Alors que Trump mise sur le protectionniste, Musk espère tendre vers « une zone de libre-échange » entre l’Europe et les Etats-Unis. Pour comprendre Elon Musk, il faut aller au plus simple, éviter tout le fatras idéologique autour du personnage, passer à l’accumulation du capital et au type de capital financiarisé dont il est l’incarnation:
Sa fortune repose sur deux fondamentaux, le premier c’est la Nasa. A savoir le budget que l’Etat fédéral consacre à la conquête spatiale. Il doit avoir la main dessus et n’en pas laisser distraire la moindre part vers la recherche publique. Sa rupture avec Obama, jusqu’ici son « candidat » favori, date du jour où Biden n’a pas invité Tesla pour illustrer la dynamique entrepreneuriale des « démocrates ». A partir de ce moment, qui coïncide également avec sa crise ouverte avec l’imposition dans la Silicon valley (il n’est pas le seul à s’inquiéter de la fin d’un « modèle » et de sa côte boursière), il va inventer un affrontement (peut-être réel familial, le type est bizarre) avec le wokisme. Alors que jusqu’ici il haïssait Trump, il devient son alter ego. Avoir la haute main sur le budget scientifique fédéral, avec DOGE, d’où les attaques à la tronçonneuse sur les scientifiques universitaires. Au passage, on rafle tous les « humanitaires » ou supposés tels de l’USAID, qui se sont implantés pour la CIA chez les intellos « gauchistes » et autres ONG.
Le second pilier c’est Tesla, l’automobile, et là c’est le marché. Pour ce second versant, si on en croit la doctrine, personne ne gagne dans une guerre commerciale, c’est un « totem » de tous les économistes libéraux et mêmes keynésiens. Pourtant, en suivant Trump, Elon Musk a semblé bien faire voler en éclats cette maxime. En janvier 2024, le milliardaire de Tesla a averti que l’industrie américaine des véhicules électriques n’avait aucune chance de battre celle de la Chine sans tarifs douaniers massifs. Quatorze mois plus tard, Musk se retrouve avec de nouveaux droits de douane de 25 %. Ces droits de douane protégeront Tesla aux États-Unis, mais la société chinoise BYD s’empare de parts de marché des véhicules électriques à peu près partout ailleurs. Il reste donc à Elon Musk à tenter un autre coup pour retrouver la « suprématie », y compris celle des actions boursières de Wall street comme celle de la City : l’inspiration lui est venue, il faudrait créer une zone de libre échange pour Tesla, incluant l’Europe qui est le marché le plus juteux. Ses alliés ce sera l’extrême-droite type Meloni, Orban. La logique voudrait que dans la foulée il tente comme ses nouveaux amis une alliance avec les start-ups israéliennes qui, alors que la Silicon valley a perdu pied dans l’innovation, conservent quelques avantages.
Au risque de vous paraître un peu rustique, le raisonnement qui est le plus adapté à la compréhension de la situation est toujours d’en rester à la grande contradiction capital/travail à l’ère du numérique. Ainsi il faut arrêter de s’enfermer dans les crêpages de chignon politiciens français. Se dire que le politico-médiatique français, y compris celui d’une gauche qui ne défend plus le travail depuis longtemps, est un terrain idéologiquement conçu pour nous vendre ce que la classe dominante française veut que nous prenions pour la réalité. Ce petit-monde tire ressources et notoriété de gens dont le capital et les intérêts sont prioritaires. Ils diffusent l’idéologie dominante qui a toute chance dans chaque société de correspondre à la classe dominante de ladite société. En gros, depuis « les nationalisations » de Mitterrand, il y a eu une transformation de la classe capitaliste française qui est devenue une classe d’usuriers baignant dans une bourgeoisie patrimoniale. Le patrimoine des Français provient dorénavant majoritairement de l’héritage et non plus du travail, comme ce fut le cas pendant un siècle. Les successions interviennent en revanche bien trop tard dans la vie des personnes pour en changer le destin. En général on hérite vers la soixantaine. Cela donne un profil très particulier qui veille sur le magot et cherche le placement.
Tout le monde politicien français subit donc les effets de ce poids patrimonial vieillissant, étranger au travail, qui a trouvé dans Bolloré et dans les dérives sécuritaires une voie qui semble celle du pétainisme. Plutôt Hitler que le front populaire, les peurs de l’étranger, tout pour le patrimoine et le mépris ignorant du travail avec un dosage de conservatisme plus ou moins fort suivant les dangers.
Il est clair que la stratégie de Trump et ses effets boursiers développent en ce moment une grande incompréhension, et la rage parait s’être emparée de ces gens-là. Trump est devenu leur obsession et la colère contre la trahison américaine va jusqu’à réclamer la statue de la liberté, querelle de ménage où l’on ne voit plus que l’amour trahi avec des accents anti-impérialistes et toujours très moraux. Certains « marxistes » de pacotille s’y retrouveront. L’amour trahi mais pas au point de changer de roche.
Le RN est loin d’avoir récupéré ce à quoi l’extrême-droite tente de s’identifier à savoir l’organisation et la capacité de mobilisation qui fut celle du PCF (pas plus qu’en Italie celle du PCI). Ce qui se passe aujourd’hui à Paris avec des mobilisations qui sentent moins l’indignation que le comptage présidentiel à distance autour du thème favori des USA à Paris, en passant par Londres et Budapest, Berlin et autres lieux : l’immigration, pour ou contre. Le capital et le travail connait pas, mieux ou pire, il s’agit de diviser ce dernier pour promouvoir une conception de la « nation » qui ne gêne pas le capital. Samedi était un jour de préparation, rassembler seulement 500 personnes à Marseille dit les limites de ce parti dans la cité phocéenne et dans un département où sa conquête parait irrésistible pourtant.
On a donc toutes chances d’assister à un revirement spectaculaire du Rassemblement National, dans un contexte où ils se multiplieront (le couple Macron Starmer n’est pas loin d’une telle évolution comme d’ailleurs à sa manière le nouveau chancelier allemand prêt à devenir le leader des pays ex-socialistes qui veulent se ranger derrière l’OTAN, voir article d’aujourd’hui) en particulier Bardella totalement acquis à cette vision, mais pour laquelle Marine Le Pen conserve quelques réticences liés non seulement aux origines du FN mais surtout à son électorat du Pas-de-Calais qui sera très réticent à une telle orientation.
La question demeure celle d’une alternative au capitalisme et des conditions de l’intervention populaire.

L’angle d’attaque de Fabien Roussel en tient compte. Fabien Roussel, tant qu’il reste sur le terrain intérieur, celui qui s’inspire de ses terres du nord, est le dirigeant politique le plus proche de la réalité, celle qu’à sa manière la classe ouvrière, les couches prolétariennes ne peuvent pas ignorer parce qu’elle se traduisent par des faits concrets à savoir l’impossibilité de faire face à l’inflation, aux bas salaires, aux frais du logement, au difficultés à éduquer les enfants, à leur précarité, etc… Sur ce terrain c’est le politicien français le plus performant.
Malheureusement, d’un point de vue médiatique il lui est difficile d’échapper à la confusion idéologique qui masque cette réalité et prétend la traduire dans des leurres construits idéologiquement, et auxquels chacun répond avec des bribes y compris de ce qu’on croit être la gauche, mais aussi l’anti-impérialisme, chacun tentant de prendre pied sur des représentations qui marginalisent. Au delà des contraintes médiatiques il y a un terrain idéologique en jachère et l’absence d’une force politique capable de favoriser l’intervention populaire et cela va bien au-delà de l’adhésion à une figure politique.
Il y a également la perspective, le changement de société, et la difficulté d’ignorer ce qui est déjà là. Faut-il se contenter de s’appuyer sur ce que disait Paul Boccara il y a trente ans, sur « la monnaie commune », assortie d’un méritoire refus d’opposer le nord et le sud, comme s’il n’y avait pas eu depuis toute la longue marche des BRICS, les réunions du G20 à Rio, par rapport au carcan du dollar ? De l’art d’inventer l’eau chaude quand la Chine en est déjà aux réalisations, et à la contre-attaque qui aujourd’hui bouleverse les marchés et force Elon Musk à tenter des manœuvres d’arrière-garde ?
C’est exactement pour cela que nous avons écrit notre livre sur le monde multipolaire proposé par la Chine. Ce qui est difficile vu l’état politique en France et la manière dont chacun s’enferre dans des ornières idéologiques héritées d’un temps désormais dépassé si l’on considère le mouvement du capital et celui d’une Chine qui se bat sur un terrain réel.

Etats-Unis : à rebours de Trump, Musk milite pour des « droits de douane nuls » entre l’Europe et l’Amérique du Nord
Visions divergentes – Alors que Trump mise sur le protectionniste, Musk espère tendre vers « une zone de libre-échange » entre l’Europe et les Etats-Unis
Protectionnisme ou libre-échange : deux visions du commerce international semblent s’affronter à la Maison-Blanche. Membre de l’équipe de Donald Trump, Elon Musk a en effet dit espérer tendre vers « une zone de libre-échange » entre l’Europe et l’Amérique du Nord, avec des « droits de douane nuls », lors du Congrès de parti italien antimigrants La Ligue samedi à Florence.
« J’espère que les États-Unis et l’Europe pourront établir un partenariat très étroit », a également déclaré le magnat américain, répondant à Matteo Salvini, l’un de ses admirateurs inconditionnels, dirigeant du parti d’extrême droite La Ligue et vice-chef du gouvernement italien ultraconservateur.
Musk dit en avoir parlé à Trump
Les déclarations d’Elon Musk, qui intervenait en visioconférence, arrivent trois jours après la signature par Donald Trump d’un décret prévoyant notamment 20 % de taxes additionnelles sur les marchandises arrivant aux Etats-Unis en provenance de l’Union européenne.
Se disant favorable à « davantage de liberté de mouvement entre l’Europe et l’Amérique du Nord », Elon Musk a déclaré : « Que l’on souhaite travailler en Europe ou aux États-Unis, on devrait pouvoir le faire, à mon avis », précisant avoir « conseillé le président Trump en ce sens ».
Lors de son intervention d’une quinzaine de minutes diffusée sur écran géant, le patron de Tesla, de SpaceX et du réseau social X, proche de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, a en outre de nouveau fustigé « l’immigration de masse » qui « mènera à la destruction » des pays y consentant.
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