Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

LE DOLLAR, DE PLUS EN PLUS FATIGUÉ

J’ai lu récemment quelque chose qui m’a paru tout à fait pertinent à savoir que peu de professions jouent sur les mots avec autant de mauvaise fois que les économistes. La raison : il leur est toujours plus facile de réfuter un argument peu sérieux que de s’attaquer aux plus grandes questions de l’heure. Les arguments avancés ces jours-ci par Lawrence Summers au sujet de la rivalité entre le yuan chinois et le dollar américain en sont la preuve. Summers, l’ancien secrétaire américain au Trésor, a fait la une des journaux cette semaine en détaillant pourquoi le yuan n’est pas de si tôt une menace pour la domination du dollar en tant que monnaie de réserve. Pratiquement tout le monde y compris les non spécialistes sait déjà qu’une monnaie qui n’est pas entièrement convertible ou adossée à des marchés de capitaux profonds ne peut pas acquérir un statut de réserve. Mais cette affirmation permet d’éviter l’éléphant proverbial dans le magasin de Porcelaine et là, c’est la dette nationale américaine qui se dirige vers 32 000 milliards de dollars. Le fait que désormais le temps est révolu où les Etats-Unis pouvaient imprimer du dollar sans provoquer d’inflation, et ignorer ce changement fondamental c’est ne pas mesurer à quel point la situation est devenue ingérable y compris pour le capital, comme le détaille l’article ci-dessous d’un tenant de l’économie libérale et d’un site de conseil en placement des capitaux. (note de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

Illustration qui n’a pas grand chose à voir avec le sujet, encore que, mais j’apprécie Elliott Erwitt son auteur et ce qu’il dit de la photographie qui est vrai dans bien d’autres domaines. “Je pense que l’ingrédient principal, ou un ingrédient principal de la photographie, c’est la curiosité. Si vous êtes assez curieux et si vous vous levez le matin et sortez prendre des photos, vous aurez probablement plus de chance que si vous restiez à la maison. »
– Elliott Erwitt – À propos de la photographie (2014)

rédigé par Bill Bonner 26 avril 2023

Les baby-boomers du monde monétaire commencent à grincer des dents…

Comment pouvons-nous « avancer » vers l’avenir, alors que le passé était si agréable ?

En tant qu’Américains, nous sommes toujours détenteurs de la monnaie de réserve mondiale. Nous pouvons « imprimer » de l’argent pratiquement sans frais… et le reste du monde l’accepte à sa valeur nominale. Vous voulez acheter du pétrole ? Mieux vaut avoir des dollars.

Nous pouvons envahir d’autres pays… mais ils ne peuvent pas nous envahir. Nous avons environ 750 bases militaires (personne ne le sait avec certitude) dans le monde entier.

Nos actions valent 45 000 Mds$. Nos biens immobiliers valent 36 000 Mds$. La valeur nominale des seules obligations d’Etat américaines s’élève à 31 000 Mds$.

Nos universités facturent 50 000 $ par an et plus… mais elles sont remplies d’étudiants étrangers désireux d’apprendre nos secrets.

Et nos écrits ont force de loi… dans le monde entier. Les Russes souhaitent revenir sur les frontières qu’ils ont eux-mêmes tracées entre eux et leurs anciennes sœurs soviétiques ? Demandez-nous d’abord !

Sympa, non ?

La fin d’une époque

Eh bien, dites au revoir à tout cela… car, qu’on le veuille ou non, cette époque est révolue. Elle s’est achevée dans les derniers jours de juillet 2020. C’est à ce moment-là que la tendance – qui avait duré plus de 40 ans – des taux d’intérêt de plus en plus bas, sans inflation, a finalement atteint son point le plus bas.

Aujourd’hui, nous allons voir comment et pourquoi il en sera ainsi.

Il y a deux semaines, Joe Biden était en Irlande. La presse s’est intéressée à l’animal de compagnie du président Michael O’Higgins, Misneach, un bouvier bernois. Lorsque Joe Biden s’est approché, Misneach – qui est un bon juge de caractère – a aboyé et grogné.

Pendant que Misneach était applaudi dans le monde entier, les dirigeants chinois et brésiliens se rencontraient à Pékin.

« Tous les soirs, je me demande pourquoi tous les pays doivent baser leur commerce sur le dollar », a déclaré le président Lula.

Beaucoup de gens se posent la question. Bloomberg :

« Les membres des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – devraient dépasser le G7 dirigé par les Etats-Unis en termes de contribution à la croissance économique mondiale dès cette année, a rapporté Bloomberg lundi.    

Selon les calculs de l’agence, basés sur les dernières données du FMI, les pays BRICS contribueront à 32,1% de la croissance mondiale, contre 29,9% pour le G7.

Le rapport indique qu’en 2020, les contributions des pays BRICS et du G7 à la croissance économique mondiale étaient égales. Depuis lors, les performances du bloc dirigé par l’Occident ont diminué. D’ici 2028, la contribution du G7 à l’économie mondiale devrait tomber à 27,8%, tandis que celle des BRICS s’élèvera à 35%. »

Les BRICS, par les BRICS

Voyons voir, les BRICS sont plus peuplés. Et depuis 2020, leur économie s’est développée. Pourquoi ont-ils besoin de dollars ?

Si les États-Unis ont pu « imprimer » autant d’argent frais sans provoquer d’inflation, c’est en partie parce que les dollars supplémentaires ont été dépensés en produits fabriqués à l’étranger. Ils ont été envoyés dans des pays comme la Chine et le Vietnam… et ne sont jamais rentrés au pays. Au lieu de cela, ils ont été repris par les banques centrales étrangères en tant que « réserves ». Mais les choses sont en train de changer… et plus rapidement que prévu. Bloomberg :

« Le dollar perd son statut de réserve à un rythme plus rapide que ce qui est généralement accepté, car de nombreux analystes n’ont pas pris en compte les fluctuations brutales des taux de change de l’année dernière, selon Stephen Jen.

La part du billet vert dans les réserves mondiales a diminué l’année dernière à une vitesse dix fois supérieure à la moyenne des deux dernières décennies, car un certain nombre de pays ont cherché des alternatives de paiement après que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déclenché des sanctions, ont écrit M. Jen et sa collègue d’Eurizon SLJ Capital Ltd. Joana Freire dans une note. En ajustant les mouvements des taux de change, le dollar a perdu environ 11% de sa part de marché depuis 2016 et le double depuis 2008, ont-ils indiqué. » 

Le dollar est toujours roi. Mais la guillotine est là. Voici ce que rapporte silkroadbriefing.com :

« Le Pakistan abandonne le dollar américain et l’euro pour commercer avec la Chine en yuans RMB.

Le professeur Ahsan Iqbal, ministre pakistanais de la Planification, du Développement et des Initiatives spéciales, a déclaré que le Pakistan soutenait depuis longtemps les efforts de la Chine visant à étendre l’utilisation du Renminbi (RMB) en tant que monnaie mondiale. »

Et voici ce que dit le site ZeroHedge :

« Ces derniers mois, le Brésil et l’Argentine ont discuté de la création d’une monnaie commune pour les deux plus grandes économies d’Amérique du Sud.

Lors d’une conférence à Singapour en janvier, plusieurs anciens responsables d’Asie du Sud-Est ont parlé des efforts de dédollarisation en cours.

Selon Reuters, les Emirats arabes unis et l’Inde sont en pourparlers pour utiliser des roupies afin d’échanger des produits de base non pétroliers et de s’éloigner du dollar.

Pour la première fois en 48 ans, l’Arabie saoudite a déclaré que le pays riche en pétrole était ouvert aux échanges dans des monnaies autres que le dollar américain. »

Les moteurs de la lutte contre le dollar

Mais les attaques contre le dollar ne viennent pas seulement des pays des BRICS en plein essor. Voici ce qu’en dit Business Insider :

« La campagne anti-dollar menée par l’Asie s’est étendue à l’Europe, la France devenant de plus en plus aigrie par la domination du billet vert.

Aujourd’hui, même l’Europe semble prendre le train de l’anti-dollar, le président français Emmanuel Macron ayant récemment mis en garde contre la dépendance du continent à l’égard du billet vert. »

Hier, le dollar était au sommet du monde. Aujourd’hui, il dégringole. Demain, très probablement, nous saurons ce qu’il adviendra de tous ces milliers de milliards de dollars, désormais détenus à l’étranger, lorsque le billet vert ne sera plus nécessaire en tant que « monnaie de réserve ».

Lorsqu’ils sont partis, les yeux brillants, les dollars étaient le bras armé de la puissance montante du monde, en route vers un avenir glorieux. Aujourd’hui, les baby-boomers du monde monétaire reposent dans leurs coffres-forts, rêvant des amours et des triomphes commerciaux d’hier. Leurs cheveux sont gris. Le front plissé par l’inquiétude. Le dos voûté. Faibles. Fragiles.

Les Américains doivent se préparer à les accueillir chez eux.

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