Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Retour de Chine, de Bruno Drweski (2/3)

Suite du passionnant reportage sur la Chine… Avec l’élucidation et la confirmation de la référence au marxisme dans la conduite des affaires internes aussi bien qu’internationales. (note de DB pour histoireetsociete)

http://www.reveilcommuniste.fr/2023/10/retour-de-chine-de-bruno-drweski-2/3.html

Après cette rencontre, nous sommes allés dîner avec la direction du département international. On remarquera qu’il nous avait été demandé de venir à la rencontre en cravate mais que quand le repas a commencé, le vice-directeur a retiré sa cravate, ce qui était le signe du fait que nous avons été reçus comme des officiels avant d’être admis comme des « amis ».

Lors du repas, un cadre du Parti répondant à la question de la guerre ou de la paix a déclaré « pourquoi y a-t-il des tensions autour de Taïwan alors que la Chine populaire a prouvé depuis des décennies qu’elle maintenait une politique pacifique dans la région ? » ce qui était une façon de montrer que ce sont les USA qui constituent là comme ailleurs le facteur de tensions et pas la Chine.

Séminaire avec la directrice de l’Institut d’économie de l’Académie de macro-économie et de recherches

La directrice Guo Chenli a d’emblée souligné que pour les Chinois l’économie était, dans son fonctionnement, « macro-logique » et qu’elle allait nous présenter cinq points caractéristiques de la politique économique chinoise :

1° La modernisation chinoise

2° Les théories économiques

3° l’expérience économique depuis 1978

4° les réalisations obtenues depuis 2013

5° la signification globale des résultats de la Chine

La Chine a essayé tous les systèmes politiques et économiques inventés en Occident avant 1949 mais aucun n’a marché et ce n’est qu’avec la proclamation de la République populaire de Chine que le pays a commencé à sortir de l’arriération et de la pauvreté. De 1949 à 1978, le pays a construit sous l’initiative du Parti et de l’État les bases nécessaires à sa sortie du sous-développement par l’industrialisation de tous les secteurs économiques. Après quoi, la Chine a été en état de passer au développement qualitatif de ses forces productives dans le cadre de la politique de l’économie socialiste de marché et de l’ouverture. En 2012, le Congrès du Parti a lancé la nouvelle stratégie sous la direction de Xi Jinping et le XXe congrès de 2022 a lancé le projet d’unir le peuple dans la construction d’un pays socialiste moderne, objectif qui devrait être accompli en 2049 pour le centième anniversaire de la RPC.

La politique de modernisation socialiste prend en compte la situation générale et les spécificités chinoises. Il y a cinq caractéristiques distinctes :

1. La politique de modernisation se réalise dans le cadre d’un pays ayant un nombre gigantesque d’habitants,

2. Le principe de base est d’arriver à une « prospérité commune », sur la base de l’équité et de la justice,

3. Il faut mener une avancée simultanée dans les domaines à la fois matériels et spirituels. Renforcer la foi dans les objectifs du socialisme et tenir compte des traditions chinoises,

4. Progresser en faisant coexister pacifiquement l’homme et la nature par un développement soutenable. Atteindre la prospérité pour tous et pour l’équilibre environnemental,

5. Le développement de la Chine doit être pacifique, ce qui veut dire qu’il doit être assuré sans aller piller les pays étrangers comme l’ont fait les colonialistes. La Chine doit apporter sa contribution au développement du monde entier.

– Mettre le socialisme en avant

– Assurer un développement partagé pour l’humanité

– Atteindre l’objectif d’un pays socialiste moderne et fort entre 2021 et 2049 ; atteindre en 2025 un niveau de modernisation modéré et passer à partir de 2025 à la construction d’un pays socialiste, prospère, démocratique, harmonieux et beau.

– Garder le rôle dirigeant du Parti et l’esprit de lutte.

Secteur par secteur, étape par étape, région par région, il faut lancer des innovations qui pourront ensuite être reproduites dans d’autres parties du pays. Savoir mener le développement en tenant compte de la tactique et de la stratégie. La stratégie générale est adoptée par la Conférence consultative politique du peuple chinois (assemblée du PCC, des autres partis politiques chinois et des organisations de masse) et la tactique doit être flexible et adaptée aux niveaux locaux.

Équité et efficacité. L’augmentation de la productivité doit donner des résultats bénéfiques et perceptible pour tous.

Indépendance et ouverture dans le cadre de la division internationale du travail.

Servir le peuple et mettre toujours le peuple en avant !

Les innovations théoriques doivent être basées sur la pratique, sur une politique basée sur les réalités et qui ne copie pas passivement l’analyse marxiste arrivant de l’étranger sans tenir compte des spécificités chinoises. Développement coordonné, prospérité commune et empêcher la polarisation de la richesse.

La politique de réforme et d’ouverture se base sur des accords de libre échange (il y en a 93 actuellement), la création de zones franches et le développement du projet « une ceinture, une route » BRI.

S’appuyer sur la confiance et le courage de tous les groupes ethniques du pays.

La Chine a développé une économie efficace et productive soucieuse non plus seulement de la quantité mais aussi de la qualité. Aujourd’hui, le secteur des services représente 52,8 % de l’activité économique et il est donc devenu le principal moteur de l’économie, en particulier grâce aux innovations. L’industrie s’oriente de plus en plus vers la haute technologie, les équipements et l’industrie manufacturière. La structure de consommation s’oriente de plus en plus vers la satisfaction des besoins du marché intérieur. Le PIB est passé d’un facteur 1 à un facteur 20 depuis 1978. La Chine contribue à hauteur de 18,4% au PIB mondial. Le productivité du travail augmente encore plus vite que le PIB.

Soucis pour l’amélioration constante du bien être social, des services publics, de la culture et de la sécurité sociale. L’espérance de vie en Chine a atteint 72 ans en 2022, ce qui donne à la modernisation chinoise un rôle mondial et l’apport du Parti communiste chinois au développement de la civilisation mondiale est basé sur une politique de développement prenant le peuple comme point central de référence.

Question des invités : Quels sont les principaux obstacles rencontrés à l’étranger ?

– La situation internationale est redevenue complexe et nous devons tenter de maintenir la stabilité et nous concentrer sur notre propre développement.

Question des invités : Pourquoi utiliser la notion de PIB sans inclure la notion de PPP qui, pour la Chine, est bien plus élevé que le simple PIB ? Et pourquoi continuer à communiquer les statistiques en fonction du taux de change du dollar ? Comment résoudre les inégalités ? Votre croissance est-elle due au capitalisme ou au socialisme ?

– L’évaluation par le PIB dans le cas chinois est beaucoup plus signifiante que dans d’autres pays car notre économie est basée sur une production réelle. Notre politique a permis d’éradiquer la grande pauvreté et de diminuer les écarts entre la ville et la campagne, entre les régions et entre les revenus, par le biais de transferts d’investissements, d’amélioration des infrastructures et d’aides directes. La poursuite de l’urbanisation, l’intégration entre les zones rurales et les villes environnantes, la construction de nouvelles infrastructures dans les zones rurales devraient continuer à réduire la polarisation. Par ailleurs, nous avons un système fiscal progressif, une assurance sociale et un système d’aides pour les plus pauvres, en particulier au cours de la période des restrictions dues au covid. Tout cela contribue à diminuer les différences mais nous devons introduire toutes ces mesures de façon telle que cela ne provoque pas en retour un développement de la paresse.

Pour ce qui est du marxisme, les politiques du PCC sur les questions propriété et de distribution montrent que le PCC est strictement marxiste. En Chine, c’est la propriété publique qui est dominante et elle joue également un rôle indirect par le biais des propriétés mixtes qui permettent d’insérer l’économie privée au sein des mécanismes de l’économie publique. Tous les secteurs stratégiques en Chine appartiennent à l’État et le système de distribution est bâti en fonction du travail, de la protection des droits des travailleurs et de la redistribution de la richesse. Il y a interaction entre le plan et le marché.

Jiang Yigao (Chinese Civil Engineering Construction corp. Entreprise née en 1979, au tout début de la politique d’ouverture). Elle possède 111 filiales dans le monde entier avec 38 000 employés. Construction, design, consulting, financements, investissements, chemins de fer. Elle a formé 31 000 employés dans les pays où elle est présente. Construction de chemins de fer en Afrique, d’une université au Nigeria, etc. Elle a construit 9 000 km de chemins de fer à l’étranger (Afrique, EAU, Asie, etc). En Éthiopie la construction de la ligne de chemin de fer a permis la création le long de la ligne de 100 000 emplois et de six parcs industriels. Projets hydrauliques financés par la Banque africaine de développement, autoroutes, ponts, centres médicaux, logements, stades, aéroports, centrale d’énergie, tramways. La société est aussi présente en Europe, en particulier en Europe orientale et en Allemagne où elle construit des chemins de fer, des routes, organise le système de drainage des mines, des logements et des écoles, des formations. Elle s’est lancée en partenariat avec des Européens dans des projets en Afrique.

Contemporary World Magazine (édité par l’ID CPC www.ddsjcu.com) : pour la promotion d’un développement plus équitable en faveur des régions les plus pauvres. Pour la promotion du développement international. Appel à des contributeurs étrangers, chercheurs ou politiciens. Aujourd’hui, la situation internationale est devenue imprévisible. Promotion d’une version digitale du magazine qui atteint 7 millions d’abonnés.

Gao Yang : Il vient de revenir à Beijing après trois années passées dans la politique de développement régional au Xinjiang. Son intervention avait pour titre « Pour la promotion d’une communauté humaine d’avenir partagé ». Les gens de tous les pays réalisent que ce à quoi aspirent toutes les sociétés c’est l’abondance matérielle, la paix, la stabilité et la prospérité culturelle. Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de croissance, de sécurité et de civilisation, chaque aspect est complémentaire des autres et le tout se renforce mutuellement. Le Président Xi Jinping a en effet proposé en mars de cette année une initiative globale de civilisation, la troisième initiative globale donc qui vient compléter l’initiative du développement global et celle de sécurité globale. La croissance est à la base de la sécurité et de la civilisation. C’est seulement quand les pays prospèrent que la paix peut durer et la civilisation s’épanouir. Pour avoir la paix, il faut des gens bien nourris et bien habillés. Réciproquement, il ne peut y avoir de développement économique sans stabilité et sans sécurité.

Ces trois initiatives globales, qui mettent l’accent sur les enjeux fondamentaux dans un contexte de changement profonds et inédits dans le dernier siècle, tracent des chemins praticables pour qu’à l’échelle du monde se bâtisse une communauté humaine avec un futur partagé. Entrant dans une période de turbulence et de transformation, l’humanité a une fois de plus atteint un carrefour de l’histoire. Son futur dépend du choix de tous les peuples de par le monde. L’initiative de développement global (IDG) c’est d’abord l’aspiration et le besoin urgent, particulièrement pour les pays en voie de développement, d’une croissance économique plus rapide. Il faut résoudre le problème du développement inégal et impropre à l’intérieur même des nations et entre les nations. Pour toutes les question liées aux conflits, aux guerres, à la stabilité et à la paix, l’IDG met en évidence la voie pratique pour arriver à l’initiative globale de sécurité (IGS) qui consiste aussi à traiter les point chauds régionaux et les conflits géopolitiques. Le succès que la Chine a obtenu en réalisant la médiation entre l’Arabie saoudite et l’Iran ainsi que son engagement à promouvoir un accord politique dans la crise ukrainienne à travers des pourparlers de paix, sont des exemples de la façon dont nous adressons les dilemmes sécuritaires dans le cadre de l’IGS.

L’initiative globale de civilisation (IGC) vise quant à elle à achever l’unité dialectique basée sur ce qui rassemble les civilisations au-delà de leur diversité, en recherchant les points communs entre elles tout en respectant intégralement leurs identités propres. D’un côté l’ICG souligne l’importance pour chaque civilisation de bien cultiver son héritage unique, en maitrisant au mieux son histoire présente et passée, comme un miroir pour comprendre le présent et le futur. En même temps l’IGC appelle à un dialogue inter-civilisationnel et à des échanges soutenus de peuple à peuple afin de mieux se découvrir mutuellement et de nouer des liens d’amitié. Les outils du matérialisme dialectique et historique sous-tendent la vision des trois initiatives, révélant les lois qui gouvernent le développement de la société humaine et sa direction future. Le peuple y est toujours au centre. La civilisation chinoise a toujours prôné les liens de parenté entre toutes les créatures. Nous sommes à la veille d’une ère nouvelle pour toute l’humanité et cela pose la question de la guerre ou de la paix. Pour garantir la paix, il faut pouvoir imposer par la force la renonciation à la violence, ce qui permettra de déboucher sur une coexistence pacifique. Non pas sur la base d’une politique de force et de clash des civilisations mais sur la base d’un futur partagé. La Chine ne va jamais rechercher l’hégémonie car nous recherchons la paix et le développement, ce qui est à la fois notre intérêt et celui de toute l’humanité, il n’y a aucune contradiction entre les deux.

Question : la guerre contre la pauvreté, l’unité et la diversité, le bien et l’intérêt commun contre l’individualisme, tout cela entre en opposition avec la financiarisation de l’économie qui s’oppose à l’économie physique. Or qu’en est il de la spéculation immobilière en Chine ? Et pour l’Afrique, est-ce que la Chine ne contribue pas à l’endettement de ces pays ?

– La construction des infrastructures en Afrique aboutit à la diminution constante de la main-d’oeuvre chinoise au profit de la formation d’employés locaux réalisant des projets décidés par les Africains. La construction par les Chinois de centres de formation devrait aboutir au résultat d’avoir aujourd’hui dans les projets chinois en Afrique, un Chinois pour 15 locaux. Si cela n’a pas toujours été le cas, désormais embaucher un Chinois revient plus cher. Mieux vaut embaucher des locaux et les former. L’objectif de la Chine dans son aide au développement est à long terme, il s’agit d’investissements qui doivent créer un cercle vertueux entre la Chine et les pays partenaires. La Chine forme des étudiants étrangers, elle permet la création de parcs industriels le long des chemins de fer qu’elle construit et cette expérience a d’ailleurs été réutilisée en Chine même, au profit des régions les plus pauvres du pays.

Sur la question de la rentabilité des investissements en infrastructure : « si tu veux devenir riche, construis une route » dit le proverbe chinois. On ne doit pas considérer ce que rapporte un chemin de fer par exemple, par le seul revenu venant des tickets vendus ou du règlement des factures de transport de marchandises. La vente des billets couvre les coûts d’exploitation (coûts de fonctionnement au jour le jour : énergie, salaire des personnels), pas les coûts liés aux investissements initiaux (les voies, les matériels ferroviaires). Il faut prendre en compte les revenus qui dérivent de l’activité induite par l’existence même de ce moyen de transport, en particulier les activités générées au sein des parcs industriels le long du chemin de fer. Si les retombées pour l’économie du pays sont toutes prises en compte, on estime qu’un dollar investi dans le chemin de fer, crée 9 dollars d’activité induite.

Pour ce qui est du secteur immobilier, il faut d’abord noter le développement réel de ce secteur. L’intervenant lui-même mentionne qu’il est originaire de la campagne et qu’il a pu ainsi mieux mesurer l’amélioration réelle de la qualité de vie dans les campagnes. Il y a une crise en Occident mais il n’y a pas de crise en Chine. Suite à l’augmentation excessive des prix notamment dans les villes, la crise immobilière en Chine est le résultat du changement de politique décidé par les pouvoirs publics visant à provoquer un déclin relatif des investissements dans ce secteur. Le problème du secteur immobilier a été détecté par nous-mêmes et nous l’avons fait porter sur le dos des spéculateurs dans le but de diminuer l’importance de ce secteur et tout particulièrement de la partie de ce secteur orientée vers les plus riches. l’État a planifié cette « crise » qui a servi d’avertissement.

Visite des Archives nationales chinoises pour les publications et la culture

Un énorme complexe de bâtiments construits à flanc de montagne avec le gros des collections sous-terre. La partie visible est en partie ouverte aux visiteurs et a pour objet de montrer l’histoire de l’écrit en Chine. Chaque époque est traitée en montrant des œuvres de l’époque, choisies en fonction des priorités politiques actuelles. Montrant par exemple des documents anciens soulignant le caractère anciennement chinois de territoires contestés en mer de Chine, etc. Une importante section est dédiée aux études des œuvres du marxisme-léninisme sous le titre « La voie vers la vérité », une autre à la pensée de Mao Zedong puis d’autres aux théories de Deng Xiaoping, Jiang Zemin, Hu Jintao et Xi Jinping.

Soirée dans un grand centre commercial à ciel ouvert de Beijing

Nous y avons été amenés par trois employés de l’ID CPC qui aiment y venir. Musique rock chinoise avec refrains en anglais, look « mondialisé anglo-saxon ». Lieux de rencontre de jeunes « branchés » qui aiment boire de la bière locale « faite maison ». Je demande à l’une de nos accompagnatrices qu’elle me traduise le texte de la chanson (techniquement assez bien faite d’ailleurs), elle me répond que c’est une des chansons les plus populaires dans la jeunesse chinoise aujourd’hui mais qu’elle ne connaît pas les paroles.

Le lendemain, longue conversation avec une jeune employée de l’ID CPC qui connaît l’Europe. Elle parle de la jeunesse chinoise, du prix élevé des logements, des distances à parcourir entre son logement et son travail, du fait que les jeunes ne savent plus s’ils vivront mieux que leurs parents, que leurs parents avaient un avenir prévisible, que ce n’est plus le cas pour les jeunes et que la crise du covid a été un choc car ils ont soudainement compris que l’avenir n’était pas écrit d’avance. Globalement, elle pense que ses parents ont peut-être eu une vie meilleure qu’elle, que la jeunesse chinoise remet en avant par individualisme grandissant la centralité du travail comme valeur dominante en Chine et que le collectif et les entreprises devraient penser un peu plus aux intérêts des individus. Elle pense qu’avoir un enfant aujourd’hui ça coute cher à élever, à nourrir et à éduquer, que beaucoup de jeunes ne veulent pas avoir d’enfants car c’est une trop grande contrainte, et que s’ils en ont, ce sera rarement plus d’un enfant. Bref des questions qui ressemblent beaucoup à celles des jeunes des « classes moyennes » occidentales. Cela étant, elle nous dira par la suite très honnêtement qu’elle a demandé son adhésion au Parti « comme presque tous les jeunes des meilleures universités » par conformisme et parce que cela pouvait « un peu » aider dans sa carrière mais qu’après quelques années d’appartenance, de réunions de formation sur l’histoire du Parti et sa philosophie et de sessions de critiques et d’autocritiques visant à améliorer sa moralité et son comportement elle a été convaincue que le Parti était réellement là pour « servir le peuple » et qu’elle est contente de travailler à cette mission.

Visite de la Cité interdite, de la place Tien an Men et du Temple du Ciel

Visite de la cité interdite sous la pluie, un lieu très fréquenté par les touristes, d’une grande beauté, très bien entretenue, mais palais et temples assez vides car la plupart des pièces ont été emportées par le Kuomintang à Taïwan au moment de sa débâcle et de la libération de Beijing. Elles sont exposées à Taipei dans un immense musée du palais impérial bâti là-bas à cet effet… et qui prouve bien que Taïwan se considère comme chinoise et en est fière !

Les Chinois sont très fiers de leurs traditions mais la société semble en même temps très laïcisée, voire athéisée. Je constaterai tout au long de mon voyage que peu de Chinois comprennent ce qu’est la foi et la religiosité telle qu’elle peut être vue dans les pays de tradition monothéiste ou même dans les autres pays de tradition bouddhiste. J’ai noté un moment particulier. Lors de la visite du temple du Ciel, il y a une pierre sur laquelle l’empereur se plaçait chaque année pour accomplir une prière demandant de bonnes récoltes et où il était censé avoir alors le lien direct avec le ciel pour que sa prière soit exaucée. Une masse de touristes chinois se font photographier sur cette pierre et font des vœux au ciel. Cela ressemble plutôt à une rigolade qu’à un acte sérieux et je demande aux cadres du Parti pourquoi ils ne font pas comme eux et je reçois la réponse, « ce sont des superstitions, nous devons les combattre ». A ce moment là arrive un groupe organisé d’hommes et de femmes portant tous les mêmes chemises et un badge avec une étoile rouge, certains en plus un badge de Mao Zedong et certains même un troisième badge communiste. Et les uns après les autres, ils vont sur cette pierre en rigolant et en se faisant photographier. Je dis à la cadre qui venait de me parler des superstitions « Vous voyez, vous ne pouvez pas dire que eux ce ne sont pas des communistes et pourtant ils vont sur cette pierre comme les autres », ce à quoi elle me répond « ce ne sont visiblement pas de vrais communistes, tout au moins pas des cadres communistes ! On ne doit pas rigoler de la religion, on doit la traiter sérieusement et la combattre sérieusement ». Je lui demande alors si on peut être membre du PCC et croyant, elle me répond que non, les croyants peuvent adhérer aux autres partis politiques chinois associés au PCC mais ne peuvent pas adhérer au PCC. Les membres du Parti communiste peuvent entrer dans des temples religieux mais ils n’ont pas le droit d’y faire de rituels religieux. Ce qui explique pourquoi, par exemple, les Ouïghours qui font le Ramadan ne peuvent être membres du PCC (et ce qui a donné en Occident la version médiatique qu’on traque en Chine les fonctionnaires pratiquant l’islam, mais en fait on les exclut du Parti comme tous les autres pratiquants). Mais elle reconnaît que dans le Parti on trouve des gens qui camouflent leurs croyances.

J’ai eu aussi une longue discussion avec un cadre de l’ID CPC sur la question de savoir comment empêcher la dégénérescence du pouvoir populaire. Il m’a parlé du rôle très important de la Commission de contrôle au niveau central et à chaque niveau de l’organisation. Elle a plus de pouvoir que le Comité central et peut enquêter sur n’importe quel membre de la direction du Parti. Le Parti avance selon lui selon le principe « d’auto-révolution » qui vise à ce que chaque membre et chaque organisation du Parti s’améliore et surveille son propre comportement et celui de ses camarades. Chaque membre du Parti doit contrôler la discipline et l’honnêteté de chaque camarade, à quoi s’ajoute la formation théorique par la lecture des œuvres du marxisme-léninisme et de Mao Zedong. Le Parti à chaque niveau consulte les masses à propos du comportement des membres du Parti. Chaque promotion se fait après avoir envoyé le membre promu dans différentes missions et enquêté auprès des masses de chaque lieu d’activité sur l’opinion qu’elles ont du militant en question. Si les opinions concordent dans ces différents lieux, le militant est élu cadre à un niveau de base et ainsi de suite jusqu’au niveau national. Donc chaque cadre du Parti a d’abord « tourné » à différentes missions dans son entreprise puis son quartier, puis ensuite au niveau de son district, puis de sa province et finalement au niveau de tout le pays. Et c’est donc après ce processus qu’il peut être élu au Comité central où il reste sous la surveillance de la Commission de contrôle et « des masses » parmi lesquelles il est en mission.

Un autre point que j’ai remarqué en Chine c’est que le noyau dirigeant chinois est très masculin mais que les femmes sont particulièrement nombreuses à l’échelon immédiatement inférieur, dans le Parti comme hors du Parti (direction des départements au Parti, des hôpitaux, etc.)

Le hasard a fait que à la table d’à côté du restaurant de l’hôtel où nous étions, j’ai remarqué une délégation syrienne (que j’allais recroiser d’ailleurs au Qinghai) et je suis allé vers eux. Cette délégation était nombreuse et pour moitié composée de femmes, c’était une délégation officielle du Baath socialiste arabe syrien (le parti du président Assad), ce qui montre l’étroitesse des relations de ce parti avec le PCC. J’ai donc discuté avec eux un long moment. La discussion a été très chaleureuse, ils m’ont dit que la Syrie n’avait pas cédé et que maintenant, même si la situation économique du pays sous blocus était catastrophique, la partie était gagnée, les Occidentaux n’ayant pas réussi à casser la colonne vertébrale du peuple syrien. J’ai expliqué que j’avais été deux fois en Syrie avant la guerre et que j’y avais même rencontré le président Assad dans le cadre d’une visite organisée par l’Appel franco-arabe et les éditions Le temps des cerises (dirigée alors par Francis Combes). Je garde de cet échange ce qu’ils m’ont dit lors de notre conversation, à savoir qu’en Syrie on fait la différence entre le peuple de France et ses élites, qu’un sentiment de solidarité très fort existe chez les baathistes envers la Russie, la Chine et l’Iran et qu’ils sont persuadés que l’intégration de toute l’Eurasie est en route alors que les USA sont sur le déclin. « Malgré le fait qu’ils détruisent notre monnaie, qu’ils nous affament, qu’ils volent notre pétrole et qu’ils bloquent même l’importation de médicaments, nous restaurons nos capacités productives, nous sommes un peuple patient, nous avons le temps et la ténacité et nous avons déjà gagné. La Russie n’a jamais été défaite dans l’histoire et en s’attaquant à elle les USA se sont condamnés, les Européens doivent comprendre que la guerre que les USA ont lancé contre la Russie est encore plus une guerre contre les Européens »

Visite de la communauté de résidents de Wentingxiang à Xining (Qinghai)

La première journée de séjour à Xining, la capitale de la province la plus pauvre du pays, le Qinghai, nous nous sommes promenés sans programme dans la ville. Une ville très moderne qui a connu un agrandissement très récent et où habite presque la moitié de la population de la province (la plupart des constructions remontent à moins de 15 ans). C’est une ville à majorité han dans une province où les minorités nationales représentent la moitié de la population (Tibétains, Mongols, Houeï-musulmans, Ta et autres).

Nos hôtes ne cachent pas qu’ils ont voulu nous montrer leurs réalisations dans cette région pauvre, pluriethnique et encore écologiquement préservée et que c’est la raison pour laquelle c’est une province pilote. Ce que nous verrons seront des réalisations modèles qu’il faudra ensuite généraliser à l’ensemble de la province et du pays. L’expérience acquise par les Chinois en Afrique et ailleurs à l’étranger leur a servi disent-ils pour faire de même dans les régions intérieures défavorisées de la Chine. C’est donc à partir d’une expérience extérieure que les Chinois se sont mieux attelés à une tâche comparable chez eux.

Notre visite de Xining a donc commencé par la visite de la communauté de résidents de Wentingxiang construite récemment et qui est un quartier modèle récemment visité par Xi Jinping. Il y a dans cette communauté de logements 7 232 logements construits en hauteur pour 22 000 habitants. La communauté est divisée en petites cités, chacune ayant son propre comité de résidents. L’organisation du Parti de la communauté compte six cellules avec 952 membres. La majorité des habitants appartient à l’ethnie han mais les minorités nationales sont regroupées dans une cité afin de faciliter la préservation de leurs langues et de leurs traditions culturelles. L’objectif affiché est donc de faciliter l’intégration pluri-ethnique par une cohabitation au sein de la communauté de résidents tout en préservant simultanément les traditions culturelles des minorités nationales. Chaque minorité nationale peut cultiver ses traditions et les faire partager aux habitants de toute la communauté. C’est ainsi que pour les fêtes lamaïstes tibétaines, le nouvel an tibétain ou l’Aid musulman, tous les habitants sont sollicités pour assister à des manifestations artistiques et goûter à des plats spécifiques. J’ai pu remarquer que, en Chine, le port du foulard islamique pour les femmes ou de la chechia pour les hommes est assez répandu et ne semble poser aucun problème, il est considéré comme une tradition culturelle ethnique tout aussi respectable que les habits traditionnels des autres minorités, y compris à l’école où la tendance dominante reste cependant l’uniforme commun à tous les élèves de chaque établissement, et se différenciant des uniformes d’autres établissements. On peut remarquer que beaucoup d’élèves portent aussi le foulard rouge de l’organisation des pionniers de la jeunesse communiste.

Une partie des activités sociales de la communauté est déléguée à des bénévoles. Les personnes âgées habitent avec les plus jeunes ou dans des logements où elles sont mélangées avec des plus jeunes. Chaque personne âgée doit pouvoir avoir à moins de quinze minutes de marche un accès à un club où elle pourra exercer des activités sociales permettant aussi de mieux irriguer leur cerveau (calligraphie, chant, broderie, peinture, lecture, etc.). Un local existe pour des consultations médicales et psychologiques. Le vivre ensemble est favorisé par le biais d’activités communes et d’activités de dialogue visant à éliminer les sources de tensions ou de violences. Des activités de formation sociales, artistiques, politiques, etc sont proposées. Les habitants modèles sont proposés en exemple à leurs voisins et les personnes âgées ayant eu un parcours de vie intéressant sont sollicitées comme exemple pour parler de leurs vies aux plus jeunes. Tous les samedis ont lieu des rencontres de voisinage pour promouvoir « l’auto-gouvernance » et « l’harmonie collective », et éliminer à la base les problèmes d’insécurité et d’incivilité afin qu’ils soient réglés avant d’avoir besoin de faire appel à la police. Le commissariat local de la « police du peuple » est en relation directe avec les comités de résidents pour prévenir les tensions et mener des activités d’éducation au droit. L’objectif affiché par les élus de la communauté est de ne laisser personne seul ou inactif, quel que soit son âge, ce qui passe par l’encouragement au bénévolat pour bâtir le lien social. Cette communauté est évidemment joliment construite, très verte, et fait figure de modèle à suivre. On peut penser que c’est une communauté exceptionnelle et que son rôle est de servir d’exemple à ce que le pouvoir cherche à propager sur tout le territoire. J’ai pu toutefois remarquer que partout où je passais en Chine, les allées étaient fleuries, les autoroutes bordées de larges espaces boisés, que les immeubles d’habitations ont tous un style spécifique, que les éclairages sont tous disposés la nuit de manière artistique, ce qui nécessite sans doute de fortes dépenses en électricité et que toutes les constructions nouvelles sont faites en tenant compte de critères écologiques visant à l’auto-suffisance de chaque unité en matière d’autonomie énergétique (panneaux solaires sur les toits, etc.).

(à suivre)

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