Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A propos du Sri Lanka, l’Ambassade de Chine dit : mais enfin, qui c’est qui est tombé dans « le piège »?

L’originalité de ce blog ne tient pas seulement au choix initial que nous avons fait Marianne et moi mais au fait que désormais il se trouve un groupe de lecteurs devenus rédacteurs soit de textes originaux de synthèse comme Xuan et Franck Marsal, soit de recherches comme cet article proposé par Michel Beyer. Avant de se disputer sur les liens supposés en coulisse avec tel ou tel responsable chinois, ce que font très bien les Raffarin et autres gens de droite, nous avons la nécessité de présenter les FAITS… Ce qui caractérise le système de propagande c’est le mensonge éhonté qui attribue à la Chine, à tous les pays qui revendiquent leur souveraineté leur propre capacité à asphyxier et à interdire le développement. D’où la nécessité qui est celle d’histoireetsociete de donner la parole aux victimes de cette censure-diffamation d’une hypocrisie sans borne. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)


2024-09-27 22:04
Ces derniers jours, l’AFP, évoquant une lettre de félicitations du Président chinois Xi Jinping au nouveau Président du Sri Lanka, a une fois de plus adopté un ton grinçant pour crier au « piège de la dette chinoise ». Quelle absurdité. L’AFP s’est concentrée sur trois points. Premièrement, la Chine a multiplié ses prêts au Sri Lanka et mis ainsi en difficulté les finances de ce dernier. Deuxièmement, le Sri Lanka, incapable de rembourser les prêts chinois, a dû céder le port de Hambantota à la Chine en échange d’un milliard d’euros. Troisièmement, les réserves de devises étrangères du Sri Lanka tellement épuisées, notamment en raison des dettes chinoises, son gouvernement s’est vu obligé de suspendre les importations de produits essentiels. L’AFP, en publiant cette dépêche, veut imputer à la Chine toutes les crises économiques et sociales que le Sri Lanka avait subies ces dernières années. Mais alors quelles sont les vérités ?

En 2022, deux économistes sri-lankais Umesh Moramudali et Thilina Panduwawala ont répondu clairement à cette question en publiant, à l’Université Johns Hopkins des États-Unis, un rapport intitulé « Evolution of Chinese lending to Sri Lanka since the mid-2000s -Separating myth from reality» (Évolution des prêts chinois au Sri Lanka depuis le milieu des années 2000- Distinguer l’imaginaire de la réalité).

Premièrement, la dette chinoise n’est pas le catalyseur du surendettement du Sri Lanka. Les données montrent que la composition de la dette extérieure du gouvernement du Sri Lanka est dominée par la dette commerciale (39 %), suivie de la dette multilatérale (33 %) et de la dette bilatérale (28 %). Sur ce total, 85 % de la dette commerciale provient d’obligations internationales, alors que la Banque Asiatique de Développement (BAD) et la Banque Mondiale représentent plus de 87 % de la dette multilatérale. La dette envers la Chine ne représente que 11, 17 % de la dette extérieure totale du Sri Lanka. Le Sri Lanka a emprunté sur les marchés internationaux des obligations souveraines internationales (ISB) et euro-obligations libellées en dollars américains à un taux d’intérêt moyen de 6,9 %. Rien qu’en 2021, le gouvernement a remboursé 1 milliard de dollars en principal et 934 millions de dollars en intérêts sur les euro-obligations, ce qui représente environ 47,5 % du service de la dette extérieure de cette année-là. Si le pays s’est tourné vers les marchés financiers internationaux pour obtenir des prêts usuraires, c’est à cause de la diminution des prêts concessionnels auprès de la Banque Mondiale, de la BAD, du Japon, des États-Unis et d’autres partenaires bilatérauxdue qui proposent des conditions de prêt de plus en plus strictes. Les problèmes d’endettement et la défaillance souveraine du Sri Lanka sont principalement dus à la faiblesse de ses fondamentaux macroéconomiques et à sa forte dépendance à l’égard de la dette commerciale et des crédits à l’exportation. Les prêts occidentaux à taux d’intérêt usuraires sont le véritable responsable du lourd fardeau de la dette du Sri Lanka.

Deuxièmement, le prêt pour le projet du port de Hambantota n’a pas conduit à une « crise de la dette » au Sri Lanka. Le projet du port de Hambantota a été planifié par le Sri Lanka pour répondre à ses propres besoins de développement politique et économique, et a été initialement conçu par des sociétés occidentales. Ce qui s’est passé après, c’est que les pays occidentaux n’ont pas voulu se charger de fournir des fonds nécessaires, et le projet a peiné à démarrer. Finalement, c’est la Banque d’import-export de Chine qui a accordé des prêts totalisant 1,275 milliard de dollars américains pour lancer la construction du projet, avec un taux d’intérêt moyen d’environ 3,2 % — moins de la moitié du taux d’intérêt de 6,9 % des obligations américaines et européennes, et un délais de remboursement de 20 ans pour la plupart des prêts. Ces prêts ont été principalement utilisés pour la construction du port et des infrastructures auxiliaires, telles que chemins de fer, routes et centrales électriques. Les prêts chinois n’ont pas provoqué de crise de la dette, et l’autorité portuaire du Sri Lanka est en mesure de les rembourser, grâce aux revenus du port de Colombo. Les prêts accordés par la Chine pour le port de Hambantota ne représentaient que 2,4 % du service de la dette extérieure totale du gouvernement sri-lankais. 

Enfin, le remboursement de la dette chinoise n’a pas entamé les réserves des devises étrangères du Sri Lanka. Bien que la dette du Sri Lanka et le service de la dette envers la Chine augmentent, les nouveaux paiements de la Chine sont suffisants pour garantir que les transferts nets de ressources financières vers le Sri Lanka restent positifs. Par conséquent, le service de la dette envers la Chine n’a pas détérioré les réserves de devises étrangères du Sri Lanka. La décision sri-lankaise de céder le port en question avait pour but non seulement d’assurer l’état de rendement positif à l’autorité portuaire, mais surtout d’augmenter les entrées de devises étrangères non liées à la dette, afin de remédier au déséquilibre de la balance des paiements. Après la signature de l’accord de concession du port le 18 décembre 2016, les 974 millions de dollars payés par China Merchant Port ont été intégrés aux réserves de change du Sri Lanka et progressivement utilisés pour les paiements en devises étrangères en général, y compris le remboursement de deux euro-obligations de 1,5 milliard de dollars, ce qui a permis au gouvernement sri-lankais de réaliser en 2018 son cinquième excédent de la balance des paiements depuis l’indépendance du pays en 1948, représentant 0,6 % du PIB.

L’Ambassade de Chine a publié un article le 26 décembre 2022 dans lequel elle a bien expliqué les faits et chiffres susmentionnés, et l’AFP a dû lire le rapport pertinent de l’Université Johns Hopkins des États-Unis. Mais cette agence de presse de classe mondiale a finalement choisi d’ignorer les faits et de se livrer à la basse besogne de colporter des mensonges, cherchant à dénigrer la Chine. C’est méprisable. La dépêche de l’AFP se termine par affirmer que « la dette du Sri Lanka s’élève à 37 milliards de dollars, dont 4,66 milliards de dollars pour la Chine ». Si on fait le calcul, la dette de la Chine ne représente que 12,5 % de la dette du Sri Lanka, c’est en gros équivalent de ce que nous avons donné comme chiffre dans ce texte. Si on peut parler d’un « piège de la dette » avec ce chiffre, alors qu’en est-il de la dette commerciale, qui représente 39 % de la dette totale du Sri Lanka, et de la dette multilatérale, qui en représente 33 % ? L’AFP est-il en train de jouer l’arroseur arrosé ? Accuser la Chine de tous les problèmes est devenu le « politiquement correct » de certains grands médias occidentaux. Mais voyons, nous devons quand-même respecter les faits et parler raison, non ? Ce n’est pas la première fois que l’AFP fabrique ce genre de fake news. Ce n’est pas à la hauteur de sa réputation. Il faut savoir lâcher prise pour ne pas aller trop loin.

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