge et c’est pour celaque j’ai fait le pari hasardeux de tabler sur ce qui s’était levé au 38 e congrès, ces jeunes en particulier .

La grande leçon de Cuba c’est qu’il faut ne jamais baisser la garde devant l’ennemi mais aussi faire confiance en sachant être là où on a besoin de vous.

En attendant, je vous appelle tous à être là et à soutenir Cuba le 25 avril à Marseille.

Danielle Bleitrach

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