Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Je n’ai même plus la force de les inviter à se redresser!

Brecht avait encore la force de s’adresser à son peuple et à tous ceux qui confondaient une défaite avec le fait d’avoir tort, comme cela m’est infligé depuis des décennies, sans le moindre contradicteur. Walter Benjamin qui joue aux échecs sur la photo bientôt se suicidera, il sait qu’il ne peut plus compter sur personne, on peut le comprendre… il n’est pas question de suicide mais il est sûr qu’il faut assumer sa solitude, l’impossibilité de croire en quoi que ce soit et en qui que ce soit, ce n’est pas aussi grave que cela parait, c’est même un soulagement que de n’avoir plus rien à espérer si ce n’est tout ce qui est là et qui vaut la peine d’être vu, senti, lu. La vieillesse est une faiblesse, on perd pied aisément mais c’est aussi l’expérience de l’humilité sur le plan moral, savoir que l’on ne peut pas grand chose mais ce vacillement est une perception accrue, l’intensité de l’émotion qui donne encore plus de prix à un acte, un élan dans la splendeur d’un monde qui s’efface.

Je ne cesse de penser à ce bouquet de fleurs… et cette image me met en marche dans les rues, je sais déjà le chemin qui va me mener à la Place Castellane où je trouverai ce marchand ouvert même le dimanche… Je me vois traversant la Plaine, passer devant Notre Dame du Mont et là, je vois cette profusion de l’étal, du mimosa poudré, peut-être les premières pivoines blanches et roses… Elles m’attirent comme des phares dans la nuit et il s’agit bien de cela retrouver sa conscience dans la nuit qui s’abat sur mon pays. Ce bouquet de fleur m’aide moi pauvre vieille sans le moindre pouvoir à conserver le contrôle, le sens d’une vie… être vieille c’est n’être plus que ces petits gestes qui marquent l’ultime dignité, l’ancrage dans la réalité perdue. et je me répète machinalement ces vers d’Hugo : “Demain dès l’aube, je partirai, vois-tu je sais que tu m’attends!”. Personne ne m’attends si ce n’est le constat une fois de plus de l’honneur perdu d’une bataille qui n’a pas été gagnée… et dont le pire a été l’incapacité à se tenir droit…

Ils ont perdu le sens de l’humanité face à ce qui se passe à Moscou… Ils ne voient plus rien, n’entendent plus rien, leur monde est mort, moi je suis en équilibre instable et je m’accroche à ce bouquet, je suis une visuelle, et cela me donne le sens de ce qui émerge alors que tout parait se dissoudre, tout ce à quoi j’ai cru se noie, se dissout, mais ces fleurs, la complexité infinie des couleurs et des formes disent ce qui nait comme dans un kaléidoscope … Pendant que se succèdent les thèmes favoris de la propagande, les raisons de se réjouir de ces morts-là… Ils en sont même à récupérer une législation anti LGBT comme s’il s’agissait du premier réflexe face à la lutte contre le terrorisme, vite manipulons, brouillons les Faits, couvrons-les de raison de haïr pour justifier sur le fond ces 133 vies et ces blessés… Non cela n’a rien à voir avec le Bataclan, des Français comment oser-vous les comparer avec les Russes ? Et ils sont tellement pressés, pour empêcher que l’on ne s’interroge, que leur guerre ne soit plus justifiée, que l’on se souviennes de la dernière fois ils nous ont fait le coup, qu’ils n’ont même pas la décence d’un instant de respect du deuil… Et la “gauche” et quelle gauche, n’est pas la dernière à jouer les hyènes ou à se taire honteusement de peur qu’on les soupçonne à cause d’un instant d’humanité et de décence d’être des complices de ceux qui ne méritent que la mort : les Russes… Comme jadis les juifs… pour que l’occident soit sauvé il faut quelques victimes… n’est-ce pas, tout le monde est bien d’accord, qui ose protester ? Alors je dois m’accrocher à ce bouquet, à cette marche matinale… c”est de cela qu’est fait le temps qui m’est imparti… Ne pas céder…

Au moins 133 personnes ont été tuées et plus d’une centaine de blessées vendredi 22 mars au soir dans une attaque armée suivie d’un énorme incendie dans une salle de concert de la banlieue de Moscou. L’ont-ils assez voulu ce crime de civils, ce qui se passait à Odessa, dans le Donbass ne leur suffisait pas, ils applaudissait tous les “coups” de leurs nazis ukrainiens, contre des ponts, contre des dépôts de pétrole, et aujourd’hui pas un mot d’amitié, pas le moindre réflexe humain, non Russe pas humain quand il en crève un c’est déjà une joie alors plus de cent, c’est le pied… Pas une fleur devant le consulat à Marseille mais qui songerait à organiser ce genre d’hommage, est-ce que quelqu’un a jamais pensé quand j’étais enfant qu’une enfant juive méritait de vivre ? Ce sont les mêmes simplement ils ont réussi à trouver leurs semblables chez les juifs… pour ne pas voir mourir un Palestinien, pour avoir la moindre larme pour celui qui ose défier leur maitre américain… ou alors ils sont antisémites et ne cessent d’établir des allusions nauséabondes entre les victimes de l’extermination nazie et ce qui se passe à Gaza… Monsieur Glucksmann et ses pairs sont là pour cautionner cette résurgence de l’antisémitisme…

Dans un tel contexte, je sais désormais qu’il n’y a pas un seul individu en qui j’ai assez confiance ne serait-ce que pour l’inviter à m’accompagner dans ce geste que je ferai demain à Marseille… je suis allée au bout du mépris, de la médiocrité, de la bassesse de tout ce monde-là … je ne peux plus ignorer que pour un poste de conseiller général à Bécon les Bruyères, pour être sur la photo, ces gens-là sont prêts à tout, et que les autres se tairont et les laisseront faire, il n’y en a pas un pour sauver l’autre. Ce sont les mêmes que ceux qui dénoncent et mettaient jadis sur la porte de la maison où j’étais avec mes parents : “Il y a des juifs cachés ici!”… Chacun cherche son “arrangement” là où ça lui convient…

Il y a un consulat russe à Marseille, Adresse: 3 Avenue Ambroise Paré 13008 Marseille, demain dimanche, je vais aller à la place Castellane proche de ce consulat vers les 10 heures, j’achèterai des fleurs et je les porterai à 11 devant la grille en les jetant à l’intérieur pour que les employés les trouvent lundi matin… avec une petite carte anonyme pour dire le chagrin d’une française…

Il y aura eu au moins une vieille femme pour pleurer leurs martyrs. Je dois à l’armée rouge d’être encore vivante, toute ma vie et elle a été belle je la dois au 26 millions de soviétiques qui ont donné leur vie contre le nazisme…

Et quand j’ai la douleur de voir une ordure comme Glucksmann célébrer les assassins, cautionner tous les crimes et toutes les fables du pseudo terrorisme islamiste comme si Daech n’était pas comme Ben Laden et tant d’autres leurs créatures en Syrie et partout, je suis humiliée… il y aura au moins une femme qui dira aux Russes la douleur de les voir succomber aux menées habituelles de la CIA et de leurs créatures…

J’ai envie de vomir devant la lâcheté de mon peuple, de la totalité de la gauche française, pas un pour sauver l’autre. Comment imaginer aller voter dans un tel contexte ? Il n’y en a pas un pour avoir les mots, les gestes qui s’imposent…

Que peut-on me faire de pire que de me donner le regret d’avoir rejoint un jour le PCF pour reconnaitre ma dette envers ceux qui soviétiques ou français avaient choisi de combattre le nazisme ? Jusqu’ici j’avais tenté de croire qu’il existait dans ce pays encore quelques individus qui n’étaient pas les complices des criminels, mais ce silence assourdissant dit qu’il n’y a rien à sauver… Je ne dois pas me faire d’illusion entre le notable pourri jusqu’à la moelle et une pauvre folle idéaliste comme moi, ils choisiront toujours le premier.

Dans le fond je n’ai rien depuis tant d’années de commun avec tous ces gens-là, je n’ai jamais compris pourquoi ils se conduisaient comme ça… et si à ce constat on rajoute les raisons qu m’ont incitée à être communiste à savoir la reconnaissances que je portais à l’URSS et à des résistants qui ne leur ressemblent en rien, je le garantis, plus mon refus de duper les petites gens, cette stupidité mondaine de la bourgeoisie, ce besoin de parader en se montant du col, m’était insupportable, il m’arrive de me contenter en me disant “ils sont moins pire”… mais pas au point de me laisser entraîner aujourd’hui dans cette lâcheté collective face à un massacre de masse.

Il y a eu cette longue journée du 23 mars où j’ai attendu en vain un mot même pas de solidarité, non d’humanité et cette attente vaine n’a fait que me convaincre que nous n’avions plus rien à nous dire… Ils semblent persuadés qu’il faut ne surtout pas parler de ça et e faire croire aux Français qu’avec une éconmie militarisée ils auront des services publics, un pouvoir d’achat décent… Il suffirait de s’affirmer pour la paix et ne pas voir le sens de cet attentat celui de l’aggravation de la guerre… Et surtout ils sont à des kimotres de ce monde qui se transforme et qui ne croit plus à ce discours qu’ils n’osent affronter… C’est une autre vision peut-être est-elle pertinente? Je ne le crois pas et je suis convaincue au contraire que loin d’être la proie à la nostalgie, à ces souvenirs de la petite enfance c’est de l’avenir dont il est question. Un peu à la manière de ce bouquet qui troue la nuit pour moi…

Alors une vieille femme ira porter des fleurs demain devant le consulat russe et s’excusera d’être née française, d’avoir cru qu’il existait des communistes français… et que les juifs n’étaient pas tous des ordures sur le mode Glucksmann …elle ne renoncera pas à penser, à écrire mais ce sera dans un contexte intellectuel dans lequel il n’y aura plus à espérer une action juste qui ne viendra jamais et loin des miasmes d’une vie politique dont il n’y a plus rien à espérer, même pas une déclaration témoignant d’un peu d’humanité à l’égard du peuple russe endeuillé…

Peut être une image en noir et blanc de 2 personnes et texte qui dit ’gauche Bertolt Brecht t droite Walter Benjamin NOS DÉFAITES NE PROUVENT RIEN Bertolt BRECHT Quand ceux qui luttent contre l'injustice leurs meurtris Grande est| l'impatience Qui vivent sécurité. quoi vous plaignez-vous demandent-ils Vous avez lutté contre l'injustice! elle qui dessus, Alors taisez-vous Qui doit savoir perdre Qui cherche querelle expose danger! professe violence droit 'accuser violence! Ah! Mes amis N'a pas Pourquoi hostilité Sommes-nous Vos ennemis, qui sommes les ennemis l'injustice Quand ceux contre l'injustice sont vaincus injustice ? rien, sinon nous sommes peu nombreux lutter contre 'infamie, Et nous attendons ceux regardent Qu éprouvent au moins quelque honte.’
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