Après vous avoir fait suivre le parcours de l’écrivain anarchiste protéiforme Traven, voici que je partage les récriminations de ce marxiste des Etats-Unis, quelle incohérence reflétant “l’époque”. Cet universitaire marxiste vitupère non contre l’anarchisme tel qu’il existait du côté des Asturies et du Mexique, ni même chez les travailleurs du rail, chez le vagabond de Chicago, le hobo, mais en fait contre le woke et une grande partie des démocrates qu’il estime totalement “cinglés”… la grande différence n’est-elle pas qu’il y eut une anarchie ouvrière et que celle-ci est petite bourgeoise, nihiliste? mais ça ne durera pas… Vu la vitesse du déclassement et le retour en force de l’extrême-droite conservatrice chacun devra choisir son camp et s’organiser en conséquence… D’ailleurs on ne peut manquer dès aujourd’hui de voir comment des gens qui ont connu des dérives face à des questions comme la paix, le refus de l’OTAN, autant que la résistance à la mise en coupe réglée de nos conquis sociaux, basculent dans un camp ou dans un autre… (note et traduction de Danielle Bleitrach)
Les conservateurs nous disent que les marxistes ont colonisé nos institutions, en particulier les systèmes culturels et éducatifs. En tant que marxiste, j’avoue que je connais une poignée d’autres marxistes dans le système universitaire, mais il y en a très peu (je crois que je suis le seul sur mon campus) et leurs idées s’estompent.
C’est frustrant. La conception matérialiste de l’histoire de Marx devrait être le fondement de l’anthropologie et de la sociologie de la même manière que la conception matérialiste de l’histoire naturelle de Darwin est le fondement des sciences de la vie. Mais ce n’est pas le cas. Ainsi, les sciences sociales restent pré-paradigmatiques au sens kuhnien.
Ce que je vois beaucoup à l’université, leurs idées cinglées intégrées dans les programmes et la pédagogie 4k-12, ce sont les postmodernistes et les constructionnistes sociaux. Vous souvenez-vous de ce merveilleux passage de Matthieu ? « Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous déguisés en brebis, mais intérieurement ce sont des loups voraces. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. » L’attaque contre la république et son credo représentent le fruit d’une politique anarchiste et non marxiste. Le marxisme n’est pas utile à la bourgeoisie. Le marxisme donne du pouvoir aux travailleurs. L’anarchisme les désorganise.
L’anarchisme et le nihilisme en tant que cœur battant est un outil politique et culturel pour affaiblir les systèmes normatifs qui soutiennent le cadre institutionnel de la nation et les valeurs qui légitiment ses institutions clés. Les forces supranationales intensifient le projet de démantèlement du républicanisme démocratique. Ils dépeignent les Lumières comme une projection de la suprématie blanche. Le négationnisme scientifique est endémique. Les théories cinglées (théorie critique de la race, théorie queer, etc.) sont omniprésentes. La vie publique est perturbée par le chaos fabriqué et la controverse.
Marx et Engels comprenaient la menace que l’anarchisme représentait pour l’établissement d’une société plus libre et plus juste; si les universités étaient effectivement colonisées par les idées marxistes, toutes les absurdités que l’on y rencontre manqueraient. Au lieu de cela, les étudiants assistaient à des cours où ils apprenaient à faire de l’analyse de classe, à critiquer l’État corporatif et à se préparer à sortir dans le monde et à organiser les intérêts organiques du prolétariat. Les enseignants 4k-12 produits par un système universitaire dirigé par des marxistes constitueraient un rempart contre les théories cinglées adoptées par la bourgeoisie.
Les mêmes notions absurdes qui prévalent dans nos systèmes éducatifs et culturels circulent dans les salles de conseil des entreprises et dans les séances de formation des employés, où les gestionnaires et les professionnels ont pour instruction de les reprendre et de les utiliser pour contrôler les autres. Que ce qui apparaît comme une pensée de gauche dans nos grandes institutions vous indique que ce ne sont pas les idées de la gauche, mais plutôt les idées de l’ordre néolibéral des choses.
Parfois, je suis étonné que cela ne soit pas immédiatement apparent. Ensuite, je m’arrête et je me rappelle ce que je viens de dire ici : il y a très peu et de moins en moins de marxistes dans le système éducatif. Sans les idées du marxisme, et plutôt l’écrasement des idées bourgeoises, comment la jeunesse occidentale saura-t-elle jamais quoi chercher, et encore moins en reconnaître la vérité quand elle la verra ?
PUBLIÉ PAR
Andrew Austin
Andrew Austin est membre de la faculté d’études sur la démocratie et la justice et de sociologie de l’Université du Wisconsin—Green Bay. Il a publié de nombreux articles, essais et critiques dans des livres, des encyclopédies, des revues et des journaux.
https://andrewaustin.blog/2023/02/01/marxism-empowers-workers-anarchism-disorganizes-them/
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