Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Sans la Chine, le « sommet de la paix » en Suisse aura un résultat assourdissant, par Piotr Akopov

Qui mesure exactement la nature du fiasco qui a été sciemment entretenu autour de l’Ukraine, comme au Moyen Orient, comme partout, en feignant d’avoir avec soi une communauté internationale à la botte qui représenterait la “démocratie” et qui par pure suprématie de l’occident capitaliste pourrait imposer sa légalité, des coalitions militaires en temps de paix, une monnaie devenue instrument militaire… Oui mais voilà les temps ont changé et de plus en plus de nations, de travailleurs, de partis refusent cette logique y compris celle de l’eurocommunisme. D’où l’atmosphère de débâcle et le dérisoire de tous ceux qui s’obstinent dans une logique dépassée y compris celle de la guerre froide. Le fiasco de cette conférence dit assez celui de tous ceux qui sont incapables de mesurer le basculement du monde, de leur monde… (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20240601/sammit-1949767204.html

La Chine ne participera pas à la conférence sur l’Ukraine en Suisse – Pékin ayant décidé de ne pas tergiverser davantage (la réunion se tiendra dans quinze jours) a annoncé sa décision :
« La conférence de paix sur l’Ukraine doit être reconnue par Moscou et Pékin, sinon il lui sera difficile de jouer un rôle significatif dans le rétablissement de la paix. Le projet de conférence en Suisse est en contradiction avec les exigences de la Chine et les attentes du monde, il est donc difficile pour nous de participer à une telle réunion ».

Une déclaration officielle du ministère chinois des affaires étrangères a mis fin à des mois de spéculations sur la participation éventuelle de représentants chinois au sommet suisse. Le point culminant de ces spéculations a été l’appel public lancé récemment par M. Zelensky à M. Biden et à M. Xi Jinping pour qu’ils se rendent au Bürgenstock, près de Lucerne. L’ancien président ukrainien a fait cette déclaration après l’apparition d’informations selon lesquelles le président américain ne participerait pas à la conférence, alors que c’est Washington qui est non seulement le gestionnaire de l’« Ukraine », mais aussi l’auteur de l’idée même de la conférence. Mais si la venue de Biden est encore en suspens (il est possible que les informations sur son absence soient un élément de manipulation et qu’il participe tout de même au sommet), il n’y avait et il ne peut y avoir aucun doute sur Xi Jinping. Au départ, il était clair que le dirigeant chinois ne participerait pas à la conférence (organisée comme un sommet multilatéral) – seule la possibilité d’envoyer une délégation chinoise a été discutée.

Le fait que cela ne se produira pas est apparu clairement au début du mois, lorsque l’un des assistants de Poutine a remercié Pékin d’avoir refusé de participer au sommet suisse. Mais tout le monde attendait des déclarations officielles, et les voici. Il ne s’agit plus seulement de la non-participation d’une délégation officielle chinoise (par exemple, au niveau du ministre des affaires étrangères), mais il semble qu’il n’y aura même pas d’observateur. Il aurait pu s’agir de Li Hui, le représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires eurasiennes (il est souvent désigné comme le représentant spécial pour le conflit ukrainien – ce qu’il est en fait), un ancien ambassadeur en Russie qui s’est déjà rendu à plusieurs reprises dans différents pays et réunions multilatérales au cours du conflit. Toutefois, à en juger par le ton de la déclaration du ministère des affaires étrangères, l’ambassadeur Li ne viendra pas au Bürgenstock.

En d’autres termes, la conférence se tiendra sans la Chine et les hauts responsables des pays du Sud, or c’était l’objectif principal du « sommet de la paix » que de les attirer. Les organisateurs occidentaux ont bien entendu compris dès le départ que les chances d’une participation à part entière de la Chine étaient faibles, mais ils comptaient tout de même sur la présence d’une délégation de Pékin et d’une représentation importante des pays du Sud. Des invitations ont été envoyées à cent cinquante pays, mais il est clair que la plupart des pays non occidentaux n’allaient pas participer à la conférence, surtout au plus haut niveau. Le Sud a écouté non seulement Moscou, qui appelait ouvertement à ne pas participer au raout « pro-Ukraine » que l’Occident rassemblait (quelles que soient les résolutions finalement adoptées lors de la conférence, la propagande occidentale les interpréterait dans l’esprit « le monde entier est préoccupé par les conséquences de l’agression russe »), mais aussi Pékin. La position de la Chine sur la conférence était importante pour les pays non occidentaux – après tout, l’Occident ne cesse de leur répéter la pression qu’il exerce sur la Chine et l’ambiguïté du soutien de Pékin à la Russie.

L’annulation définitive du voyage de la Chine en Suisse aura également une incidence sur la participation d’autres pays au sommet – nombre d’entre eux ont retardé ou n’ont pas voulu décider du niveau de leur représentation. Il est certain qu’il y aura désormais très peu de dirigeants non occidentaux – la dernière intrigue concerne le Premier ministre indien Modi.

Le fait est que la conférence en Suisse est spécialement programmée pour coïncider avec le sommet du G7, qui se tiendra en Italie du 13 au 15 juin, afin de faciliter la venue de M. Biden et d’autres dirigeants non européens. Bien que seuls le Canada et le Japon soient encore des non-Européens au sein du G7, de nombreux dirigeants non occidentaux ont été invités au sommet en Italie. La coutume d’inviter des non-membres existe depuis longtemps, mais c’est peut-être la première fois que les dirigeants d’autant de pays clés sont invités en même temps : Inde, Brésil, Turquie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Argentine, Afrique du Sud, etc. Il n’est pas difficile de voir que l’Occident veut les dirigeants de trois des cinq pays BRICS (avant son récent élargissement), et qu’ils sont également invités à assister au sommet suisse après les Pouilles. Le Brésilien Lula et le Sud-Africain Ramaphosa ne participeront certainement pas à la conférence sur l’Ukraine, mais une délégation brésilienne viendra au Bürgenstock. L’Inde, quant à elle, n’a pas encore annoncé sa décision. Elle participera probablement à la conférence, mais on ne sait pas encore qui sera à la tête de la délégation. Il est très peu probable que Modi s’y rende lui-même, mais même la participation d’une délégation dirigée par le ministre des affaires étrangères serait un succès de propagande pour l’Occident. Il est clair que rien d’anti-russe ne sera soutenu ou signé par le représentant de Delhi en Suisse, mais, comme nous l’avons déjà mentionné, l’Occident a besoin d’une représentation aussi large que possible à la conférence suisse afin de l’utiliser pour faire pression sur la Russie.

Tous ces jeux diplomatiques n’affectent pas directement la logique et la forme du conflit entre l’Occident et la Russie, mais ils ajoutent des touches supplémentaires à la mosaïque complexe de l’ordre mondial émergent. La plupart des principaux pays non occidentaux, même s’ils comprennent le déroulement et la logique du processus historique (pas seulement en Ukraine), sont contraints de manœuvrer afin de préserver leurs liens avec l’Occident et la Russie. Mais la Chine, qui n’a aucun doute ni aucune illusion sur les objectifs de l’Occident (non seulement à l’égard de la Russie, mais aussi d’elle-même), peut se permettre de ne pas jouer le jeu des autres, c’est-à-dire de ne pas participer à des « sommets de la paix » d’opérette.

Vues : 282

Suite de l'article

1 Commentaire

  • Ben
    Ben

    La Suisse a subie des pressions de la part des gouvernements occidentaux pour organiser une conference de paix à tout prix. Aujourd’hui le principal instigateur (M.Biden) n’est pas sûr d’avoir le temps pour y assister. Cela me rappele étrangement l’affaire des fonds juifs en desherence qui a mis fin au secret bancaire au bénéfice du Delaware qui a pu le maintenir.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.