Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

« Révolution » américaine: le « trou noir » de l’élection américaine et les leçons que la Chine doit en tirer

Ce texte est un petit bijou et il s’agit d’un genre très prisé en Chine mais très méconnu en Occident dans lequel les Chinois considèrent avec un intérêt sociologique et non sans étonnement les mœurs et coutumes occidentales. Je dois dire que cet impertinent et intéressant regard sur l’exotisme des sociétés occidentales est à la fois réjouissant et étonnement subtil. J’ai failli en changer le titre et l’intituler “Comment peut-on être Américain?” Référence bien sûr aux Lettres persanes. Parce qu’il y a beaucoup à prendre pour nous Français dans cette description des handicaps dont souffre le système politique des États-Unis, surtout quand on assiste à la manière dont certains communistes français en sont à débattre de leur ralliement à Mélenchon et rêvent de s’engouffrer dans les joies et impasses du vote utile aux présidentielles. Mais ce texte a un autre mérite : il peut nous aider à percevoir combien nous sommes éloignés d’une véritable interprétation de ce qui meut la Chine et les Chinois. A lire d’urgence (note et traduction de Danielle Bleitrach).

LE 29 JUILLETÉCRIT PAR TU ZHUXI



Traduit du chinois en anglais par Sean Haoqin Kang et publié avec la permission de l’auteur et de l’anglais en français par Danielle Bleitrach pour histoire et société.

Le blogpost original de Wechat, « Révolution » américaine : le « piège systémique » et les leçons que la Chine doit tirer » peut être lu ici (lien en chinois).


Note de l’éditeur: Tu Zhuxi (Président Rabbit) est le nom de plume de Ren Yi, un blogueur chinois formé à Harvard qui a plus de 1,6 million d’’abonnés sur Weibo qui recherchent ses commentaires politiques, dont une grande partie relève d’un genre que nous pourrions appeler avec sympathie « regarder l’Amérique ». Là où l’observation de la Chine est largement tronquée et où les commentateurs occidentaux parlent encore et toujours d’un sujet chinois muet et sympathique afin de faire comprendre les subtilités de l’autoritarisme chinois pour un public occidental éclairé, Ren retourne le scénario en fournissant de puissantes critiques du libéralisme américain, des relations raciales, de la démocratie procédurale du point de vue de la gauche chinoise.

Pourtant, ce genre florissant de commentaires politiques est largement inconnu pour le monde ne parlant pas chinois. De ce fait, la connaissance occidentale sur la Chine est considérée universelle par simple nature de son hégémonie, la connaissance chinoise sur l’ouest reste, en dehors de la Chine, simplement provinciale. La Chine n’a pas, selon  les mots de Mobo Gao, le « droit hégémonique à la connaissance » que l’Occident monopolise encore sur la scène mondiale.

Dans ce contexte, cette traduction du récent billet de blog de Ren, une critique brûlante de la relation fétichiste de l’Amérique avec la démocratie procédurale libérale, est une ouverture importante sur une vision extérieure du discours politique américain. Ren privilégie les critiques systémiques sur la tendance libérale à l’individualisme, il s’en prend particulièrement à la tendance libérale et de gauche américaine à identifier l’administration Trump comme le visage spécifique à qui l’on doit la réponse désastreuse de la nation à la pandémie plutôt que de porter une critique plus profonde sur les systèmes politiques, économiques et sociaux américains.

Les gens de gauche aux États-Unis peuvent avoir une représentation des acteurs du mouvement Black Lives Matter comme ayant une énergie révolutionnaire celle-ci est néanmoins « détournée vers les élections ». Nous notons, cependant, que le point de vue de Ren est inspiré par la couverture médiatique des médias dominants américains, qui a en effet stratégiquement excisé les aspects révolutionnaires et abolitionnistes du mouvement en les détournant vers des “solutions” réformistes et esthétiques. Ce flag-burning et d’autres aspects plus conflictuels du mouvement sont occultés à un public international , il y a un « trou noir » du libéralisme que Ren identifie comme aspirant toutes les critiques politiques et les réacheminant dans le système existant.

Faisant une remarque sur la « révolution » électorale de Bernie Sanders, Ren en traite à partir de la vision chinoise : « Les gens plus familiers avec le discours politique chinois devraient connaître la différence entre la « révolution » et la « réforme ». En effet, aujourd’hui, cette différence est pertinente quand nous nous employons à faire face aux contradictions insoutenables de la société américaine.


Aujourd’hui, j’ai passé en revue l’interview que le professeur Ezra Feivel Vogel a accordée au Global Times : « Le professeur Vogel, 90 ans: Malheureusement, il y a une possibilité de confrontation armée entre les États-Unis et la Chine. »

Le professeur chevronné, qui a fait des recherches sur la Chine et l’Asie de l’Est toute sa vie et a favorisé le développement de liens entre les États-Unis et la Chine, a fait part du malaise intense qu’il ressentait après avoir été témoin de deux années de forte récession aux États-Unis sous l’administration Trump. Il fallait absolument qu’il fasse part de ses préoccupations.

Cette interview arrive à point nommé. Comme vous pouvez le voir, j’ai extrait un bref commentaire de l’entrevue. Cet extrait fait parfaitement écho au contenu que j’ai voulu développer ces deux derniers jours :


Vogel: Il y a un nouvel article dans le magazine Atlantic par James Fallows qui donne l’explication la plus complète de ce qui s’est passé. Et c’est clairement l’administration Trump.

Avant le coronavirus, il y avait eu des plans dans les administrations précédentes pour faire face à une épidémie. Nous avions un bon plan d’ensemble. Trump n’a pas utilisé ces plans du tout. Il a même agi lorsqu’il a entendu parler pour la première fois de la pandémie de coronavirus comme s’il n’y avait pas de gros problème. Donc les choses ont été retardées. C’est clairement la responsabilité de Trump.


Au moment d’écrire ces lignes, les États-Unis ont environ 3,8 millions de cas cumulatifs confirmés, 140 000 décès et une augmentation quotidienne d’environ 64 000 cas. Le diagnostic des experts et des intellectuels à travers les États-Unis: tout cela est dû à l’administration Trump.

Tout d’abord, le soi-disant « bon plan global » des États-Unis pour la riposte à l’épidémie visait un type de maladie infectieuse qui ressemble à la grippe dans l’infectiosité, le danger et la létalité. Après tout, les États-Unis ont pas mal de documentaires et d’émissions de télévision spéciales sur les pandémies, et chaque année, dans tous les coins du pays, des exercices sont organisés sur les pandémies, mais tous ces documentaires étaient avec les hypothèses d’une maladie pseudo-grippeuse. Covid-19 n’était pas dans les attentes d’un plan américain de riposte à l’épidémie, et était en effet au-delà du plan d’intervention de chaque pays en ce qui concerne une maladie infectieuse avec transmission respiratoire. Covid-19 est une épidémie particulièrement puissante, une maladie avec un taux de mortalité extraordinairement élevé. Le plan d’intervention en cas d’épidémie actuellement mis en place par les États-Unis était tout à fait insuffisant pour le COVID-19. Le Dr Anthony Fauci a abordé ce sujet à plusieurs reprises au cours des derniers mois, surtout aux premiers stades de l’épidémie : le système et la conception américains sont insuffisants ou totalement inefficaces contre covid-19. Le Dr Fauci ne parlait que du point de vue de l’hygiène publique et du système de soins de santé et son analyse ne s’est pas élargie au-delà de ces considérations.

J’ai suivi les nouvelles, les médias et les commentaires de la droite et de la gauche américaines. Les critiques de la réponse épidémique ont généralement été formulées par le Parti démocrate, les anti-Trump et/ou les intellectuels libéraux alignés. Même après plusieurs mois, j’ai rarement rencontré des essais ou des discussions qui analysent en profondeur toute l’ampleur des difficultés auxquelles est confrontée la réponse au COVID-19 des États-Unis en synthétisant des observations plus larges sur le système politique, la société, la gouvernance, la culture et l’économie du pays.


Fondamentalement, toutes les analyses ont pris la question et l’ont subsumée sous la question du « leadership politique » – pointant habituellement vers le président, la Maison Blanche, et les gouverneurs d’état. La majorité de ces analyses blâment la personne même de Trump.


Fondamentalement, toutes les analyses ont pris la question et l’ont subsumée sous la question du « leadership politique » – pointant habituellement vers le président, la Maison Blanche, et les gouverneurs d’état. La majorité de ces analyses blâment la personne même de Trump.

Selon cette logique, la raison de la faible réponse des États-Unis à l’épidémie est Trump et Trump seul. S’il n’y avait qu’une autre personne en charge, les États-Unis auraient pu vaincre COVID-19.

Les lecteurs qui me suivent doivent bien connaître mes méthodes : j’ai toujours commencé mes analyses d’un point de vue sociologique. Comment les États-Unis pourraient-ils utiliser la grippe comme objectif principal pour comprendre le COVID-19, et comment cette compréhension a-t-elle influencé les mesures réactives subséquentes des États-Unis? J’ai depuis écrit de nombreux essais sur ce sujet, par exemple mon essai du 1er avril 2020 : « Les États-Unis peuvent-ils fermer des villes entières et pratiquer complètement la distanciation sociale comme la Chine ? A Discussion of American Exceptionalism » (lien en chinois).

Dans cet article, je soutiens qu’en raison du système politique et juridique des États-Unis, il n’est tout simplement pas possible d’adopter un programme de distanciation sociale complet et rigoureux, y compris des mesures telles que les villes qui confinées.

Au cours des prochains mois, je poursuivrai mon analyse et je m’étendrais jusqu’au niveau politique. Il n’y a pas si longtemps, j’ai rassemblé quelques écrits dans ce sens : « 13 Raisons de la réponse inefficace au COVID-19 des États-Unis et « Construction de société » pendant une épidémie » (lien en chinois).

J’ai résumé treize raisons de la faible réponse des États-Unis à l’épidémie :

  1. Système gouvernemental : séparation des pouvoirs entre les gouvernements fédéral, étatique et local
  2. Système gouvernemental : séparation des pouvoirs entre les organes législatif, exécutif et judiciaire
  3. Grandes disparités raciales et de classe
  4. Une culture qui comprend l’individualisme comme une vertu cardinale, au point de s’opposer aux intérêts sociaux ou collectifs
  5. L’accent mis à une écrasante majorité sur les droits politiques et civils
  6. « Culture des armes à feu » : l’esprit du destin manifeste, de l’individualisme robuste et du militarisme
  7. « Culture biblique » et anti-intellectualisme
  8. Une société pluraliste sans compréhension ou consensus communs
  9. Un gouvernement et des médias qui intensifient plutôt que désamorcent les tensions sociales
  10. Un système de valeurs qui ne respecte pas les personnes âgées et n’attribue pas aux aînés des protections spéciales
  11. Structures familiales qui ne sont pas adaptées à la lutte contre covid-19
  12. La situation économique précaire des classes moyennes et inférieures des États-Unis (comme marcher sur une corde raide, c’est-à-dire vivre d’un chèque de paie à un chèque de paie ou sous la menace des problèmes de crédit)
  13. D’autres facteurs culturels, tels que la résistance au port de masques

Il y a certainement beaucoup plus de raisons que celles que j’ai énumérées. Mais ce que je tiens à exprimer, c’est que la faible réponse des États-Unis à l’épidémie est le résultat combiné de facteurs politiques, juridiques, sociaux, culturels, économiques et autres. La Maison Blanche, en tant qu’un des détenteurs d’une large autorité publique (la section exécutive du gouvernement fédéral), a en fait un pouvoir considérablement limité sur ce contexte structurel plus large.

Les États-Unis ne peuvent pas gérer une distanciation sociale rigoureuse, des quarantaines à grande échelle des villes, ni des restrictions sur les voyages interétatiques. Les codes QR santé sur les appareils mobiles sont tout à fait impossibles avec l’insistance des citoyens sur la protection de la vie privée. Une vaste société dirigée principalement par l’individualisme et l’anti-intellectualisme peut difficilement parler de gestion des épidémies. Ces facteurs ne sont pas des problèmes qui peuvent être résolus avec le changement d’un président. Je crois que même s’il s’agissait d’Obama, d’Hillary ou de Biden en tant que président, ils ne seraient pas en mesure d’inverser la tendance de la bataille contre covid-19, même s’ils étaient un peu plus efficaces, par exemple s’ils avaient pris l’initiative et souligné l’importance des masques. C’est parce que la lutte contre une épidémie ne dépend pas du lobbying ou des pratiques d’un président, mais plutôt du système de santé publique et de prévention de tout un pays, qui, de fond en comble, doit agir dans l’unité et agir ensemble. L’autorité publique doit mettre en œuvre de manière exhaustive, efficace et cohérente des politiques (de sorte que chaque localité n’aura pas ses propres politiques variantes), et ne peut pas non plus permettre à aucun niveau du pouvoir judiciaire de s’immiscer dans les problèmes d’un niveau quelconque de gouvernement. Dans l’équilibre entre le citoyen et la société, des mesures doivent absolument être prises pour céder les droits au collectif. Les « droits politiques et civils » doivent en ces temps céder la place.

La conception même des institutions politiques et juridiques américaines vise à entraver les droits collectifs. L’équilibre des pouvoirs est au cœur de la gouvernance américaine. Les droits politiques et civils sont le fondement des valeurs politiques américaines. Nier ces valeurs équivaut au déni même de l’être fondamental des États-Unis.


La conception même des institutions politiques et juridiques américaines vise à entraver les droits collectifs.


Par conséquent, prendre la faible réponse des États-Unis à l’épidémie et la pousser au « leadership politique » et aux pieds de Trump n’est pas seulement une réponse fausse, mais évite le vrai problème et se concentre sur des réponses faciles. Il ne s’agit tout simplement pas d’examiner le fond de la situation.

Depuis plusieurs mois, j’ai suivi les commentaires politiques américains à gauche et à droite, et je peux confirmer que je n’ai pas vu d’analyse approfondie. L’écrasante majorité des analyses sont trop limitées et concrètes, pointant seulement vers un individu. Rare est la personne qui peut penser en dehors de la structure politique américaine et effectuer une évaluation détaillée d’un troisième point de vue. Pourquoi? Je résume deux raisons :

(1) Les Américains sont un peu comme le participant perplexe dans un jeu; parfois, les spectateurs voient mieux le jeu que les joueurs. Les Américains croient sincèrement que le système américain est exceptionnel, le meilleur au monde. Il s’agit d’une foi sincère et inébranlable, d’une authentique « confiance en soi dans le chemin, de la confiance en soi dans les principes, de la confiance en soi dans le système, de la confiance en soi dans la culture » [les « quatre confiances en soi » de la pensée de Xi Jinping]. Ils ne peuvent tout simplement pas se mettre en doute ou s’opposer au système américain. Puisque le système américain est parfait, une fois que l’épidémie crée des problèmes, par le processus d’élimination, les Américains en déduisent que le problème ne doit provenir que de l’élection du bon ou du mauvais politicien. De cette ligne de pensée, choisissez celui qui a le plus de pouvoir: c’est la faute de Trump. Après lui, peut-être que nous blâmons le gouverneur de Floride, DeSantis. C’est à peu près aussi profond que ce à quoi peut aboutir l’introspection de la majorité des Américains.

(2) Critiquer le système américain est une grave erreur politique. C’est tabou. Cette critique est anti-américaine, « antipatriotique », « anti-américaine ». C’est une position qui doute des fondements mêmes des États-Unis. Donc, quand il y a un éléphant dans la salle en ce qui concerne le système américain, tout le monde peut le voir, mais personne n’ose parler. Je crois que la majorité des gens ne voient même pas cet éléphant dans la pièce parce qu’ils ont subi un lavage de cerveau si complet grâce à la perfection du système américain. Il n’y a qu’une minorité de personnes qui peuvent voir cela. Ces gens très bien pourrait être démocrates ou intellectuels libéraux. Ce petit nombre de personnes conscientes de la réalité ne peut pas désigner l’éléphant, cependant, même si elles peuvent le voir. C’est parce que le souligner ne peut pas changer la situation sur le terrain, mais se traduira toujours par la censure et la critique. On préfère polir un boulet de canon et le lober sur Trump.

En résumé, si nous comparons la Chine aux États-Unis, nous découvrirons un phénomène intéressant.

Quand les gens chinois critiquent, ils sont habitués à concentrer des critiques sur le système. « Problème systémique. » « Systémique-isme. » Même s’il y a effectivement des problèmes au niveau individuel, ces problèmes sont profondément enracinés dans le système plus vaste. « Parce que le système a produit ce type de personne », « parce que le système ne pouvait pas retenir ou vérifier cette personne en particulier. » Quoi qu’il en soit, toute analyse ramène fondamentalement à des problèmes systémiques.

Quand le peuple américain critique, il concentre le problème sur le corps physique d’un politicien individuel. Ce n’est pas le système qui est fautif, parce que le système est déjà parfait ou presque parfait, donc il ne peut être qu’un problème de naissance de la part du politicien: la personnalité de ce bouc émissaire est mauvaise, ses capacités insuffisantes. Toutes les critiques sont de ce genre. Avec cela, si un bouc émissaire impuissant est continuellement élu ou réélu, par exemple si Trump est réélu, alors c’est un problème des électeurs. Mais pour l’instant, l’analyse ne peut tout simplement pas aller plus loin. Dans le calcul des valeurs politiques américaines, les valeurs politiques de chaque personne sont égales : on ne peut pas dénigrer les électeurs. En 2016, pendant la course à la présidence, Hillary Clinton a dénigré les partisans de Trump et a fait face à une réaction extrêmement négative, lui coûtant le prix ultime (c’est peut-être la raison pour laquelle elle a perdu la course présidentielle). Il ne reste alors plus qu’à critiquer l’influence politique des médias, le financement des campagnes électorales et les groupes d’intérêt. Mais arrivé à ce stade, l’analyse doit cesser. Dans les limites interdites du dialogue, il est facile d’entrer dans un autre niveau d’analyse, par exemple, se pourrait-il que le système électoral américain ait des défauts fondamentaux? Si l’on arrive à ce niveau, cela touche à l’ensemble même de la démocratie américaine et à son système électoral. Celui qui ose cela entrerait dans une zone minière vivante, vacillant au bord de l’erreur politique.


Dans ce genre d’environnement, les Américains éviteront naturellement les problèmes difficiles et chercheront des réponses faciles. Ils n’exploreront pas les problèmes systémiques, mais concentreront plutôt toute leur attention sur les solutions électorales.


Dans le cadre de ce processus électoral actuel, on ne peut-être que pousser son candidat préféré sur la scène politique et ne souhaiter que son propre candidat pour accéder au poste, de sorte que dans les prochaines années, ce candidat puisse faire avancer ses propres programmes politiques et ainsi protéger les intérêts des partisans du candidat. Dans ce genre d’environnement, les Américains éviteront naturellement les problèmes difficiles et chercheront des réponses faciles. Ils n’exploreront pas les problèmes systémiques, mais concentreront plutôt toute leur attention sur les solutions électorales.

Par conséquent, la politique américaine est entièrement guidée par le court terme. Ils considéreront les problèmes à long terme comme relevant d’une certitude afin de les éviter, en s’appliquant à ne résoudre que des problèmes à court terme. Même s’il y a des chercheurs et des intellectuels qui peuvent produire des analyses à long terme à grande échelle historique et sociétale, ce genre d’analyse reste enfermé dans la bibliothèque et les tours d’ivoire, loin de la pratique politique.

La « Révolution » américaine

Dans la semaine qui a pris fin aux élections de 2016 aux États-Unis, le candidat à la primaire démocrate Bernie Sanders a publié son livre Our Revolution. Comme tout le monde le sait, 2016 a été le concours entre Trump et Clinton. Pourtant, Bernie Sanders était le candidat le plus extrême, plus à gauche (appelé « socialiste ») du Parti démocrate, qui a finalement été assommé par la grande clinton dans les primaires. Mais il a gardé de nombreux fans au sein de l’«aile progressiste » du Parti démocrate, y compris de nombreux jeunes. Dans son livre, il a présenté ses réflexions ainsi que ses explications et analyses sur toutes sortes de questions de l’époque, y compris l’écart de richesse, les relations raciales, les problèmes environnementaux, les problèmes de santé, le problème des médias et des groupes d’intérêt liant la politique, la disparité salariale entre les sexes, et le problème de Wall Street et les grandes entreprises.

Le diagnostic de Sanders sur les problèmes américains se croise avec celui de Trump : leur grande différence tient au fait que si le public cible de Sander était assez large (par exemple, les minorités, les groupes vulnérables et les femmes), celui de Trump était beaucoup plus paroissial. Sur des problèmes similaires, Trump fournirait des résolutions de droite à son auditoire limité d’électeurs, mais Sanders a fourni des résolutions de gauche à son large public, à cause de cela, il a été dépeint comme un « socialiste ». Bien sûr, pendant toute la campagne de Sanders il restait un doute indicible: c’est-à-dire, est-ce que le représentant juif d’ une grande ville juive , l’ « élite » de Brooklyn, New York peut effectivement gagner les voix pour être élu président des États-Unis? Ce même problème peut s’appliquer à Michael Bloomberg. à ce jour, il semble qu’à cette question il soit répondu par la négative.

Mais je ne veux pas parler des propositions ou de l’ethnicité de Sanders, mais plutôt de son slogan: « Notre révolution ».

« Notre révolution » est devenue une organisation d’action de gauche avec des racines dans la campagne de Bernie Sanders en 2016, et elle continue d’organiser des mouvements au sein du Parti démocrate et dans d’autres contextes sociaux plus larges.

« Notre révolution » a trois actions clés : « Gagner sur nos questions », « Transformer le Parti démocrate » et « faire élire des progressistes à tous les niveaux des scrutins électoraux ».

Il est à noter que Sanders est le politicien américain qui a réussi à obtenir le plus grand public à ce jour pour soutenir l’idée d’une révolution. Cependant, ce que je tiens à souligner pour les lecteurs chinois que ce concept de « révolution » n’est rien de plus que de propager ses propres pensées et propositions politiques à un public plus large, afin d’obtenir son propre peuple d’électeurs et d’atteindre le succès électoral lui-même.

Les gens plus familiers avec le discours politique chinois devraient connaître la différence entre la « révolution » et la « réforme. »

La révolution renverse et recrée : elle renverse l’ancien système et l’ancien ordre, et construit un nouveau système. La révolution est souvent violente, d’une grande force, contraignante et refuse de respecter le système en place. Du point de vue du marxisme, la révolution est la lutte des classes, un mouvement ouvrier ardent. Du point de vue du léninisme, c’est un mouvement violent. Du point de vue de Mao Zedong:


« Une révolution n’est pas un dîner de gala , ou l’écriture d’un essai, ou la peinture d’une image, ou faire de la broderie; elle ne peut pas être aussi raffinée, aussi calme et doux, aussi tempérante, gentille, courtoise, sobre et magnanime. Une révolution est une insurrection, un acte de violence par lequel une classe renverse une autre.


Dans le contexte chinois, et même dans la majorité des contextes culturels et sociaux, la « révolution » est une action intense : la révolution exige le renversement du système actuel. Le respect du système actuel, ou le passage au système et à l’ordre actuels, ne peut être qu’une réforme.

Mais c’est différent aux États-Unis. Aux États-Unis, la contestation et le renversement du système sont tabous. C’est tout simplement impossible. C’est parce que le système américain est considéré comme sacré, parfait. Il n’y a que des personnes particulières qui ont des problèmes, seulement des problèmes particuliers et qui peuvent ne pas être bien traités. Le système lui-même n’a aucun problème. Par conséquent, toutes les actions ne peuvent être menées que dans le cadre de ce que le système permet. La seule voie est l’élection : utiliser une élection réussie pour construire le point de départ et les fondements du changement sociétal.


Le système américain est considéré comme sacré, parfait. Il n’y a que des personnes particulières qui ont des problèmes, seulement des problèmes particuliers qui peuvent ne pas être bien traités. Le système lui-même n’a aucun problème.


Pour cette raison, dans la rhétorique politique de Bernie Sanders, nous ne voyons pas une révolution radicale ou une transformation, mais une obéissance complète au système américain. En raison de l’approbation à 100% et de l’obéissance du peuple américain au système, toutes les possibilités que les gens puissent avoir la critique ou les doutes substantiels vis-à-vis du système sont interdites, et aucune mesure ne peut être prise. Le système américain a complètement limité leur espace de mouvement. Même les « radicaux » ne peuvent que soulever haut la bannière du système américain, et ne peuvent travailler et influencer la société que dans les limites désignées: à savoir en poussant leurs propres candidats aux élections.

Il y a quelques semaines, l’affaire de brutalité policière de George Floyd a poussé un grand nombre d’Américains à prendre la rue et à protester de manière continue.

Pourtant, avons-nous vu un manifestant protester contre la structure même du système politique, des institutions et du gouvernement américains? Y aura-t-il quelqu’un qui viendra brûler la Constitution? Brûler le drapeau américain ? Y aura-t-il quelqu’un qui présentera des plans concrets d’actions en faveur de la subversion?

Il n’y en avait pas. Les manifestants ne pouvaient protester que contre quelques « conditions ». Chaque voie vers la résolution est détournée vers les élections.

Les États-Unis utilisent le mécanisme de séparation des pouvoirs pour répandre la grande majorité des contradictions sociales entre les politiciens des différentes juridictions locales. Par la possibilité d’élections, afin de résoudre ces contradictions, le peuple se plaint tout en pointant du doigt les politiciens, pas les institutions elles-mêmes. En fin de compte, les gens croient qu’ils détiennent le pouvoir et peuvent influencer la politique par le vote, en maintenant leur vie sous ce genre d’espoir.

La politique la plus impressionnante est en effet la suivante: celle dans laquelle les gens croient qu’ils ont le pouvoir et ainsi ils maintiennent un espoir inébranlable à l’avenir, tout en ne changeant rien à la situation actuelle.

Il y a quelques semaines, lorsque des émeutes ont éclaté dans tout les États-Unis, le secrétaire d’État Pompeo pouvait encore fièrement se vanter et en même temps entémautons la Chine : « Nous avons la liberté de réunion, d’expression et la liberté de manifester.

Le système américain s’est déjà développé jusqu’à présent : il suffit de donner au peuple la liberté d’expression et la liberté de protester pour qu’il puisse se sentir juste et supérieur, après quoi il peut faire ce qu’il veut.

J’ai déjà écrit un essai intitulé « From ‘Moral Licensing’ and ‘black-clad warriors’ to the ‘Sick People of Hong Kong’ » dans lequel j’ai expliqué le concept de licence morale:


« Les gens croient que s’ils ont déjà fait quelque chose de bien, ils pourront alors éventuellement s’en contenter quand à l’avenir, ils font quelque chose de pas aussi bon (même les actions qui ne sont pas conformes à leurs propres normes morales ou le public). »


Les circonstances entourant le système des États-Unis sont telles : si nous permettons l’expression des gens, leur permettons de gronder librement le gouvernement, cela accorde au peuple des « droits politiques et civils ». Cela lui-même accorde au système américain une supériorité morale; ce ne sont pas les fins qui comptent ce sont les moyens. Par la suite, le gouvernement n’a plus besoin de changer de politique : « Écoutez à demi-mot mais décidez de ne rien faire ». Le fait qu’il y ait eu tant de conflits raciaux et d’émeutes au cours des dernières décennies démontre que ce genre d’expression n’apporte aucune transformation politique substantielle. La société américaine n’a connu aucun changement fondamental. Les gens qui n’en peuvent plus ne peuvent s’empêcher de prendre la rue après de nombreuses années difficiles.

Le système électoral des États-Unis est une forme systémique et nationale d’« octroi de licences morales » :

Premièrement, il accorde aux gens le droit de vote, accorde aux gens quelques droits politiques et civils nominaux, permettant au peuple de sentir qu’il a le pouvoir et l’autorité et d’entretenir ainsi l’autosatisfaction morale.

Ensuite, les politiciens et les élites peuvent raconter la grandeur et la gloire du système, aussi juste et approprié soit-il. « Nous permettons aux Afro-Américains de sortir dans la rue ! Notre système est donc progressiste.. « Nous avions Obama comme président, comment notre société peut-elle être discriminatoire à l’égard des Afro-Américains ? »

La première étape de la politique américaine est de prendre « le droit d’exprimer des préoccupations » et de l’assimiler à des « mesures pour résoudre le problème ». Je t’ai permis d’exprimer ton opinion, donc tout va bien.

La deuxième étape de la politique américaine est de prendre « le droit d’exprimer des préoccupations » et de l’utiliser comme légitimation pour « t’attribuer tacitement le mal » Je t’ai permis d’exprimer ton opinion, et j’ai même permis à un président noir, alors de quoi est-ce tu parles ?

Comme on peut le voir, la séparation des pouvoirs et du système électoral aux États-Unis a créé un « piège cognitif » parfait — les gens croient que ce système peut sans cesse autonomiser les individus et dans le même temps offrir un potentiel et des possibilités illimités au fait qu’il peut changer n’importe quoi. Ce système est en fait comme un trou noir, prenant tout le potentiel et le suce et le dissiper – même si cela signifie qu’il n’y aura pas de changements dans la réalité.


Ce système est en fait comme un trou noir, prenant tout le potentiel et le suce et le dissipe – même si cela signifie qu’il n’y aura pas de changements dans la réalité.


Je crois qu’il n’y aura pas d’insurrection aux États-Unis parce qu’il n’y a pas de pouvoir aux États-Unis qui puisse renverser ou transformer le système américain. Le système américain est trop puissant, il peut déjà changer le sens des mots : transformer la « révolution » en réformes ourlés par les limites du système électoral. Il s’agit en effet d’un système extraordinairement puissant.

Seule une énorme pression extérieure peut faire changer les États-Unis.

La Chine est une telle pression actuellement exercée sur les États-Unis. Au début, la pression était indistincte, peu claire, mais maintenant elle devient plus apparente à mesure que la Chine poursuit son ascension.

Pourquoi l’Amérique ne peut-elle pas critiquer son propre système ?

Outre l’autonomisation des gens, leur donnant l’illusion fantastique d’avoir le pouvoir politique et d’être en mesure de l’influencer, le système électoral américain est également lié à la construction par le système de l’identité d’une personne américaine.

Comme je l’ai écrit il y a deux jours dans l’essai « Why the United States Does Not Understand China — From the Original Intention of the Communist Party of China, to European Civilization, to American Politics », les États-Unis sont un pays multi-national, assimilant de nombreuses personnes de différentes ethnies, nationalités, cultures et sociétés. Pour unir ces peuples, un pays ne peut pas compter sur des liens de sang, une ethnicité partagée ou une culture partagée, mais plutôt sur des valeurs politiques communes — l’approbation de la Constitution des États-Unis et l’approbation des valeurs politiques fondamentales des États-Unis.

Les valeurs politiques et le système américain : ces deux-là formulent « l’identité nationale » des États-Unis.

Désavouer le système américain revient à désavouer l’identité nationale américaine, ce qui signifie nécessairement être anti-américain.

Chaque civilisation doit construire ses propres fondations pour l’identité nationale.

Les identités nationales des pays européens sont sur la race, le sang et la terre, et, après, la langue et la culture. Nier sa race, son sang, sa terre et sa langue, c’est aller à l’encontre de son propre caractère national, et ce n’est guère acceptable.

La Chine est également multinationale, son identité nationale fondée davantage sur la culture et la langue; celui capable de s’intégrer dans la nation chinoise est celui qui peut être accepté. La terre est secondaire, et l’ethnicité et les liens de sang peuvent également être des facteurs. Mais en résumé, l’inclusivité du peuple chinois est tout à fait puissante, avec l’ethnicité, les liens de sang, et d’autres facteurs sont des considérations relativement faibles. Du point de vue du peuple chinois, désavouer la culture, l’histoire, la tradition, ou la perception du territoire et des frontières de la Chine, est ce qui constitue un désaveu ou être déloyal à la Chine.

Du point de vue des États-Unis, l’ethnicité, le sang, la terre, la langue, la culture et l’histoire ne sont pas des facteurs clés; seules les valeurs politiques le sont. Désavouer le système américain, c’est désavouer la « nation » américaine.

Du point de vue de toute nationalité, le fait de nier leur propre caractère national est très inacceptable, que ce soit l’Europe, la Chine ou les États-Unis. La distinction entre l’Europe et la Chine est que la nationalité américaine repose sur les fondements d’un système politique et de valeurs.

Dans quelles circonstances une société ou une nationalité va-t-elle à l’encontre et désavoue-t-elle sa propre nationalité ?

Je suis actuellement convaincu que ce n’est que dans un contexte international interethnique ou transnational que l’on pourrait trouver de graves frustrations qui pourraient produire un tel désaveu.

Ce n’est qu’en faisant face à un énorme échec qu’il peut y avoir un désaveu personnel, voire une « haine de soi ».

Le concept de nationalité de la Chine est construit sur la culture et la civilisation. Au cours des deux cents dernières années environ, la Chine a subi une invasion étrangère et de l’intimidation, a pris du retard et a reçu des coups, et en conséquence est venu à douter d’une grande partie de son propre système et la culture. Ce type de doute de soi et d’auto-désaveu a persisté jusqu’à nos jours. Les Chinois ont tendance à rechercher leurs propres « faiblesses inhérentes » dans leur culture traditionnelle.

Une fois que l’économie chinoise s’est développée, et par la suite une fois sa position globale augmentée, les gens ont commencé à changer, devenant sûrs d’eux, et plus ont pu voir les bons aspects de la culture traditionnelle chinoise et des pratiques sociales contemporaines.

Les États-Unis sont semblables. Le concept américain de caractère national est son propre système et sa propre valeur politique. Rien de moins qu’une grave frustration du système américain, peut-être par la Chine rattrapant ou dépassant largement les États-Unis, peut-être même vivre un échec dans une compétition ou une lutte avec la Chine, pourrait éventuellement réveiller les Américains à leur réalité. La base des « quatre confiances en soi » des États-Unis est son rôle de premier plan absolu dans le monde depuis près d’un siècle. La force des États-Unis a été de faire croire aux gens que le système américain doit être supérieur, et sur cette base, ils en sont venus à croire que le caractère national de l’Amérique doit être supérieur. Les États-Unis se gardent et attaquent avec vigilance tout autre pays qui pourrait contester sa puissance nationale, parce que tout défi saperait la supériorité supposée du caractère national des États-Unis.


Les États-Unis se gardent et attaquent avec vigilance tout autre pays qui pourrait contester sa puissance nationale, parce que tout défi saperait la supériorité supposée du caractère national des États-Unis.


Si la Chine se lève un jour et doit entrer en conflit avec les États-Unis et vient surpasser le système américain, alors pour certains, il porterait un énorme coup à la confiance en soi du peuple américain.

Ce n’est qu’avec une telle expérience que le peuple américain peut peut-être s’engager dans des introspections plus profondes sur son système et ses modèles, et donc peut-être chercher et mettre en œuvre les réformes nécessaires.

Je crois que la politique et la société américaines ont une inertie extraordinairement puissante et ne peuvent pas mettre en oeuvre des ’ajustements autogérés à court terme, à moins qu’il n’y ait des pressions extérieures.

La montée en puissance de la Chine est maintenant inévitable et viendra faire pression sur les États-Unis plus le temps passe. À un certain moment, les États-Unis seront obligés d’affronter et de repenser leur propre système, de chercher d’autres changements et réformes. C’est exactement comme la période de la fin des années 70 et du début des années 80, au cours de laquelle les États-Unis ont fait face à la montée du Japon en matière industrielle et commerciale. Ainsi, les États-Unis de plus en plus obsédés par la Chine ne sont qu’une question de temps.

À mesure que la Chine continuera de se renforcer, son influence sur les affaires internationales s’accentuera naturellement. Dans le même temps, les États-Unis connaissent un déclin relatif, leur soft power et leur influence politique dans le monde entier seront également confrontés à un déclin relatif. La Chine peut en effet apparaître ou agir comme un défi, vérifier ou compléter (la terminologie n’est pas importante) pour le modèle américain à l’avenir, et parce qu’elle procéder sur une voie distincte de celle de l’Occident.

La voie que la Chine prendra influencera également le cours du développement humain à l’avenir, et peut-être même s’agit-il d’un cours que nous aurons l’occasion de voir dans nos vies.

Enfin, s’il y a une leçon que la Chine doit tirer des États-Unis en ce qui concerne les principes des systèmes politiques, elle doit être que nous devons constamment nous rappeler de rester humbles. En aucun cas nous ne pouvons nous permettre de devenir complaisants et de perdre notre vigilance. Nous devons constamment examiner nos lacunes, rechercher des réformes et des améliorations, et nous améliorer constamment. « Quatre confiances en soi » est bien sûr d’une importance vitale, mais nous devons en même temps conserver nos dispositions typiquement chinoises discrets, pragmatiques, prudents, modestes et modérés.

Nous ne devons jamais imiter les Américains dans leur aveuglement, leur arrogance et leur importance de soi, leur manque d’introspection ou leur confiance en soi grossière.


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