Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La crise des institutions « démocratiques » et du bon usage de l’analogie historique …

Comaguer nous envoie une brève sur laquelle nous pouvons méditer sur la chute des empires et la manière dont ils s’autodétruisent quand ils tentent de survivre.. Cette référence aux civilisations et aux temps longs de l’histoire est fréquente chez les théoriciens du marxisme, en particulier chez Marx, Engels, Lénine, Mao mais aussi Thorez et Gramsci. Il y a chez eux une constante, passer d’une logique formelle à une logique dialectique, celle qui met en évidence au delà des répétitions le mouvement et permet à l’élément conscient du processus, le travail, la lutte des classes, le parti, l’intervention et donc l’aboutissement. Ce à quoi fait référence Comaguer est l’inculpation par le CPI pour crime contre l’humanité non seulement du Hamas mais de Netanyahou et Gallant son ministre de la défense (1). Le propos de Lindsay Graham n’est pas une opinion, mais se réalise dans le choix politique des USA et de Macron. A la suite de l’intervention de Biden et d’un échange avec Netanyahou s’est répandue l’idée niée par la diplomatie française que l’immunité accordée par la France était l’une des conditions préalables pour qu’Israël accepte un cessez-le-feu au Liban. Mais pour les spécialistes du droit international, la position française ne tient pas. « Il y a une obligation juridique et sans ambiguïté de tout Etat partie au Statut de Rome à exécuter les mandats d’arrêt de la CPI », affirme Me Clémence Bectarte, spécialiste en droit pénal international. « L’obligation vis-à-vis de la CPI prime sur toute autre obligation ou considération », dit-elle à l’AFP. Donc on peut mettre ce dernier exploit de Macron au compte de sa capacité évidente à faire exploser l’ordre existant en rendant invivable la position d’abord de ses proches, ce qui est également l’aspect manifeste de l’ordre impérialiste à partir de la domination US. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

2024.11.29

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Le sénateur républicain allié de Trump Lindsay Graham était à Jérusalem le 27 novembre.

Il a fait le commentaire suivant sur l’émission de mandats d’arrêt de la Cour Pénale Internationale contre Netanyahou et Gallant :

«  The Rome Statute doesn’t apply to Israel, or the United States, or France, or Germany, or Great Britain, because it wasn’t conceived to come after us. »

« Le statut de Rome ne s’applique ni à Israel ni aux Etats-unis ni à la Grande-Bretagne car il a été conçu pour ne pas s’en prendre à nous. »

La CPI est le bras judiciaire de l’impérialisme, un commando dans les prétoires. (1)

COMMENT S’OPÈRE L’AUTODESTRUCTION D’UNE CLASSE ?

L’analogie historique que nous inspire ce constat de COMAGUER entre la chute de l’empire romain et l’empire occidental impérialiste au stade « ultime » du capitalisme a comme toutes les analogies la vertu de nous faire voir en distance la globalité des processus, et proclamer l’identité entre Macron ou Musk et « l’anarchiste couronné qu’est Héliogabale » selon Artaud le poète fait partie de ces saisissants rapprochement qui consacrent « la rupture épistémologique ». Mais l’analogie est aussi un piège idéologique qui nous enferme dans des catégories « éternelles ». Elle doit toujours être dépassée dans une réflexion qui marque les différences, ce qui n’est pas répétition est en général ce qui définit les contradictions de la dynamique actuelle et donc ce sur quoi il est possible d’intervenir en tant qu’acteurs conscients du processus. D’où la encore la fameuse opposition de Marx entre tragédie et comédie…

La dynamique actuelle est celle de la contradiction entre forces productives et rapports de production dans l’ébranlement de toutes les « superstructures » (institutions, représentations) dans lesquelles les êtres humains conçoivent leur être, leurs rapports sociaux leur histoire. La conscience aujourd’hui de la nature globale de l’ébranlement est forte et d’une manière « savante » se multiplient les références à l’effondrement des empires avec le modèle par excellence qu’est la chute de l’empire romain, une ultime manière sans doute d’occidentaliser la lecture de l’histoire donc d’en déformer la nouveauté.

Ainsi si l’on considère la manière dont il est fait référence à la chute de l’empire romain, comment est mis en avant dans cette chute le rôle des divisions procurées par les querelles religieuses et comment alors l’empire est affaibli devant l’invasion des « Barbares », il faut noter que cette histoire-là a été écrite comme celle de la plupart des « mondialisations » capitalistes par des « clercs » de l’empire qui du XVIIIe au XXe siècle opéraient à la jonction des civilisations en assurant comme l’a très bien montré Duby dans son saisissant panorama de l’an mille l’intégration des fractions de la classe dominante dans une nouvelle configuration. Ce qui n’a cessé de se jouer a été la fabrication d’élites susceptibles de s’intégrer à l’universalité supposée de l’occident et son État démocratique, toutes les institutions ont été conçues dans ce modèle mais marquées par l’état de la lutte des classe et de libération des peuples, en particulier avec l’apparition de l’URSS. Cette contradiction a des dimensions civilisationnelles qui se jouent dans des temps longs et c’était ce que soulignait Staline y compris en matière d’art, de culture, de sciences à savoir le fait que le soviétisme relevait de la civilisation et pas des catégories droite et gauche qui sont celles des affrontements à l’intérieur d’un parti qui représente la révolution de la dictature du prolétariat mais qui en tant que parti unique porte en lui toutes les contradictions d’un processus de transition (2).

L’enjeu a été aussi celui entre idéalisme et matérialisme et il continue à exister au cœur même du post-soviétisme anti impérialiste, avec la tentative de mettre dans le même sac du « matérialisme » communisme et capitalisme.

La christianisation de l’empire est perçue par Gibbon et Renan (qui annoncent et prônent le « libéralisme » et la laïcité anticléricale de la bourgeoisie triomphante) comme la cause de la dissolution d’un empire déchiré par ses querelles religieuses et qui a perdu ses vertus républicaines fondatrices. En fait, ce qui est en cause est la fin du mode de production esclavagiste qui a besoin constamment d’étendre son champ de recherche des esclaves. Le christianisme est la « solution » à d’autres phénomènes, d’abord l’inflation liée à la dévaluation de la monnaie (3). La monnaie romaine subit dans le déclin de l’empire une introduction de plus en plus massive de cuivre dans l’or et l’argent. Cette monnaie est celle avec laquelle on paye la dernière institution impériale encore en place, l’armée. Les armées qui ont atteint des provinces de plus en plus éloignées sont payées en monnaie de singe, elles élisent leur propre chef impériaux qui se battent pour le pouvoir et le droit au pillage de leurs troupes. Le christianisme est par ailleurs la manière dont se réalise un nouvel ordre avec le passage du mode de production esclavagiste à la féodalité ou d’autres modes dans lesquels s’articulent diverses coutumes : le christianisme reconnait la personnalité de l’esclave du moins en tant qu’âme, alors même que Rome ne vit plus que comme une ville empire avec le pain et les jeux pour la plèbe et des masses d’esclaves nécessaires aux grandes propriétés latifundiaires. C’est en ce sens que l’aventure de Spartacus apparait à Marx comme le tournant décisif de la chute de l’empire, celui où l’on est passé de l’esclave simple force productive, la lutte des classes dans la Grèce antique se déroulant entre aristocratie foncière et peuple artisan des cités, elle est désormais au cœur de l’esclavage. Le seul appareil d’État romain qui subsiste en dehors de l’armée devient l’appareil ecclésiastique. En Gaule, c’est l’évêque de Lyon qui négocie le départ des Romains et des Gaulois qui cèdent la place aux Francs et aux Germains pour se réfugier dans ce qui est aujourd’hui à la fois le Midi provençal et celui autour de Montpellier et Toulouse. Voici la description traditionnelle qu’en fait Gibbon :

« Les trente-cinq tribus du peuple romain, composées de guerriers, de magistrats et de législateurs, avaient entièrement disparu dans la masse commune du genre humain : elles étaient confondues avec des millions d’habitants des provinces, et qui avaient reçu le nom de Romains, sans adopter le génie de cette nation si célèbre. La liberté n’était plus le partage que de ces troupes mercenaires, levées parmi les sujets et les barbares des frontières, qui souvent abusaient de leur indépendance. Leurs choix tumultuaires avaient élevé sur le trône de Rome un Syrien, un Goth, un Arabe, et les avaient investis du pouvoir de gouverner despotiquement les conquêtes et la patrie des Scipions. »

« Une longue suite d’oppressions avait épuisé et découragé l’industrie du peuple. La discipline militaire, qui seule, après l’extinction de toute autre vertu, aurait été capable de soutenir l’état, était corrompue par l’ambition, ou relâchée par la faiblesse des empereurs. La force des frontières, qui avait toujours consisté dans les armes plutôt que dans les fortifications, se minait insensiblement, et les plus belles provinces de l’empire étaient exposées aux ravages, et allaient bientôt devenir la proie des Barbares, qui ne tardèrent pas à s’apercevoir de la décadence de la grandeur romaine. »

L’analogie qui s’impose est bien celle d’institutions conçues pour l’aristocratie romaine puis avec son extension celle des élites qui ont diffusé les mœurs de l’empire et qui se retrouvent face à la pression des peuples qualifiés de barbares mais sur lesquels la pression et le pillage ont de moins en moins de prise. Le déclin s’accompagne d’un discours sur le retour aux origines, et il voit constamment se développer sous diverses formes une critique « radicale » de ce qui est, un rêve d’abolition qui cherche dans le passé l’idéal qui va des sociétés primitives (caricature de la nécessaire décolonisation comme réponse à la crise du rapport du capitalisme à son environnement dont il exploite les hommes et la nature) à la vision pionnière, celle de l’Europe berceau illusoire de la démocratie libérale, tout plutôt que le socialisme.

Le socialisme devra tenir compte de ce nécessaire appui sur les traditions pour que le mouvement devienne majoritaire mais il est aussi rupture que marque pour Marx l’idée de dictature, un pouvoir d’exception qui suspend les institutions conçues pour l’ancienne classe et qui n’est pas le despotisme. Le caractère spécifique du socialisme comme socialisme à la Chinoise, à la française dépend du processus actuel tel que le propose la Chine : son caractère à la fois commercialement transnational en s’appuyant sur la souveraineté des nations. Donc a contrario de l’ordre international capitaliste, de sa concurrence autodestructrice mais répondant aussi aux promesses non tenues de ce que la bourgeoisie a porté comme ce que la décolonisation a engendré d’aspirations propres. Nous sommes partout entre tradition et rupture, conservation et abolition, le tri se faisant par ce qui est en capacité de répondre à l’exigence des peuples en matière de sécurité et de progrès. D’où le caractère juste de la prise de conscience du PCF et de son actuel dirigeant d’un socialisme dont le point d’appui est là assortie cependant d’un retard dans les aspects géopolitiques du mouvement.

C’est la classe capitaliste qui inaugure le processus, en fait se montre le plus iconoclaste et qui détruit l’ordre sur lequel elle s’est établie, et c’est en ce sens aussi que les guerres sont les grandes « accoucheuses » de l’histoire, elles mobilisent des masses d’hommes, créent les conditions de migrations et de prise de conscience dans le même temps où elle abolissent l’ordre dans lequel ces masses survivaient, avec des formes de régulation. On ne comprend pas la nature du fascisme si l’on ne perçoit pas à quel point il est la forme de l’autodestruction du « libéralisme » et son prolongement y compris avec sa « religiosité » païenne et le rôle du ralliement des conservateurs.

Hier il y a quelques évènements qui nous éclairent sur l’état de l’empire et de ses « institutions » conçues exprès pour assurer sa domination, il y a eu la reddition de Zelenski qui sent bien qu’il est menacé d’être destitué par un de ses lieutenants et qui ne cesse de procéder à des « épurations » censées éliminer la corruption. Il tente pour suivre les désirs du maitre impérial de créer une situation à la coréenne qui permettrait à l’OTAN de tenir des garnisons avec la reprise de la conquête.


Il y a eu la manière dont l’Afrique du Sénégal au Tchad chasse le colonisateur français qui n’est plus d’ailleurs que la force armée de la puissance occidentale dans son déclin. Ce n’est pas quoiqu’en pense Macron la Russie qui est à l’origine de son éviction, mais la reprise du processus de décolonisation qui a paru freiné par la victoire des USA sur l’URSS, ce processus en fait a transformé la France en simple appendice de l’avancée du système occidental financiarisé avec une alliance de Wall Street et de Londres.


L’état de la France est dit par l’impuissance risible de son parlement à répondre au mécontentement populaire et l’obstruction caricaturale des alliances de fait entre la droite, le macronisme qui cherche une « centralité » pour survivre en tant que niche à privilèges et l’extrême-droite. Par parenthèse on ne peut que se féliciter de la rapidité avec laquelle Fabien Roussel a perçu le terrain sur lequel se jouait la situation française et son discours en Isère d’hier témoigne d’un virage essentiel, sera-t-il assez rapide, ira-t-il assez loin non seulement pour le parti mais pour la France est une question, le fait est qu’il a su voir le socialisme comme besoin de « sécurité » du peuple français et des couches populaires et qu’il a jeté les bases d’un État de transition.


Il y a l’état de l’Europe et de son gouvernement erratique symbolisé par l’élection de madame Ursula Von der Leyen et là on n’en finirait pas d’énumérer les divisions et les incapacités à gérer les bouleversements. Ce qui est caractéristique est non seulement l’état de l’UE mais le fait que dans cet état de rupture avec les peuples, il y a une obstination à exiger que les processus électoraux « provinciaux » soient comme le CPI ou l’ONU conforme à cette classe en déclin. Si la Géorgie, la Moldavie, la Roumanie votent mal il faut mettre en cause l’influence de la Russie ou de la Chine qui n’est en fait que le miroir de la dictature exercé par l’empire occidental sur les peuples conquis.

Alors que dans l’actualité, les événements se succèdent pour nous dire l’état de l’empire et le fait que le centre, les USA sont à la recherche d’une stratégie « réaliste », se retirer des bastions perdus et dont le rapport qualité prix est négatif pour fortifier ce qui est encore en état et peut-être même envisager un marchandage avec le pivot asiatique pour une forme de compromis qui permettrait de recomposer les forces, une solution à la coréenne à l’échelle du monde. Il y a un maquignon à la tête de l’empire et chacun se résigne dans la province en déclin que constitue l’Europe aux termes de la transaction qu’il obtiendra. Parce que chacun des « gouverneurs » des provinces impériales sait comme Zelenski ou Macron que ses jours sont comptés, il ne tient plus son peuple et il est devenu un handicap pour la recomposition stratégique que tentent d’opérer les USA. Quant aux institutions existantes si elles ne font pas l’affaire on s’en passera.

Mais là dans ce processus de déclin que voyons-nous surgir de nouveau ? C’est de cette conscience du nouveau et de la nature de ce qui est déjà là qu’il faut penser les possibles. Quand nous proposons de centrer la réflexion sur l’existence des BRICS, sur le socialisme, nous ne sommes pas enfermés seulement dans la chute de l’empire mais dans le processus qui lui succède.

Danielle Bleitrach

(1) J’ai dans un précédent article dit à quel point la « question juive » se posait à l’articulation idéologique de divers processus actuels : premièrement la chute du « libéralisme » d’abord dans son berceau l’Europe occidentale et sa « modernité capitaliste », l’État non pas laïque mais théologiquement agnostique qui après la deuxième guerre mondiale a redonné vie à l’antisémitisme européen en faisant du « juif » le seul citoyen véritable de ce « machin » qu’est l’UE alors que la pression inégalitaire et détruisant les souverainetés nationales n’a cessé de s’exercer en gommant la différence entre droite et gauche. La vassalisation derrière le néocolonialisme libéral à la chute de l’URSS s’est faite au nom de la nécessité de combattre le « nouvel Hitler » qui surgissait et dans lequel l’extermination des juifs remplaçait l’histoire véritable de la victoire sur le nazisme. Le judéo a été extirpé de la figure du judéo-bolchevique grâce en particulier aux « nouveaux philosophes  » et aux « démocrates néoconservateurs. Dans un temps où l’inflation devient endémique en signalant le trafic du dollar et de l’endettement qui ne tient plus que comme jeux boursiers ressurgit la figure du juif usurier et celle de Rothschild, quitte à transformer Rockfeller le protestant en juif maitre de tous les complots se substituant au capitalisme et assurant comme le disait Politzer la survie de tous les capitalistes qui ne sont pas juifs. Israël lui entre dans la reprise du processus de décolonisation qui a été enrayé par la coupure instituée au sein du continent eurasiatique et l’utilisation de ce qu’il restait du nazisme pour opérer cette division de la guerre froide, et pour faire porter la crise du capitalisme à la chute de l’URSS sur ce qui restait encore soumis au sous-développement dans une décolonisation gelée.

2) Paradoxalement Staline qui comme la plupart des dirigeants communistes est épris de culture et réellement passionné n’est pas jdanovien. En tous les cas moins que Khrouchtchev… C’est la thèse de Kontchalovsky en particulier dans son récent « Chers camarades » et elle correspond effectivement à des réalités de ce qu’on a désigné comme la « déstalinisation », que l’idéologie occidentale ne veut pas voir, comme elle veut ignorer ce qui a réellement permis le caractère irréversible de ce que nous sommes en train de vivre qui dépasse le bon ou mauvais vouloir des acteurs politiques et du poids du génie malfaisant.

3) Je rappelle que c’est Marx lui-même qui a souvent mis en évidence les formes de l’émancipation citoyenne en contradiction avec la dictature de l’exploitation capitaliste dans la production en relation avec la marchandisation et la religion. C’est en particulier dans le livre 1 la fétichisation de la marchandise à travers l »équivalent général monétaire ou plutôt sa traduction en monnaie à la base du contrat social capitaliste qui libère la force de travail des chaînes féodales religieuses, monarchiques, pour mieux la livrer à l’exploitation du propriétaire des moyens de production. Est-ce qu’on a tiré toutes les conséquences de la nature actuelle de l’impérialisme, de sa fétichisation même plus monétaire les flux devenant immatériels, et la manière dont la Chine qui est devenue la base matérielle peut dans ce cas reprendre le marché?

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8 Commentaires

  • bertrand bickart
    bertrand bickart

    Chère Danielle et chère équipe d’Histoire et société, merci pour les immenses qualités de ce blog de réflexion pour guider l’action des Communistes. Les orientations que semble prendre enfin le Parti, du moins son Secrétaire général ne sont pas étrangères à l’influence des parutions que vous nous soumettez.
    Le déclin de l’impérialisme est une évidence pour tout observateur objectif, il y en a encore quelques uns. Pour un militant il s’agit de rendre évidentes les réponses émancipatrices qui sont confusément dans les têtes – rendues en apparence inaccessibles par tous les chiens de garde de la superstructure du capital – et sous la direction d’un parti révolutionnaire de masse, solidement organisé et ancré sur le réel, d’en assurer leur concrétisation . Nous n’en sommes pas encore là, mais il est grand temps de prendre le bon train en marche et s’économiser une période noire de barbarie, en précisant que les barbares sont dans l’Europe, à la Commission, soumise aux desiderata du maître U.S. et non à l’extérieur des frontières de Schengen, n’en déplaise au sieur Borell.
    Cette précision essentielle étant faite, je fais un peu réponse à l’édito de ce matin en mettant en relation le temps du déclin aux rapports forces productives / rapports de production relativement aux progrès fulgurant des sciences et des techniques. Ce point me semble important et devrait être approfondi (peut-être Jean-Claude, Frank ou Xuan pourraient-ils nous éclairer?).
    Je pose la question de savoir si la durée de la période des monstres n’est pas liée aux capacités d’innovations scientifiques et techniques du camp du socialisme réel (principalement la Chine). Autrement dit, et a contrario si l’impérialisme déclinant est en mesure de concourir encore longtemps à la compétition technique à laquelle il doit faire face eu égard à l’état de ses forces productives sociales ? A-t-il les moyens, les capacités de ses ambitions ? Je ne me pose pas cette question ni pour la Chine globalement ni, et dans une certaine mesure pour la Russie.
    Enfin pour terminer, qu’aucun de mes camarades ou du camp des vrais progressistes ne se fasse d’illusion : le mouvement du monde peut se faire sans nous Français, qui restant avec notre bourgeoisie collaborationniste à la recherche des quelques miettes récupérées dans le cadre de cette nouvelle mondialisation, auront à souffrir de l’exploitation de classe sous des formes encore plus dures et insidieuses. Nous n’avons d’autre choix que de mettre en état de marche le Parti Communiste Français du XXIᵉ et tracer notre voie originale de paix, de respect pour participer pleinement à la construction d’un monde multipolaire.
    Bien fraternellement à toutes et tous.

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    • Franck Marsal
      Franck Marsal

      C’est un sujet fondamental. Comme tous les rapports critiques, celui entre les rapports de production et le développement des forces productives est éminemment dialectique.
      Mon point de vue est que les grandes transitions, comme celles à laquelle nous travaillons entre le capitalisme et le socialisme, se présentent à l’échelle historique comme des changements généraux et rapides mais que quand on y regarde de plus près, c’est parfois plus complexe, avec des stades courts intermédiaires.
      Ainsi, je pense que l’histoire a confirmé le point de vue de Lénine, qui dit que l’impérialisme met a l’ordre du jour l’emergence du socialisme et que la révolution d’octobre en est le premier acte.
      Mais l’émergence n’est pas le développement complet ni la généralisation immédiate. La révolution commence, mais il y a encore des obstacles à lever qui vont demander du temps, des étapes (qu’on ne peut maîtriser a l’avance), des moyens pour surmonter les contradictions du processus et l’atteinte d’un niveau supérieur de développement des forces productives.
      C’est là que Staline et avec lui la très large majorité du mouvement communiste a raison contre Trotski. Les Trotskistes soutiennent un schéma figé du processus, selon lequel la révolution mondiale est nécessaire à l’établissement du socialisme en URSS. Aucune autre possibilité n’est envisageable. Or le processus historique ne se déroule pas comme cela. La révolution reste circonscrite à l’URSS.
      Seul le recul de l’histoire peut nous donner des éléments de compréhension sur un tel processus. Vouloir fixer à l’avance le déroulement précis d’un tel changement mène nécessairement à l’impuissance.
      Toutes les révolutions socialistes du 20eme siècles seront contraintes de faire autrement, puisque toutes seront réalisées dans des pays peu développés, et subiront l’isolement, voire le blocus activement pratiqué par le camp impérialiste capitaliste. Or, même pour une économie socialiste, l’isolement est un énorme frein au développement. Il constitue une sorte de plafond de verre, extrêmement difficile à briser.
      Le développement reste en effet un processus d’accumulation etai delà d’un certain stade, l’échelle du processus est une condition de sa capacité a atteindre les seuils critiques. Exactement comme la largeur d’une pyramide limite sa hauteur. Si on veut une pyramide plus haute, il faut aussi qu’elle soit plus large.
      Seule la Chine a réussi à dépasser cette contradiction, grâce à des conditions objectives et grâce à une capacité a sortir de tout dogme et a tenter des expérimentations tout à fait extraordinaires, que la plupart des théoriciens, marxistes ou pas, ont jugées comme vouées à la restauration du capitalisme.
      A quoi mène cette réussite chinoise ? Il y a différents aspects bien sûr. Mais l’élément principal qui ressort aujourd’hui, ce n’est pas l’évolution des rapports de production en Chine. On pourrait considérer que l’introduction de l’économie socialiste de marché a même été une sorte de recul des rapports de production, puisque la propriété privée est réintroduite. Et les dirigeants chinois n’ont pas pour priorité de reenclencher un cycle de socialisation a l’intérieur de la Chine.
      Non. La priorité des communistes chinois, c’est encore le développement des forces productives, non seulement en Chine mais également dans le monde entier. Et pour cela, il s’agit non pas d’approfondir la socialisation en Chine, puisque ce n’est pas là que la contradiction principale se trouve.
      La contradiction principale se trouve au niveau international. Et il s’agit donc de renverser d’abord les rapports de production internationaux qui résultent de la domination impérialiste sur l’économie mondiale.
      Cette transformation des rapports impérialistes est porteuse d’un nouveau cycle du développement des forces productives, alors que que le maintien des rapports impérialistes, la domination du dollar, des institutions comme le FMI conduit partout a la crise, à la paupérisation et au sous développement, sans parler de la guerre et du fascisme.
      Ce développement à nouveau possible, porté par la Chine et par les Bricks soulèvera inévitablement dans chaque pays la question de la socialisation des moyens de production, mais selon des modalités et un calendrier propre à chaque pays.
      L’impérialisme a globalement compris que ce processus déjà bien engagé, menace son hégémonie et il s’efforce de le bloquer ou de le ralentir par tous les moyens possibles, y compris la guerre.
      Dans ce processus de transformation internationale, les Bricks et leurs alliés regroupent naturellement les pays socialistes issus des révolutions du 20eme siècle et nombre d’autres pays qui cherchent la voie du développement sans avoir cette première transformation socialiste. Le cas de la Russie est particulier, en tant que premier pays socialiste, ayant subi une forme de restauration, mais conservant en même temps un profond héritage soviétique.
      Nous en arrivons à l’étape où l’impérialisme, en crise, tend à provoquer partout la guerre pour freiner ce processus qui lui échappe. Il mène cette guerre non pas en attaquant directement le centre , c’est a dire la Chine socialiste. Logiquement, cette guerre est d’abord démarrée par des points chauds a la périphérie, a partir desquels l’escalade est conduite progressivement.
      Ce processus conduit un certain nombre de pays dans des situations critiques, tant au sein du camp des Brics et leurs partenaires, qu’au sein du camp impérialistes.
      Alors, dans ces pays surgissent et surgiront inévitablement des situations révolutionnaires. Soumis aux tensions extrêmes de la crise en développement et de la guerre qui s’élargit inéluctablement, ces pays verront les contradictions de classe d’exacerber en leur sein.
      Comme en 1917, aucune arme magique n’arrêtera l’escalade militaire. Seule la perspective de révolutions socialistes successives pourront contraindre le capitalisme et l’impérialisme à battre en retraite. De la même manière, dans les zones de tension et d’affrontements, les directions populistes et nationalistes qui peuvent aujourd’hui avoir un certain soutien populaire rencontreront inévitablement leurs limites dans la capacité à mobiliser au niveau nécessaire les forces sociales pour résister et vaincre les agressions impérialistes. Cela mènera, comme l’histoire du 20eme siècle nous l’a appris, parfois a des échecs, parfois au développement de nouvelles forces politiques révolutionnaires, plus cohérentes et plus capables de résoudre les contradictions des situations.

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  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Le développement des forces productives est un processus d’accumulation. l’innovation et la recherche n’échappent pas du tout à cette loi générale. Au contraire. Les innovations, qu’elles soient scientifiques ou techniques (les deux étant liés) résultent elles mêmes d’un long processus d’accumulation, fait d’erreurs, de découvertes partielles, d’expérimentations…
    Après avoir été longtemps artisanal, ce travail est maintenant très largement industrialisé.
    On voit bien par exemple que, même sur un sujet dont les principes généraux sont connus, comme celui des armes atomiques ou des microprocesseurs de pointe, les développements techniques et industriels nécessaires nécessitent pour un pays des travaux intenses et menés sur plusieurs décennies.
    C’est le haut de la pyramide, qui nécessite, comme expliqué ci dessus, toujours une base élargie.
    Maîtriser des processus technologique ne peut se réaliser en maîtrisant un seul domaine de recherche. Il faut au contraire rassembler des capacités dans un vaste éventail de sciences et techniques, les déployer a une échelle industrielle minimale et intégrer l’ensemble, avec des débouchés suffisants pour amortir sur une large production les coûts énormes de recherche et développement.
    C’est tout l’enjeu de la communauté de destin, proposée par la Chine que de créer les conditions pour qu’enfin, chaque pays puisse apporter et recevoir sa part a un système global
    C’est pour cela que l’économie de Cuba, même socialiste, même avec la qualité de son système éducatif, est contrainte a des limites objectives très difficiles à surmonter, tant qu’elle ne peut s’intégrer à un large ensemble de développement.

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  • Xuan

    Quelques réserves Franck sur la phrase « l’élément principal qui ressort aujourd’hui, ce n’est pas l’évolution des rapports de production en Chine. On pourrait considérer que l’introduction de l’économie socialiste de marché a même été une sorte de recul des rapports de production, puisque la propriété privée est réintroduite ».

    Les rapports de production ont été changés dans une large mesure en Chine parce que ce pays était « semi-colonial et semi féodal » avant sa libération.
    Ensuite, et bien qu’il existe une exploitation de type capitaliste, le rapport entre la classe bourgeoise et le prolétariat a changé. Sinon Jack Ma n’aurait pas été contraint par le PCC à renoncer à des règlements intérieurs dénoncé par ses salariés, ni à une retraite temporaire.
    Ni Bernard Arnault ni Pinault ne sont menacés d’une telle épée de Damoclès.

    L’économie socialiste de marché dit que tout ne peut pas être planifié, au risque de développer une bureaucratie dangereuse à tous points de vue. C’est-à-dire que la consommation et la production sont liées dialectiquement, et que la planification ne peut pas s’affranchir de ce rapport, mais qu’elle doit apprendre à le maîtriser.

    Enfin la propriété privée n’a pas été réintroduite, elle a été accrue.
    Sous la direction de Mao Zedong la propriété privée existait encore :

    « SUR LE CAPITALISME D’ETAT* (9 juillet 1953)
    L’économie capitaliste telle qu’elle existe actuellement en Chine est, pour la plus grande partie, une économie capitaliste, placée sous le contrôle du gouvernement populaire, liée sous diverses formes avec l’économie socialiste que représente le secteur d’Etat et soumise à la surveillance des ouvriers. Ce n’est donc plus une économie capitaliste ordinaire, mais une économie capitaliste particulière, une économie capitaliste d’Etat d’un type nouveau. Si elle existe, c’est surtout pour satisfaire les besoins du peuple et de l’Etat, et non pas pour permettre aux capitalistes de réaliser des bénéfices. Certes, le travail des ouvriers procure encore une part de profit aux capitalistes, mais cette part est faible et ne représente qu’environ le quart du profit global ; les trois quarts restants sont destinés aux ouvriers (fonds de bien-être), à l’Etat (impôt sur le revenu) ainsi qu’à l’accroissement des équipements de production (une petite partie du profit qu’ils rapportent revient aux capitalistes).
    Ainsi, cette économie capitaliste d’Etat d’un type nouveau revêt, dans une très grande mesure, un caractère socialiste et offre des avantages aux ouvriers et à l’Etat ».

    * Annotation écrite par le camarade Mao Tsétoung sur un document de la Conférence nationale sur le Travail des Finances et de l’Economie, tenue dans l’été 1913

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    • Franck Marsal
      Franck Marsal

      D’accord avec tes réserves, Xuan.
      Au fond, il nous faut sortir des visions trop théoriques des politiques de mise en place de l’économie socialiste et rentrer dans le concret, ce que permet la citation de Mao que tu proposes.

      Parce que la prise du pouvoir représente pour nous une réalité déjà lointaine, il nous est difficile de nous représenter qu’elle n’est qu’une étape d’un long processus, que, même le pouvoir pris, la bourgeoisie ne cesse pas d’exister, les communistes demeurent en général minoritaire au milieu d’un océan de représentations dans lesquelles on a formellement et concrètement rompu avec le passé, mais dans lequel, sous d’autres formes (préjugés, oppositions, représentations étroites, …), ce passé reste en réalité extrêmement présent et, pour les états socialistes actuels, constamment réactivé par le fait qu’il dirige encore le reste du monde.

      Il ne s’agit pas de faire un plan « par avance » alors que nous ne savons rien des conditions concrètes dans lesquelles les choses peuvent se présenter. il s’agit juste de sortir des positions trop abstraites, d’acquérir les bases des expériences menées et des résultats obtenus pour avoir la capacité d’adaptation nécessaire.

      Au fond, il nous faudrait un institut d’étude des expériences socialistes.

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  • Xuan

    Ce que tu dis du développement des forces productives est essentiel. Jean Claude Delaunay a insisté à plusieurs reprises sur la pénurie qui caractérise le capitalisme, contrairement aux apparences et à tout le baratin sur la « société de consommation », par ailleurs aveugle au pillage impérialiste. Pénurie en opposition à la phase finale du socialisme où le principe  » de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail » pourra être appliqué
    Certains avaient reproché à Deng Xiaoping sa « théorie des forces productives ».
    Si on relit le Manifeste, Marx écrivait ceci, que :

    « Nous avons déjà vu plus haut que la première étape dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie.
    Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives.
    Cela ne pourra naturellement se faire, au début, que par une violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production, c’est-à-dire par des mesures qui, économiquement, paraissent insuffisantes et insoutenables, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier.
    Ces mesures, bien entendu, seront fort différentes dans les différents pays. »

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  • Xuan

    je vois une grave erreur dans mon texte :
    Le principe de la société socialiste est « de chacun suivant ses capacités, à chacun selon son travail », mais dans la phase finale de la société communiste, il devient « de chacun suivant ses capacités, à chacun selon ses besoins ».
    Ceci indique le passage d’une pénurie relative à l’abondance, après un développement suffisant des forces productives.

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  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Chacun aura rectifié.

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