Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’OTAN et la catastrophe nucléaire programmée

20 OCTOBRE 2023

Quand on regarde le monde du point de vue de la Chine et même de la Russie, on se dit que toute cette agitation otanesque va bien finir par s’écrouler et que nous allons émerger de ce bellicisme de la chute de notre “suprématie”… Mais quand on est au cœur de cette logique et qu’on la finance en alimentant la paranoïa collective qui l’alimente, on voudrait bien que ça s’arrête, sans avoir les moyens d’agir en ce sens. Parce que tout cela se poursuit et le 16 octobre au cœur des guerres “chaudes” d’Ukraine et de Gaza, l’alliance atlantique a commencé ses manœuvres nucléaires qui impliquent des forces aériennes de 13 pays, l’« exercice » d’avions de combat et de B-52 américains, elles dureront jusqu’au 26 octobre et rugiront au-dessus de l’Italie, de la Croatie et de la Méditerranée orientale – non loin de deux groupes tactiques de porte-avions se dirigeant vers la guerre pour ceux qui voudraient s’évader de la prison de la bande de Gaza.(note et traduction de Danielle Bleitrach pour hstoireetsociete)

PAR JOHN LAFORGE Facebook (en anglais seulementSur RedditMessagerie électroniqueImage d’un avion de l’OTAN.

Image d’Artur Voznenko.

La direction obstinée de l’OTAN, c’est une catastrophe imminente sans moyen de la conjurer

Le 16 octobre, au cours de la guerre chaude nucléaire en Ukraine, l’alliance a commencé sa répétition annuelle d’attaque nucléaire baptisée « Steadfast Noon ». Cette pratique implique des forces aériennes de 13 pays, l’« exercice » d’avions de combat et de B-52 américains, elle dure jusqu’au 26 octobre et rugira au-dessus de l’Italie, de la Croatie et de la Méditerranée orientale – non loin de deux groupes tactiques de porte-avions se dirigeant vers la guerre pour ceux qui voudraient s’évader de la prison de la bande de Gaza.

Une centaine de personnes ont participé à une manifestation le 14 octobre devant la base aérienne de Nörvenich, en Allemagne, pour demander l’annulation de la répétition, en vain.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a naturellement déclaré : « Notre exercice contribuera à assurer la crédibilité, l’efficacité et la sécurité de notre force de dissuasion nucléaire. » Il s’agit d’un discours astucieux sur les menaces d’attaques nucléaires, des menaces qui se distinguent à peine des avertissements verbaux de la Russie. M. Stoltenberg a osé ajouter : « L’objectif fondamental de la capacité nucléaire de l’OTAN est de préserver la paix, d’empêcher la coercition et de dissuader l’agression. »

Consciente que cet objectif fondamental a été réfuté et évaporé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’OTAN pratique des attaques nucléaires. Steadfast Noon est un jeu de rôle pour les pilotes, un essai pour tester les préparatifs en classe effectués à la branche allemande du collège nucléaire de l’armée de l’air américaine sur la base aérienne de Ramstein. Selon le site Web de l’AFNC, l’école « est responsable de la livraison, du maintien et du soutien des systèmes d’armes nucléaires largués par voie aérienne pour nos combattants… tous les jours. (https://cs3.eis.af.mil/sites/OO-AQ-MC-95/default.aspx) Certaines de ces armes nucléaires larguées par voie aérienne sont les bombes à gravité à chute libre américaines « B61 » stationnées en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique et en Turquie.

Un cours du Nuclear College intitulé « Opération nucléaire de théâtre » a été décrit de cette façon (avant que la page ne soit retirée) : « [Un] cours de 4,5 jours qui fournit une formation aux planificateurs, au personnel de soutien, aux cibleurs et aux planificateurs nucléaires du personnel pour les opérations conjointes et le ciblage. » Une autre classe est censée fournir : « la compétence dans l’importation et la création de modèles de cibles, l’élaboration de plans d’attaque utilisant des armes conventionnelles ou nucléaires, l’évaluation des conséquences des scénarios d’armes de destruction massive ».

Si vous imaginiez qu’une guerre nucléaire est impensable, cette école affirme que ses élèves pilotes d’avions de chasse « seront en mesure d’importer, d’éditer et de modifier des sites cibles » ; « calculer des attaques probabilistes contre des cibles prédéfinies ; [et] « Élaborer des plans d’attaque utilisant des armes conventionnelles ou nucléaires. »

Ces B61 ne sont que les armes nucléaires américaines les plus proches de Moscou. Ajoutez à cela les armes thermonucléaires françaises, britanniques et américaines sur les sous-marins, les missiles à longue portée et les bombardiers (les totaux sont d’environ 5244 américains, 225 britanniques et 290 français).

Lors de la manifestation à Nörvenich, Ludo De Brabander, du groupe pacifiste belge La Paix Maintenant, a parlé des 10 à 20 B61 stationnés à la base aérienne de Kleine Brogel en Belgique. « Ces bombes seront bientôt remplacées par de nouvelles bombes nucléaires B61-12 », a-t-il déclaré. En raison de leur « précision » et de leur « faible rendement », ces armes nucléaires sont considérées comme « opérationnelles », abaissant le seuil d’une guerre nucléaire. Tout cela se passe sans aucune explication officielle ni débat public.

Le concept d’idées suicidaires s’applique à la planification résolue ou au lancement effectif d’attaques à l’arme nucléaire. Daniel Ellsberg, dans Things That Can and Cannot Be Say (Haymarket Books 2016), a déclaré : « Nos estimations privées et top secrètes étaient que nous tuerions tous les Européens, cent millions d’Européens, sans qu’une seule ogive américaine ou soviétique n’atterrisse sur l’Europe occidentale. Rien qu’à partir des retombées des attaques, nous avions planifié la Russie et l’Europe de l’Est. Cent millions.

Steadfast Noon n’est donc pas seulement un langage codé ou des relations publiques. Il s’agit d’une opération psychologique à grande échelle destinée à nous apprendre à prétendre que les attaques nucléaires peuvent faire du bien. Bien sûr, si les tempêtes nucléaires pouvaient sauver des vies et mettre fin à la guerre – comme le dit la mythologie américaine à propos du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki – alors le Pentagone les aurait utilisées contre la Corée, le Vietnam, l’Afghanistan ou l’Irak. Les gens adorent se faire avoir.

John LaForge est co-directeur de Nukewatch, un groupe de paix et de justice environnementale dans le Wisconsin, et édite son bulletin d’information.

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1 Commentaire

  • Vincent
    Vincent

    Les bombes B61-12 ont une tête réglable qui permet de choisir entre 4 niveaux de puissances d’explosion différents.
    Il est très important de préciser et d’intégrer qu’elles ne sont pas simplement gravitationnelles comme l’étaient les B61, mais propulsées :
    Pas besoin par exemple, pour le F35 (monomoteur : les allemands qui aiment manger leurs chapeaux exigeaient jusque là que les avions vecteurs de nucléaire tactique soient bimoteurs pour des raisons de sécurité…) qui la larguerait, de franchir l’espace aérien russe…
    Pratique, hein ?!
    Soulignons que le développement de cette bombe désormais déployée partout en Europe (merci bien !) qui modifie gravement la doctrine d’engagement étasunienne en en faisant une arme “de théâtre” dont on considère qu’elle est utilisable sans s’engager jusqu’au seuil stratégique, a été décidé par le Nobel de la Paix et super-héros progressiste Obama.
    Enfin, ayons à l’esprit que la diplomatie étasunienne a annoncé que si ses forces étaient frappées par des missiles hypersoniques munis de charges conventionnelles, sa réponse sera nucléaire.
    L’Oncle Sam est donc le sympathique psychopathe qui régente via l’OTAN la “Sécurité”du continent européen pour le plus grand bien de tous. N’est-ce pas ?
    La question c’est comment diable le public, les électeurs, peuvent être rendus aussi aveugles que stupides !??!

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