Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La réalité politique au-delà des mythes dans le Kurdistan irakien

Avec l’occupation américaine, les illusions “démocratiques” sur la nature de l’assassinat de Saddam Hussein et la défense des droits de l’homme du peuple irakien sont rapidement tombées, et avec eux la situation de l’Irak, voire celle des Kurdes qui étaient un des principaux thèmes de propagande contre Saddam Hussein (avec le bidonnage du meurtre des bébés en couveuse au Koweït) a disparu de l’actualité. Certes le système de “notation” s’est poursuivi : dans la première édition de 2006 de l’indice de démocratie publié par l’Economic Intelligence Unit, l’Irak avait un score de 4,01 ; il était alors classé en tant que régime hybride. Dans l’édition de 2021, sa note était depuis passée à 3,51, repassant en régime autoritaire. En fait, le régime adoubé par l’occident et qui a rapidement retrouvé ses ressources dans des liens avec les grandes compagnies pétrolières occidentales a été secoué par des révoltes ouvrières et chiites, les deux coïncidant souvent dans les grandes zones de Bassorah (qui a toujours été le lieu d’implantation du parti communiste irakien, le plus important du Moyen Orient). Dès 2019, le 25 octobre, le mouvement de contestation reprend contre le pouvoir en Irak. Après une semaine de manifestations au début du mois, qui avaient fait 157 morts et plus de 6 000 blessés, et trois semaines d’une trêve implicite ­durant le pèlerinage chiite de l’Arbaïn, des milliers d’Irakiens, des jeunes hommes pour la ­plupart, se sont à nouveau réunis à Bagdad et dans les villes chiites du sud du pays pour dénoncer la corruption et l’incurie de la classe politique. Plus de 40 personnes ont été tuées et 2 300 autres blessées, selon des sources de sécurité et la Com­mission irakienne des droits de l’homme. En 1921, le mouvement chiite emporte les législatives. L’épidémie de COVID marque un arrêt dans la violence des manifestations, mais l’Irak est en fait un lieu d’équilibre instable qui ménage l’Iran. C’est dans ce contexte, que l’on assiste à cette forme d’intégration du Kurdistan irakien. Voici en effet cette nouvelle qui tombe dans RFI et qui nous parait illustrer à la fois ce que sont les campagnes de propagande qui accompagnent les interventions de l’occident et la manière dont aujourd’hui on assiste peu à peu à des accords de fait face à la réalité. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Au Kurdistan irakien, des fonctionnaires ont manifesté samedi en soutien à la décision de la plus haute Cour de justice irakienne qui a ordonné au gouvernement irakien de Bagdad de payer les fonctionnaires kurdes directement, sans passer par le gouvernement autonome du Kurdistan. Dans la région, les fonctionnaires kurdes sont impayés depuis 6 mois, conséquence de la banqueroute depuis l’arrêt des exportations de pétrole. Cette décision de justice est une perte d’autonomie majeure pour le Kurdistan irakien qui avait obtenu une certaine indépendance depuis 20 ans.

Avec notre envoyé spécial à Souleymane, Théo Renaudon

« La Cour de justice fédérale est l’héroïne du peuple kurde », peut-on lire dans une des banderoles affichées en tête de cortège.

« Bien sûr, on place beaucoup d’espoir en Bagdad parce qu’on a perdu toute foi en le Kurdistan, explique Pakizia, professeure kurde impayée depuis six moisToutes ces années, les fonctionnaires ont été oppressés et leurs protestations ignorées. Alors voilà, nous plaçons notre espoir en l’Irak. »

Une région autonome qui ne paie plus ses fonctionnaires perd forcément de son indépendance. Mais c’est le prix à payer pour de nouveau recevoir un salaire, selon Zangana : « Bien sûr c’est terrible. Nous avons donné notre sang pour cette région. Mais avons-nous seulement le choix ? Nous sommes contraints de nous tourner vers l’Irak, vu les conditions de vie des fonctionnaires qui ne sont plus payés ».

La reprise en main par Bagdad des salaires des fonctionnaires kurdes s’inscrit dans une stratégie plus vaste de l’Irak, selon le chercheur en science politique Tom Préél. « C’est effectivement une dynamique qui a commencé sur des enjeux comme le contrôle du pétrole, qui aujourd’hui s’étendent sur les salaires, qui sont une ressource extrêmement importante pour les partis kurdes et qui aujourd’hui s’en retrouvent privés de ce moyen de contrôle », explique le chercheur. Le gouvernement kurde annonce qu’il transmettra prochainement la liste de tous ses fonctionnaires à l’Irak fédéral.

Le Kurdistan vend son pétrole au marché noir en passant par l’Iran

Le Kurdistan irakien vend son pétrole au marché noir en passant par l’Iran, selon un média indépendant local, preuves à l’appui.

Publié le : 13/11/2023 – 00:161 mn

Un employé vérifie les pipelines du champ pétrolifère de Bai Hassan, à l'ouest de Kirkouk, dans le nord de l'Irak, le 19 octobre 2017 (Image d'illustration).
Un employé vérifie les pipelines du champ pétrolifère de Bai Hassan, à l’ouest de Kirkouk, dans le nord de l’Irak, le 19 octobre 2017 (Image d’illustration). AFP – AHMAD AL-RUBAYE

Par : RFI

Avec notre correspondant à Erbil, Théo Renaudon

La région autonome irakienne a perdu la main sur sa productions de pétrole au profit de Bagdad au printemps 2023. Officiellement, les exportations sont stoppées faute d’accord entre le pouvoir de Bagdad et la Turquie. Pourtant, sur une vidéo du média kurde indépendant Draw, on voit des centaines de camions citernes en file indienne pour passer un poste frontière iranien. Ces images sont difficiles à authentifier, mais elles n’étonnent pas les observateurs.

https://youtube.com/watch?v=knPy4jQzBDU%3Fsi%3DX46-5GRtxCsqVgL3

Au Kurdistan, le pétrole représente toute l’économie et le blocage des exportations provoque une très grave crise financière. Depuis le printemps, les fonctionnaires sont payés en retard ou travaillent carrément gratuitement. Les autorités semblent donc avoir fait le choix de passer par le marché noir afin de renflouer les caisses. 

Agir ainsi est un savoir-faire kurde, selon le directeur du centre français de recherche sur l’Irak, Adel Bakawan : « De 1991 jusqu’à 2003, lorsque l’Irak était sous embargo, la région kurde a développé une tradition pour trouver une alternative à l’économie légale pour répondre aux besoins de la population ».

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