Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Article de Ziouganov à l’occasion du 300e anniversaire de l’Académie russe des sciences

La censure autour de tout ce qui concerne les réflexions de la majeure partie des publications des partis communistes et forces progressistes et qui règne depuis plus de trente ans dans notre pays et d’abord dans le PCF, la presse devenue de moins en moins communiste (sauf en cas de souscription et d’appel à abonnements), l’abandon de toute formation et une inculture dramatique en matière de théorie marxiste léniniste, interdit encore aujourd’hui que les communistes français puissent prendre connaissance de textes de ce type et d’autres de Ziouganov qui a toujours défendu des relations étroites avec la Chine, relations d’Etat et de parti, mais sans pour autant renoncer à des relations avec l’Europe. Et il utilise comme ici fréquemment l’Histoire. On peut être surpris de cette référence au philosophe très idéaliste Leibniz comme maître à penser de la “modernisation” russe représentée par Pierre le Grand et la tradition des “tsars éclairés”. Mais Ziouganov est rusé et il retourne l’élitisme, l’appel à l’étranger en spécificité du peuple russe révolutionnaire, c’est-à-dire comment faire que chaque génération puisse produire tous les Mozart, toutes les capacités jusqu’ci broyées avec le peuple. Cette vision fait songer à celle de Fidel Castro et elle est typiquement communiste, elle est, explique Ziouganov, à la base de l’URSS, elle est celle du plan Langevin Wallon, d’un Joliot Curie, d’un Aragon et de la démocratisation de la culture comme base de la souveraineté et de toutes les avant-gardes. Encore un effort camarades pour vous souvenir de ce qu’était être communiste dans le parti de Maurice Thorez et d’ouvrir le dialogue avec le KPRF (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/party-live/cknews/224132.html

Deux hommes de génie sont à l’origine de la création de l’Académie des sciences de Russie : l’empereur Pierre le Grand et le scientifique et penseur allemand Leibniz.

Leibniz n’était ni compris ni apprécié dans son pays – l’Académie de Berlin, dont il était le fondateur, n’a même pas été informée de sa mort, le fils du duc de Hanovre, devenu roi d’Angleterre, l’a insulté, Leibniz appelait Hanovre sa prison. Mais il appréciait Pierre I, qu’il connaissait personnellement : “Je suis surpris chez ce souverain autant par son humanité que par son savoir et la finesse de son jugement”. Et Pierre écoutait attentivement les conseils et les recommandations du grand scientifique. “Le patronage des sciences a toujours été mon principal objectif, mais il me manquait un grand monarque qui s’intéresserait suffisamment à cette question”, a déclaré Leibniz.

Et ce grand monarque, il l’a trouvé non pas dans “l’Europe éclairée”, mais dans la lointaine Russie. On a dit de Leibniz qu’il aimait regarder fleurir dans les jardins des autres les plantes dont il avait lui-même fourni les graines. Il n’a pas eu la chance de voir comment sa semence a été adoptée en Russie – il est mort avant la fondation de l’Académie russe des sciences – mais il a mis les graines entre les mains d’un jardinier sage et attentionné – Pierre le Grand.

Comment ne pas se souvenir de la célèbre formule “Les cadres décident de tout” (1) ? C’est pourquoi une université et un gymnase ont été créés au sein de l’Académie, précisément pour cultiver son personnel “dès le plus jeune âge”, qui remplacerait les académiciens étrangers. Et les académiciens étaient rémunérés non pas pour philosopher en vain, mais pour assurer le développement scientifique et technique de l’État.

Mais même Pierre, malgré tout son génie et son pouvoir autocratique, n’a pas pu résoudre un important problème systémique. Les statistiques montrent que la naissance d’enfants génétiquement dotés de talents et de capacités est uniformément répartie dans toutes les couches de la société. L’émergence d’un génie est tout aussi probable dans les familles de paysans que dans les familles de nobles – l’environnement et l’éducation prennent ensuite le relai. Il est donc dans l’intérêt du peuple et de l’État d’identifier un futur génie le plus tôt possible et de lui offrir des possibilités d’éducation, indépendamment de sa classe sociale et de sa situation financière.

C’est exactement l’approche qui a été mise en œuvre sous le régime soviétique. La génération plus âgée se souvient bien des énormes tirages de la série de “Dis-moi pourquoi”, destinés aux plus jeunes, dès le jardin d’enfants – “De quoi l’atome se compose”, “Comment les tissus sont tissés et les fils sont filés”, “Quel temps fera-t-il demain”, “Mathématiques amusantes” et bien d’autres. Presque partout, il y avait des cercles de fabrication de maquettes d’avions, et les cours commençaient par une familiarisation avec la loi découverte par l’un des premiers académiciens de l’Académie russe des sciences, Daniil Bernoulli, sur le vol des véhicules plus lourds que l’air. Chaque école disposait d’un site météorologique et les enfants apprenaient à tenir des carnets d’observation, à résumer et à analyser les données. Dans la cour de l’école, les jeunes naturalistes observent la croissance et le développement des plantes, mènent des expériences sur l’élevage. Les magazines “Jeune Naturaliste” et “Jeune Technicien”, et pour les enfants plus âgés, “Quantum”, éveillaient l’intérêt pour la science, la biologie et la technologie.

Pour sélectionner les plus doués, les magazines organisaient des concours et les commissions d’admission itinérantes des grandes universités passaient l’arrière-pays au peigne fin, afin de ne rater aucun talent. Pour les enfants les plus doués, les universités ont créé des écoles de physique et des internats pour ceux qui vivaient en province, afin de les préparer aux examens d’entrée.

Le culte de la connaissance s’est installé dans la société, il était prestigieux d’être physicien, mathématicien, biologiste, et non de divertir le public sur scène. Et, bien sûr, les universités acceptaient les étudiants en fonction de leurs capacités et de leurs talents, il n’était pas question de frais de scolarité, l’État accordait des bourses aux étudiants.

Comment ne pas comparer avec la fameuse “circulaire sur les enfants de cuisiniers” du ministère de l’éducation du 30 juin 1887 : “Les gymnases et les progymnases seront dispensés d’inscrire les enfants des cochers, des valets de pied, des cuisiniers, des blanchisseuses, des petits commerçants et autres personnes similaires, dont les enfants, à l’exception de ceux qui sont doués de capacités géniales, ne devraient pas du tout s’efforcer d’accéder à l’enseignement secondaire et supérieur” ? Et pour mettre en œuvre cette circulaire, les frais de scolarité ont été augmentés et les classes préparatoires supprimées.

Mais on peut affirmer avec certitude que c’est précisément à l’époque soviétique que la science russe est parvenue à ce vecteur de développement qui avait été défini par Pierre le Grand : le développement de la science pour le développement du pays, la recherche de talents et la formation d’un personnel scientifique propre. Comme l’a dit l’académicien Artsimovich, qui a été le premier au monde à réaliser une réaction thermonucléaire, lauréat des prix Staline et Lénine : “La science est dans la paume de l’État et est réchauffée par la chaleur de cette paume. Bien sûr, ce n’est pas de la charité, mais le résultat d’une compréhension claire de l’importance de la science”.

Et le résultat est la première place dans la création d’un cœur artificiel et d’un nouveau système de soins de santé, la première place dans l’espace et l’exploration de l’atome pacifique, les réactions en chaîne de Nikolaï Semionov et les hétérostructures de notre camarade Jaurès Alfiorov.

La redistribution des connaissances, de l’éducation et de la science “de manière libérale” par des “réformateurs” incultes a sans aucun doute causé un grand préjudice à la Russie elle-même et à la science académique. Mais ce n’est pas en vain que le poète a dit que la science a du tempérament et qu’elle n’a pas froid aux yeux – et je suis sûr qu’elle sera ravivée et qu’un système raisonnable d’éducation et de formation sera mis en place, ainsi que la science académique.

Et le groupe parlementaire du KPRF à la Douma d’État et tous les communistes de Russie y travaillent.

(1) “Les cadres décident de tout” est une citation de Staline qui signifie en fait que le facteur humain est essentiel, qu’il est essentiel d’avoir des cadres, du personnel d’encadrement qualifié et compétent (et aussi de la main d’œuvre qualifiée). En russe “отдел кадров” (mot-à-mot la “section des cadres”) signifie “les ressources humaines”.

Cette citation, mal traduite et mal comprise, a été maintes fois utilisée pour taxer Staline d’autoritarisme, etc.

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