Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les États-Unis ont trouvé un moyen de réduire à zéro les revenus pétroliers de la Russie

Voici raconté sur un mode humoristique très prisé par les Russes leur vision du pouvoir américain : malgré une politique économique et étrangère manifestement impulsive et chaotique, Trump a récemment réussi à obtenir certains résultats qui, présentés sous un jour favorable, pourraient être efficacement mis en avant auprès de l’opinion publique américaine. Par exemple, l’humiliation épique de l’Union européenne et une série d’accords tarifaires avec différents pays qui, à première vue, montrent qui est le patron (ce qui plaît aux Américains). Les Russes sont mêmes prêts à amuser le bambin en lui accordant la paix en Ukraine… Mais ce serait sans compter avec le traître de service Rubio qui tient à son escalade jusqu’à l’absurde y compris dans la pression qu’il prétend exercer sur l’Inde pour que les relatifs succès tournent au fiasco intégral (note de Danielle Bleitrach traduction Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20250803/neft-2033022736.html

Texte : Kirill Strelnikov

Au milieu de cette saga de dix jours avec les sanctions pétrolières secondaires de Donald Trump, certains experts nationaux (i.e. russes) pourraient se demander : c’est quoi tout ça, c’est pour quoi faire et que va-t-il se passer maintenant ? C’est une question pertinente, logique et opportune, et voici le tableau qui se dessine à la peinture à l’huile moteur tirée du pétrole russe.

Malgré une politique économique et étrangère manifestement impulsive et chaotique, Trump a récemment réussi à obtenir certains résultats qui, présentés sous un jour favorable, pourraient être efficacement mis en avant auprès de l’opinion publique américaine. Par exemple, l’humiliation épique de l’Union européenne et une série d’accords tarifaires avec différents pays qui, à première vue, montrent qui est le patron (ce qui plaît aux Américains).

Cependant, les adversaires politiques de Trump ne peuvent pas se permettre de le laisser « toucher le jackpot », c’est-à-dire enregistrer des succès et obtenir en parallèle le prix Nobel, notamment pour sa participation à la résolution du conflit en Ukraine (et la généreuse Russie ne s’y opposera pas, car peu importe ce qui fait plaisir à l’enfant, l’essentiel est que nos intérêts fondamentaux soient pris en compte). La porte-parole de Donald Trump, Levitt, a clairement déclaré au sujet des projets Nobel du Grand Donald : « Le président a mis fin aux conflits entre la Thaïlande et le Cambodge, Israël et l’Iran, le Rwanda et la République démocratique du Congo, l’Inde et le Pakistan, la Serbie et le Kosovo, ainsi qu’entre l’Égypte et l’Éthiopie, et mérite le prix Nobel de la paix pour son rôle dans le règlement des conflits entre les pays ».

Si l’on ajoute à cela la résolution rapide et pacifique du dossier ukrainien, la position politique intérieure de Trump devient inattaquable et le prix Nobel lui est assuré. Pour éviter cela, les ennemis de Trump ont fait appel à un agent infiltré habilement introduit dans l’équipe présidentielle, l’actuel secrétaire d’État Mark Rubio, qui ressemble de plus en plus à Yermak de Kiev, chuchotant à l’oreille de Trump et orientant subtilement ses actions et ses déclarations. La tâche de Rubio et de ses véritables supérieurs est d’organiser un fiasco retentissant pour Trump, et la dernière histoire avec le raccourcissement du délai de décision pour la Russie et les menaces de droits de douane à 100 % contre les principaux acheteurs de pétrole russe, la Chine et l’Inde, est, à leur avis, une option 100 % gagnante.

La Chine a immédiatement et clairement exprimé sa position à tous les niveaux : aucune concession ni capitulation face aux États-Unis — nous avons acheté et nous continuerons d’acheter, et si vous voulez vous battre, allez-y. En ce qui concerne l’Inde, il y avait une certaine ambiguïté.

Beaucoup ont déjà remarqué que le vice-président Jay D. Vance, qui avait initialement déclaré clairement : « Nous pensons que la poursuite du conflit (ukrainien) est mauvaise pour la Russie, mauvaise pour l’Ukraine et mauvaise pour l’Europe. Mais surtout, elle est mauvaise pour les États-Unis », a été pratiquement écarté de la situation.

Et maintenant, Vance est probablement à la recherche de bons fabricants de perruques, car sa femme, Ushba Balachilukuri Vance, s’est arraché tous les cheveux, car les plans et les efforts à grande échelle de la vice-Première dame et de certains groupes politiques et économiques indiens qui la soutiennent pour renforcer les liens avec les États-Unis sont en train de s’effondrer rapidement.

On a soufflé à Trump qu’il serait judicieux de se rendre à la réunion prévue le 2 septembre avec Poutine et Xi avec des sanctions déjà en place contre la Russie, l’Inde et la Chine (la fameuse « position forte »), puis de négocier. Le plan est bon, si l’on l’on met de côté le fait qu’il n’a aucune chance d’aboutir.

Trump a récemment déclaré que l’Inde avait en quelque sorte cessé d’acheter du pétrole à la Russie, ce qui a été repris par Reuters, qui, s’appuyant sur des sources anonymes, a affirmé que « quatre grandes raffineries indiennes avaient cessé d’acheter du pétrole russe ». De nombreux observateurs occidentaux et nationaux ont immédiatement conclu que les Indiens s’étaient finalement pliés et avaient cédé.

Tout cela est vrai, sauf que c’est tout le contraire.

Les principales agences de presse indiennes ont immédiatement démenti l’information concernant la capitulation et ont déclaré que des négociations étaient en cours pour conclure de nouveaux contrats qui augmenteraient le volume des livraisons au lieu de le réduire. Des sources officielles ont souligné que « le gouvernement indien n’avait pas donné l’ordre aux raffineries de pétrole de cesser leurs achats de pétrole russe », et hier, le New York Times a publié des extraits de commentaires tout à fait accablants de responsables indiens. Par exemple, le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères, Randhir Jaiswal, a déclaré que « nos relations bilatérales avec différents pays ont leur propre valeur et ne doivent pas être considérées à travers le prisme d’un pays tiers. L’Inde et la Russie ont un partenariat solide et éprouvé ».

Selon les analystes, l’opinion selon laquelle les dirigeants indiens « ne doivent pas laisser la politique de plus en plus instable des États-Unis dicter leurs décisions concernant l’approvisionnement énergétique vital d’une population de 1,4 milliard de personnes » gagne du terrain en Inde — et il ne s’agit pas simplement d’une « opinion ». Ce que pensent réellement les milieux économiques et politiques indiens peut être compris à partir d’un article récent d’un éminent homme politique indien très apprécié du président Modi, Shashi Tharoor, qui a tout mis au clair : « Céder simplement à la pression des États-Unis serait une grave erreur pour l’Inde, car cela signifierait non seulement la perte de sa stabilité économique, mais aussi de sa dignité stratégique. <…> Les actions du président Trump visent à tester notre détermination. L’Inde, puissance riche d’une longue histoire d’indépendance stratégique, doit relever ce défi non pas en capitulant, mais avec une détermination sans faille et des contre-mesures mûrement réfléchies. Le chemin qui nous attend sera difficile, mais sacrifier notre autonomie stratégique au profit d’un soulagement économique à court terme serait une trahison de nos intérêts nationaux. »

Sans compter qu’il serait absolument insensé pour l’Inde de renoncer au pétrole russe bon marché alors que la Chine continue de l’acheter et bénéficie ainsi d’un avantage considérable sur Delhi. Et si l’on tient compte du fait que Trump : a) a déjà imposé des droits de douane de 25 % à l’Inde, b) s’apprête à imposer un taux zéro sur les exportations alimentaires américaines, ruinant ainsi des millions de paysans indiens, et c) a annoncé des plans de coopération pétrolière avec le Pakistan (ennemi clé de l’Inde), alors, bien sûr, les plans concernant l’ultimatum pétrolier de New Delhi ont été parfaitement pensés et on peut tranquillement aller chez les bookmakers et miser tout ce que notre grand-mère nous a légué.

Comme l’a dit le président russe Vladimir Poutine, « les déceptions proviennent d’attentes excessives ». Nous avons tout de suite dit ce qui allait se passer, comment cela allait se passer et ce qu’il fallait faire — et c’est le meilleur moyen d’éviter des larmes inutiles.

Views: 226

Suite de l'article

5 Commentaires

  • Roger

    En rapport avec cet article sur le prix du pétrole, un article de quelques semaines très intéressant paru sur le site officiel russe ria.ru:
    https://ria.ru/20250716/neft-2029262214.html
    Un seul bémol : il est quand même faux de dire que la théorie minérale de formation du pétrole et du gaz n’était pas enseigné en URSS. Étudiant français en géologie, je la connaissais non par mes cours à l’université, mais par l’achat d’un livre en français traduit du russe sur la géologie du pétrole et du gaz aux éditions du progrès ou de Moscou acheté à la librairie Paul Éluard dont j’étais un habitué. D’ailleurs, alors que j’étais doctorant en géologie (il y a environ 40 ans), en stage dans une multinationale pétrolière, un géologue a voulu se la péter et m’a demandé s’ils avaient appris (les étudiants) la formation du pétrole à l’université. J’ai juste eu le temps de lui annoncer qu’il y avait deux théories à ce sujet et il s’est enfui dans son bureau, terrifié par ce qu’il avait demandé. L’étonnement des autres géologues m’a aussi amusé, et ce jour-là, j’ai compris, j’ai eu confirmation, puisque j’avais lu ce livre russe de géologie, qu’il y avait aussi beaucoup de mensonges en science, surtout quand le capitalisme s’en mêle.
    J’ai ensuite fait autre chose que de la géologie puisque c’est souvent la bourgeoisie qui détermine votre appartenance sociale. Même avec un niveau d’éducation élevé, elle est très méfiante, surtout dans certaines professions au cœur de la production de plus-value, comme le pétrole et le gaz. Si, en plus, vous parliez russe et êtes allé deux fois en URSS comme étudiant… Même si je m’intéresse toujours à la géologie (j’ai même fini et amélioré plus ou moins récemment le programme que j’avais écrit en 1990 juste avant la soutenance de thèse) puisque c’est une science à la base de l’exploitation capitaliste ou non des ressources naturelles par l’Humanité. Pour manger et survivre, il m’a suffi de devenir enseignant comme ma mère et de militer en permanence (mais pas comme permanent comme mon père) en tant que communiste encarté et désencarté par le Parti (plutôt ou un petit groupe de liquidateurs qui l’a confisqué).

    Répondre
    • admin5319
      admin5319

      encore un et un marseillais de surcroît, c’est fou le massacre que les liquidateurs ont opéré et continuent à opérer dans ce département puisqu’ilstiennent toujours le haut du pavé dans les Bouches du Rhône. Pendant que le secrétaire fédéral qui en fout pas une rame, raconte à chacun ce qu’il a envie d’entendre, de Fabien Roussel au miltant de base en passant par les membres du sénat où il s’est taillé une sinécure, tout s’étiole en faisant comme s’il ne se passait rien… j’encourage chacun à revenir au PCF mais quand je contemple (de loin) ce qui se passe dans les Bouches du Rhône et que confirme votre histoire (peut-être que nous nous connaissons) je me dis que ce n’est pas gagné…
      Je dois dire que quand je me retrouve face à cette imbécillité mesquine qui dans ses moeurs en est resté au niveaau du harcélement de la cour de récré entre morveux et qui au plan intellectuel en est au même niveau d’étroitesse, d’incapacité à percevoir l’ampleur du changement auquel nous sommes confrontés, je me dis que non seulement ce parti mais ce pays est foutu : il meurt de petitesse et il est mur pour le pétainisme…

      mais par ailleurs il y a d’autres communistes encartés ou non qui se batent comme s’ils y croyaient alors je suis partagée et je reprends souffle dans des livres, des discussions parfois avec des inconnus…je n’ai jamais rien demandé ni gloire, ni argent, simplement de la dignité, un combat juste et c’est la chose semble-t-il que tout le monde brade…

      je ne vais même plus aux manifestations à Marseille, la dernière, celle du premier mai m’a donné envie de vomir, y voir des Hayot et autres qui ne votent même plus communste et s’en vantent être entourés comme s’ils représentaient le parti, et il n’est pas le seul, pas un pour sauver l’autre, on finit par considérer que s’ils sont là c’est qu’il y a des gens qui l’acceptent depuis des décennies, qui votent pour qu’ils soient là et le sentiment le plus destructeur qui soit vous envahit le mépris… Je sors de là vidée alors que quand je me promène seule avec les Essais littéraires d’Aragon par exemple, je suis lavée de tous ces miasmes…

      mais heureusement que Franck, Marianne et jean on décidé de me relayer parce que ce travail dans ce blog et ceux qui l’ont précédé depuis pratiquement 25 ans me devient de plus en plus lourd tant je me dis que l’avenir ne dépend plus de la France… et même de ceux qui parlent encore français…
      danielle Bleitrach

      Répondre
  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Mais la vérité pointe son nez partout aujourd’hui. Et les colporteurs de l’idéologie dominante n’ont pas un grand avenir devant eux.
    L’article est formidablement intéressant, quoiqu’ardu. Moi aussi, je pensais que le pétrole et le gaz étaient formés par la sédimentation de matière organique et que c’était un fait scientifique acquis.
    Je voudrais avancer une série d’hypothèses, sur laquelle je voudrais bien votre réaction :
    1) La domination de l’industrie pétrolière par les USA et l’occident a été une composante clé de leur domination mondiale et cela supposait de contrôler le marché par deux bouts (à mon avis) : organiser la production par une série de pays alliés contrôlés politiquement, et empêcher l’arrivée sur le marché de concurrents non contrôlés. Or, la prospection et le forage, notamment en mer, sont des technologies complexes que peu de pays maîtrisent. Donc, un enjeu clé de contrôle.
    2) Pour le point 1) il me semble que le choc pétrolier de 1973 fut un coup de semonce économique, mais que le vrai séisme géopolitique eu lieu en 1979, lorsque la révolution iranienne créa une rupture entre l’Iran et les USA.
    3) Comme exemple de la difficulté à prospecter et forer indépendamment de l’occident, il me semble que ce n’est qu’avec l’aide de la Chine, Cuba commence à exploiter des champs off-shore et cela peut grandement changer la donne pour ce pays.
    4) L’exploitation et le raffinage sont un outil de contrôle dans une certaine mesure aussi. Il me semble que l’Iran, jusqu’en 2016 environ produisait du pétrole mais devait importer de l’essence, ayant perdu la capacité à produire son propre carburant. Ensuite, l’Iran aida grandement le Vénézuela – lui aussi sous sanction – à remettre sa propre industrie sur pied, mais le Vénézuéla a encore besoin de Chevron semble-t-il.
    5) L’affaiblissement de l’industrie et de la technologie états-unienne a conduit ce pays à relancer sa propre production de pétrole et à en tirer des revenus pour équilibrer un tant soit peu ses comptes. Ce fut le pétrole de schiste, qui s’est beaucoup développé mais semble atteindre ses limites aujourd’hui, ce qui rend l’avenir des USA tres incertain.
    Quel est votre avis sur ces hypothèses ?
    Merci

    Répondre
  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    En effet, c’est un article vraiment très important et qui éclaire le fond des choses. Encore un grand merci !

    Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.