Il existe chez les universitaires en Grande-Bretagne, une certaine audace totalement interdite en France. Ici la description du « dictateur » Staline reste dans le consensus occidental tout en ouvrant des portes sur le postsoviétisme, qui n’existent même pas en France, nous en avons eu un exemple saisissant à l’université d’été du PCF où est intervenue une « politologue » dont l’ignorance a révolté la totalité des présents. L’adhésion grandissante à l’Union soviétique, en regard de ce qu’a été le retour de « la démocratie » est pourtant un phénomène difficile à nier. l’article s’interroge sur un des effets en Russie (j’ajouterai au-delà de la Russie, dans le monde des ex-pays socialistes, il y a le même effet) du conflit en Ukraine. L’attaque contre le passé soviétique, contre les statues de Lénine en Ukraine a produit ce que les camarades du KPRF notent, une nouvelle estimation du bilan de l’URSS, l’ère stalinienne comprise en particulier dans la jeunesse. Est magnifiée la victoire sur l’Allemagne nazie mais pas seulement. Il y a, comme nous l’avions constaté avec Marianne (1) une colère contre l’oligarchie, contre l’exploitation du peuple et la nécessité d’en finir avec ces gens-là… Il y a l’idée forte que Staline ne s’est attaqué en priorité qu’aux membres de la nomenklatura et que cela n’a jamais touché le peuple. Autant chaque Russe a un membre de sa famille mort dans la grande guerre patriotique, autant il est difficile de trouver quelqu’un dans les gens interviewés dans les transports, dans la rue qui ait eu un membre de sa famille victime du goulag. Ce genre de mémoire familiale paraît ne concerner en priorité, comme sous Thermidor, que les couches les plus aisées, les plus occidentalisées, nées en général à Moscou ou Saint Petersbourg, qui appartiennent au monde doré des adeptes du libéralisme. Ce que traduit assez bien cet article pourtant « à charge ». En revanche , le lecteur d’Histoire et societe peut juger grâce aux traductions de Marianne de ce que connait et discute réellement la Russie et qui est donc d’eux ou de nous victime de la propagande? (note et traduction de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)
(1) Danielle Bleitrach et Marianne Dunlop Staline, héros national ou tyran sanguinaire? Delga edition, 2017
La réfutation ukrainienne de l’héritage symbolique soviétique semble avoir suralimenté l’adhésion russe à son égard, y compris Staline
par Jeremy Hicks 17 juin 2025

Une statue du dictateur soviétique Joseph Staline a été dévoilée dans la station de métro Taganskaya à Moscou en mai, recréant une fresque murale qui avait été démantelée il y a des décennies. Il s’agit de la première statue de ce type à être érigée dans le centre de Moscou depuis la mort de Staline en 1953 et marque une nouvelle étape inquiétante dans la voie autoritaire de la Russie.
Des dizaines de millions de personnes sont mortes en conséquence directe de la politique de Staline entre 1924 et sa mort. Ces politiques comprenaient la collectivisation forcée de l’agriculture, le système des camps de travail du Goulag et la « grande terreur » – une vague d’arrestations massives entre 1937 et 1938, y compris de figures clés de l’armée.
Pourtant, la victoire finale sur l’Allemagne nazie en 1945, avec le soutien de la Grande-Bretagne et des États-Unis, rachète Staline aux yeux des dirigeants actuels de la Russie. Pour le président russe, Vladimir Poutine, cette victoire a été l’un des couronnements de l’Union soviétique et reste une force unificatrice dans la Russie moderne.
La déstalinisation, qui de 1956 à la fin des années 1960 a vu le démantèlement de la politique et de l’héritage de Staline, signifie qu’aucune statue n’a été érigée à son effigie depuis sa mort jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Mais 110 monuments ont été construits depuis lors (au dernier décompte, en 2023), dont 95 érigés à l’époque de Poutine. Le taux de construction s’est multiplié après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
Au départ, ces statues avaient tendance à se trouver dans les régions périphériques de la Fédération de Russie, telles que la Yakoutie, l’Ossétie du Nord et le Daghestan, et non dans les centres-villes. Le changement de nom de l’aéroport de Volgograd en Stalingrad par décret présidentiel en avril 2025, pour faire écho au nom de la ville en temps de guerre, a donc été un moment important.
Mais la statue du métro de Moscou, un joyau architectural du centre de la capitale russe qui est utilisé par des millions de personnes chaque jour, est une déclaration symbolique encore plus importante.
« Stalinwashing »
La réputation de Staline en Russie continue de se rétablir. Selon un sondage de 2015, 45 % de la population russe pensait que les décès causés par les actions de Staline étaient justifiés (contre 25 % en 2012). En 2023, 63 % des Russes avaient une opinion globalement positive de son leadership.
Cela reflète l’opinion promue dans les écoles et amplifiée par les médias russes, où les critiques de Staline sont rares. Même la comédie britannique de 2017, La Mort de Staline, a été interdite en Russie de peur de faire éclater la bulle de l’approbation du public.
Le but de la réhabilitation de Staline est de renforcer le soutien au régime de Poutine, de former le réflexe de conformité des Russes et d’inculquer la fierté de leur histoire. Mais cela a aussi des ramifications externes.
À l’exception partielle de la Géorgie, son lieu de naissance, Staline est largement vilipendé par les pays voisins de la Russie, qui ont souvent été victimes de la politique répressive de Staline. C’est particulièrement vrai pour l’Ukraine. Une famine connue des Ukrainiens sous le nom d’Holodomor y a été délibérément imposée entre 1932 et 1933 dans le cadre de la collectivisation et a tué jusqu’à 3,8 millions de personnes.
En conséquence, sa mort a déclenché une déstalinisation accompagnée de la destruction de ses statues dans toute l’Europe de l’Est. Cela a commencé lors de l’insurrection de Budapest en 1956 et a été suivi par des réactions similaires à Prague et ailleurs.

Après la répression des soulèvements, la place de Staline a été prise par le moins controversé Vladimir Lénine, le leader révolutionnaire qui a fondé l’Union soviétique.
Mais depuis la révolution de Maïdan en Ukraine en 2014, qui a culminé avec l’éviction du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, les Ukrainiens ont également déboulonné des statues de Lénine. D’autres symboles de l’ère soviétique ont également été détruits lors d’une vague de manifestations connue sous le nom de Leninopad ou Leninfall.
C’est ce qui a motivé la dernière intensification du lavage de Staline. La réfutation ukrainienne de l’héritage symbolique de l’Union soviétique semble avoir suralimenté l’étreinte russe à son égard, y compris Staline.
La Russie a restauré des statues de Lénine dans les territoires ukrainiens qu’elle occupe. Et maintenant, elle a également commencé à ériger des statues de Staline, notamment dans la ville de Melitopol, dans le sud-est du pays, où une statue a été inaugurée en mai pour commémorer le 80e anniversaire de la victoire de l’Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale.
C’est contraire à la loi en Ukraine, où le symbolisme pro-communiste (et pro-totalitaire) est interdit. Entre-temps, les forces russes ont détruit des monuments commémoratifs de l’Holodomor dans une bataille sur la signification de l’héritage soviétique.
La force militaire de la Russie
La réévaluation de Staline promeut une interprétation étroite de son pouvoir, mettant l’accent sur la force militaire de la Russie. Les statues modernes représentent généralement Staline en uniforme militaire et évoquent le sentiment qu’il est un leader victorieux en temps de guerre.
En fait, une partie de l’attrait du symbole de Staline réside dans les dispositions sociales de sa direction où, malgré l’imposition d’un système souvent cruellement autoritaire, l’éducation et les soins de santé étaient gratuits pour tous. On peut dire la même chose de son utilisation de la peur comme incitation au travail. Les Russes dénoncent encore parfois les fonctionnaires complaisants ou ineptes avec l’imprécation : « Si seulement Staline était là pour vous déquiller » (Stalina na vas net en russe).
Néanmoins, c’est la version impériale de Staline qui domine, justifiant le refus de la Russie de tenir compte de son passé colonial en tant que centre de l’Union soviétique. Le bilan de Staline est parfois défendu en Russie sur la base que Winston Churchill, par exemple, reste un héros national britannique malgré un passé sanglant (comme son rôle dans la famine du Bengale en 1943).
Bien qu’il y ait une part de vérité dans cela, la différence est que les lacunes et la complicité de Churchill dans le nombre de morts attribuables à l’empire britannique sont discutées publiquement. Une telle critique de Staline n’est pas permise en Russie. Même la nouvelle statue de Moscou a été érigée sous le couvert de la nuit, échappant à l’examen et au débat publics.
Jeremy Hicks est professeur d’histoire culturelle post-soviétique et de cinéma à l’Université Queen Mary de Londres.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.
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