Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A propos d’un centenaire : pour penser la réalité suffit-il d’être cartésien ?

Je ne flatterai pas les communistes sur l’état de leur parti, et le travail qu’il reste à accomplir pour qu’il soit digne de ce qu’il a été et surtout ce qu’exige notre temps, mais je dirai à ceux qui proclament sa mort, que c’est toute la vie politique française qui est en état de coma dépassé, et que ma foi le PCF n’est pas le plus mal placé pour aider notre malheureux pays à sortir de cette catastrophe imminente sans moyens apparents de la conjurer. Bon anniversaire! Pour encore 100 ans d’avenir. Et sans la censure qui règne encore aujourd’hui au sein de ce parti comme dans l’ensemble de nos médias, et qui étouffe toute créativité dans la pensée comme dans l’action.

HIer, j’ai lu l’analyse d’un blogueur semble-t-il célèbre dans le landerneau de gauche et communiste, qui en toute modestie s’est attribué le nom de Descartes. Ce qui est à la fois sa gloire, la rationalité française, et sa limite peut-être ? Outre le fait que la pensée ne supplée pas à tout, chacun sait les difficultés dialectiques de la pensée française.

La dialectique à savoir prendre tous les aspects de la réalité et privilégier ce qui en détermine le mouvement, penser la complexité et le fondamental, la totalité et sa transformation, l’abolition et sa conservation en particulier.

Le sujet en débat était la célébration des cent ans du parti communiste français. Le propos du dit Descartes avait le mérite de la clarté: selon lui ce parti autour duquel pendant 75ans – bien que ne participant pas au pouvoir – toute la vie politique et intellectuelle française a tourné, est mort. il y a 25ans. Il n’aura jamais 100 ans, celui qui est là a abandonné tout ce qui faisait la puissance de ce parti y compris la référence au marxisme.

La démonstration ne manquait pas de pertinence, les faits décrits difficilement niables à tout le moins si on reste dans le champ circonscrit par la dite démonstration. Et comme souvent j’ai eu deux images.

La première, celle des 75 ans du parti dans l’immense hangar du Bourget, Aragon, qui avait l’âge que j’ai aujourd’hui n’en pouvait plus de fatigue dans ce lieu bruyant et il s’est penché vers moi en me disant :'”ce parti que j’ai tant aimé pourquoi n’ai-je pas pu lui donner le sens du beau?…” A ce moment, Roland Leroy est venu vers nous et il a demandé à Louis de lui écrire quelques ligne pour l’humanité du lendemain. Je sentais à quel point Louis était las et je lui ai proposé d’écrire ces lignes sous sa dictée. Elles ont paru le lendemain dans l’Humanité et je me souviens qu’elles débutaient ainsi: “Etre communiste c’est ne pas confondre les petites histoires avec la Grande Histoire”.

Alors en lisant ce qu’avait écrit Descartes et en songeant à toutes ces vétilles sordides dont nous avions été abreuvés ces derniers temps, j’ai hoché la tête…. l’histoire de pif le chien, suivie de celle du temps des cerises, les déclarations intempestives de Marie Georges Buffet et d’autres soutenant Jean Luc Melenchon, celui-ci s’imposant de sa seule autorité, tout cela minable, dérisoire, irrespectueux de ce qui faisait la force de ce parti .Qu’est ce qui faisait la force de ce parti, Descartes a raison c’était bien sur sa référence au marxisme, la formation de ses militants, la manière dont se mêlaient intellectuels de haut niveau et ouvrier avide de comprendre, l’échange… A la surprise générale et plus encore la mienne, j’avais été nommée membre du Comité central, Pascal mon compagnon m’avait mise en garde : “fais attention on ne dirige pas les communistes comme les autres, c’est tous des chefs”. Il y avait dans son propos un peu d’ironie et un immense respect. Respect que je retrouvais chez Georges Marchais quand je lui avais dit “tu raconterais n’importe quoi ils te suivraient”. Georges avait hurlé “Tu n’as pas le droit de dire ça des membres du parti!” Qu’étaient-ils devenus tous ces gens conscients, responsables ? Disparu en même temps que les géants comme Aragon, mais est-ce seulement au PCF?

Oui il était clair que dans ce parti désormais les petites histoire prenaient le pas sur la grande, mais du moins en ce qui concernait le cas Melenchon, le mal était beaucoup plus général et la désagrégation frappait au moins toute la gauche.

la deuxième image, fut bizarrement celle de Jeanne la folle. Certains se souviennent peut-être de cette reine espagnole qui épousa philippe le beau de Habsbourg et de leur union naquit Charles Quint et le plus formidable empire de la chrétienté, celui sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Mais la reine aimait passionnément son époux et quand il mourut elle refusa qu’il soit enterré, non seulement elle prétendit garder son cadavre dans son lit mais l’emmener à ses côtés visiter son empire et obliger chacun à lui rendre les honneurs dus à la majesté impériale d’Autriche, à la Bourgogne, à la royauté de Castille et d’Aragon et des terres conquises en Amérique latine et partout ailleurs. Son père et son fils la séquestrèrent jusqu’à la fin de sa vie. Je me suis vue en jeanne la folle prétendant que le cadavre était vivant. Ce que j’avais vécu depuis ma tentative de retour n’était-il que décomposition comme le prétendait Descartes?

Mais aussitôt en considérant ceux qui menaient le débat sur le sujet, j’ai découvert je n’étais pas la seule jeanne la folle et que Descartes lui-même, tous les groupuscules, tous ceux qui proclamaient la mort de ce parti n’étaient pas loin de la reine aliénée. Parce que dans le fond le cadavre que l’on pouvait réellement déplorer était celui de la vie politique française. Pour un peuple aussi politique que le peuple français un tel vide, une telle décomposition était une perte d’essence autant que d’identité. L’Etre français glissait dans le néant et ces gens là conjuraient leurs peurs, leur refus du réel en invoquant un fantôme et l’insultant d’être absent.

Ce que j’ai tenté de leur dire alors est dans le fond toute la philosophie de ce blog. Oui le PCF de ce centenaire n’a rien à voir avec celui que j’ai connu, c’est au-delà de la caricature. Il m’arrive à chaque nouvelle incongruité d’être secouée de fou-rire en imaginant la tête que feraient ceux de jadis devant les délires et la médiocrité de leurs successeurs. Mais les dits successeurs ressemblent simplement trop au personnel politique ordinaire, ils ont adopté les préoccupations et le langage des gens à la télé. L’avantage de la situation c’est que les trois derniers dirigeants étaient si inodores et sans saveur que tout le monde les a oubliés et soit on se souvient de Georges Marchais, soit on nous reproche Jean Luc Melenchon et son manque de sobriété, ses jeux personnels .Je les appelés les rois fainéants, fainéants mais dispendieux vu ce qu’ils ont dépensé en ne fichant pas grand chose… Résultat , nous sommes effacés mais pas aussi déconsidérés que les autres. Le mérite de la désignation du cadavre, du refus de reconnaitre celui qui s’évertuait à ressembler aux autres était-là: nous n’avons pas besoin d’un canada dry du PS, mais bien d’un parti communiste différent des autres. sans lui la gauche s’effondre comme une flaque, un cadavre vidé de son ossature.

Il aura suffit qu’il se trouve un dirigeant, né dans cette portée et s’en détachant avec difficulté, mais simplement retournant sur le terrain, mouillant la chemise, ayant l’amour de son pays, le patriotisme pas le nationalisme xénophobe non simplement se sentir issu d’une terre, d’un lieu que l’on aime. pour qu’il y ait un bougé. C’est insuffisant disent-ils, rien ne change, c’est vrai Il aurait fallu pour sauver le parti et la France, un Fidel Castro ou un Maurice Thorez, nous avons la chance d’avoir un homme honnête et qui a des racines de communiste, il faut faire avec, non pas par amour du parti, par volonté de sauver “le cadavre” mais parce que toute la scène politique est celle d’une catastrophe imminente sans moyen de la conjurer et que lui au moins a envie de faire.

Etre pessimiste leur ai-je dit est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre et je ne vois en aucun de vous quelqu’un qui vaille mieux que Fabien Roussel. Lui au moins ne s’acharne pas sur des vétilles, ne s’excite pas dans la foire d’empoigne générale et tente d’aller à l’essentiel. Le manque par rapport à cet essentiel, ce qui détermine le mouvement réel, est flagrant, mais cette courte vue est le mal français auquel il faudra bien un jour s’attaquer.. et si un parti est susceptible d’aller jusque là c’est celui qui a surgi de son 38 e Congrès, malgré ses limites.

la situation française me rappelle quand Chavez s’est présenté aux élections au Venezuela, tout le continent était soit la proie de dictature tortionnaires , soit du “dégagisme”, “dégage” criaient les peuples excédés face au pillage néolibéral. Résultat, il n’y eu comme candidat qu’un officier putschiste, et une ex-miss univers.. Nous n’en sommes pas loin… En tous les cas la contrerévolution née en 1973 au Chili après avoir fait chuter l’URSS, et le socialisme européen, dévasté le tiers monde, mené des guerres partout visiblement s’autophage…Et le moins que l’on puisse dire c’est que même mis tous ensemble les rogatons d’une gauche moribonde ne se hisseront sur aucun podium… Celui qui gagnera l’emportera par abstention et rejet, il ne sera probablement pas de gauche… Les luttes se heurtent à un mur mais elles existent et témoignent d’une pugnacité que l’on retrouve partout dans le monde…

Alors que le dimension de classe est bien là mais dévoyée dans diverses formes de nihilisme, alors que nous avons perdu les leviers de la souveraineté nationale, est-il étonnant que nous soyons en tant que peuple français incapable de comprendre la nature des défis auxquels nous sommes confrontés? Et avec lui le PCF, parce que comme le disait Aragon n’oubliez pas le F, c’est important, effectivement ce parti n’a que trop tendance à épouser le destin français et celui-ci aujourd’hui n’est pas très glorieux… En être à Macron et à son équipe … Est-ce que nous allons passer à une vitesse accélérée de l’impérialisme-colonialiste au sous développement d’une république bananière avec un paltoquet qui se prend pour le roi soleil ? Oui mais en ce qui concerne le pcF c’est peut-être là un de ses secrets de sa survie à l’eurocommunisme, il fut un temps où il trancha sur l’étrange défaite et la collaboration, aujourd’hui il épouse la médiocrité mais il demeure français à la manière honnête et sobre qui fut toujours la sienne. (1).

Qu’ils soient climatiques, environnementaux en général, sanitaires, tous les défis historiques, ceux de l’utilisation du développement scientifique et technique, la faim, la misère, sont à l’échelle de la planète, ces défis exigent des coopérations, des collectifs, de la volonté. Notre ^pays, ses citoyens sont en proie à la concurrence, la xénophobie, le refus de la science, les divisions entre travailleurs, le racisme, etc… Mais ce que je vois c’est que dans le monde partout les communistes se portent au premier rang pour tenter concrètement de résoudre les problèmes, ce qu’ils ont bâti demeure un point d’appui pour faire face et même Bill Gates reconnait que les pays socialistes (le vrai)sont meilleurs pour résoudre les problèmes de santé publique. Le problème politique français c’est que tous les partis politiques, y compris le PCF, qui non seulement a renoncé à être une avant-garde mais parfois se conduit comme une arrière garde peureuse tant il voit son salut dans les phénomène des mode, nous avons du mal à innover. Non seulement à inventer sa vérité d’intellectuel, celle qui vous donne un nom, mais celle qui débouche sur l’action, sur la transformation . Nous aurons pour cela besoin de nourriture théorique pour créer, un réel de plus mais aussi d’avoir les pieds et les mains dans la glèbe.. Pour le moment, nous sommes asphyxiés, nous sommes coupés de la dimension de classe, de la nation et de la compréhension de la transformation du monde, c’est beaucoup.

Mais le paradoxe est que l’anticommunisme est plus vivant que jamais, on croirait que Staline n’est pas mort en 1963 tant il est l’objet d’incantation diverses, tant il faut que son procès l’identifie à celui qu’il a vaincu…Je parle de procès c’est un bien grand mot, c’est de la bigoterie, de la pensée magique, le nom suffit et l’on se signe comme devant le démon dans un bénitier … La Chine est successivement totalitaire et capitaliste, ils en sont non seulement à déplorer la mort du communisme, mais à accuser ceux qui revendiquent ce titre d’être des capitalistes ou des sociaux démocrates, insulte suprême qui dit tout de ce dont ils se contentent… Ils en sont à attiser les peurs irrationnelles de la dictature que représenteraient les pays soumis à des blocus indignes. Le petit Cuba serait quasiment coupable d’agression face aux Etats-Unis… on nous transforme en héros de la liberté des pantins voir des trafiquants de drogue, des gens qui sont gonflés de vent et de mépris… Voilà le paysage de ce qui vous parait vivant ?

Le PCF est certes sous certains aspects totalement insuffisant, mais si tout le monde déplore sa mort c’est parce que c’est de ce parti là dont nous aurions besoin et il me semble que ce Descartes dont j’ignore tout est dans l’incantation et continue à se définir par son appartenance de jadis au parti. C’est vrai que moi aussi j’ai un côté j’attends Godot… pas tant que ça, simplement un peu pour fêter son centième anniversaire… qu’il se réveille…

DanielleBleitrach

(1) tous les partis qui ont fait le choix de l’eurocommunisme y compris le mexicain ont connu un naufrage dramatique… Le PCF et le parti communiste japonais sont les moins détruits, on peut penser que le Japonais a perduré à cause de sa lutte pour la paix et contre de ce fait l’influence US. Le PCF a retrouvé une sorte de primat de l’eléctoralisme municipal comparable aux compromis du guédisme qu’analysait avec beaucoup de lucidité Rosa Luxembourg, une matrice anti-léniniste… Avec un syndicalisme balançant lui même entre anarchosyndicalisme et réformisme européen.

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2 Commentaires

  • Yann
    Yann

    Merci Danielle pour cette stimulante lecture de fin d’année !

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  • rey
    rey

    5 mars 1953, pour la mort de Staline ?

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