Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Chine et l’Afrique ; la Chine pourrait-elle déplacer une partie importante de son secteur manufacturier vers l’Afrique ?

Nous avons choisi dans notre blog de rompre avec le catastrophisme dans lequel le monde médiatico politique prétend maintenir l’opinion publique française à la veille de ces élections européennes. Cette vision dans laquelle la paranoïa d’un monde assiégé le dispute à l’incapacité à présenter des solutions alternatives, au point qu’il ne reste plus que l’insulte, les procès d’intention, le clientélisme qui de fait ignore totalement d’autres enjeux hors la lutte des places est effectivement désespérante et elle a une cause, la vassalisation à l’atlantisme, un étau. Est en train de se développer une autre démarche, celle qui en partant des problèmes réels, voit dans le développement scientifique et technique, dans le partage et l’invention de coopérations, des possibles qui se traduisent en actes, en politique au sens le plus noble du terme. Par parenthèse, une des raisons fondamentales (il y en d’autres mais celle-ci est “structurelle”) qui me fait penser que l’on a besoin du marxisme, de la théorie mise en pratique, c’est qu’effectivement les communistes sont ceux qui ne pensent pas la nature humaine comme figée mais au contraire la perçoivent dans une transformation constante liée aux rapports sociaux dans leur rapport à la nature, à leur propre nature. Le communisme est ou devrait être le contraire d’un raisonnement basé sur l’idée que “c’est dans la nature humaine” et celle-ci serait individualiste, égoïste, parfois “paresseuse”, etc… Vaincre le sous-développement africain, ce n’est pas nier les problèmes auxquels le continent est confronté c’est au contraire envisager une modernisation différente… A partir des atouts réels et qui jusqu’ici ont été à la base de son exploitation. Passer de l’idée que les Africains qui ont été à la base de la modernité ne peuvent donner que sous la contrainte esclavagiste et de là à la nature “paresseuse” de l’Africain, son incapacité à l’Histoire à la vision de la réalité de la manière dont le monde a besoin d’une Afrique qui a repris la longue marche de l’humanité.

L’Afrique veut transformer les voies de son développement

À plusieurs reprises au cours des dernières années, les dirigeants africains se sont réunis pour exprimer la nécessité de renforcer l’industrie manufacturière du continent en travaillant avec des partenaires extérieurs.

Le gouvernement chinois s’est montré réceptif à cet appel, cela correspond à la fois à sa stratégie du “gagnant-gagnant” en particulier avec les pays du sud et à ses propres orientations de contournement des problèmes liés à la pression américaine et à ses alliés. C’est ainsi qu’en août 2023, le gouvernement chinois a annoncé son intention de lancer l’Initiative de soutien à l’industrialisation de l’Afrique. Cette initiative prévoit des investissements ciblés dans l’industrie manufacturière africaine, afin d’aider l’Afrique à se diversifier et à s’affranchir de sa dépendance à l’égard de l’agriculture et de l’extraction des ressources naturelles. La modernisation de l’Afrique peut passer par des voies originales qui n’en feraient plus seulement le pays ressource en matière première.

Cette stratégie a d’autant plus d’impact qu’elle est déjà en voie de réalisation et s’appuie sur une présence forte, les données d’août 2023 montrent que 12 % de l’industrie manufacturière africaine est déjà impliquée par la Chine, ce qui représente un tiers de toutes les activités des entreprises chinoises sur le continent.

Jusqu’ici la complémentarité est traditionnelle, c’est-à-dire que la Chine bénéficie des industries extractives et des productions agricoles, avec deux différences sensibles, la première est la politique d’équipement, les liens intérieurs à l’Afrique favorisés comme l’absence d’ingérence politique. il faudrait également souligner la complémentarité de la Chine et de la Russie qui n’apporte pas seulement – selon la doxa occidentale – des mercenaires mais également des technologies y compris du nucléaire civil… Mais malgré ces inflexions il est évident que le développement de l’Afrique passe à la fois par le choix de la souveraineté africaine et par des coopérations complètement renouvelées.

La Chine est confrontée à sa propre mutation nécessaire

La Chine met en œuvre son projet de développement sud-sud dans des conditions d’égalité et d’intérêt mutuel. La Chine est en train d’opérer sa propre mutation et elle le fait en étant elle même confrontée à des contraintes qu’elle tente de transformer en opportunités :

il y a d’abord le déclin de la population chinoise. En 2022, il y a eu la première baisse de population depuis 1961, de près d’un million de personnes, et en 2023 de près de 2 millions avec un vieillissement de la dite population. C’est une tendance qui devrait se poursuivre ce qui réduit à la fois la population manufacturière et le marché interne même si celui-ci demeure le second après les USA. A cela, il faut ajouter les menaces de “découplage” des Etats-Unis et de l’occident, la guerre économique mais qui menace à chaque moment de se transformer en guerre par procuration à Taïwan et dans toute la zone Pacifique. Les problèmes rencontrés par la Chine ont des échos dans toute l’Asie, y compris au Japon, mais la Chine a choisi une stratégie en rupture totale avec celles du japon ou de la Corée du sud et table sur cette nouveauté et ses résultats pour desserrer l’étau que l’occident tente de créer autour d’elle. De ce point de vue, nous avons souligné le rôle de son partenariat stratégique avec la Russie pour lui ouvrir les voies de l’Asie centrale, malgré l’Inde ; si l’on parle de l’Afrique, le partenariat est tout aussi important.

l y a eu également les effets du COVID. Même si la Chine maintient son potentiel il lui faut plus que jamais envisager une transformation. Avec la diminution de la population chinoise et l’intensification des efforts occidentaux de découplage, la Chine risque de ne plus être la base majeure pour l’industrie manufacturière . Pour les fabricants, investisseurs étrangers, le statut de la Chine en tant que marché « en croissance » est menacé par le déclin de la population en âge de travailler du pays. Si l’on ajoute à cela la tendance à l’épargne des consommateurs dans le pays confrontés à la crise de l’immobilier, le marché chinois des produits manufacturés doit subir une mutation et le gouvernement chinois a défini des priorités : faire un très grand effort dans la recherche, les produits à forte valeur ajoutée liés à l’innovation technologique qui table sur l’élévation des qualifications, ce qui s’accompagne d’une amélioration de “l’aisance” de la population dans son passage du rural à l’urbain. Et comme nous allons le voir déjà la Chine a robotisé son industrie manufacturière.

La robotisation en Chine connaît une croissance significative grâce au développement de l’automatisation et de l’intelligence artificielle.

Objectif 2025 : La Chine s’est fixé pour objectif de devenir un acteur majeur dans le domaine de la robotique d’ici 2025. Le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information a lancé un plan quinquennal visant à faire du pays un leader mondial de l’innovation en robotique. Ce plan vise à augmenter le taux de croissance annuel moyen des revenus d’exploitation dans l’industrie robotique à plus de 20 %.

Cinq points d’amélioration :

Pour atteindre cet objectif, la Chine se concentre sur cinq domaines d’amélioration :
Amélioration des capacités d’innovation industrielle.
Consolidation des bases du développement industriel.
Augmentation de l’offre de produits haut de gamme.
Élargissement des applications dans des secteurs tels que l’exploitation minière, la construction navale et l’énergie nucléaire.
Optimisation de la structure de l’innovation industrielle.

Secteurs ciblés : La Chine se focalise sur les robots industriels utilisés dans des secteurs clés tels que l’automobile, l’aérospatiale, les transports et les semi-conducteurs. Elle accorde également une attention particulière aux robots de service pour les soins de santé, l’agriculture, l’exploitation minière et la construction, ainsi qu’aux robots destinés au contrôle des émeutes.

Diversification des chaînes d’approvisionnement : La Chine cherche à diversifier ses chaînes d’approvisionnement, un enjeu majeur dans la rivalité sino-américaine. Actuellement, la densité de robots industriels en Chine est inférieure à la moyenne mondiale, mais le pays est en train de combler cet écart. En 2023, le nombre d’installations de robots industriels en Chine a atteint un nouveau record mondial, avec plus de 550 000 unités déployées, soit une augmentation annuelle de 5 %. La Chine est résolue à poursuivre sa trajectoire ascendante dans le domaine de la robotique, contribuant ainsi à façonner l’avenir de l’industrie mondiale.

La productivité manufacturière est déjà dans un changement industriel qualitatif alors qu’elle a été une réponse quantitative productive qui ne suffit plus.

Trump menace d’imposer des droits de douane de 60 % sur toutes les importations chinoises s’il retourne à la Maison-Blanche, mais l’hostilité à la Chine, dépasse largement le président élu, le seul frein est l’état réel de la désindustrialisation qu’ont imposée des décennies de choix impérialistes… et l’UE tend à suivre cette ligne politique en faisant du dumping chinois l’origine supposée de tous ses malheurs. Elle étudie les moyens de riposter au dumping chinois présumé, l’avenir des exportations chinoises vers ses principales destinations ne semble pas brillant. Donc c’est sous la pression y compris les menaces de guerre, que la Chine revoit son propre développement vers un nouveau stade des forces productives matérielles et humaines.

Ayant conçu son propre développement dans le cadre d’un “mondialisation” de type nouveau, il est intéressant de constater que la Chine va mettre en œuvre un nouveau type de relations en particulier avec l’Afrique, qui lui est complémentaire par bien des aspects.

La nouveauté est que l’industrie manufacturière chinoise axée sur la robotique peut facilement être déplacée vers l’Afrique.

Bien sûr, la réduction de l’attractivité de l’industrie manufacturière en Chine n’est pas automatiquement une aubaine pour l’industrie manufacturière en Afrique. Oui, la population de l’Afrique peut constituer un vaste marché potentiel pour les produits manufacturés, car elle doublera pour atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050. Mais avec seulement 1,9 % de la production manufacturière mondiale aujourd’hui, elle ne dispose pas du potentiel nécessaire pour attirer les fabricants quittant la Chine.

Une tendance émergente au sein de l’industrie manufacturière chinoise en particulier étatique pourrait rapidement remédier à ce « déficit de savoir-faire » industriel. Ce déplacement des investisseurs industriels serait le fait des États, de la planification…

Les usines chinoises passent rapidement d’une main-d’œuvre intensive à une entreprise robotisée, à mesure que le nombre de travailleurs disponibles diminue. La population chinoise en âge de travailler a déjà atteint un pic en 2011 et la population des plus de 60 ans devrait atteindre près d’un tiers du total d’ici 2035. D’ici là, les travailleurs restants devront redoubler d’efforts pour prendre soin des personnes âgées à la retraite et faire le travail qu’ils ont laissé derrière eux.

En réponse à cette tendance démographique, rien qu’en 2022, la Chine a installé plus de 290 000 robots industriels, soit plus de la moitié de ceux installés dans le monde. Alors que le stock total de robots industriels a augmenté en moyenne de 25 % par an depuis 2017, la Chine tente de résoudre de manière préventive le problème des futures pénuries de main-d’œuvre.

C’est le cas de Nio, un chouchou de l’industrie chinoise des véhicules électriques dont le gouvernement chinois a beaucoup parlé comme étant le moteur de la prochaine génération du secteur manufacturier du pays. Nio a déjà annoncé son intention de réduire de 30 % ses effectifs mondiaux grâce à la technologie et a démontré à travers sa deuxième usine que l’automatisation à 100 % est possible.

En déployant une robotique similaire au fur et à mesure que l’entreprise se développe à l’étranger au-delà de son usine en Hongrie, elle pourrait facilement pénétrer des marchés comme l’Afrique qui n’offrent aucun savoir-faire en matière de production mais des ventes robustes. L’avènement de robots industriels bon marché et abondants signifie que les fabricants sont moins dépendants des légions d’ouvriers d’usine chinois formés qu’ils ne l’étaient par le passé.

Supposons qu’une partie suffisante de la chaîne d’approvisionnement industrielle chinoise dépende de la robotique pour une partie importante du travail de fabrication. Dans ce cas, il n’est plus inconcevable que l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et quelques « gestionnaires de robots » puissent être déplacés vers l’Afrique, un marché de consommation vaste et en pleine croissance avec un potentiel de croissance future beaucoup plus brillant que celui de la Chine. Bien sûr, il convient de préciser que la capacité d’automatiser les usines partout dans le monde ne signifie pas que l’Afrique reproduira rapidement un secteur manufacturier de la taille de celui de la Chine.

Le marché de consommation chinois est le deuxième plus important au monde après les États-Unis. Le pays dispose également d’une électricité fiable, d’autoroutes lisses, de douanes rapides et de processus de recrutement de travailleurs efficaces. Celles-ci ne peuvent pas être facilement reproduites en Afrique sans des investissements financiers importants, l’élaboration de politiques et des changements dans la culture du travail.

Est-ce que la Chine est en train d’opérer un transfert manufacturier vers l’Afrique ?

Les analystes, singulièrement ceux liés aux investisseurs capitalistes notent que le développement manufacturier de la Chine pour spectaculaire qu’il ait été a débuté sur des bases beaucoup plus faibles que celles de l’Afrique aujourd’hui. En janvier 1981, la Chine a exporté des marchandises d’une valeur d’un peu plus de 1,5 milliard de dollars. Comparez cela avec les près de 300 milliards de dollars que le pays exporte chaque mois maintenant. En 2004, la production manufacturière totale de la Chine s’élevait à un peu plus de 600 milliards de dollars, soit une fraction des plus de 5 000 milliards de dollars d’aujourd’hui. La croissance de l’industrie manufacturière s’est accompagnée d’une croissance de la main-d’œuvre manufacturière en Chine, qui est passée de 53 millions en 1978 à plus de 200 millions en 2022. En d’autres termes, l’industrialisation de la Chine a commencé sur des bases beaucoup plus faibles que celles de l’Afrique aujourd’hui.

En février, les dirigeants africains ont soumis une proposition à l’ONU, appelant à l’utilisation durable des minéraux essentiels à la fabrication de produits « verts », tels que les panneaux solaires et les batteries. Les dirigeants ont fait valoir que ces minerais se trouvant en grande majorité en Afrique, l’Afrique devrait bénéficier davantage de leur exploitation, en les intégrant dans l’industrialisation du continent. Cet accent renouvelé sur l’exploitation des ressources naturelles pour l’industrialisation ne fait que mettre en évidence l’échec de l’industrie manufacturière africaine à se développer sur la seule base de l’exploitation minière au cours des dernières décennies. L’Afrique contient la moitié du manganèse et du cobalt du monde, ainsi que 20 % de son cuivre et de son platine. Mais la grande majorité de ces minerais sont exportés sans être transformés, 85 % de leur transformation ayant lieu en Chine .

Une nouvelle économie industrielle centrée sur l’automatisation pourrait réduire considérablement la marge de manœuvre du lent processus de transfert de connaissances et de formation des humains nécessaire à une fabrication évolutive. Les logiciels basés sur l’intelligence artificielle qui sous-tendent les robots industriels peuvent être prêts à l’emploi dans n’importe quel endroit d’Afrique disposant d’une connexion électrique et Internet suffisante. Au fur et à mesure que l’industrie manufacturière passera d’une main-d’œuvre humaine relativement immobile à des robots et des logiciels hautement mobiles, la capacité des pays africains à rattraper la Chine augmentera considérablement.

À mesure que la fabrication et la maintenance de robots industriels deviendront plus économiques, il sera plus viable financièrement pour les entreprises chinoises de mettre en place des installations automatisées en Afrique. Alors que le marché de consommation chinois se rétrécit et que l’Occident se retourne contre le Made in China pour des raisons politiques, l’exportation à partir d’installations automatisées en Chine peut être stabilisée au profit d’un nouveau stade qui est déjà celui pour lequel le gouvernement chinois développe un maximum d’effort pour s’émanciper de l’Occident dans les secteurs de haute technologie. Les Chinois, qui perfectionnent les robots industriels chez eux, finiront par les emmener en Afrique, aidant la fabrication automatisée à la chinoise à s’épanouir là où ils n’existent pas encore.

Article élaboré par Danielle Bleitrach pour Histoire et Société à partir de diverses sources en général en anglais venus d’experts d’Asie, de Taïwan, de la Corée du Sud et de divers pays qui s’interrogent sur l’opportunité des alliances proposées par les USA contre la Chine.

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