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L’Allemagne frappée par une « mégagrève »

Les travailleurs ont compris l’essentiel : la hausse des taux d’intérêt signifie que face à la possible reprise et donc à la diminution du chômage, les travailleurs vont réclamer des hausses de salaire, donc les capitalistes et leurs gouvernants choisissent la récession (et la guerre) plutôt que de leur accorder leur droit. (note de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

Article de Par V.P. avec AFP • Il y a 9 h

Un mouvement sans précédent. Une mobilisation d’une ampleur rarissime en Allemagne a débuté ce lundi. L’objectif est clair : paralyser tout le secteur national des transports, alors que les syndicats réclament des hausses de salaire pour faire face à l’inflation.P

Les salariés des aéroports, du rail, du fret maritime, des sociétés d’autoroutes et des transports locaux ont commencé à minuit (22 h 00 GMT) un arrêt de travail de vingt-quatre heures. Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte de tensions sociales croissantes en Allemagne, où les grèves pour les salaires se multiplient depuis le début de l’année, des écoles aux hôpitaux, en passant par La Poste allemande (Deutsche Post).

Contrairement à des pays comme la France, un tel mouvement unitaire des syndicats EVG et Ver.di, représentant respectivement 230 000 salariés des sociétés ferroviaires et 2,5 millions d’employés des services, est extrêmement rare.

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Terreau favorable

Cette Mega-Streik (« mégagrève »), comme l’ont déjà baptisée les médias allemands, touche un pays où les prix se sont envolés depuis plus d’un an, avec une inflation qui a atteint 8,7 % en février. EVG et Ver.di demandent plus de 10 % de revalorisation salariale. Les employeurs (États, communes et entreprises publiques) proposent une augmentation de 5 % avec deux versements uniques de 1 000 et de 1 500 euros.

Les syndicats ont tablé sur une « large mobilisation ». Depuis ce matin, près de « 30 000 salariés » du secteur ferroviaire ont déjà cessé le travail, selon EVG. Dans tout le pays, « le trafic des grandes lignes a été suspendu, tout comme les lignes régionales », selon la Deutsche Bahn. Les vols sont annulés dans la plupart des aéroports, dont les deux principaux, Francfort et Munich.

Dans de nombreuses grandes villes, les transports publics sont extrêmement perturbés. À Berlin, le réseau S-Bahn (composés de lignes de tramway et métro), est bloqué. L’association des aéroports allemands (ADV) a dénoncé une stratégie « d’escalade des grèves sur le modèle de la France », où les journées de mobilisation se succèdent contre la réforme des retraites.

Un manque de main-d’œuvre

« Un conflit social qui n’a pas de répercussions est un conflit social inoffensif », a répliqué Frank Werneke, président du syndicat Ver.di. Le terreau est de plus en plus favorable au mouvement social en Allemagne, qui s’éloigne de la culture du consensus qui a fait sa réputation. « Il y a eu plus de grèves ces dix dernières années en Allemagne que dans les décennies précédentes », observe Karl Brenke, expert de l’institut économique DIW interrogé par l’Agence France-Press

Avec un niveau de chômage particulièrement bas depuis la fin des années 2000, le pays souffre d’un manque de main-d’œuvre qui met « en position de force » les syndicats dans les négociations, selon Karl Brenke. Depuis le milieu des années 2010, ceux-ci ont réussi à imposer des augmentations et ce après une décennie marquée par la politique de modération salariale au nom de la compétitivité de l’ère Gerhard Schröder.

En 2015, un record a été enregistré, avec plus de 2 millions de jours de grève dans l’année. Les salaires réels ont augmenté systématiquement de 2014 à 2021, sauf en 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. La dynamique a été brisée par l’inflation en 2022, avec une baisse de 3,1 %.

« Maintenu en vie »

La mobilisation pour les salaires dans les services s’accompagne de manifestations. « Les prix de l’essence et de la nourriture ont augmenté. Cela a fait baisser mon pouvoir d’achat » résume à l’Agence France-Presse Timo Stau, 21 ans, croisé dans une manifestation sur la Friedrichstrasse, avenue emblématique de Berlin. « Nous avons maintenu le service public en vie pendant la pandémie. Maintenant, nous voulons plus d’argent », renchérit Petra, 60 ans, agente des douanes.

Après la menace d’une « grève à durée indéterminée », les 160 000 salariés de la Deutsche Post, qui négocient à part, ont déjà obtenu début mars une hausse de salaire moyenne de 11,5 %. Fin 2022, près de 4 millions de salariés allemands de l’industrie ont décroché une hausse de salaires de 8,5 % sur deux ans, après plusieurs semaines ponctuées par des arrêts de travail.

Mais la contestation est plus large. « Ce n’est pas qu’une question de salaire mais de moyens », a déclaré à l’Agence France-Presse Jan Exner Konrad, 34 ans, participant à une manifestation de professeurs à Berlin jeudi.


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