Les réactions se multiplient en Russie autour du fait qu’à l’occasion du 80 e anniversaire de la Victoire plusieurs monuments à Staline sont réapparus y compris un bas relief dans le métro. Piotr Akopov qui est un partisan affirmé de Poutine, et pas un communiste, adopte une position qui était celle que nous avait inspiré à Marianne et moi un voyage à Leningrad, Moscou et Kazan et qui a donné lieu à une publication « Staline, tyran sanguinaire ou héros national? » chez Delga. Il a été tenté y compris par Khrouchtchev d’en faire un tyran criminel mais nous avions constaté à quel point en fait pour le peuple l’image était positive. je me souviens encore de ce chauffeur de taxi à qui nous avions expliqué qu »en France Staline était l’équivalent d’Hitler et Poutine l’équivalent des deux. L’idée d’identifier Staline à Hitler visiblement ne passait pas mais celle de comparer Poutine à Staline non plus : « Staline n’aurait jamais supporté les oligarques qui entourent Poutine, il les aurait zigouillés vite fait bien fait » et visiblement cela provoquait en lui une grande nostalgie. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://ria.ru/20250520/stalin-2017921023.html
À l’occasion du 80e anniversaire de la Victoire, plusieurs monuments à Staline ont fait leur apparition en Russie. Il s’agit principalement de petits bustes installés à l’initiative des autorités locales ou des communistes dans des endroits discrets, loin des places et des rues centrales. Il ne s’agit clairement pas d’une « réhabilitation du stalinisme » et du « culte du tyran » avec lesquels nos libéraux effraient tant la société et se font peur eux-mêmes, mais cela n’a pas empêché la polémique de s’enflammer. Ce ne sont pas les monuments provinciaux qui en sont la cause, mais le haut-relief « Gratitude du peuple au commandant en chef » restauré dans le métro de Moscou, au centre duquel figure le généralissime, qui a été remis à sa place à la station Taganskaya. Cet événement était prévu pour coïncider avec le 90e anniversaire du métro de la capitale, célébré ces derniers jours, et cela a provoqué une véritable explosion d’émotions et de controverses.
Beaucoup y ont vu un signe incontestable du retour en grâce de Staline, à la joie des uns et à la horreur des autres. Pour ceux qui prédisent depuis vingt ans que « Poutine deviendra Staline et tuera tout le monde », la présence du dirigeant dans le métro moscovite est un signe indéniable de la volonté du Kremlin de revenir à « l’époque sanglante de Staline ». Ceux qui croient que « Poutine sera un nouveau Staline et fera revivre l’année 1937 » cherchent également des signes de changement : et si le pouvoir se préparait réellement à « faire feu sur les quartiers généraux » ? Mais entre ces deux pôles se trouve la majorité de notre peuple, qui ne considère pas Staline comme un dieu ou un démon, mais comme un personnage essentiel de notre histoire.
On tente obstinément d’en faire une figure qui divise tout le monde, un symbole de tout ce qui est mauvais ou bon. Vainqueur, bourreau, bâtisseur d’une société juste, tyran paranoïaque, défenseur du peuple, assassin de millions de compatriotes, génie, bandit : tout cela se traduit par des débats acharnés sans fin. Leur intensité (ou plutôt la diabolisation de Staline) a contribué à l’époque à la chute de l’URSS, et nos voisins occidentaux s’emploient depuis longtemps à faire de Staline un « deuxième Hitler », en insistant sur le fait qu’il était pire que Hitler : celui-ci tuait des peuples étrangers, tandis que celui-là n’épargnait pas les siens et asservissait les autres. Ce concept est actuellement très populaire dans les pays baltes, qui vendent à l’Europe la russophobie en promettant une répétition de la campagne de Staline contre l’Occident.
Cependant, en Russie même, la majorité de la population a depuis longtemps une opinion positive de Staline, qui figure souvent en tête des classements des dirigeants les plus populaires de toute l’histoire russe. Les gens apprécient ses immenses mérites, sans pour autant fermer les yeux sur ses graves erreurs et ses actes sanglants. On peut débattre indéfiniment pour savoir ce qui, dans tout cela, est le résultat de l’explosion rouge de l’histoire russe en 1917 et ce qui est dû aux qualités personnelles de Staline, à son évolution ou à sa dégradation, mais quoi qu’il en soit, il est devenu le symbole de qualités bien précises chez un dirigeant. Pour la plupart, c’était un homme intègre, un patriote sincère, un dirigeant dur et juste, qui tenait l’« élite » dans sa main de fer et défendait avec cohérence et sagesse les intérêts du pays sur la scène internationale. Les répressions sont plutôt considérées par notre société comme un mal : par certains comme inévitables (prédéterminées par le cours même de la « roue rouge »), par d’autres comme absolument diaboliques, mais dans l’ensemble comme un mal. Si, bien sûr, on ne tient pas compte de l’aspect « punition des mauvais boyards par le tsar », mais ici, il convient de parler non pas du Staline réel, mais de l’image qui s’est formée dans l’esprit du peuple, de ce qu’il symbolise.
Staline est respecté parce qu’il incarne davantage les traits positifs et vertueux que le peuple souhaite voir chez ses dirigeants. Cela ne signifie pas qu’il faille ou qu’il soit possible de rétablir l’époque stalinienne et Staline lui-même. C’est impossible et inutile, et la plupart des gens le comprennent. Mais cela signifie qu’on ne peut ni effacer Staline de notre histoire (ce qui fut une énorme erreur de l’ère brejnévienne), ni le diaboliser : il occupe une place unique et irremplaçable dans l’histoire ininterrompue de la Russie.
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