Puisque nous en sommes à dire “morts aux vieux” comme argument de libération, il est utile de rappeler que le fait qu’un tel slogan puisse être considéré comme révolutionnaire a des racines qui le sont beaucoup moins et qui sont en réalité contrerévolutionnaires. La tonalité des idées reçues en 2023, devient qu’être révolutionnaire c’est s’en prendre aux vieux qui occupent les postes. Tout cela devient un déballage qui nuit aux femmes. Cela commence déjà et la réaction triomphera, le bon sens deviendra l’asservissement des femmes. En 1993, comme le disait une des nombreuses intervenantes sur les plateaux, c’était l’époque où on déboulonnait les statues de Lénine, ce qu’elle juge un progrès et les références se multiplient y compris aux opinions politiques de Gégé. Il y a eu destruction des syndicats et du parti communiste. Les coupables, j’en suis convaincue, ne sont pas les femmes qui doivent mener un combat y compris professionnel mais ceux qui les ont privées de syndicats et de partis politiques. La “gôche” mitterrandienne avec strass et paillette de Jack Lang porte une lourde responsabilité dans cette affaire. J’affirme que sans mettre à nu ce qu’ont été ces dix ans-là, on ne peut pas comprendre jusqu’où va “la débâcle” politique… Et j’ai la faiblesse de penser que le féminisme est une grande question politique qui ne concerne pas la moitié seulement de l’humanité.
A cette époque, en 1993, il reste Godard qui dans Hélas pour moi, déclare : avec les communistes j’irai jusqu’à la mort mais pas au-delà… C’est le temps des courtisans, et ce qui va avec celui des voyous et Depardieu retrouve spontanément ce langage qui lui est naturel. Ce temps-là, qui est déjà complètement has been visiblement est encore celui dans lequel vit le tout petit monde du septième art aujourd’hui et probablement quelques lieux de travail des diplômés, et profession “artistiques”… Enfin celui qui sous ses airs d’indigné pratique le politiquement correct. Rappelez-vous le scandale qu’a été l’intervention de Justine Trier la lauréate de la palme à Cannes quand elle a adopté une position syndicale pour la réforme des retraites… Aujourd’hui il est tellement plus politiquement correct de patauger dans ce que le président Macron a désigné comme le leurre du moment.
Donc qu’est ce qui a commencé en 1993, ils ont commencé à s’insulter face à ce qu’ils étaient en train de devenir… chacun cherchant dans l’autre le spectacle de sa propre veulerie… Mais le fond était qu’ils étaient des marchandises dont l’emballage seul comptait et que dans ce système certains n’avaient plus rien à dire. Mais on trouve probablement cela dans tous les systèmes d’autoexploitation des “managers”.
En 1993, Gérard Depardieu joue dans Hélas pour moi. Ce film s’inspire de la légende d’Alcmène et d’Amphitryon et s’attache à montrer le désir d’un dieu. À savoir par où commence l’amour, là où il se passe et comment finalement naît la création. Sujet on en conviendra d’une grande actualité mais que Godard commence à avoir du mal à traiter tant les temps sont difficiles. Dès le début de l’interview-fleuve qu’il donne à So Film, le réalisateur Godard en prend pour son grade : “Godard, lui, il peut aller se frotter“, dit Gérard Depardieu en parlant des mises en scène de grands réalisateurs. “Il fait le prof. Il filme les livres. Il dit carrément que les gens sont cons. Très bien. Sauf que moi, quand il me passe ses machins (dans Hélas pour moi), je lui dis : ‘T’as pas les couilles, connard. Tu joues au ping-pong avec des nanas à poil devant toi, mais ça ne te fait pas gourdiner.” Le ton est donné. Et continuera de plus belle : “J’en ai rien à foutre de Godard. Simplement, tu me parles du cinéma. Godard, ce n’est pas du cinéma, c’est un professeur.” Quand il parle de 7e Art, Gérard Depardieu ne mâche pas ses mots et il a une conception toute personnelle du cinéma, pendant tout un temps ça leur convient, il dit à peu près tout ce que les autres taisent avec des relents de populisme devenus esthétisme. Il n’a pas tort, il n’a pas raison, il fait avec ce qu’il a comme tout le monde.
Il est allé très loin dans l’adhésion à la veulerie de l’époque, présent en couverture du magazine Télérama, Gérard Depardieu aborde en pages intérieures de la revue différents aspects de sa vie : son rôle dans Welcome to New York, librement inspiré de l’affaire DSK, ses excès, comme l’alcool, qu’il ne touche plus depuis cinq mois, et, bien sûr, le cinéma. Sincère, il est aussi cinglant et ne mâche pas ses mots lorsqu’un sujet lui tient à coeur.
Gérard Depardieu a quitté l’école à 13 ans et il en a été complexé jusqu’à 55 ans. A cet âge, il est soudainement devenu heureux de n’être jamais allé au lycée et de “ne pas y avoir été formaté“. Il lit beaucoup – “même si ça m’est encore difficile car je lis comme un paysan qui n’a pas étudié à l’école” -, et sort moins, voit moins de gens, devient sauvage. Il ne s’épargne pas : “Déjà, je ne me supporte pas physiquement, je déteste me regarder. Mais se sont les autres surtout qui vous donnent des complexes. D’autant que j’ai toujours dû pratiquer les stratégies de survie. Petit, il m’a fallu empêcher ma mère de quitter la maison et le couple d’éclater. Nous étions pauvres. A 12 ans, en trafiquant les stocks de l’armée américaine basée à Châteauroux, je gagnais déjà plus d’argent que mes parents ; je les aidais. Notre histoire familiale était compliquée. Et mes feues grands-mères berrichonnes étaient un peu sorcières, l’une rebouteuse, l’autre pansait les plaies.“
Cash avec lui-même, Gérard Depardieu est un électron libre qui dit tout ce qu’il pense, sur le cinéma français aussi : “Les films que je vois sont des ‘dramatiques télé’ [sic] des années 1980 ou de fausses comédies où tout le monde fait la gueule. Pour faire 5 millions d’entrées, il faut désormais faire une comédie raciste sur la frontière belge… Le cinéma français est dirigé par des HEC ou des énarques qui ont oublié le sens du récit. Oseraient-ils produire Kurosawa ou Bunuel aujourd’hui ?“, clame l’acteur des Invincibles. Il vise manifestement par ces mots ici le film Rien à déclarer de et avec Dany Boon. Une comédie avec Benoît Poelvoorde qui a attiré 8 millions de spectateurs et qui raconte les conflits de deux douaniers, l’un belge, l’autre français, à l’heure du marché unique européen.
Si cet état du 7e Art français selon Depardieu n’est pas glorieux, l’acteur a un beau projet : “Je suis quand même heureux de tourner le prochain film d’Abdellatif Kechiche [La Vie d’Adèle], parce que c’est un passionné. Il veut raconter l’histoire de deux garçons arabes, je jouerai peut-être mon propre personnage. Je ne sais pas encore. Sauf que s’il me fait faire vingt-cinq prises comme il en a l’habitude, je risque de me sentir souvent souffrant...” Le film en question est La Blessure, dont le tournage est prévu pour la fin du mois d’août en Tunisie, précise Le Parisien. Il s’agit de l’adaptation du roman de François Bégaudeau, qui raconte l’été d’un adolescent de 15 ans.
Mais revenons-en à 1993 et à son affrontement avec Godard, pourquoi a-t-il tourné avec lui ? Gérard Depardieu répond du tac au tac : “Parce que c’est lui qui me l’a demandé.” De cette collaboration visiblement peu joyeuse, il aura eu un plaisir, celui que lui avoir fait extrêmement peur : “Je l’ai bloqué sur un pont à Nyon. Il ne restait plus que lui et moi. […] Je l’ai bloqué une heure et demie sur le ponton. Je lui ai dit : ‘Tu passeras pas.’ Il me dit [il imite Godard] : ‘Mais pourquoi ?’ Parce que t’es un con. Parce que tu as fait du mal à mon ami Roland Blanche [qui jouait dans Hélas pour moi]. Et ça, je tolère pas. […] Moi, je ne suis pas Delon, je ne suis pas machin, j’en ai rien à foutre. Tu vois, je suis là, devant toi, et je te dis : tu ne passeras pas. Là, t’as pas de livre, t’as rien, il n’y a que toi. Toi et ton putain de pognon de ta famille. Avant, t’avais encore quelques couilles, maintenant, t’en as plus. T’as même pas les couilles de me dire vraiment les choses en face. T’es obligé de passer par tes complices comme Alain Sarde qui te donnent 7 millions de francs pour faire un film. Et après, tu ramènes ta conscience en disant : ‘Mais pourquoi est-ce que j’ai pris tout ça alors que j’ai rien à montrer ?“
Et si Joey Starr avait dit le plus grand bien de son partenaire dans La Marque des anges, Gérard Depardieu est moins tendre quand il explique ses motivations : “Ce n’était pas comme Joey Starr qui va battre un singe ou qui va casser les couilles d’une hôtesse de l’air. Moi ce n’était pas ça. Je n’avais rien à prouver.“
Moins virulent, mais pas très classe, le comportement de Gérard Depardieu a marqué Laetitia Casta. C’est en tout cas ce que raconte Pitof. S’il l’a dirigé dans Vidocq, il racontera néanmoins une anecdote sur Gérard Depardieu sur le tournage d’Astérix et Obélix contre César [Pitof a collaboré sur les effets spéciaux du film] : “Sur le premier Astérix, il y avait Laetitia Casta. C’était son premier film, elle était toute gentille, toute mignonne. Durant les essais, il y avait des plans avec elle et Gérard… A un moment, elle vient nous voir, elle nous dit : ‘Putain, j’ai peur, il y a Gérard qui est rentré dans ma loge en slip, il a pété, il est reparti !’ Elle était terrorisée.”
C’est insupportable mais ça va avec le reste … comme tout le reste et c’est de cela qu’il faudrait parler enfin c’est ce qu’une vieillarde qui a déjà trouvé mai 68 par certains côtés un maïdan, une révolution de couleur qui a abouti au plus corrompu des régimes, celui de Mitterrand qui a tout de même réussi à nous imposer le néo libéralisme qui devait être infligé dans le sang et la torture en Amérique latine… Au Chili, en Argentine… Il serait temps que les has been, vieux enfants à maman qui hantent les couloirs se rendent compte que nous sommes rentrés dans des temps nouveaux et que leurs crêpages de chignon appartiennent à une époque qui date de l’ère Mitterrand.
Danielle Bleitrach
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