Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

DE L’EXASPÉRATION AU COMBAT, par Jean-Paul Legrand

Aujourd’hui encore les articles de notre site histoire et société, qui s’abreuvent à des sources diverses voire apparemment contradictoires, tentent de dénoncer la manière dont la France, celle des salariés, de la classe ouvrière aux intellectuels, est la proie d’un système de propagande qui l’asphyxie, la divise en inventant la toute puissance d’un capital dans la catastrophe imminente sans moyen de la conjurer et dont les bavardages sont puérils autant qu’effrayants. Il manque une force politique pour rassembler ce qui demeure épars, isolé et parfois conflictuel. Le PCF a commencé à reprendre la main (1), ose s’affirmer communiste, mais le désordre antérieur domine, l’activité réelle reste trop suspendue aux seules contraintes médiatiques, et encore insuffisamment articulée sur les entreprises, les salariés, la base, autant que sur la formation théorique qui aujourd’hui doit prendre en compte les basculements géopolitiques. La transformation ne s’appuie pas encore sur la seule vraie richesse de ce parti qui crée un rôle révolutionnaire sans être à l’origine de la violence mais capable d’y faire face : une masse de militants formés à contredire l’idéologie de la classe dominante mais enraciné dans le peuple comme le géant Antée dans la terre nourricière. C’est dans ce parti, si affaibli soit-il, que l’on sent encore porter l’écho assourdi de ces aspirations et il est le seul à les laisser percevoir dans cette campagne européenne avec la possibilité de leur réalisation. Tout se jouera au-delà de cette élection summum de l’aliénation, dans la réalité du débat ouvert sur l’action qui devra se développer pour recréer l’unité du parti. Ceux qui feront cela ne sont pas seulement dans les réseaux sociaux, ils sont comme Jean Paul et d’autres sur le terrain… (note de Danielle Bleitrach, histoireetsociete)


Ne pas analyser la situation internationale de façon marxiste et léniniste, c’est se priver d’une compréhension des évolutions de l’impérialisme. La culture dominante en France est de penser la France comme centre du monde, on hérite cela de notre histoire coloniale et de notre propre impérialisme. La gauche hélas est toute entière dans ce délire anti-scientifique et un Glucksmann y fonce à toute vitesse. 
Alors disons la vérité : la France n’est pas le centre du monde et la lutte des classes est internationale. Ce franco-centrisme est exaspérant et les militants français devraient ouvrir leur esprit davantage aux réalités internationales avec un peu plus de sens critique. A les voir s’aligner sur la doxa impérialiste américaine c’est une catastrophe idéologique.
Il est vrai qu’on a vite craché sur la révolution bolchévique après 1989 pour se donner bonne conscience sous la pression de la bourgeoisie qui qualifie de stalinien tout ce qui est rouge. On en est revenu à la misère de la philosophie, à l’indigence des connaissances, aux idées prêt à porter du gauchisme ordinaire, aux affects du populisme, à la déchéance petite bourgeoise et individualiste de la condescendance sur les ouvriers. Quelle est belle la gauche ! 
J’ai connu des dirigeants ouvriers qui étaient de grands intellectuels marxistes. Ils forçaient le respect par leur érudition et leur sens aigu de leurs analyses de classe. On préfère aux militants aguerris le jeunisme de quelques perroquets politiciens qui ont appris la leçon par cœur. 
 Ce temps-là des militants ouvriers-intellectuels est révolu et ce n’est pas en France que nous les trouverons,  en tout cas pas pour le moment, pas avant que le PCF ne se refasse une santé avec des cellules partout dans le monde du travail qui est aujourd’hui complètement précarisé et ultra-exploité. Mais les directions du PCF ont elles conscience des réalités où vont-elles continuer à espérer, dans des cercles fermés qui ne misent que sur des combats sociétaux avec les populistes et les gauchistes, une issue politique ?
Il faut en finir avec toute hypocrisie politique et aller au fond de la question :  la gauche non marxiste va payer très cher sa cécité sur les évolutions structurelles de la société capitaliste qui porte en elle la barbarie moderne. Son ignorance des bouleversements au sein des forces productives et ses lamentations imbéciles sur la fascisation de la société sans les relier aux transformations du capitalisme sont de sérieux freins à la conscience de classe. 
Une gauche qui ignore la fonction fondamentale du travail dans la société, qui n’en reste qu’à des généralités et ne conteste en rien les choix du capital dans le concret de chaque entreprise, de chaque localité est une gauche non seulement inutile mais dangereuse car en exaspérant le prolétariat elle le pousse vers les démagogues de toute obédience. 
Le travail communiste pour que le prolétariat s’accapare les outils de son émancipation est long et difficile. Les circonstances de la surexploitation et de la guerre qui menace peuvent accélérer l’histoire. Certains seront au rendez-vous, d’autres seront balayés parce que totalement inutiles au combat du prolétariat organisé. L’histoire ne fait pas de cadeau, c’est une tragédie et elle le sera tant que ceux qui fabriquent le monde n’en seront pas les maîtres.

(1) A ce titre, je pense que nous sommes nombreux à nous réjouir de la manière dont le jeune candidat du PCF Léon Deffontaines a mouché Bardella et je ne résiste pas à vous décrire la conception de la dictature d’OSS 117 et combien la description visait juste, mais il manque encore à ce jeune combattant et ce qu’il nous annonce de pugnacité pour le présent et l’avenir à la fois un parti organisé, des colleurs d’affiches, des distributeurs de tracts mais plus encore des milliers de “chefs” capables de faire de la politique au quotidien, de passer de la vie chère aux rapports de forces dans le monde. La vraie critique de cette campagne ne doit pas porter sur les insuffisances de la liste et des porte-paroles, elle doit s’acharner à recréer les conditions d’un parti capable d’aller au-delà des plateaux de télévision, d’en conditionner le contenu par la pression populaire et là on pourra réellement critiquer les insuffisances de ceux qui font. (note de Danielle Bleitrach)

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1 Commentaire

  • Michel S
    Michel S

    Voilà un texte dont beaucoup d’observation de la réalité concrète sont, selon ma propre expérience, totalement justes tant dans l’observation des limites internes du fonctionnement que dans la caractérisation des insuffisances observées, mais qui faute d’oser aller au bout de l’abandon stratégique qui a conduit à cette situation, passe finalement à côté d’une utilité régénératrice.

    Mettre fin à l’errance bourgeoise !

    Pour moi, maintenant après un temps de réflexion, un examen de la situation réelle du prolétariat, le Parti communiste français comme trop d’autres, a perdu de vue son rôle à partir du moment où il a renoncé à dureté des rapports de classe ; préférant le mythique pas à pas électoraliste vers le socialisme (transition pacifique par la voie du rassemblement électoral). Depuis il a accompagné la déliquescence de la démocratie bourgeoise dans une vision euro communiste réformiste.

    Passant d’un opportunisme de gauche à un opportunisme de droite (cf Lenine), et vice versa, il alterne les errements et pire, interdit tout engagement révolutionnaire qui ne soit pas celui qu’il juge utile à une transformation électorale de la société.

    50% des travailleurs sont aujourd’hui totalement sur la touche (soit ils ne s’inscrivent pas, soit ils s’abstiennent) et se réfugient dans une colère rancunière, stérile, propice aux impasses fascistes.

    Le PCF a renoncé à l’affrontement avec la bourgeoisie, non dans le provocation opportuniste stérile voire complice telle la FI toujours bloquée dans l’électoralisme également, mais comme une force éduquante, rassembleuse et combative des prolétaires sur leurs attentes réelles et non pré conçues.

    Le positionnement international du PCF n’est pas atlantiste par essence mais par soumission à un opportunisme électoraliste stupide, inculte de culture communiste et finalement sans vision internationaliste du combat de classe, aveugle sur les manipulations trotskystes et atlantistes en son sein.

    On peut, en effet, également considérer que ces errements sont largement facilités par un entrisme pro atlantiste visant à accompagner la déliquescence de l’impérialisme occidental d’une déliquescence de ses opposants, dans le simple but de faciliter sa survie la plus longue possible fusse dans l’effondrement total : le nihilisme des empires s’effondrant est historique !

    Le refus actuel d’une partie essentielle du prolétariat de prendre partie dans les situations de guerres dramatiques que nous vivons (réelles et imaginables) témoigne du décrochage de toute espérance et de la perte de crédibilité de l’action révolutionnaire.

    Bakounine avait raison : l’engagement électoral de « représentants » du prolétariat signera leur renoncement et verra l’impasse du système prendre le dessus et le prolétariat abandonné.

    Le PCF porte pour moi une responsabilité majeure dans cet effondrement idéologique, combatif et dans l’incapacité actuelle des forces militantes révolutionnaires (existantes comme possibles) à se rassembler pour agir dans une visée de renversement du système. Ton texte en voulant ménager les susceptibilités et les arrangements internes face à une lourde remise en cause de fond, en reste à une interrogation tactique et organisationnelle.

    Passé du rassemblement du prolétariat au rassemblement de « la gauche » a signé le renoncement aux fondements du marxisme.

    Le mythe du réformisme a la vie dure !

    Nous pouvons encore reprendre la main, si nous acceptons de remettre en cause ensemble en matérialistes historiques ce qui a fondé cette dérive idéaliste et définir une nouvelle stratégie révolutionnaire (et des fonctionnement en découlant) réellement pro socialisme, fondée sur le rassemblement conscient et actif de tous ceux, innombrables, qui ne vivent que de la vente de leur force de travail.

    La génération des communistes âgés qui constituent la majorité des militants actuels du parti a baigné dans cette illusion dont on pourrait faire remonter les premiers signes au vote des pleins pouvoir à Guy Mollet en Algérie : une véritable difficulté donc pour qu’elle ne confonde pas remise en cause stratégique et « attaque de leur identité sincère… c’est la cause majeure selon moi, de ce nouveau « retard » du PCF face à l’évolution de la réalité concrète.

    Les contradictions béantes du système offrent comme l’avait imaginer Marx et Engels un espace considérable à l’action fraternelle et partageuse comme espérance majoritaire.

    L’attente diffuse et souvent inconsciente est là. Seule manque la mèche révolutionnaire… un Parti communiste !

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