A la mémoire d’Ernst Thälmann, par Cilly Keller

Quand face au retour du fascisme ou plutôt sa réapparition dans les bagages du capital et de l’impérialisme qui l’a toujours couvé en son sein, les peuples sont démunis… Démunis parce qu’ils sont privés de mémoire, parce que les partis dont l’ADN était l’antifascisme contribuent depuis des années à l’oubli… Le théorique avec lequel nous jugeons impératif de renouer c’est la multiplicité des expériences pour la classe qui veut se libérer en libérant l’humanité ; l’internationalisme en est une dimension essentielle. Comment peut-on prétendre lutter contre le fascisme en ignorant un de ses héros Ernst Thälmann alors même que l’on nous impose l’Europe d’une UE identifiée à l’OTAN et aux marchés financiers ? Est-ce du “folklore” si les militants communistes dans le Donbass dans des villes qui portent le nom de Thorez célèbrent la mémoire de Thälmann en se battant contre des régiments qui se revendiquent de Bandera et sont tatoués de symboles nazis ? Qui dans la jeunesse française même dans la jeunesse communiste sait qui est Thälmann alors même qu’on l’invite à devenir européen derrière les drapeaux de l’OTAN ? Aujourd’hui 18 aout 2024 souvenons-nous que le 18 août 1944 Ernst Thälmann était assassiné dans le camp de concentration de Buchenwald (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

Il y a 80 ans – le 18 août 1944, Ernst Thälmann était assassiné dans le camp de concentration de Buchenwald

Nos amis de la République populaire de Donetsk nous ont écrit en 2016 : « Ernst Thälmann a commencé comme dirigeant syndical, à la tête du syndicat des travailleurs des transports de Hambourg. Il a ensuite dirigé le parti communiste allemand et a combattu le fascisme jusqu’à la fin de ses jours. Nous devons nous souvenir de tels héros afin d’empêcher la résurgence de la peste brune ». Aujourd’hui, certains affirment qu’il n’y a pas de fascisme en Ukraine, mais ils se trompent lourdement.

Nous remercions les peuples de l’Union soviétique et de la Fédération de Russie d’avoir préservé la mémoire d’Ernst Thälmann. Les noms de rue, par exemple, dans la ville d’Oulianovsk et dans l’actuelle Saint-Pétersbourg n’ont pas été changés. Des amis nous ont écrit que « Moscou est fière d’avoir une place Ernst  Thälmann, où un monument à la mémoire de ce grand homme a été érigé ». Le monument a été inauguré en 1986.

À Pouchkino, dans la région de Leningrad, un monument à la mémoire du communiste-antifasciste allemand Ernst Thälmann (sculpteur Walter Arnold) a été inauguré le 8 mai 1960. Nous avons été heureux d’apprendre en 2011 qu’un nouveau monument à la mémoire d’Ernst Thälmann a été inauguré dans le village de  Thälmann, près de Kolpino, dans la région de Leningrad, le 13 juin 2011. Le monument est apparu à l’initiative de son habitant, le chef du SU-326 Dmitri Tarasovitch Martyntchik, le sculpteur étant Beishembek Turdaliev. Nous sommes fiers que ce monument à Thälmann se trouve à côté du monument aux morts – aux soldats du bataillon Izhora, qui n’ont pas laissé les nazis atteindre Leningrad.

Sous le slogan : « Épaule contre épaule contre le fascisme ! Arrêtez les bellicistes et les fauteurs de guerre ! Les morts nous instruisent ! »

En août de cette année, l’« Association des amis d’Ernst  Thälmannn, Ziegenhals – Berlin » est invitée à participer à deux rassemblements et à une projection en plein air du film de la DEFA « Ernst Thälmannn – Dirigeant de la classe ouvrière ». L’un des rassemblements se tiendra au Mémorial Ernst Thälmannn à Berlin, créé par le sculpteur soviétique Lev Kerbel. Le second rassemblement devant la pierre commémorative du village de Ziegenhals, près de Berlin. Cette pierre est dédiée à la réunion illégale du comité central du parti communiste en mars 1933, au cours de laquelle Ernst Thälmann a pris la parole pour la dernière fois avant son arrestation.

À l’occasion du 80e anniversaire de l’assassinat d’Ernst Thälmann dans le camp de concentration de Buchenwald, une brochure a été publiée par l’« Association des amis d’Ernst Thälmann ». Elle contient des détails et des noms, à commencer par l’arrestation de Thälmannn, la description de son emprisonnement de onze ans, les noms des meurtriers responsables de son assassinat et leurs procès selon la loi ouest-allemande, qui n’ont abouti à rien, sauf une amnistie comme celle décrétée par décret du 8 juin 1948 par le gouverneur militaire américain Lucius D. Clay pour les criminels de guerre fascistes.

Rappelons que le 4 avril 1949, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a été signée à Washington, créant une nouvelle et dangereuse constellation dans le monde. L’accord de Potsdam sur le droit international pour l’éradication du fascisme et du militarisme allemands (17.7. au 2.8.1945) a ainsi été aboli, réduisant à néant l’esprit de la coalition anti-hitlérienne. La deuxième partie de la brochure s’attaque à la révision, à la falsification et à la négation des faits historiques d’aujourd’hui en s’intéressant au camp de concentration et d’extermination de Buchenwald. La question est de savoir au profit de qui les gens ont été exploités et torturés dans le camp de concentration avant leur mort. – C’est l’industrie IG Farben (Schmitz, Ambros, Bütefisch et al. ont été condamnés à des peines de trois à huit ans de prison pour leurs crimes, puis amnistiés et ils ont repris leur rôle de « chefs d’entreprise » en RFA), ce sont les firmes Hugo Schneider AG (HASAG), Krupp, Thyssen, Siemens AEG, Flick Group (Friedrich Flick a été condamné à sept ans de prison pour ses crimes en 1947 – mais il a été rapidement gracié et a repris son rôle de dirigeant d’entreprise le plus riche de RFA), Vereinigte Stahlwerke 2 et Deutsche Bank – pour ne citer que quelques-uns de ceux qui ont commandité des assassinats pendant les années nazies. Ils faisaient partie des plus grands bailleurs de fonds d’Hitler.

Dans la brochure, nous rappelons les paroles d’Ernst Thälmann à l’un des officiers qui le gardaient après le 22 juin 1941, date de l’invasion nazie de l’Union soviétique : « Staline brisera le cou d’Hitler ! Les armées fascistes trouveront leur fin en Union soviétique. …. Le peuple soviétique, chaque habitant de l’Union soviétique a beaucoup à perdre, car le pays tout entier appartient au peuple. Qu’est-ce que le peuple allemand a, lui, à perdre ? Des pénitenciers et des camps de concentration. Notre peuple est gouverné par quelques profiteurs de guerre ».

Nous nous souviendrons de l’« Ordre du commissaire à » émis par le haut commandement de la Wehrmacht le 6 juin, 16 jours avant l’invasion de l’Union soviétique. Nous nous souviendrons des milliers d’assassinats bien préparés et de sang-froid d’officiers soviétiques prisonniers de guerre à Buchenwald et des milliers d’assassinats de prisonniers politiques soviétiques.

Mais Buchenwald témoigne aussi de la solidarité des combattants qui se sont élevés au-dessus de la brutalité nazie. Dès l’été 1942, l’organisation de groupes militaires illégaux de prisonniers commence. En 1943, les comités nationaux fusionnent pour former le Comité international des camps (ILC). L’ILC mène la lutte contre la terreur des SS et la production de matériel de guerre dans les sous-camps et entreprises. L’ILC organise l’entraide entre les prisonniers de toutes les nations. Les membres du Comité international des camps comprenaient des représentants d’Italie, de Belgique, d’Autriche, de la République tchèque, de Pologne, de France, d’Allemagne, de Yougoslavie et d’autres pays. Parmi le Soviétiques, il convient de citer Nikolai Küng, Nikolai Simakov et Ivan Smirnov.

Rappelons le Serment des Peuples du 11 avril 1954 :

« NOUS JURONS de nous opposer à tout ce qui rendra aux bourreaux, à leurs chefs et à leurs maîtres les armes pour attaquer et asservir les peuples ! ….

NOUS VOULONS, fidèles à l’unité née dans le chant et dans la résistance au fascisme, nous consacrer au but élevé de la compréhension mutuelle des peuples pour conquérir leur sécurité, leur indépendance, la paix et la liberté ! ».

Dans notre brochure, nous invitons tous ceux qui lisent ce document à établir des parallèles avec la situation actuelle, avec la nouvelle menace de guerre, avec les profiteurs des coûts toujours croissants de l’armement, avec le nouvel activisme des forces de droite en République fédérale d’Allemagne et dans d’autres pays, avec les interdictions croissantes de l’action politique contre la guerre et l’armement, avec l’influence de plus en plus intense des médias sur les citoyens de ce pays.

Quelle est la situation en Allemagne aujourd’hui ?

Dans le projet de budget pour 2025, la République fédérale d’Allemagne a fixé l’aide militaire à Kiev à quatre milliards d’euros. En juillet 2024, des néonazis du parti minoritaire « Dritte Weg » ont attaqué et battu deux personnes lors d’une manifestation « contre la droite » à la station de métro Ostkreuz de Berlin, En juillet 2024, le Parti communiste allemand (DKP) proteste contre l’annonce du déploiement de missiles américains et d’armes hypersoniques en Allemagne et déclare : en juillet 2024, le chancelier fédéral Olaf Olaf von Druckreuz (DKP) a annoncé le déploiement de missiles américains et d’armes hypersoniques en Allemagne. Le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD) et le ministre de la défense Boris Pistorius (SPD) soutiennent le déploiement prévu d’armes américaines à longue portée en Allemagne.

L’appareil de propagande du mouvement Azov voulait entamer une tournée européenne en juillet 2024 avec des discours à Varsovie, Wroclaw, Prague, Vilnius, Rotterdam, Bruxelles, Berlin et Hambourg ; en Allemagne, ils ont été contraints d’annuler leurs projets en raison de nombreuses protestations – l’une des organisations néonazies les plus puissantes en Ukraine – « Centuria » – a déjà réussi à prendre pied en Allemagne, dans la ville de Magdebourg – à Hambourg, l’« Union de coopération germano-ukrainienne » peut travailler régulièrement et organiser des rassemblements en faveur d’une augmentation des livraisons d’armes à l’Ukraine (15. 7.7.2024) – des plans sont en cours d’élaboration pour déplacer des centaines de milliers de soldats de l’OTAN vers l’est – le site des armes nucléaires américaines à Büchele en Rhénanie-Palatinat doit être agrandi, selon le ministre fédéral de la défense Pistorius (SPD) (18.7.2024) – le salaire des membres du Bundestag est actuellement de 11.227,20 euros – en 2004, il y avait 4 millions de logements sociaux, en 2024 il n’y en aura plus que 1,09 million …. etc.

D’un autre côté :

De janvier 2020 à mai 2024, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30% – les loyers des ménages et l’énergie ont augmenté de 37% – il y a 4,7 milliards d’euros en moins pour soutenir les chômeurs – le nombre de sans-abri augmente, actuellement 440 000 personnes sont sans abri. 37 000 sans-abri sont contraints de dormir dans la rue – les organes de presse de gauche, comme le quotidien de gauche Junge Welt, sont surveillés par les services secrets internes et dans un rapport sur la défense de la constitution – cela signifie des restrictions à la liberté de la presse.

Pour plus de 700 000 retraités, les pensions ne sont pas suffisantes pour vivre, en particulier dans l’est de la RFA – 1,3 million de retraités sur 18,6 millions continuent à travailler, parce qu’ils n’ont pas assez de pension pour vivre – de plus en plus d’hôpitaux « privés » ferment parce qu’ils ne sont plus rentables – de nombreuses personnes quittent la profession à cause des conditions de travail insupportables, dans les soins aux personnes âgées et aux malades, dans les écoles et dans les jardins d’enfants – la pénurie de travailleurs qualifiés est compensée par le recrutement d’une main-d’œuvre étrangère bon marché – . . etc.

Cependant, il existe en Allemagne de nombreuses personnes, organisations et deux partis qui disent « non » à la guerre et à l’armement et « oui » à la paix et à la solidarité internationale, qui protestent contre la guerre et la dégradation sociale en RFA. De nombreuses actions, événements et manifestations ont lieu dans de nombreuses villes du pays. Une grande manifestation est prévue le 3 octobre à Berlin. En juillet, des manifestations ont eu lieu à Stuttgart contre le projet de déploiement de missiles américains de moyenne portée en Allemagne. Sous le slogan « Combattre ensemble – fêter ensemble », le parti communiste allemand (DKP) appelle à trois jours de paix à Berlin du 23 au 25 août. (https://pressefest.unsere-zeit.de/news/). Parmi les thèmes abordés : comment arrêter les fauteurs de guerre, que faire contre le déploiement de nouveaux missiles américains, la solidarité internationale (plus de 20 représentants de partis communistes et ouvriers seront invités et participeront au programme, un représentant du parti communiste sera en ligne depuis Moscou), la solidarité avec Cuba et la Palestine, la paix et l’amitié avec la Russie et la Chine.

Association des amis d’Ernst  Thälmann – Ziegenhals – Berlin août 2024.