Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Ida Lupino : actrice – réalisatrice par Laura Laufer

Il va y avoir une rétrospective Ida Lupino à la cinémathèque, Laura Laufer qui est une des meilleures critiques de cinéma et qui a bien voulu assumer une partie de notre rubrique cinéma nous présente cette actrice mais aussi metteur en scène. Elle fait partie en outre de cet Hollywood qui a tenté de résister à la normalisation hollywoodienne autant qu’au Maccarthysme.Les personnage que cite Laura (par exemple john Garfield, le communiste, méritent tous un nouvel éclairage. Ida Lupino c’est aussi le féminisme,une femme qui devient réalisatrice avec un grand talent dont elle nous parlera dans un prochain article . Merci Laura (note de danielle Bleitrach)

Ida Lupino est née en 1918 à Londres et morte en 1995 à Burbank aux États-Unis.

La sortie d’Outrage, ce 9 septembre, tourné par Ida Lupino en 1950, sera suivie, le 30 septembre, de celle de quatre autres films en version restauréé, également tournés et produits par ses  sociétés Emerald Productions Avant de t’aimer (Not wanted. 1949), puis par The Filmakers pour la réailsation de   Faire face (Never fear.1949), Bigamie (The bigamist. 1953), Le voyage de la peur (The Hitch-hicker 1953). Lupino est l’auteur de sept films pour le cinéma et d’une bonne quarantaine pour la télévision… ce qui fait d’elle de 1949 à 1966 une réalisatrice chevronnée.

Mais Ida, avant de devenir réalisatrice est d’abord une des plus grandes comédiennes de l’écran, devenue une star populaire très aimée du public et très estimée par ses metteurs en scène. 

  1. L’ACTRICE

Ida Lupino – High Sierra de Raoul Walsh (1941).

  Première époque, 1933-1949

Actrice dans près de 50 films entre 1933 et 1949 dont voici quelques grandes étapes.

Ida est née à Londres en 1918 dans une famille, dont la dynastie artistique remonte au moins aux années 1600 : la troupe des Lupino quitte l’Italie pour la Grande-Bretagne au 17e Siècle. Famille polyvalente de la scène qui compte des marionnettistes, des danseurs, musiciens, acrobates mais aussi des acteurs de tradition shakespearienne qui joueront à la Cour du Roi Charles. Ida est sur les planches, dès ses sept ans, jouant dans un théâtre miniature construit par son père, et entre à treize ans à la Royal Academy of Dramatic Art. Elle acquiert une bonne connaissance de la musique ce qui lui permettra aussi d’être compositrice : la Suite Aladin, écrite en 1935, alors qu’elle est soignée pour un début de poliomyélite, sera jouée par l’orchestre Philarmonique de Los Angeles  et l’on entend dans Outrage (sortie ce mercredi en version restaurée) une de ses compositions jouée au piano par l’acteur Tod Andrews incarnant le Pasteur Ferguson. 

:::14 ans.pngÀ quatorze ans, Ida accompagne sa mère Connie Emerald, célèbre danseuse de claquettes pour une audition… mais le pionnier Allan Dwan,  venu tourner en Grande Bretagne, voyant la fille veut lui donner sa chance à l’écran. Ida jouera donc dans Her first affaire (1933), éclatante de vivacité dans le rôle d’une adolescente délurée partant à la conquête d’un auteur de livres salaces. – Rappelons ici qu’A. Dwan a réalisé parmi les meilleurs films de Douglas Fairbanks dans les années 1920, le formidable western antimaccarthyste de 1954 Quatre étranges cavaliers, et quelques beaux films noirs et de guerre dans une filmographie, de pas moins de 407 films dont déjà plus de cinquante en 1911 !  –

Ida Lupino : photo publicitaire pour Her first Affaire

 Après ces débuts, Ida part âgée de quinze ans, avec sa mère pour les États –Unis  où on lui propose  de venir tourner Alice in the wonderland … Le film, finalement,  ne se fera pas avec elle.Elle reste  pourt tenter sa chance à Hollywood : les studios voudront d’abord en faire une starlette et valoriser son sex appeal. Teinte en blonde et les sourcils rehaussés, elle apparaît dans plusieurs rôles sans épaisseur avant d’être remarquée dans Peter Ibbetson (1934) de Henry Hathaway. Elle y donne la réplique, avec une jolie gouaille populaire, à Gary Cooper. Le New York Times écrit d’elle « Excellente dans une scène courte ». 

En 1939, dans La Lumière qui s’éteint de William Wellman, son personnage de Bessie, prostituée et modèle détruisant avec une rage hystérique, l’œuvre peinte d’elle, marquera les esprits.

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En 1941, Ida Lupino donne la réplique à Jean Gabin. Il s’agit de l’unique film de fiction hollywoodien que jouera Gabin, qui a quitté la France de Vichy. La péniche de l’amour (Moontide) est pour Ida une première occasion manquée de travailler avec Fritz Lang : le tournage est commencé par Fritz Lang, Gabin  y est on ne peut plus « exotique ». Il a tenté pour ses dialogues d’apprendre l’anglais en quelques jours, mais son accent parisien, sorti il y a peu de ses films du Front populaire, est incorrigible ! Excédé par des dialogues qu’il juge mauvais, l’artificialité d’un décor imitant le réalisme à la française, et ne s’entendant pas avec Gabin, Fritz Lang abandonne vite le tournage. Archie Mayo le reprend et termine le film. Lupino y est toutefois très touchante. Lang et Lupino se retrouveront pour le tournage d’un chef d’œuvre: La cinquième victime (While the city sleeps, 1955) : film lucide, remarquable sur la réorganisation capitaliste d’un média et le pouvoir de la presse. 

The hard way  de Vincent Sherman (1943)    

                      

       

La femme aux cigarettes de Jean Negulesco (1948)

De sa carrière des années 1940, les personnages qu’Ida  préfère, sont celui de Helen Chernen dans La manière forte (The hard  way (1943)  de Vincent Sherman et de Lily Stevens dans La femme aux cigarettes (Road house, 1948) de Jean Negulesco. Le Cercle de critiques de New York la sacre meilleure actrice de l’année et la couronne d’un Oscar pour le rôle d’Helen Chernen dans le film de Sherman. Elle y joue une arriviste sans scrupule poussant sa sœur à devenir une vedette, un récit inspirée de la vie de Ginger Rogers poussée à la réussite par sa mère Lela qui a dirigé sa vie tout le long.

La femme aux cigarettes nous offre de découvrir ses talents de chanteuse et de musicienne qui s’accompagne elle-même au piano.  Elle y crée le très beau personnage de Lily Stevens une femme d’apparence  dure, ayant vécu mais en vérité sensible, fragile et tendre. Jean Negulesco, parvient à

créer une belle tonalité de film noir dans ce film où,  Ida Lupino, Richard Widmark en petit malfrat hystérique et Celeste Holm sont excellents.

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ou

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Par contrat avec Warner, ce sera l’excellente chanteuse Peg La Centra qui doublera  sa voix dans les chansons du beau film de Raoul Walsh The man I love tourné en 1946,  deux ans avant  La femme aux cigarettes. Ida a joué quatre films sous la direction de Raoul Walsh : Artistes et modèles (1937)Une femme dangereuse (They drive by night, 1940)La grande évasion (High Sierra, 1941) et The man I love (1947). Elle est délicieuse dans le premier, Walsh ayant porté plus d’intérêt au personnage de Lupino qu’à l’ensemble de cette comédie musicale  Paramount dont il ne dirige pas les parties chantées et chorégraphiées, soit l’essentiel.

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Dans  Une femme dangereuse  Walsh lui donne un rôle fort, mais qu’il développe seulement dans la deuxième partie du film,  greffe artificielle de deux films dans un. Cet ajout avait été voulu par  la Warner ajoutant ainsi au descriptif rigoureux du monde ouvrier ce complément  tirée du  roman de A. I. Bezzerides The Long Haul paru en 1938  et dont  le film  Ville frontière avec Bette Davis   (1935) de Archie Mayo  s’inspirait.  Les producteurs disaient de Lupino qu’elle était la « Bette Davis du pauvre », d’où l’idée de lui faire  reprendre le personnage ici. Walsh dirige la première partie avec la maestria et l’efficacité qu’on lui connaît. Il  y décrit le quotidien de deux camionneurs, (George Raft et Humphrey Bogart), prolétaires de la nuit conduisant à leur risques et périls. Dans la deuxième partie, Ida Lupino joue une femme fatale,  obsédée par un désir obsessionnel du personnage de Raft et en devenant folle. Lupino livre là une véritable performance : Warner et la presse ne s’y trompent pas, déclarant que Lupino vole le film de Bogart et de Raft !  D’où,  dans High Sierra (La grande évasion, 1941), troisième film que Lupino joue pour Raoul Walsh, Warner fait inscrire son nom au générique …avant celui de Bogart !  Il s’agit d’un film magnifique où l’actrice joue cette fois un personnage fragile, sensible et très émouvant. L’entente entre l’actrice et le metteur en scène devient parfaite et ouvre à une amitié complice. Ida appelle Raoul Walsh « Uncle » et le cinéaste lui ouvre l‘accès de la salle de montage, la sachant intéressée. Il sera son mentor et l’encourage à prendre place derrière la caméra : « Hors de mon temps de travail, j’ai beaucoup observé dans le département montage, le département décors, tout cela…grâce à Raoul. » 

                          Ida Lupino et Raoul Walsh : une grande amitié.

Ida avec Humphrey Bogart et Raoul Walsh sur le tournage de High Sierra (La grande évasion, 1941)

Devenue réalisatrice, Ida interrogée sur les cinéastes qui ont influencé sa mise en scène, citera Walsh et Wellman, et à partir de 1961, Robert  Aldrich, pour lequel elle tourne avec Jack Palance un film magnifique Le  Grand Couteau.

Ida appréciée de la profession noue des amitiés solides et fidèles: citons John Garfield qui joue avec elle deux fois en 1941. Ida sera très présente auprès de lui, après qu’il ait été blacklisté , tentera, en vain, de l’empêcher de s’autodétruire et restera très affectée par sa mort.

Ida et John Garfied dans le Vaisseau Fantôme de Michael Curtiz.

                                    :::flyn ida.png Errol Flynn et Ida Lupino.

Son autre grand ami sera Errol Flynn,  auprès duquel elle tiendra à être enterrée. (Notons qu’elle dénoncera, en 1980, la prétendue biographie d’Errol Flynn par Charles Higham, spécialiste britannique  de ragots salaces lequel, d’ailleurs, finira exclu des organes officiels de la critique).

Les studios comprennent l’étendue du talent de Lupino, capable d’incarner des personnages  très différents. Après avoir joué les adolescentes délurées et les séductrices sexy dans les années trente, elle s’affirme ensuite  dans des rôles de femmes au caractère bien trempé : froide, calculatrice, perverse, hystérique, obsessionnelle ou au contraire, chaleureuse, sensible, fragile, tendre et touchante. Cependant les producteurs deviennent méfiants à  l’égard d’une comédienne qui commence à refuser les rôles qu’elle ne juge pas intéressants. Jack Warner lui avait  proposé un contrat de quatre ans à la suite de la sortie d’Une femme dangereuse : elle décline l’offre préférant négocier un contrat d’un an pour garder sa liberté de ses mouvements.

Ida va bientôt suivre les pas de Bette Davis et d’Olivia de Havilland, qui lassées de jouer les poupées peintes à l’écran, luttent pour leur droit de se libérer de l’usine Hollywoodienne. En effet, les contrats de sept ans les assujettissent aux diktats de l’industrie leur imposant leur rôle, leur apparence publique, et intervenant dans leur vie privée. Ida, en 1937 abandonne volontairement le look artificiel que lui ont façonné les studios, la teignant en blonde, lui redessinant les sourcils et lui imposant de perdre du poids pour en faire une poupée sexy. Elle décide de laisser cheveux et sourcils reprendre leur doux brun naturel et commence à refuser les rôles qui ne lui conviennent pas,  jouant alors dans des programmes radiophoniques pour ne pas perdre de revenu. 

Ainsi, on l’entend dans la version radiophonique des trente-neuf marches avec Robert Montgomery  et  en 1939, Orson Welles l’invite à lui donner la réplique dans ses adaptations radiophoniques d’œuvres littéraires. Ainsi The bad man, adapté du roman de Porter Emerson Browne avec Orson Welles et Ida Lupino, suivie d’une courte interview de Lupino par Welles.https://orsonwelles.indiana.edu/items/show/1988?fbclid=IwAR2F-R5Vt-6QiP9krtlbo7pI9L7cZ7yA26ckx-Bl3h0oSXRckhZXZXhPDRI#?c=0&m=0&s=0&cv=9&xywh=-111%2C-136%2C5155%2C3564

Ida est au faîte d’une gloire d’actrice populaire à la fin de 1949, mais Ida qui écrit des scénarios veut gagner son indépendance…

Bientôt,  sa carrière et son salaire d’actrice éclipseront ceux de la réalisatrice- productrice.

À SUIVRE

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