Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A la veille d’une possible intervention française au Niger, quel est le rapport des forces en présence ?

La France n’a aucune légitimité à intervenir, aucun mandat du Conseil de sécurité et elle n’en aura pas. Il ne lui reste donc qu’à masquer une intervention de ses armées – sous le prétexte de défendre les institutions “démocratiques” (c’est-à-dire ceux qu’elle contrôle encore directement ou par le biais des USA, voire de la Grande-Bretagne dans une relation d’alliance et de concurrence impitoyable), ou l’invention d’une mainmise russe ou chinoise – à intervenir sous le parapluie de la Cédéao. Qu’en est-il même sur ce plan-là ? Il est clair que si la France obtenait finalement une mise à feu et un conflit qui embraserait l’Afrique, elle ne peut même pas être sûre de “SES” troupes… Il y a un aspect aventurier dans cette option qui porte encore plus la marque des technocrates du PS que de la prudence et des réseaux de la françafrique de Foccart, mais ces derniers ont également perdu pied. L’Afrique est en train de reconquérir sa souveraineté et la seule réponse de l’impérialisme ici comme ailleurs est la destruction des populations, de leur environnement, un ultime autodafé à la gloire coloniale et de toutes les exploitations… Est-ce que les Africains seront aussi stupides que les Européens et se rangeront-ils derrière LCI et sa propagande ou auront-ils la force de résister à un tel chantage dans des conditions de misère et total dépouillement qui leur a été imposé ? (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

Un soldat nigérian devant des locaux de la Cédéao à Abuja, au Nigeria. (image d'illustration)

Qu’est-ce que “la force en attente de la Cédéao” ?

La « force en attente » de la Cédéao est déployée dans le cadre de missions liées au maintien de la paix. Elle a par exemple été déployée au Liberia en guerre civile en 1990, en Sierra Leone en 1997, également en guerre civile depuis 1991, en Gambie en 2017 lorsque le président sortant refuse de quitter le pouvoir après sa défaite à la présidentielle, et à plusieurs reprises en Guinée-Bissau. Mais la Cédéao « ne s’est jamais entendue sur le type de missions spécifiques que doivent faire ces forces-là », explique Marc-André Boisvert, chercheur et consultant sur le Sahel affilié au Centre FrancoPaix à Montréal, interrogé par l’AFP. « Fondamentalement, la force africaine en attente n’a pas été pensée pour rétablir l’ordre constitutionnel dans un pays où il y a eu un putsch (…) les États africains sont très jaloux en général de leur souveraineté et notamment dans les affaires de sécurité et de défense », estime de son côté Elie Tenenbaum, de l’Institut français des Relations Internationales (IFRI), toujours auprès de l’AFP. Comme le rappelle Le Monde, la Cedeao n’a d’ailleurs déployé sa force « lors d’aucun des récents coups d’État, ni en Guinée et au Mali en 2021, ni au Burkina Faso en 2022 ».

Des désaccords entre les pays ouest-africains


Le déploiement de cet engagement militaire « dépend de la volonté des contributeurs », ce qui « nécessite beaucoup de négociations entre les pays », note Marc-André Boisvert. Or il note « énormément de méfiance entre les pays » de la Cédéao. Plus largement, de nombreux pays ouest-africains ont fait part de leurs réserves. Le Cap vert et le Togo ont dit leur refus de toute intervention. Si le Bénin ou la Côte d’Ivoire se disent prêts à envoyer des troupes, alors même qu’une forte opposition se déchaîne au Bénin, et que nul ne peut ignorer les divisions de la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso estiment eux qu’une telle intervention serait « une déclaration de guerre » faite au Niger. L’Algérie voisine a également estimé qu’une action militaire serait « une menace directe » pour sa propre sécurité. Des critiques internes se font également entendre. Au Nigeria, parlementaires et responsables politiques, jusqu’au Sénat, demandent au président de reconsidérer sa position favorable à une intervention. Au Sénégal, plusieurs voix s’opposent à une action militaire, à laquelle le chef de l’État est lui aussi favorable alors même que le président sénégalais est accusé d’abus de pouvoir face à sa propre opposition. L’un de ces textes a été signé par plus de 170 personnalités politiques et issues de la société civile, rappelle RFI.

Une réunion des chefs d’état-major de la Cédéao devait se tenir samedi dernier à Accra, au Ghana, pour discuter « des meilleures options » après l’activation de la « force en attente ». Mais le rendez-vous a été repoussé sine die pour « des raisons techniques », selon des sources militaires régionales. Une nouvelle réunion, cette fois du Conseil de paix et sécurité, en charge des conflits au sein de l’Union africaine (UA), se tenait ce lundi à Addis-Abeba en Éthiopie. Face à cette situation de refus plus ou moins manifeste parce que paradoxalement les pays africains sont plus attachés à leur souveraineté que les pays européens, il faut considérer ce que représente le Niger.

Le Niger en position de force sur le plan militaire


D’après le général sénégalais Mansour Seck, cité par l’AFP, « une opération pareille doit mobiliser 3 000 à 4 000 soldats ». Or, « il est difficile de dégager des effectifs dans ces armées qui sont fragiles et manquent de moyens », estime Elie Tenenbaum. Au Mali et au Burkina Faso, l’armée est déjà aux prises avec des groupes jihadistes. Un économiste cité par Jeune Afrique note aussi « les difficultés » rencontrées par le Nigeria pour « maintenir la stabilité sur son propre territoire ». Le pays, dont le président est à la tête de la Cédéao, est la troisième armée d’Afrique selon Les Échos. Il faut voir qu’une des principales accusations face à la France, outre son exploitation néocoloniale, est comme les Etats-Unis d’être de mèche avec “les terroristes” que le gouvernement français soutiendrait en sous main pour justifier la présence de ses forces armées. Jusqu’à maintenant, seule la Côte d’Ivoire, dont le président estimait le 10 août que l’intervention devait avoir lieu « dans les plus brefs délais », a indiqué précisément le nombre d’hommes qu’elle pourrait mobiliser : un millier. En face, l’armée nigérienne serait forte d’environ 30 000 hommes, dont 11 000 déployés sur le théâtre d’opérations, selon les estimations du président Bazoum en 2022 rapportées par l’AFP.

Quelle réponse de l’armée nigérienne ?


D’après Amadou Bounty Diallo, analyste et ancien militaire nigérien contacté par l’AFP, les chefs d’état-major de la Cédéao « veulent prendre l’aéroport de Niamey », notamment pour y déployer des troupes aéroportées. Mais pour le général Seck, « la piste d’atterrissage est facile à occuper par les putschistes, il suffit qu’ils y mettent des milliers de jeunes », sur lesquels les pilotes ne pourront pas tirer. « Ce ne sera pas une opération militaire simple (…) L’enlisement est l’un des risques encourus, cela dépend aussi de la détermination des gens sur place » analyse-t-il auprès de l’AFP. Une opération aérienne sur le palais présidentiel où est retenu le président renversé – dont les conditions de détention inquiètent jusqu’à l’Onu – serait aussi une option, selon Amadou Bounty Diallo. Mais le Niger possède « une défense antiaérienne moderne qui est capable d’abattre leurs aéronefs », note-t-il.
La Cédéao pourra-t-elle compter sur le soutien de certains militaires nigériens ? D’après un conseiller du président déchu, la garde présidentielle, forte de 700 hommes, s’est associée au coup d’État « pour éviter un bain de sang ». « Une fois que ça va se concrétiser, vous verrez beaucoup d’unités se désolidariser », veut-il croire. Une source sécuritaire nigérienne affirme au contraire à l’AFP que « les soldats nigériens ne fuiront pas, c’est mal connaître leur mentalité : l’intervention va les souder ». Les putschistes bénéficient par ailleurs d’un fort soutien de partisans manifestant régulièrement dans la capitale, et se disant prêts à venir au secours de l’armée. Parce qu’au-delà des petits soldats alignés sur le papier il y a l’adhésion populaire celle de la jeunesse en particulier. Et même cette exigence de souveraineté largement partagée comme on l’a vu à Saint-Pétersbourg lors du sommet Russie Afrique que nous analysons par ailleurs, les attentes face au sommet des Brics qui doit intervenir sous peu.

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