Les folies politiques françaises sont telles que l’on est invité à se ranger soit dans le consensus derrière Biden soit ce qui revient au même être invité à s’identifier au Hamas. Soit à cautionner le racisme anti-palestinien de l’extrême-droite israélienne, soit l’antisémitisme du d’extrême-droite du Hamas. Les seuls qui pourraient avoir une vision originale, les communistes sont pris dans la gangue de trente ans de subordination à ces gens là, à cette “gauche”, ils doivent accélérer leur autonomie politique et arrêter de subir jusque dans leur direction cette incapacité à voir un monde en plein bouleversement avec ses avancées et ses résistances héroïques, arrêter de craindre d’être ce qu’ils sont… Les communistes ont un rôle unique à jouer celui de la vie contre la mort(note de danielle Bleitrach dans histoireetsociete)
Ce sont des voix minoritaires mais précieuses. Dans un pays traumatisé par les attaques du Hamas, où l’esprit de revanche, voire de vengeance, anime le sommet de l’État et les profondeurs de la société, les pacifistes tentent encore de se faire entendre.
19 octobre 202
TelTel-Aviv (Israël).– « Je pleure tout le temps. Tous les jours. Mais je ne pleure pas seulement pour mes parents, même si peu d’enfants ont autant aimé leurs parents que moi. Je pleure parce qu’il faut arrêter immédiatement cette guerre, cesser la spirale sanguinaire et le cycle des tueries. »
Voix brisée mais à propos cristallin, Maoz Inon a vu sa vie partir en miettes le 7 octobre dernier. Bilha et Yakovi Inon, ses parents septuagénaires, sont morts, brûlés vifs, lorsque des combattants du Hamas ont incendié la petite maison de bois où ils vivaient dans le village de Netiv HaAsara, à quelques encablures du poste-frontière d’Erez, au nord de Gaza.
« La seule chose qui m’apporte un peu de consolation, c’est qu’ils sont morts comme ils ont vécu : ensemble. Et la chose don’t je suis certain, c’est qu’ils n’auraient en aucun cas voulu être vengés. »
Netiv HaAsara est la municipalité le plus proche de la bordure de béton et de métal entourant Gaza : à peine quelques centaines de mètres. Mais le moshav se situe aussi à seulement 60 kilomètres de Tel-Aviv, tant l’échelle du territoire où se joue aujourd’hui une part de l’avenir du monde est réduite. Et lorsque ses parents se sont installés dans Netiv HaAsara il y a plus d’une trentaine d’années, la circulation entre Gaza et le reste d’Israël était libre…
« À cette époque, poursuit-il, mes parents voyaient régulièrement des amis palestiniens. Et beaucoup de gens de Gaza venaient travailler dans les vergers de Netiv HaAsara. Mon père était très lié avec les Bédouins du Néguev. Depuis une semaine, je n’ai pas cessé de recevoir des messages de condoléances venant d’eux. »
Bilha et Yakovi Inon. © Photo DR / Famille Inon
Maoz Inon est un entrepreneur à la fibre sociale, issu d’une famille d’ouvriers et d’agriculteurs, qui a notamment cofondé les trois hôtels Abraham, situés à Jérusalem, Tel-Aviv et Eilat : des lieux qui cherchent à faire découvrir aux voyageurs et voyageuses non seulement les sites touristiques du pays, mais aussi les différentes composantes de la société israélienne, sans oblitérer le sort des Palestinien·nes. En ce moment, ses hôtels sont mis à disposition des 500 000 israélien·nes évacué·es du nord et du sud du pays.
Ne partage-t-il pas, néanmoins, la volonté d’éradiquer le Hamas après ce qu’il a fait ? « Mais la seule manière d’éliminer le Hamas, c’est de donner de l’espoir !, répond-il immédiatement. L’espoir est la seule arme véritablement efficace dont nous disposons. Et cet espoir ne peut se fonder que sur le principe d’une terre et d’une société partagées : un principe que je défends depuis 25 ans. »
« Vous savez, enchaîne-t-il, je ne suis pas un intellectuel, je n’ai même pas le bac, mais la seule chose qui me permet de ne pas m’effondrer dans cette période obscure,c’est de regarder l’histoire. La relation actuelle entre la France et l’Allemagne aurait-elle été seulement imaginable en 1945 ? Qui aurait pu croire qu’en ce moment même des Israéliens aillent trouver refuge à Berlin ? »
Il n’est pas nécessaire de lui poser la question pour qu’il poursuive. « Je sens que vous me trouvez naïf. Mais je ne suis pas naïf, même si je crois à la force de l’optimisme. La vraie naïveté est de penser qu’on va régler quoi que ce soit en faisant la guerre. »
Comment, alors, éviter le « cap au pire » ? « Je ne suis pas un politicien, répond Maoz. Mais l’urgence est de geler la situation. Construisons une coalition. Construisons une stratégie. Mais n’attendons pas davantage de morts et de douleurs. Nous avons suffisamment eu notre lot des deux côtés. Il me semble possible que chacun reconnaisse la peine de l’autre et ait pitié. Je pense être fidèle à mes parents en implorant le monde de nous aider à faire la paix. »
Le camp de la paix décimé
Avner Gvaryahou dirige depuis peu l’organisation Breaking the Silence, composée d’anciens soldats s’opposant à l’occupation de la Cisjordanie et documentant les crimes commis par des colons ou des militaires à l’égard de Palestinien·nes.
Il marque une pause avant de s’exprimer. « Un des nôtres, Shahar Zemach, membre du kibboutz Be’eri, a été assassiné dans des conditions atroces le 7 octobre dernier. Depuis, je réfléchis en tentant de penser à ce que Shahar aurait pensé. Et je ne crois pas qu’il aurait voulu prendre sa revanche. Comme beaucoup de gens du Sud, c’était un homme de paix. »
Parmi les personnes massacrées ou kidnappées par le Hamas, plusieurs étaient des militantes et militants actifs politiquement, non seulement contre le gouvernement Nétanyahou, mais aussi dans le soutien au peuple palestinien.
Tel Hayim Katzman, qui avait témoigné pour Breaking the Silence et faisait partie des rares Israélien·nes engagé·es dans la défense de Masafar Yatta, un ensemble de hameaux situés dans les collines de Hébron dont les habitantes et habitants en sont réduits, à cause de l’armée israélienne, à vivre dans des grottes.
Ou bien Vivian Silver, disparue et présumée otage. Cette Israélienne d’origine canadienne est une figure majeure du camp de la paix en Israël. Bénévole pour Road to Recovery, elle se rendait à Gaza plusieurs fois par semaine pour aller chercher des Palestiniens et Palestiniennes ayant besoin de soins médicaux, à commencer par les chimiothérapies, et les emmener dans des hôpitaux de Tel-Aviv ou de Jérusalem. En 2014, après une première guerre entre Israël et le Hamas, elle avait cofondé Women Wage Peace, un groupe de femmes issues de la société civile israélienne et palestinienne exigeant un accord de paix.
Le 4 octobre, trois jours avant l’attaque du Hamas, elle avait organisé et participé à une manifestation à Jérusalem rassemblant un millier de femmes palestiniennes et israéliennes pour revendiquer la paix et pousser à ce que des femmes prennent place à la table des négociations.
« La question qui se pose, poursuit Avner Gvaryahou, c’est de savoir comment s’accrocher à notre humanité alors que des actes inhumains ont été commis. Il est évident que le 7 octobre a tout bouleversé. Mais c’est précisément parce que nos valeurs ont été éventrées ce jour-là qu’il faut qu’elles restent notre boussole. À cette aune, il est évident que rien de bon ne peut venir d’une réponse simplement militaire ou seulement fondée sur la force. Le débouché ne peut être que politique. »
En tant qu’ancien soldat, il revendique « le droit d’Israël à se défendre ». « Sans même parler du fait que nous avons tous aujourd’hui des amis et des membres de notre famille sur le front, précise-t-il. Mais, une fois reconnue l’ampleur des crimes du Hamas, il est possible de dire que ce gouvernement a, en termes de sécurité, donné la priorité aux colons de Cisjordanie sur la protection de la frontière avec Gaza. »
Certains, dans ce gouvernement, veulent capitaliser sur ce moment où nous n’avons même pas fini […] de pleurer nos morts.
Avner Gvaryahou, directeur de Breaking the Silence
Beaucoup rappellent qu’une partie des soldats normalement présents près de Gaza avaient été réquisitionnés pour protéger des colons désireux d’organiser, vendredi 6 octobre, une fête de Souccot à Huwara, bourgade palestinienne proche de Naplouse, devenue l’épicentre des tensions en Cisjordanie depuis le début de l’année.
« Sur ce point, il est fondamental d’être parfaitement clair,poursuit Avner Gvaryahou. La responsabilité des meurtres reste sur les mains des meurtriers. Et tout être doté d’humanité ne peut excuser les atrocités commises. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas, aussi, une faute de ce gouvernement, qui a concentré son énergie et nos militaires en Cisjordanie occupée. »
Le danger, juge toutefois le directeur de Breaking the Silence, est que « certains, dans ce gouvernement veulent capitaliser sur ce moment où [les Israéliens n’ont] même pas fini d’identifier, d’enterrer et de pleurer [leurs] morts. Ils cherchent à profiter du choc pour faire avancer leur agenda qui consiste à coloniser toujours plus et établir un État d’apartheid du Jourdain à la mer, voire reconquérir Gaza. Depuis le 7 octobre, il y a eu en Cisjordanie des dizaines de Palestiniens tués, des gens agressés, d’autres expulsés de leur terre ».
Guy Hirschfeld, l’un des fondateurs de l’organisation Mistaclim LaKibush Ba’Aynayim (que l’on peut traduire littéralement par « Regarder l’occupation les yeux dans les yeux »), estime aussi que « l’extrême droite tente d’exploiter les atrocités du 7 octobre pour pousser son agenda ». « Il faut comprendre que nous sommes face à un gouvernement reposant sur d’authentiques fascistes qui se pensent missionnés directement par Dieu. Ils sont le miroir du Hamas. »
La gauche anti-occupation a-t-elle pour autant bien regardé le Hamas les yeux dans les yeux ou a-t-elle pu négliger la nature profondément intégriste, violente et haineuse de ce mouvement au nom du fait que ce dernier se présente comme l’incarnation de la résistance palestinienne face à une Autorité palestinienne délégitimée et corrompue ?
Pour Guy Hirschfeld, « ce qu’a fait le Hamas est inhumain ». « Je pense, précise-t-il, que les moyens employés abîment la cause qu’ils prétendent défendre. Mais cela n’invalide pas le fait que la résistance armée fait partie des outils à disposition des peuples qui se battent pour leur liberté et leur pays. C’est ce qu’ont fait Menahem Begin et Yithzak Shamir en 1947 et 1948 pour permettre la fondation d’Israël », en référence à deux anciens premiers ministres d’Israël ayant combattu les armes à la main la présence anglaiseen Palestine.
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