Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment évolueront les relations dans le triangle Russie-Chine-États-Unis ? par Timofei Bordachev

Une vision totalement différente et beaucoup plus réaliste que celle qui nous imposée en France pas le politico-médiatique en France… Celle d’une Amérique isolée avec des vassaux beaucoup plus faibles qui tentent contamment d’échapper au carcan que créent autour d’eux le suzerain qui n’a plus les moyens de sa politique. L’image d’une “communauté internationale” qui se résume de plus en plus au G7 et que l’on feint de croire représentative de la planète s’effondre de jour en jour. Mais si le couple Russie-Chine chacune jouant sa partition a une influence qui ne cesse de croître, le réalisme chinois en particulier ne cherche pas la mise à mort des Etats-Unis. C’est la position de Sun TZU que l’on résume trop souvent à l’idée: gagner la guerre sans avoir à combattre mais qui s’accompagne de l’idée que si l’on veut la stabilité de la victoire, il faut laisser un espace au vaincu pour qu’il s’en sorte sans haine et désir de revanche. Paradoxalement, effectivement on ne comprend rien à la situation si on ne voit pas que partout se construit l’encerclement mais aussi l’espace de sortie. je ignale que son auteur est un homme de droite, plus proche de Fillon que de Ziouganov,. (note de danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/opinions/2024/4/12/1262986.html

Les relations dans le triangle Russie-Chine-États-Unis restent au cœur de l’ensemble de la politique internationale de notre époque.

Les États-Unis, en tant que pays qui a prétendu après la guerre froide être le principal bénéficiaire des avantages économiques et politiques, luttent contre leurs adversaires que sont la Russie et la Chine. Mais en même temps, ils réalisent qu’il est inévitable de continuer à entretenir des relations avec eux à l’avenir. La Russie et la Chine, pour leur part, prennent également en compte des considérations non seulement dans l’immédiat, mais aussi à plus long terme. Après tout, le conflit en cours vise à modifier l’ordre international, et non à le détruire complètement. Et cela est impossible en raison des énormes stocks d’armes nucléaires des trois puissances.

Par ailleurs, les Américains sont un pays isolé. Ils sont entourés d’une coalition de satellites beaucoup plus faibles, qui tentent constamment d’échapper à leurs responsabilités, mais pas plus. C’est pourquoi les Américains prennent des risques et s’affirment davantage.

Moscou et Pékin ne sont pas seuls. Ils s’appuient l’un sur l’autre, sont égaux dans leurs relations et parlent à partir de positions stratégiques communes. Ce sont des puissances indépendantes, dont aucune ne commande l’autre : elles doivent tenir compte des intérêts et des limites de chacune dans leur interaction avec les États-Unis. Cela rend les choses plus difficiles pour nous et les Chinois – un jeu d’équipe exige en général plus de finesse, de nuance et de compréhension intuitive.

La Russie et la Chine ont des vues identiques sur la manière dont un monde juste devrait être organisé. Mais chacune d’entre elles suit sa propre voie, en fonction de ses capacités, de ses contraintes et de ses circonstances stratégiques. L’acceptation totale de la position du partenaire n’est pas requise ici.

Ces derniers jours, des représentants du gouvernement américain ont fait des déclarations très fortes – selon lesquelles la Russie serait en train de faire des progrès militaires en Ukraine précisément grâce au soutien de la Chine. Dans le même temps, les principales agences de presse occidentales, qui ont agi ces dernières années comme des organes de propagande militaire et de désinformation, se sont exprimées sur le même sujet. La visite de la secrétaire américaine au Trésor à Pékin a eu lieu, dont la partie officielle a été accompagnée d’un regard menaçant sur les conséquences que les Chinois risqueraient de subir s’ils coopéraient avec la Russie. Nous ne savons pas ce qui a été discuté lors des entretiens à huis clos. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance : en public, les Américains se comportent de manière provocante et poussent la Chine à riposter ou à capituler.

Quelques jours plus tard, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est rendu à Pékin. Ici, l’atmosphère était bien sûr tout à fait différente. La visite du chef d’État russe en Chine était en cours de préparation. Les parties ont confirmé leurs plans et leur absence d’intention de s’en écarter.

Du côté chinois, au niveau des déclarations et commentaires officiels, toutes les attaques américaines ont été fermement repoussées. Nos partenaires à Pékin n’ont pas donné une seule raison de dire qu’il y a quelque chose dans les relations entre la Russie et la Chine que les États-Unis peuvent sérieusement influencer. Il faut comprendre que la Chine et la Russie sont des partenaires proches, mais qu’elles ne subordonnent pas leur vie aux intérêts de l’autre. La position de Pékin ne peut pas être aussi simple que celle du seul véritable allié de la Russie, le Belarus, ou de plusieurs pays dont la survie dépend directement du succès de la Russie dans sa confrontation avec l’Occident – la Corée du Nord, la Syrie et le Venezuela. La tâche principale des dirigeants chinois est la survie et la prospérité de leur nation, comme d’ailleurs de tout pays souverain, dont le nombre dans le monde moderne est bien inférieur à celui des membres de l’ONU.

La complexité et les multiples facettes de nos relations avec la Chine sont déterminées par le fait que nous devons atteindre des objectifs communs tout en respectant nos intérêts nationaux. Lesquels pour de telles puissances ne peuvent être déterminés de l’extérieur. Pas comme l’Allemagne ou la France qui mettent délibérément leur économie en danger en refusant de coopérer avec la Russie au nom de la stratégie américaine. Ou de la Finlande, qui va réduire les prestations sociales afin de dépenser pour la défense conformément aux exigences de l’OTAN. La Russie et la Chine ont le droit de déterminer elles-mêmes ce qu’elles font en matière de politique et d’économie mondiales. C’est pourquoi leurs relations doivent être évaluées à l’aune de critères beaucoup plus complexes. Tout d’abord, le niveau de compréhension stratégique. Jusqu’à présent, nous nous en sortons bien de ce côté.

La Chine a toujours respecté la décision de la Russie de lancer son opération militaire spéciale (SVO). Il serait naïf de penser que pour Pékin, une confrontation militaire et politique brutale entre la Russie et l’Occident est quelque chose de particulièrement favorable. C’est certainement mieux que l’alliance anti-Chine vers laquelle on essaye de nous pousser depuis la guerre froide. Mais pour le reste, les avantages pour la RPC sont bien moindres que les risques.

Tout d’abord, un conflit militaire en Europe risque de s’aggraver et d’entraîner la fin de la planète entière, lorsque les gains économiques réalisés par la Chine n’auront plus d’importance. Deuxièmement, l’échec de la lutte contre la Russie rend les États-Unis plus émotifs et plus durs dans leurs décisions. Cela s’applique à tout le monde, mais les accès de colère sont particulièrement dirigés contre la Chine.

Les arguments selon lesquels la Chine a énormément bénéficié d’un accès plus libre au marché russe et d’une augmentation des flux d’énergie sont plutôt superficiels. Les pertes subies par les entreprises chinoises du fait de la pression américaine et des menaces potentielles de nature mondiale l’emportent. Par conséquent, une conclusion pacifique de la confrontation entre la Russie et l’Occident a toujours été très souhaitable pour la Chine.

La Russie, pour sa part, tient compte de la complexité de la situation de la Chine et de son manque de motivation pour entrer dans la mêlée : détruire ses entreprises et ses banques sous le feu des sanctions américaines ou pousser les Américains à des provocations militaires en général. Ces dernières sont d’ailleurs prêtes à une escalade, car elles dépendent peu de l’état du marché mondial. Dans le même temps, il est peu probable que la Russie elle-même souhaite que les relations entre les États-Unis et la Chine franchissent la ligne au-delà de laquelle il y a un conflit militaire direct. Ne serait-ce que parce que dans ce cas, la capacité de la Chine à soutenir la Russie en Europe serait considérablement réduite. D’une manière générale, nous ne savons pas comment les forces armées chinoises se comporteront si elles doivent mener une guerre contre un adversaire techniquement fort et décisif. Et personne ne le sait, y compris les dirigeants chinois eux-mêmes. La Russie semble comprendre les cas où les entreprises et les banques chinoises limitent leur coopération avec nous par crainte de représailles américaines.

Il semble maintenant qu’avec l’affaiblissement de la position militaire des États-Unis dans le conflit avec la Russie en Ukraine, le jeu diplomatique devienne de plus en plus important. Pour la Chine, cela signifie une occasion unique de jouer un rôle d’équilibre entre les deux superpuissances, dont la confrontation a défini la politique mondiale tout au long de la seconde moitié du siècle dernier. C’est à ce titre que Pékin espère enfin consolider son statut de grande puissance mondiale. Cependant, il n’y a aucune raison de penser qu’elle le fera au détriment de la Russie. Tout d’abord, parce que c’est impossible en raison de la nature de nos relations. Là où il y a une véritable égalité en plus des objectifs politiques communs, des avantages économiques, des forces et des faiblesses de chacun.

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