Comme Edgard Morin et vous tous : je suis un être humain et ce monde sur le déclin n’est pas en état d’imposer à l’humanité la guerre en faisant de sa richesse qu’est la diversité, la base de concurrence et de haines…
“Qui suis-je ? Je réponds : je suis un être humain. C’est mon substantif. Mais j’ai plusieurs adjectifs, d’importance variable selon les circonstances ; je suis français, d’origine juive sépharade, partiellement italien et espagnol, amplement méditerranéen, européen culturel, citoyen du monde, enfant de la Terre-Patrie. Peut-on être tout cela en même temps ? Non, cela dépend des circonstances et des moments où tantôt l’une tantôt une autre de ces identités prédomine.
Comment peut-on avoir plusieurs identités ? Réponse : c’est en fait le cas commun. Chacun a l’identité de sa famille, celle de son village ou de sa ville, celle de sa province ou ethnie, celle de son pays, enfin celle plus vaste de son continent. Chacun a une identité complexe, c’est-à-dire à la fois une et plurielle.”
Edgar Morin, Leçons d’un siècle de vie
Je pourrais moi Danielle Bleitrach, comme vous tous, même reprendre chacun de ces mots, en précisant au passage que je ne suis pas juive sépharade mais ashkénaze ce qui me fait être enfant du yiddish land c’est-à-dire de l’URSS, cette création judéo bolchevique qui a fait s’unir le messianisme juif et russe. Outre cette étrange propension à donner le plus créatif de soi-même dans les situations désespérées que je retrouve bizarrement chez un de mes peuples d’élection les Cubains… ces derniers ne sont jamais aussi grandioses que quand il s’agit de faire face à ce qui abattrait n’importe qui mais peuvent se montrer fort maussades et apparemment défaitistes dans les situations médiocres et sans relief.
Parce qu’il faut ajouter à l’inventaire identitaire d’Edgard Morin le fait que si l’amour et l’amitié nous font assumer l’identité de nos compagnons en particulier de lutte… nous ne pouvons pas assumer celle qui nous refuse cet amour et prétend nous contraindre, ce qui est dommage parce que nous ratons probablement beaucoup de connaissances, de richesses, mais c’est comme ça, la confiance a du mal à se recréer. Être juive ashkénaze c’est avoir une origine polonaise irrémédiablement vide de sens côtoyant des gens à jamais étrangers et dont la haine traditionnelle est pourtant venue tout à coup d’Allemagne pour qui nous avions de réelles affinités… Notons que comme pour Edgard Morin ci-dessus la méditerranée l’emporte mais que cela m’éloigne de cette autre attache aussi vide de sens que la terre polonaise, la pire trahison du yiddishland après les fascistes bandéristes et baltes réunis, à savoir Israël… Toute la méditerranée est à moi sauf Israël, c’est comme ça et ça fait partie de mon identité juive aussi loin que je me souvienne j’estimais qu’être juif supposait un certain nomadisme, je n’étais pas contre, cela ne me correspondait pas… En ce moment je me dis que peut-être cela ne correspondait à personne… Etre juif c’est autre chose, c’est une identité à laquelle je ne peux pas renoncer, le voudrais-je qu’il se trouverait un antisémite pour me contraindre… Il se trouvera toujours un salaud très bête pour me qualifier de juive comme de stalinienne, sans parvenir à comprendre que ce sont les antisémites comme les “antistaliniens” qui m’invitent à m’opposer à eux…
Enfin je suis une intellectuelle, ce qui me convainc n’est pas toujours le chemin le plus court d’une démonstration mais des analogies qui sortent du champ ordinaire des idées reçues.. C’est ma force et ma principale faiblesse, rares sont les intellectuels qui comme Fidel Castro perçoivent ce que peu de monde voit, une cible ignorée de tous autant qu’une dynamique des contraires qui vous projette dans cinquante ans du futur et plus rarissime encore sont ceux qui comme lui ont un pouvoir de conviction sur le collectif les rassemblant sur l’évidence de l’inconnu à partir des obstacles dans leur vie quotidienne.
Le fait est que j’ai un pouvoir de conviction très limité mais je suis toujours étonnée que celui-ci existe et que des gens traduisent d’une manière claire mes certitudes d’une telle confusion… Plus fascinant encore a été la rencontre sur tous les continents dans mes voyages, dans mes lectures, dans les films, d’esprits d’une ampleur telle qu’ils m’aidaient à enrichir cette histoire de l’humanité, mes contemporains de tous les temps et de toutes les espèces… Ce fut et cela reste le bonheur de ma vie même si parfois j’ai l’impression que tous ceux avec qui je pourrais partager mes convictions du moment sont des fantômes. Nous avons tous su que ce qui nous intéressait n’avait rien à voir avec le pouvoir, les avoirs, c’est à la fois épicurien puisque vous vous contentez de cette compréhension frugale et somptueuse mais c’est aussi cyclopéen, universel, jamais une vie n’y suffira puisqu’il y a toujours tant à assimiler, à désirer connaitre. C’est une lutte prométhéenne dans laquelle reste précieux le peu que l’on peut faire au fur et à mesure que vos forces vous quittent.
Ma conviction d’aujourd’hui est que l’impérialisme s’agite partout pour nous diviser, pour créer les conditions de la guerre et déjà il existe des forces en capacité de les endiguer. Ce ne sont pas les Etats-Unis, la France, la perfide Albion qui sont en cause même si les peuples qui acceptent d’être gouvernés “démocratiquement” par de tels systèmes ont leur part de responsabilité, mais les “grandes puissances” et leur ridicules “élites” qui en deviennent grotesques, ils voient tout sous l’angle “pour ou contre” les USA, l’OTAN, l’occident, l’UE et jamais ils ne s’interrogent sur la réalité des problèmes affrontés par ces peuples. Alors que c’est tour le contraire qu’il faut faire, partir des problèmes des peuples, ceux qui destabilisent les dirigeants bellicistes et déclamatoires, et en partant de là créer les conditions collectives de la sécurité, la vraie… celle qui unit la vie quotidienne, la préoccupation de l’avenir des enfants à la construction de ce monde multipolaire.
C’est ça l’ultime sagesse et croyez elle vous aide à relativiser beaucoup de gesticulations, beaucoup d’importants personnage qui de la base au sommet ignorent que comme le disait Fidel toute la gloire du monde tient dans un grain de maïs.
Et à partir de là nous pourrons être cette infinie diversité de l’humanité au hasard de nos rencontres et de nos défis relevés ensemble.
Danielle Bleitrach
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